Rapport d'information n° 147 (2017-2018) de MM. Claude KERN et Michel RAISON , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 7 décembre 2017

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 décembre 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l' électricité dans l' Union de l' énergie ,

Par MM. Claude KERN et Michel RAISON,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, MM. Thierry Foucaud, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, M. Claude Haut, Mmes Christine Herzog, Sophie Joissains, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert.

SYNTHÈSE

Combattre les émissions de gaz à effet de serre liées à la sphère énergétique est un objectif dont l'importance justifie amplement qu'il soit traité avec le plus grand sérieux et de façon complète, tout en identifiant de façon claire les trois fractions du mix énergétique par nature à même d'y contribuer : les énergies renouvelables intermittentes, les énergies renouvelables non intermittentes, la filière électronucléaire.

Symétriquement, la substitution du gaz au charbon est à court-moyen terme la plus prometteuse évolution du mix énergétique au niveau européen et sur le plan mondial. Dans la même perspective, la poursuite des progrès quant aux performances des dispositifs thermiques ne peut être négligée, ni pour contenir le réchauffement climatique, ni pour diminuer les émissions de substances toxiques dans l'air.

Les énergies obtenues à partir de sources renouvelables intermittentes sont vraisemblablement destinées à jouer un rôle très important à l'avenir, une fois satisfaites deux conditions sine qua non : que le prix de revient de l'électricité ainsi obtenue soit nettement inférieur aux filières hydrauliques ou nucléaires existantes ; que les moyens de stockage-déstockage soient disponibles à grande échelle, avec des conséquences acceptables pour les prix de l'énergie.

Dans l'immédiat, le seul mix énergétique permettant une décarbonation poussée associe la filière hydraulique - au fil de l'eau ou via des barrages en montagne - et les moyens électronucléaires. La montée en charge de la biomasse-énergie (pour la combustion, la réalisation de biocarburants ou de biogaz) est prometteuse à brève échéance en substitution au charbon, tout comme le recours à la géothermie.

Les évolutions à venir doivent se faire à un rythme compatible avec la compétitivité industrielle du Vieux Continent et la défense du pouvoir d'achat des citoyens. Cette condition est loin d'être neutre pour les réseaux de transport et de distribution d'électricité, dont l'évolution doit systématiquement être guidée par la sécurité de l'approvisionnement et son coût.

Les pouvoirs publics nationaux - notamment les autorités de régulation - ne sauraient être écartées ni des grands choix stratégiques, ni de la gestion permanente du système énergétique, enjeux majeurs pour les citoyens. En revanche, la coopération volontaire portant sur des enjeux communs identifiés comme tels doit être encouragée, en espérant qu'elle prospère plus encore dans le cadre de la coopération renforcée organisée par les traités européens.

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

1. Opter pour une approche réaliste des contraintes environnementales pesant sur le mix énergétique, en classant la filière électronucléaire parmi les productions d'électricité n'émettant dans l'atmosphère ni CO2, ni substance chimique nocive pour la santé, au même titre que l'énergie obtenue à partir de ressources renouvelables.

2. Sauf cas particuliers liés à des rythmes spécifiques de consommation, limiter aux besoins de la recherche appliquée la part de l'électricité obtenue à partir de sources intermittentes, jusqu'à l'émergence de filières de stockage-déstockage permettant de satisfaire les consommateurs finaux dans des conditions économiquement acceptables en l'absence de subventions.

3. Pour faire progresser la recherche, autoriser les États membres à publier des appels d'offres réservés à telle ou telle technologie prometteuse encore immature.

4. Faire du prix payé par tonne de CO2 émise le moyen de faire évoluer le mix énergétique dans un sens conforme à l'accord de Paris conclu en décembre 2015 lors de la COP 21.

4. Maintenir en l'état les compétences de l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER).

6. S'abstenir de créer les « centres de conduite régionaux » au sens de la proposition de règlement COM(2016) 861 sur le marché intérieur de l'électricité.

7. Autoriser les États membres à mettre en place des mécanismes de capacité tendant à garantir la sécurité d'approvisionnement, sans imposer le recours systématique à des capacités de production transnationales, ni subordonner leur pérennité à une validation effectuée par les centres de conduite régionaux, ni par l'ACER.

8. Laisser les États membres libres de déterminer des tarifs nationaux de référence, calculés par les autorités nationales de régulation dans des conditions compatibles avec la concurrence.

9. Revoir l'orientation en matière d'interconnexions électriques ou gazières pour faire prévaloir la cohérence entre ces ouvrages d'art, les capacités des réseaux nationaux de part et d'autre de la frontière, enfin les besoins des producteurs et consommateurs des pays concernés.

AVANT-PROPOS

À l'automne 2016, le système électrique de l'Union européenne restait marqué par une surcapacité globale due à la conjonction de deux facteurs indépendants l'un de l'autre :

- la crise économique de 2009 avait laissé une empreinte négative sur la croissance de la consommation ;

- certains États membres - principalement l'Allemagne, mais aussi l'Espagne et, dans une moindre mesure, l'Italie - avaient engagé une politique d'investissements massifs dans des capacités de production d'origine renouvelable intermittente, cependant que les capacités traditionnelles n'étaient réduites qu'à un rythme bien plus lent.

En revanche, les réseaux de transport d'électricité n'ont pas toujours été adaptés pour desservir les centres de consommation depuis les nouveaux lieux de production. De son côté, le fonctionnement des marchés de gros est resté basé sur le principe du coût marginal le plus faible. Il a donc spontanément avantagé l'électricité d'origine renouvelable, dont le coût marginal est nul. En outre, l'électricité obtenue à partir de sources intermittentes bénéficie systématiquement d'un accès au marché indépendant du niveau de la demande, alors même que cette filière a structurellement besoin de subventions pour exister.

Ces évolutions ont bouleversé le contexte dans lequel opèrent les électriciens traditionnels, dont la situation financière s'est inexorablement détériorée.

Dans ce contexte, la Commission européenne a publié le 30 novembre 2016 son « paquet d'hiver » intitulé Énergie propre pour tous les Européens , avec deux ambitions : décarboner le mix énergétique de l'Union en application de l'accord de Paris conclu en décembre 2015 dans le cadre de la COP 21 ; franchir autant de pas que possible dans le sens d'un système électrique placé sous le signe exclusif du marché unique européen, donc loin des autorités politiques de chaque État membre.

Appréhender de façon à la fois compréhensible et simple ce volumineux ensemble de documents dont la totalité approche les 5 000 pages est une gageure. Il est toutefois possible de distinguer dans la discussion de ce « paquet d'hiver », qui a déjà occasionné deux résolutions européennes du Sénat et deux avis motivés, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, quatre grands défis lancés à l'électricité européenne et quatre grandes orientations de la Commission européenne (I), avant de constater que la défense de leur souveraineté par les États membres ne les dispensera pas de mettre en commun des moyens de recherche (II).

I. I. QUATRE ORIENTATIONS FACE À QUATRE DÉFIS

A. LES QUATRE GRANDS DÉFIS LANCÉS À L'ÉLECTRICITÉ EUROPÉENNE

1. Satisfaire les acteurs économiques
a) Assurer l'approvisionnement

La première étape de la sécurité d'approvisionnement concerne les ressources naturelles énergétiques . Leur disponibilité a traditionnellement influencé les bouquets énergétiques. Elle le fera encore à l'avenir. Rares sont cependant les États dont les ressources naturelles sont exploitables dans des conditions économiquement acceptables, et suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins. D'où l'importance pour chaque État de garantir un accès aux ressources dont il a besoin. L'Union européenne souffre globalement d'une forte insuffisance de ses ressources naturelles énergétiques, mais elle peine à insuffler une même politique dans un domaine que le droit applicable laisse dans la sphère de souveraineté reconnue à chaque État membre 1 ( * ) .

Dans le cas particulier de l'électricité, l'interconnexion des réseaux a pour conséquence la possibilité qu'un black-out se transmette d'un espace national à un autre . L'élaboration et la mise en oeuvre de dispositifs tendant à contenir de telles perturbations et surtout à renforcer la résilience des réseaux électriques touchés ne peut évidemment relever du seul niveau national : une forme de coordination est indispensable, assurée soit par la coopération informelle entre opérateurs des États membres, soit sous l'égide de la Commission européenne. Malgré des attributions particulièrement limitées en l'espèce, celle-ci peut donc jouer un rôle substantiel pour assurer la permanence de l'approvisionnement en électricité.

Entre la répartition juridique des compétences et les impératifs économiques ou techniques inhérents aux réseaux d'électricité, apparaît une zone aux contours flous susceptible de favoriser l'éclosion de coopérations librement organisées par des opérateurs de plusieurs États membres, mais tout aussi adaptées au développement de coopérations renforcées organisées dans le cadre des institutions européennes, voire de coordinations mises sur pied par les instances de l'Union (Commission, Parlement et Conseil).

Ainsi, la nécessité d'un approvisionnement stable débouche paradoxalement sur une possible concurrence institutionnelle, source d'instabilité... Il ne devrait pas en aller de même pour la croissance économique et la compétitivité.

b) Libérer la croissance et soutenir la compétitivité

La compétitivité énergétique joue, pour l'Europe d'aujourd'hui, un rôle comparable à celui des bas salaires autrefois : le coût excessif de l'énergie encourage les délocalisations, mais cette fois vers l'Amérique du Nord au lieu de l'Asie. Globalement, le kilowattheure est actuellement trois fois plus cher de ce côté-ci de l'océan Atlantique, une évolution dont l'aggravation se poursuit.

Source : US Energy information administration (EIA)

Il reste que les tarifs acquittés par les consommateurs sont éminemment variables parmi les États membres. Deux causes expliquent l'essentiel des écarts observés : le prix de revient du mix énergétique ; le poids des subventions éventuellement versées aux filières d'électricité renouvelable, structurellement déficitaires actuellement.

La situation allemande illustre par excellence les conséquences d'une politique énergétique et tarifaire basée sur le développement soutenu de filières intermittentes non concurrentielles, avec des subventions passées de 10 milliards d'euros en 2010 à 25 milliards en 2017, en attendant 29 milliards en 2020. À titre de comparaison, le soutien aux énergies renouvelables en France, qui a coûté 1 milliard d'euros en 2010, devrait revenir à presque 5 milliards en 2017 et 5,5 milliards en 2018.

La Suède a privilégié un prix élevé du carbone. Il culminait en 2015 à plus de 340 € par tonne pour le chauffage des bâtiments au charbon. Avec un mix électrique fondé sur l'hydraulique et le nucléaire (42 % chacun), épaulés par l'énergie éolienne et la biomasse (7 % chacune) et un recours marginal aux énergies fossiles (à peine 2 %), la Suède pratique des tarifs d'électricité parmi les plus bas de l'Union européenne 2 ( * ) .

2. Satisfaire aux impératifs sociétaux
a) Préserver l'environnement

La production et la consommation d'énergie ne sont pas les causes uniques de la pollution aérienne, mais les choix énergétiques jouent un rôle déterminant dans la pollution imputable aux sites industriels et dans celle provenant des transports ou du chauffage.

Globalement, trois polluants atmosphériques liés au transport ont vu leur concentration diminuer de manière très sensible dans l'air que respirent les habitants de l'Union européenne. Cette évolution s'explique à la fois par le raffinage des carburants et par l'évolution des moteurs thermiques. Dans ce cas précis, la seule modification des matières premières énergétiques utilisées pour les transports est bien trop limitée pour avoir produit d'effet sensible 3 ( * ) .

En se projetant à moyen terme, il résulte des auditions que la réduction drastique des polluants provoqués par la circulation routière suppose en un premier temps une double évolution du mix énergétique :

- en ville, avec l'accroissement de la motorisation électrique ;

- pour la circulation interurbaine, notamment des poids-lourds, le passage du diesel au gaz.

S'agissant enfin des installations industrielles, les deux tiers de la pollution analysée par l'Agence européenne pour l'environnement sont imputables aux installations énergétiques, principalement aux centrales utilisant du charbon (houille ou lignite) et aux raffineries.

Bien que la qualité de l'air soit actuellement satisfaisante dans les villes du Vieux Continent selon les critères établis par l'Union européenne, tel est loin d'être le cas à l'aune des normes de l'OMS. 4 ( * )

D'autre part, l'accord de Paris, conclu à l'issue de la COP 21 en décembre 2015, impose de réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont le plus répandu est le gaz carbonique (CO2). Pour la production d'énergie, cet objectif conduit à privilégier les énergies renouvelables ne comportant aucune combustion, ainsi que la filière électronucléaire, puis le gaz, les biocarburants et la combustion de la biomasse.

Les produits pétroliers , a fortiori le charbon, sont les ressources énergétiques les moins satisfaisantes selon ce critère, avec un classement global identique à celui fondé sur la préservation de la santé.

b) Combattre la précarité énergétique

La prise en charge au moins partielle des dépenses figure parmi les moyens à disposition des pouvoirs publics pour combattre la précarité énergétique - définie comme l'existence d'un inconfort thermique dans le logement, ou d'une limitation de la mobilité provoquée par le coût excessif des dépenses nécessitées par la consommation d'énergie dans les transports.

Rares sont aujourd'hui les États membres qui reconnaissent la précarité énergétique en tant que telle et non comme simple composante de la pauvreté en général.

Au niveau de l'Union européenne, le « paquet d'été » de 2015, intitulé « Une nouvelle donne pour les consommateurs d'énergie » avait opéré un début d'ouverture en ce sens, mais la précarité énergétique n'est abordée que de façon indirecte dans le paquet d'hiver, via l'acceptation de tarifs sociaux, à titre exceptionnel, en cas d'extrême urgence.

Ainsi, la proposition de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité dispose : « Les États membres assurent la protection des clients vulnérables ou en situation de précarité énergétique, d'une manière ciblée par d'autres moyens que des interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité. » 5 ( * ) Le reste de l'article est consacré aux mesures tendant à encadrer et à limiter l'application d'un tarif social « pour la fourniture d'électricité aux clients résidentiels vulnérables dans la mesure où cela est strictement nécessaire pour des raisons d'extrême urgence ». En tout état de cause, l'autorisation de la Commission européenne serait requise.

Malheureusement, le paquet « Énergie propre pour tous les Européens » n'établit aucun lien entre le soutien aux économies d'énergie dans le domaine résidentiel et l'aide aux consommateurs vulnérables, alors que les consommateurs les plus modestes ne peuvent guère assumer investissements indispensables à la réduction de leur facture énergétique.

Tarif réglementé de vente, tarif de référence et tarif social

À l'évidence, aucune concurrence ne serait possible face à un tarif systématiquement inférieur au prix de gros sur le marché de l'énergie, augmenté du coût d'usage des réseaux de transport et de distribution ainsi que des taxes applicables. Au demeurant, les consommateurs ne seraient pas perdants, sinon en tant que contribuables... Mais un tarif réglementé de vente n'est pas nécessairement calculé dans le but d'éliminer la concurrence par des manoeuvres déloyales.

Et cette référence tarifaire ne doit pas être confondue avec un tarif social destiné aux consommateurs les plus vulnérables, dont la situation relève de mesures plus vastes qu'une simple réduction tarifaire.

B. LES QUATRE ORIENTATIONS ÉNONCÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. Promouvoir deux objectifs décorrélés des marchés
a) Améliorer la sobriété énergétique

Un principe en forme d'adage est volontiers formulé à l'appui de toute économie d'énergie : « L'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas ». Dans un système énergétique dominé par l'utilisation de ressources importées, tout accroissement de la demande se traduit par une pression sur la balance des paiements, susceptible de compromettre la poursuite de la croissance. C'est pourquoi les choix permettant de rendre les activités économiques plus sobres en énergie tendent ipso facto à libérer la croissance. Pour avoir en effet durable, la réduction de la teneur du PIB en énergie doit être permanente. C'est à l'évidence vrai pour l'industrie et le secteur tertiaire - singulièrement l'informatique, pour faire fonctionner les ordinateurs et de climatisation pour les refroidir. Mais cela reste exact pour le chauffage des logements, puisqu'une éventuelle réduction nette des dépenses subies par les ménages améliore leur pouvoir d'achat, tout en favorisant une modération salariale favorable à la compétitivité. L'industrie allemande, compétitive s'il en est dans l'espace européen, est caractérisée notamment par sa productivité énergétique.

Productivité de l'énergie dans l'industrie allemande

Source commune : Office franco-allemand pour la transition énergétique

L'efficacité énergétique en Allemagne . Juin 2017

Parmi les textes du paquet d'hiver, deux propositions normatives au dispositif classique portent sur la sobriété énergétique 6 ( * ) .

b) Assurer l'essor des énergies renouvelables

La détermination du mix énergétique relève des seuls États membres, sauf accord unanime au Conseil. La Commission européenne ne peut donc leur imposer d'objectifs autres qu'indicatifs. C'est ce qu'elle a fait, tout en ajoutant un objectif « contraignant » pour l'ensemble de l'Union 7 ( * ) .

Par ailleurs, se positionnant sur le terrain des passations de marchés publics, la Commission européenne veut imposer aux États membres des appels d'offres « technologiquement neutres » en matière d'énergies renouvelables, comme s'il n'était pas nécessaire de faire mûrir diverses filières d'avenir, encore immatures aujourd'hui, mais à des degrés variables. Il est donc indispensable de modifier le paquet « Énergie propre pour tous les Européens » sur ce point, d'ailleurs difficilement compatible avec la souveraineté des États membres.

La Commission européenne établit implicitement une équivalence entre énergies de sources renouvelables et énergie décarbonée, alors que certaines énergies renouvelables sont émettrices de gaz à effet de serre. En outre, la filière électronucléaire est décarbonée. Parmi l'ensemble des États membres, la Suède, la France et la Finlande sont ceux dont le mix électrique est le moins émetteurs de gaz à effet de serre. Les deux premiers ont un mix fondé sur le nucléaire et l'hydraulique, le troisième fait un appel plus élevé à l'éolien et à la biomasse, tout en plaçant la filière nucléaire au premier rang de son mix . Globalement, la relation statistique entre mix électrique et émissions de gaz à effet de serre fait apparaître trois groupes d'États membres, déterminés en fonction de deux paramètres : la part globale cumulée de la filière nucléaire et des énergies renouvelables hors biomasse ; la part du charbon. D'autre part, les énergies renouvelables sont traitées comme un tout homogène, alors que les conséquences économiques de ces ressources sont éminemment variables selon qu'elles sont ou non intermittentes. La déconfiture des grands opérateurs allemands de l'électricité s'explique très directement par la déstabilisation de leur modèle économique, induite par l'irruption de la production intermittente à des moments déterminés par la météorologie, non par les besoins des consommateurs. Cet inconvénient majeur subsistera tant que le stockage à grande échelle d'électricité restera un objectif à atteindre.

Finalement, les énergies obtenues à partir de sources renouvelables n'ont en commun que l'absence de tout besoin d'importation pour faire fonctionner les installations en place, malheureusement à un prix de revient excessivement élevé 8 ( * ) , qui rend indispensable un régime de subventions.

2. Contenir le champ des politiques nationales en assurant le primat du marché, complété par les interdépendances entre États membres
a) Généraliser le primat du marché

Le principe de ce primat fut clairement énoncé par la Commission européenne dès le 5 novembre 2013, dans sa communication « Réaliser le marché intérieur de l'électricité et tirer le meilleur parti de l'intervention publique », où figure notamment l'affirmation suivante : « les pouvoirs publics compétents doivent avant tout laisser jouer les forces du marché pour réaliser les investissements appropriés ». Une philosophie identique apparaît dans les propositions relatives aux mécanismes de capacité 9 ( * ) , la Commission européenne optant de façon très claire pour la philosophie dite « market only » (« seulement le marché ») pour satisfaire en permanence la demande exprimée au prix du marché. Très significativement, la Commission complète ce dispositif en voulant supprimer le plafond de 3 000 euros par mégawattheure, actuellement en vigueur sur les marchés de gros européens.

Pour s'assurer que les éventuels mécanismes de capacité mis en place par certains États membres n'ont pas de finalité protectionniste, la Commission européenne exige que des capacités transfrontalières de production électrique soient intégrées aux dispositifs 10 ( * ) .

Cette dernière exigence est très cohérente avec l'orientation de la Commission européenne tendant à développer des interconnexions électriques entre États membres 11 ( * ) . Les objectifs atteignent, pour chaque État membre, au minimum 10 % de la capacité de production installée à l'horizon 2020, puis de 15 % à l'horizon 2030 12 ( * ) . Dans son second rapport sur l'Union de l'énergie, en date du 1 er février 2017, la Commission européenne a souligné que 11 des 28 États membres n'avaient pas atteint l'objectif de 10 % fixé pour l'horizon 2020. Parmi les 11 « retardataires », figurent notamment les cinq principaux producteurs et consommateurs d'électricité au sein de l'Union : l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. Pourtant , les situations nationales sont extrêmement différentes . Ainsi, l'Allemagne manque de liaisons internes afin de relier de façon plus directe les éoliennes en mer du Nord et les industries automobiles fortement consommatrices d'électricité, implantées dans le sud du pays. L'Espagne a besoin d'interconnexions avec la France pour compenser la place des énergies intermittentes, mais elle manque également d'un réseau national suffisant.

Les exigences uniformes d'interconnexion peuvent donc sembler absurdes au regard des situations concrètes, mais il s'agit pour la Commission d'accroître le champ du marché. Son corolaire est le renforcement institutionnel de l'interdépendance entre États membres.

b) Développer les interdépendances institutionnelles entre États membres

La réforme proposée pour l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) 13 ( * ) , qui deviendrait Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie, s'accompagnerait d'une double extension des compétences actuellement reconnues à cet organisme . En premier lieu, celui-ci pourrait intervenir pour « d'autres questions de réglementation de portée transfrontalière » (article 6 de la proposition). Cette mention particulièrement vague pourrait conduire à une extension illimitée du pouvoir attribué à l'ACER. En second lieu, cette agence devrait se pencher non seulement sur les questions qui « présentent une importance générale pour l'Union », mais aussi approuver des décisions applicables à des « régions » constituées par plusieurs États membres (article 7).

La portée de cette double extension des compétences serait renforcée par la réforme du Conseil des régulateurs, instance décisionnelle de l'ACER, dont les décisions seraient dorénavant prises à la majorité simple et non à la majorité des deux tiers des membres présents. Ainsi, la prise de décision serait facilitée au sein d'une entité dont le champ de compétence serait considérablement étendu. Celui des États membres en souffrirait d'autant plus que des « centres de conduite régionaux » devraient être créés.

La proposition de règlement sur le marché intérieur de l'électricité tend en effet à créer des « centres de conduite régionaux » couvrant plusieurs États membres, conformément à un découpage opéré par l'ACER 14 ( * ) . Ces centres régionaux regrouperaient les gestionnaires des réseaux de transport des États membres concernés.

Chaque centre régional à adresser aux gestionnaires nationaux des décisions contraignantes dans quatre domaines essentiels pour la sécurité d'approvisionnement : le « calcul coordonné des capacités », « l'analyse coordonnée de la sécurité », voire « le dimensionnement régional des capacités de réserve », enfin « le calcul de la capacité d'entrée maximale disponible pour la participation de capacités étrangères aux mécanismes de capacité » (article 38). Portant sur la sécurité d'approvisionnement, ces quatre domaines relèvent de la souveraineté des États membres, qui s'oppose au transfert d'une compétence nationale en faveur d'une structure dite « régionale ».

Soutenu par le Parlement européen, cet ensemble de dispositions a reçu au Conseil un accueil dépourvu d'enthousiasme, car les États défendent leur souveraineté, en attendant d'unir leurs moyens dans la recherche.

II. LES ÉTATS DÉFENDENT LEUR SOUVERAINETÉ, MAIS LA RECHERCHE IMPOSERA D'UNIR LES EFFORTS

A. LA SOUVERAINETÉ NATIONALE DEMEURE UNE RÉALITÉ

1. La diversité des mix électriques

La diversité des mix électriques trouve sa première explication dans la géographie des ressources naturelles : les mines de houille et de lignite expliquent à l'évidence les particularités caractérisant la production d'électricité en Pologne et en Allemagne. L'apparition de nouvelles techniques n'échappe pas à cette règle, puisque la fréquence du vent à l'ouest de ses côtes contribue de façon déterminante à la hausse de la production éolienne au Danemark (où le charbon conserve une place éminente, peu médiatisée). L'économie et l'Histoire tendent à stabiliser les mix électriques, dont l'évolution peut exiger des investissements difficilement supportables, avec des conséquences très importantes pour l'emploi.

Le modèle de chaque énergéticien est caractérisé par trois facteurs : la part relative des coûts fixes et des coûts variables ; la plus ou moins grande disponibilité de la production ; la plus ou moins grande souplesse d'adaptation des installations aux variations de la demande.

Pour les États, s'ajoute l'utilisation des ressources naturelles dont ils disposent, la possibilité de ne pas assumer financièrement les conséquences des externalités négatives provoquées ou l'impossibilité d'obtenir une contrepartie aux externalités positives apportées. Le tableau ci-dessous retrace les émissions de CO2 induites par la production domestique d'électricité (en bleu foncé) et par les importations (bleu clair) d'octobre 2016 à septembre 2017 : Norvège, Suède et France ne peuvent considérer le prix du CO2 comme le font la Pologne, la Grèce ou la République tchèque (CZ). En outre, le rôle des importations justifierait un rapprochement entre la Suisse, l'Autriche et la Slovaquie (SK)...

Source : Energy for humanity. European Climate leadership report , novembre 217.

Le prix du CO2 émis

À défaut de réunir l'unanimité requise pour instituer une taxe sur les émissions de gaz carbonique, l'Union européenne a introduit un système d'échange de quotas d'émissions, via un marché créé à cette fin, où les émetteurs de CO2 (ou d'autres gaz à effet de serre, traités en « équivalent CO2 ») doivent payer les détenteurs de « certificats » inutilisés. Sans entrer dans le détail du dispositif, observons que sa finalité consiste à « intérioriser », dans les comptes des entités émettrices de gaz à effet de serre, les « externalités négatives » associées à ces émissions. Pour que ce système contribue à limiter la hausse des températures, le prix de la tonne de CO2 doit inciter ses « acheteurs » à modifier leur processus productifs ou leur consommation d'énergie.

Au vu de la conjoncture, le simple maintien des choses en l'état reviendrait à se donner bonne conscience, au mieux à prendre date, alors qu'une hausse progressive et modérée mais continue permettrait de conduire à la substitution progressive de gaz au charbon dans les centrales thermiques produisant de l'électricité, une augmentation nettement plus poussée restant nécessaire pour favoriser l'émergence d'une filière industrielle d'hydrogène utilisé comme ressource énergétique.

Le cours du gaz carbonique s'est effondré à un niveau où il serait illusoire d'espérer le moindre signal-prix incitant à réduire quelque émission que ce soit. Le graphique ci-dessous est éloquent !

Prix du CO2, en euros par tonne (avril 2015-juin 2017)

Source : Commission de régulation de l'énergie - Rapport sur le fonctionnement des marchés de gros. 2015-2016.

2. La maîtrise des réseaux d'approvisionnement

L'utilité du réseau de transport d'électricité va de soi, mais l'évidente complémentarité avec les centrales électriques comporte une exception substantielle dès lors qu'une portion du réseau est parfois insuffisamment desservie. En effet, quatre options sont envisageables en pareil cas : renforcer le réseau ; introduire un mécanisme d'effacement de la demande pour éliminer les pointes de consommation ; créer une capacité de production supplémentaire en aval du goulet d'étranglement ; installer une capacité de stockage, là encore en aval de ce même goulet. Le choix doit être fondé sur l'analyse de chaque cas particulier, notamment du coût total associé à chaque option. S'en remettre au seul marché risque d'aboutir à un surinvestissement dépourvu de tout intérêt pour les consommateurs, alors que la décision prise en toute connaissance de cause et en toute transparence par une autorité nationale doit raisonnablement apporter une solution satisfaisante. Encore faut-il qu'elle dispose du pouvoir de décision.

Ce qui est vrai à un niveau local se vérifie encore plus à l'échelle du pays. D'où l'importance des mécanismes de capacité pour les économies produisant et consommant beaucoup d'électricité. Les cas de la France et de l'Allemagne, mais aussi du Royaume-Uni, de l'Italie et de l'Espagne sont éloquents à cet égard. Tout comme au niveau local, une certaine équivalence existe entre la création de centrales supplémentaires d'une part, l'augmentation des capacités de transport d'autre part. Le « paquet d'hiver » est rédigé comme si l'équivalence était totale au niveau interétatique, alors que tout gestionnaire du réseau de transport voit sa compétence limitée par les frontières. Disposant parfois de seulement quatre secondes pour éviter des délestages, RTE ne peut tout simplement pas mobiliser dans ce délai des capacités productives en Espagne ou en Allemagne. Il le peut d'autant moins si le réseau national concerné est saturé malgré l'existence de centrales inutilisées. Cette hypothèse n'a rien d'irréaliste, car les sources intermittentes d'électricité suffisent à saturer les réseaux mentionnés, alors même que les centrales conventionnelles seraient à l'arrêt.

L'irruption des ressources électriques intermittentes dans le mix électrique doit bien sûr être accompagnée par un renforcement des réseaux nationaux et des interconnexions, tout en conservant la vision d'ensemble permanente de chaque réseau national par un opérateur à même d'activer la production, la gestion de la demande et le transport d'électricité, afin d'éviter un black-out . Pour l'ensemble de ces raisons, l'obligation impérieuse de faire participer des capacités transfrontalières doit être écartée, de même que l'obligation de faire valider par une étude européenne non seulement la mise en place des mécanismes de capacité, mais aussi leur reconduction 15 ( * ) .

3. L'autoproduction et la tarification

Parmi les propositions formulées dans le paquet « Énergie propre pour tous les Européens » , la Commission européenne a inscrit le soutien à la production décentralisée d'électricité, ainsi qu'à l'autoconsommation. Concrètement, cette orientation est destinée surtout à soutenir l'accroissement du nombre de panneaux photovoltaïques installés sur les toits des bâtiments, publics ou privés. Incontestablement, cette option est cohérente avec le soutien aux sources renouvelables d'énergie. Quelles en sont les conséquences pour les réseaux de transport et de distribution ?

Si la production décentralisée est immédiatement consommée par le producteur (non professionnel), son appel aux réseaux de distribution et du transport est alors diminué à due concurrence. La réduction globale des achats d'électricité est réelle sur l'ensemble de l'année, mais la charge pour le réseau n'est en rien diminuée par l'autoconsommation. Hors autoconsommation immédiate, l'appel aux réseaux n'est en rien diminué. Si la production décentralisée est injectée dans le réseau de distribution, son producteur tire de la vente les moyens de réduire sa charge nette d'électricité, bien que la facture d'électricité stricto sensu reste inchangée.

Si elle était observée à grande échelle, l'autoproduction accompagnée d'une autoconsommation ne couvrant pas la totalité des besoins chaque jour de l'année imposerait d'augmenter la part fixe dans la tarification du réseau , afin de maintenir intactes les ressources nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci. En effet, les dépenses induites par le fonctionnement d'un réseau de transport ou de distribution d'électricité dépendent des caractéristiques de cet équipement, non de son usage plus ou moins fréquent. D'une certaine façon, les producteurs-consommateurs agissent comme parasites de l'ensemble des consommateurs : ils bénéficient de subventions pour leurs installations, qui réduisent leurs factures d'électricité bien au-delà de l'économie apportée à l'ensemble du système énergétique. Plus ce cas se répand, plus les consommateurs finaux devront payer de taxes destinées à couvrir les subventions versées . Simultanément, la part assurancielle de la tarification doit s'accroître.

Ces considérations économiques et techniques ont pour seul but de démontrer que le soutien à l'autoconsommation ne doit pas être érigé en orientation générale, valable en tout point de l'Union européenne. À cet égard, le soutien de principe formulé par la Commission européenne mérite au minimum d'être nuancé. En outre, le maintien de l'équilibre économique pour les opérateurs de réseaux, et le respect d'un minimum d'équité entre consommateurs suppose que chaque État puisse adapter les parts fixes et les parts variables dans la tarification de l'électricité, que ce soit envers les professionnels ou les particuliers.

B. LA RECHERCHE EXIGERA LA MUTUALISATION DES MOYENS

1. Stockage et mobilité propre

Le gaz hydrogène peut jouer trois rôles comme source d'énergie électrique. Encore faut-il mener à leur terme les recherches encore indispensables à toute application sur une grande échelle.

Certains véhicules électriques fonctionnant avec des piles à combustible bénéficient déjà d'une extension d'autonomie grâce à une petite réserve d'hydrogène. L'un des principaux obstacles actuels à l'extension progressive de ce carburant qui ne brûle pas tient à sa disponibilité, alors que le plein d'hydrogène prend incomparablement moins de temps que la recharge même rapide d'une batterie.

La deuxième utilisation possible de l'hydrogène est le stockage d'énergie intermittente en vue d'un déstockage ultérieur lorsque la demande des consommateurs ne serait plus satisfaite par les centrales électriques.

Enfin, la troisième utilisation de l'hydrogène revient à l'utiliser comme produit intermédiaire dans la fabrication de méthane (CH4), un gaz dont les tolérances de conservation sont bien plus grandes que celles de l'hydrogène. En outre, le transport de méthane à distance par gazoduc est parfaitement maîtrisé, alors qu'il n'y a pas d'équivalent pour l'hydrogène.

Schéma de principe du stockage d'électricité intermittent grâce à l'hydrogène et au méthane

Source : eHighway2050 - D3.2 - Technology Assesment Report P2G

2. L'énergie intermittente permanente

Les inconvénients de l'intermittence ont été mis en avant à plusieurs reprises dans le présent rapport. Autant de raisons pour que les chercheurs européens consacrent des efforts à l'obtention d'une énergie d'origine solaire qui ne disparaisse pas à la tombée de la nuit (a), d'éoliennes qui tourneraient en permanence (b), enfin de centrales marémotrices qui délivreraient de l'électricité en permanence (c).

a) Du solaire jour et nuit

Il ne s'agit évidemment pas de mettre fin à l'alternance du jour et de la nuit, non plus que d'utiliser l'obscure clarté des étoiles à des fins photovoltaïques. Mais il existe deux moyens d'utiliser l'énergie solaire pour obtenir de l'électricité : les cellules photovoltaïques et les centrales dites « thermodynamiques », souvent dénommées « fours solaires ».

Alors que le débit des cellules photovoltaïques cesse dès que l'ensoleillement devient trop faible, les centrales thermodynamiques peuvent assurer le relais, selon un schéma représenté par le graphique ci-dessous, qui explicite l'une des principales modalités envisageables pour stocker l'énergie solaire sous forme thermique.

Source : Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives-CEA.

D'autres techniques permettent d'obtenir un résultat semblable, mais toutes ont actuellement en commun d'être excessivement coûteuses sous nos latitudes. Ainsi, le « four solaire » proche de Font-Romeu dans les Pyrénées françaises fonctionne pour la recherche. Si des progrès suffisants finissent par être accomplis, l'énergie solaire pourrait fonctionner jour et nuit, moyennant un dosage adéquat entre filière photovoltaïque et appareils purement thermiques.

Pour des raisons évidentes d'ensoleillement, un tel mix technique serait plus facile à installer sur le continent africain, en Asie ou en Amérique du Sud que sur le Vieux Continent.

b) L'éolien même par temps calme

Les pales des éoliennes ont bien sûr besoin de vent. La difficulté consiste donc à les disposer dans des endroits où le souffle ne cesse jamais et transporter l'électricité ainsi obtenue jusqu'aux lieux de consommation.

Selon les jours et l'heure, du vent à fort potentiel éolien souffle à l'est de la Grande-Bretagne, au nord de l'Écosse ou à l'ouest des îles britanniques. Par suite, les éoliennes flottantes disposées dans cet immense espace produiraient de l'électricité 365 jours par an, 24 heures sur 24. Encore faut-il maîtriser suffisamment la technique des éoliennes flottantes ! Et contenir le coût de l'ensemble formé par les éoliennes et les câbles électriques.

Actuellement, un projet de 7 000 éoliennes en mer du Nord au large du Danemark est le seul - mais non négligeable - pas en avant dans cette direction.

c) L'énergie des marées sans interruption

Bien que l'usine marémotrice de la Rance n'ait pas fait école à grande échelle, l'idée d'utiliser l'énergie des marées reste d'actualité tant que la Lune tourne autour de la Terre.

Les obstacles sont importants, bien que peu nombreux : un barrage comme celui de la Rance subit l'ensablement, tout ouvrage d'art immergé dans l'océan est exposé à la corrosion et risque d'être colonisé par des coquillages dont la présence peut être extrêmement gênante. Sous réserve d'éviter ces deux inconvénients, l'énergie marémotrice pourrait être utilisée sur les côtes océaniques à bien plus grande échelle. Reste toutefois l'intermittence des marées.

En utilisant une partie de l'énergie marémotrice aux fins de stockage via une station de transfert d'énergie par pompage (STEP) il serait possible d'obtenir in fine de l'électricité obtenue à tout moment en fonction de la demande et fondée sur les marées.

Cet objectif pourrait à juste titre motiver un grand programme de recherche à l'échelle de l'Union.

3. La filière nucléaire inépuisable et sans legs radioactif

Il est possible de « sortir du nucléaire » actuel, soit en abandonnant cette filière, soit en la faisant évoluer grâce à la recherche. Les deux étapes successivement envisageables dans la deuxième hypothèse se dessinent assez clairement : le réacteur de quatrième génération, puis ITER.

Le réacteur de quatrième génération doit permettre d'utiliser à plusieurs reprises le combustible nucléaire, dont le recyclage est actuellement limité à une seule fois. Il résulte des auditions que seuls 4 % des matières formant le combustible nucléaire ne seraient pas recyclables avec un réacteur de quatrième génération. Vu l'amélioration attendue du rendement, une même quantité d'uranium pourrait fournir 50 fois plus d'électricité que celle obtenue actuellement. Ce progrès permettrait d'obtenir de l'uranium à partir de sources jusqu'à 50 fois plus coûteuses que celles utilisées aujourd'hui, ce qui augmenterait spectaculairement les sources d'uranium économiquement exploitables. Ainsi, les réacteurs de quatrième génération pourraient fonctionner encore des milliers d'années au lieu d'un siècle environ pour les installations d'aujourd'hui.

Créé en 2000, le Forum international Génération IV (GIF) tend à créer un cadre de recherche et développement international pour maîtriser plus rapidement les technologies les plus performantes. Douze États - l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, le Japon, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie et la Suisse - font partie de ce forum, aux côtés d'Euratom. Un déploiement industriel est envisagé à l'horizon 2050 au plus tard. Avec la quatrième génération, le thème des déchets serait bouleversé, mais pas autant qu'avec la fusion nucléaire, finalité du programme ITER.

ITER (pour « International Thermonuclear Experimental Reactor » : « réacteur thermonucléaire expérimental international ») est un projet de réacteur de recherche civil situé à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône. Au lieu d'utiliser la fission de l'uranium, il réalise la fusion de deux noyaux d'hydrogène - dont l'un provenant d'une forme rare d'hydrogène appelée « tritium » - pour obtenir un atome d'hélium et un très fort dégagement d'énergie. Cette transformation reprend celle réalisée par le Soleil. Pratiquement illimitée, la ressource en hydrogène participerait donc à la mise en oeuvre d'une filière de centrales électriques disposées à la surface du globe en fonction des besoins, et ne produisant pas de déchets radioactifs de haute activité.

En l'état d'avancement de la recherche, le déploiement de réacteurs issus d'ITER pourrait commencer à la fin du XXIe siècle. Cette perspective éloignée illustre à l'extrême une caractéristique majeure du secteur de l'énergie : le long terme, qui exige une grande stabilité des politiques suivies.

CONCLUSION GÉNÉRALE

À l'issue de cet examen comportant bien des critiques, toujours formulées dans un esprit favorable au projet européen, il convient en premier lieu de rappeler que la construction de l'union de l'électricité a déjà rencontré un succès réel, parfois ignoré.

Ainsi, le passage des monopoles nationaux historiques à des marchés nationaux ouverts aux opérateurs alternatifs s'est accompagnée de modifications capitales du système électrique, avec l'émergence de gestionnaires de réseau distincts des producteurs d'électricité, avec des marchés de gros et des autorités de régulation chargées d'assurer le caractère loyal de la concurrence. Cette mutation fondamentale s'est effectuée sans porter atteinte à l'équilibre d'un réseau gigantesque où l'offre doit être satisfaite 365 jours par an, 24 heures par jour et 3 600 secondes par heure ! La performance mérite d'être soulignée.

Elle s'explique partiellement par l'élaboration de codes de réseau, c'est-à-dire de prescriptions techniques valables pour l'ensemble de l'Union européenne afin de faciliter la circulation du courant. Il y a là un authentique succès à l'actif du troisième paquet énergie de 2009. Sans ces codes de réseau, l'Union ne pourrait pas compter aujourd'hui 341 interconnexions.

Sur cette excellente lancée, l'union de l'énergie mérite d'être approfondie, avec l'objectif d'un mix décarboné au service de la réindustrialisation. Il importe donc d'avancer à un rythme soutenu, dans les limites permises par la maturité des technologies disponibles.

En outre, l'élaboration d'une politique harmonisée de l'énergie peut servir grandement la construction européenne, mais à condition de ne pas nier l'existence des États-nations, leur histoire, ni la culture de leurs peuples. Il convient également de se rappeler en permanence qu'en cas de défaillance les citoyens se tournent aujourd'hui et se tourneront à l'avenir vers leurs autorités politiques, pas vers des structures interétatiques placée sous la direction de fonctionnaires européens.

L'énergie en général, et l'électricité en particulier, sont des sujets marqués par l'omniprésence de dispositions, de contraintes et d'enjeux extrêmement techniques, mais l'ensemble forme un sujet politique par excellence, ancré dans le long terme.

EXAMEN EN COMMISSION

M. Jean Bizet , président. - Je vous remercie, mes chers collègues, de votre présentation de ce sujet complexe. Il est très important d'avoir une Union de l'énergie, considérée comme une échéance extrêmement lointaine par M. Christophe de Margerie que nous avions auditionné lors d'un petit déjeuner de travail. Compte tenu de leurs ressources en lignite et en charbon, certains États, comme la Pologne et l'Allemagne, demeurent fidèles à un mix énergétique peu respectueux de l'environnement.

M. Jean-François Rapin . - Je n'ai pas la prétention de maîtriser le sujet comme nos deux rapporteurs, mais j'ai bien écouté notre collègue M. Michel Raison. On a peu parlé, dans ce mix énergétique, de la capacité à maintenir un niveau d'énergie cohérent avec l'utilisation courante. Dans le cadre de la recherche, il nous faut insister sur le stockage. Quelle est la réponse européenne à cette question ?

M. Jean-Pierre Leleux . - Il est vraisemblablement plus aisé d'envisager l'avenir et d'y consacrer des programmes internationaux, plutôt que de faire converger les stratégies historiques des États membres. Je vois trois chantiers qui mériteraient que soient lancés des programmes communs de recherche.

Le premier concerne le stockage, pour régler les problèmes d'intermittence.

Le second a trait au nucléaire au travers de la fusion, qui fonctionne déjà en laboratoire mais n'est pas encore industrialisée de manière probante. À ce jour, l'industrie nucléaire, par la fission, produit des déchets radioactifs qui entravent son acceptation. Passer de la fusion du laboratoire à l'industrialisation pose problème et pourrait être assuré par un projet européen, assurant une dépollution complète de l'énergie.

Le troisième chantier concerne le transport de cette énergie entre États membres, avec des dispositifs fluides d'unification. Je ne sais où en sont les États membres dans leur discussion sur ces sujets, mais ces trois chantiers pourraient être porteurs de projets européens, puisque nous sommes au début d'un processus.

M. André Gattolin . - Je félicite les rapporteurs de s'être impliqués sur ce sujet complexe.

L'Union de l'énergie est focalisée sur la production, alors qu'il faut rechercher un impact en termes de recherche et d'efficience énergétique.

La principale ressource énergétique réside dans les économies d'énergie. Elle se trouve dans l'habitat, les installations industrielles et dans les transports. Ce sujet est malgré tout cantonné dans une dimension développement durable et assez peu lié à cette Union de l'énergie.

Comme l'a souligné notre collègue Jean-Pierre Leleux, la projection sur l'avenir, c'est à dire la recherche, est la source de réels changements. L'idée d'une agence des innovations de rupture est là. La question du stockage, dans les batteries, s'est posée à partir du moment où l'on a considéré qu'un marché pour les automobiles électriques était possible et ce, contre l'avis des acteurs traditionnels. Il a ainsi fallu l'entrée en scène de nouveaux acteurs pour assurer une progression rapide dans ce domaine. Je ne suis pas un défenseur du solaire photovoltaïque, du fait de son coût exorbitant et de ses externalités écologiques, avec l'utilisation des terres rares qu'il suppose. Cependant, pour le solaire thermique, nous sommes totalement dans le sous-développement. Ainsi au Canada, on abaisse de moitié les coûts de climatisation dans les salles de cirque à Montréal. En outre, s'ajoute une autre difficulté plus institutionnelle : la plupart de nos États - la France étant un bon exemple - sont centralisés. Au nom de l'équivalence, remettre au réseau l'énergie solaire autoproduite pour la racheter ultérieurement est proprement insensé, pour des volumes de production ridicules et pour un coût d'accès très lourd. Certains énergéticiens, notamment dans le secteur de l'électricité, ont une culture politique les incitant à tout contrôler, ce qui ne favorise ni l'innovation, ni les initiatives individuelles.

Un potentiel inexploité se trouve également dans l'hydroélectrique ; la réglementation des microcentrales électriques est un handicap dans notre pays. Trop de nos barrages sont obsolètes. Au Canada, Alstom, en changeant les turbines du barrage Bourassa, avait augmenté de 15 % la production d'électricité. Nous avons la technologie, elle est française, mais nous sommes incapables d'engager de l'argent pour rénover nos barrages, alors que l'énergie hydraulique demeure la plus écologique possible. Celle-ci est ainsi laissée à l'arrêt, en termes d'investissements, depuis trente ans.

M. Claude Raynal . - J'ai apprécié ce rapport sur un sujet extrêmement complexe qui exige d'avancer pas à pas, en amorçant une première forme d'interconnexion des réseaux.

Je partage l'avis de notre collègue Jean-Pierre Leleux sur la recherche, qui doit être conduite au niveau européen. Il est difficile de forger une politique européenne de la recherche, alors que les politiques nationales ne sont pas rapprochées.

J'en viens au rapport, dont deux phrases suscitent mon interrogation. La première figure dans la synthèse : « les énergies obtenues à partir de ressources renouvelables intermittentes sont vraisemblablement destinées à jouer un rôle, une fois satisfaites deux conditions sine qua non : que le prix obtenu de l'électricité soit nettement inférieur à celui obtenu dans les filières hydrauliques ou nucléaires » . Je ne vois pas de difficulté pour le rapport aux filières hydrauliques ; ce qui n'est pas le cas pour l'énergie nucléaire ! Comment mesurer le prix de l'énergie nucléaire ? Qu'intégrons-nous pour estimer ce prix ? Avec les futurs coûts de démantèlement, j'ai bien peur que le coût de cette énergie ne s'avère excessif. Il conviendrait ainsi d'évoquer ce rapprochement avec prudence dans un rapport. Enfin, ma seconde objection portera sur la liste des principales propositions que j'attribue à une sorte de « rapidité de plume » : « classer la filière électronucléaire parmi les filières non polluantes » me semble faire peu de cas des déchets, dont le stockage s'effectue dans la douleur, sans doute du fait de la réaction des populations qui considèrent que ces productions sont polluantes.

M. Jean Bizet , président. - Nous apprécions la nuance avec laquelle vous vous exprimez.

M. Daniel Gremillet . - Nous sommes trop timides sur l'hydraulique qui présente une capacité de stockage et de régulation ; ce que ne permet pas, du reste, l'éolien et le photovoltaïque. J'ai été le premier à poser des panneaux sur mes bâtiments, il y a près de dix ans. Aujourd'hui, avec la neige, je n'ai aucune production alors qu'en décembre, le besoin d'énergie est réel ! Toute une réflexion sur le mix énergétique doit ainsi être conduite. Comme rapporteur du projet de loi de finances sur l'énergie, je dois reconnaître que la France a besoin d'une programmation énergétique, afin de mieux organiser les choses. Il faut que cette démarche soit reprise au niveau communautaire. À cet égard, j'insiste sur la septième proposition du rapport qui me paraît très importante, car l'interconnexion permet d'éviter les black-out . En revanche, je ne sais si l'absence de lien avec les centres de conduite régionaux est possible, vu le rôle-clé qui est actuellement le leur !

Enfin, en termes de recherche, l'hydrogène recèle de nombreuses perspectives.

M. Yannick Botrel . - Je voudrais saluer le travail des rapporteurs. Mes réflexions porteront sur les énergies renouvelables sur lesquelles je pointerai quelques difficultés.

Vous avez évoqué les énergies marémotrices. Celles-ci peuvent revêtir deux aspects : soit une usine, comme celle de la Rance, qui connaît actuellement un problème d'envasement impliquant l'extraction de centaines de milliers de mètres cubes de sédiments. Ce problème va en s'amplifiant et modifie les paysages. Ensuite, les turbines, que l'on peut poser dans les secteurs de forte courantologie. Elles paraissent susciter une plus grande adhésion, même si les pêcheurs en discutent l'intérêt, tout comme pour l'éolien maritime. Il y a manifestement une grande timidité sur ces sujets et pas seulement des pouvoirs publics, encore que ! Il nous faut parler de l'opérateur EDF, qui n'a pas fait récemment preuve d'allant ni de bonne volonté sur les projets. C'est là une question qu'il faudra soulever un jour.

L'éolien maritime mériterait d'être davantage développé. Je constate aussi que des projets terrestres suscitent parfois des oppositions vives. Serait-il aujourd'hui possible de construire des barrages en grand nombre ? Pensez à la retenue d'eau de Sivens ! Chacun gère ses contradictions. La société n'est pas plus mal pourvue, à cet égard, que les politiques.

M. Jacques Bigot . - J'aurai juste une observation sur le primat du marché. Soyons prudents. Le marché peut conduire à ne pas respecter certaines orientations, avec un report sur les collectivités locales. En effet, celles-ci devront, de plus en plus, travailler sur le mix énergétique. Je l'ai constaté, comme président de la Communauté urbaine de Strasbourg où l'on a voulu, à un moment donné, développer des réseaux de chaleur. La baisse inattendue du prix du gaz a économiquement invalidé ce projet ! De même, les collectivités se sont trouvées en porte-à-faux en matière de géothermie profonde. Si l'on veut tenir les objectifs environnementaux, tout en assurant l'approvisionnement, la régulation du marché doit être assurée, comme l'indique notre histoire énergétique depuis la Seconde guerre mondiale. L'Union est encore trop fondée sur le primat du marché !

M. René Danesi . - Le sujet m'intéresse particulièrement, puisque j'ai présidé pendant vingt ans le Syndicat d'électricité et de gaz du Rhin.

En matière d'énergie, l'Union européenne accorde une grande importance au marché. Il ne permet pas, à lui seul, de faire face d'une façon équilibrée aux besoins à venir. En outre, les intérêts du marché ne sont pas forcément ceux des États. Il me semble que dans une affaire aussi stratégique que l'énergie, les États doivent jouer un rôle pendant longtemps, ne serait-ce qu'en raison de leur éventuelle contribution financière.

On peut aussi avoir confiance dans la recherche, les technologies nouvelles ainsi que dans les réseaux. J'ai constaté une stratégie d'évitement des comportements sociétaux. Ainsi, en Alsace, à nos propres écologistes, se joignent les Suisses et les Allemands, qui franchissent aisément la frontière. Ceux qui trouvent tout à fait normal qu'une centrale nucléaire en Suisse dure quarante-cinq ans s'indignent que Fessenheim reste en service bien avant d'avoir atteint cette durée. On a beau être écologiste ; on est avant tout suisse ! Je constate ces comportements sociétaux.

L'installation d'éoliennes et de turbines à marée motrice provoque des perturbations importantes - notamment sur la faune - qu'il ne faut pas négliger dans la durée.

Les lignes à très haute tension - 400 000 volts - doivent être également prises en compte. L'Allemagne a certes un grand programme d'investissement dans les éoliennes en mer du Nord, mais il faut ensuite amener l'électricité jusqu'en Bavière ! Cela suppose de construire quatre lignes de 400 000 volts. Pour l'instant, l'Allemagne n'en a pas construit le premier mètre ! Pour alimenter la Bavière, à la fois très agricole et très industrielle, il faut actuellement passer par le réseau de la République tchèque qui risque le black-out . Il importe ainsi de prendre en compte des comportements sociétaux.

Enfin, les énergies renouvelables me paraissent avant tout intermittentes. Aujourd'hui, et pour longtemps, à toute production d'énergie intermittente doit correspondre la possibilité de produire en quelques secondes une énergie équivalente d'origine thermique. Seul le gaz peut y parvenir ! Ce qui nous amène tout droit à la seconde partie de notre ordre du jour.

M. Jean-François Rapin . - Nous n'avons pas évoqué l'énergie thermique des mers, alors que le système Sea Water Air Conditioning (SWAC) commence à avoir des applications. Ainsi, l'hôpital de Saint-Pierre à La Réunion, ainsi que celui de Papeete, seront dotés de ce système d'avenir dont la mise en application a dû surmonter des raisons de coûts et la réticence des opérateurs, notamment publics, à s'engager. Le chaud et le froid représentent un aspect considérable de la consommation énergétique.

M. Jean Bizet , président. - Messieurs les rapporteurs, vous avez été interpellés et votre communication me semble être une sorte d'intervention d'étape sur un sujet dont nous reparlerons.

M. Michel Raison . - Sur le stockage, nous sommes tous d'accord. Sans stockage, l'énergie intermittente produite le demeure. Les filières d'électricité intermittente nécessitent bien évidemment la recherche. Il va falloir que, sur le plan mécanique, des solutions soient trouvées pour les éoliennes.

Sur la recherche relative à la fusion nucléaire, le projet ITER rassemble trente-cinq pays : l'ensemble des États membres, auxquels s'ajoutent l'Inde, le Japon, la Chine, la Russie, la Corée du Sud, les États-Unis et la Suisse. Il faut sans doute que nous insistions sur l'importance de la recherche.

Sur l'hydroélectricité et l'acceptation sociétale, il nous faut gérer les contradictions de ceux qui se déclarent en faveur des énergies renouvelables, mais organisent une manifestation dès que trois éoliennes sont érigées sur une colline ! Outre les grands barrages, la remise en service des petits barrages est malaisée, en raison des exigences financières et environnementales, comme les passes à poissons soumises à une taxe foncière ! Il faudrait également dénombrer les poissons qui empruntent ces passes. Je m'attends à des surprises ! Il y a trop d'habitudes, de postures et de slogans. La recherche sur l'hydrogène doit être développée, comme sur la fusion nucléaire.

Je laisserai mon collègue Claude Kern parler des productions non polluantes et répondre à l'objection qui a été faite à l'issue d'une lecture attentive du rapport. Sur le stockage, nous ne disposons guère que des STEP, qui assurent 99 % du stockage mondial. Il va donc nous falloir améliorer nos dispositifs de stockage !

M. Claude Kern . - En mentionnant la filière nucléaire parmi les sources non polluantes d'électricité, nous pensions à l'air, notamment au dioxyde de carbone.

La septième recommandation porte sur les centres de conduite régionaux. Le dispositif en place repose sur le volontariat. Son institutionnalisation obligatoire nous paraît critiquable.

M. Michel Raison . - Sur quels chiffres doit reposer la comparaison entre les filières électriques ? Le thème est complexe, car la prolongation d'une centrale existante n'induit pas une dépense identique à celle suscitée par une construction nouvelle.

M. Yannick Botrel . - Je n'ai pas entendu parler de la méthanisation !

M. Michel Raison . - Elle figure dans le rapport. Son développement actuel est soutenu. Une coproduction agricole et urbaine peut être organisée. Dans notre département, nous avons près d'une dizaine de stations de méthanisation, qui suscitent des réactions sociétales. Les maîtres d'ouvrage et les concepteurs devraient systématiquement construire ces équipements loin des zones habitées.

M. Claude Kern . - Outre la méthanisation, nous avons mentionné les centres de valorisation énergétique provenant de la combustion des ordures ménagères résiduelles. C'est une forme d'énergie renouvelable.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Mme Raphaëlle Epstein-Richard, secrétaire générale

M. Brice Bohuon, directeur général

M. Mickael Mastier, directeur des affaires européennes internationales

Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Électricité de France (EDF)

M. Philippe Torrion, directeur (innovation, de la stratégie et la prospective)

M. Patrice Bruel, directeur des régulations

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

GRDF

Mme Catherine Leboul-Proust, directrice de la stratégie

M. Edouard Sauvage, directeur général

M. Guillaume Virmaux , chargé de mission

Mme Laurence Confort, chef de mission affaires publiques,

Ministère de la Transition écologique et solidaire

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

M. François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer

M. Xavier Delache, sous-directeur des études et de la prospective

M. Éric Ollinger, adjoint au sous-directeur de la gestion du réseau routier

Direction générale de l'énergie et du climat

Mme Virginie Schwarz, directrice de l'énergie

M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l'efficacité énergétique

RTE (Réseau de transport d'électricité)

M. Vincent Thouvenin, directeur des affaires européennes

M. Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles

TOTAL

M. François Nahan, directeur des relations institutionnelles pour la France

M. Luc de Marliave, responsable relations institutionnelles

M. Arnaud Chaperon, membre du comité directeur, Total énergies nouvelles

Union française de l'électricité (UFE)

Mme Christine Goubet-Milhaud, présidente

M. Damien Siess, directeur Stratégie et Prospective


* 1 Voir l'article 194 du traité sur fonctionnement de l'Union européenne.

* 2 Sources : Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE) Prix de détail de l'électricité en France et en Allemagne. Structure du marché et évolution du prix final de l'électricité , septembre 2017 ; Michel Cruciani La transition énergétique en Suède . Études de l'IFRI (Institut français des relations internationales), juin 2016 .

* 3 Source : Agence européenne pour l'environnement Focusing on environmental pressure from long-distance transport, EEA report N° 15/2015.

* 4 Source : Agence européenne pour l'environnement A closer look at urban transport , EEA Report N° 11/2013.

* 5 Article 5, point 2, de la proposition de directive COM(2016) 864.

* 6 Les propositions de directive COM(2016) 761 et COM(2016) 765.

* 7 Voir la proposition de directive COM(2016) 767 relative à la promotion de l'utilisation d'énergie produite à partir de sources renouvelables et COM(2016) 759 sur la gouvernance de l'énergie.

* 8 Voir COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT. IMPACT ASSESSMENT Accompanying the document Proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council on the promotion of the use of energy from renewable sources. SWD(2016) 418.

* 9 Proposition de règlement COM(2016) 861, articles 18 à 23.

* 10 Article 21 de la proposition de règlement COM(2016) 861 sur le marché intérieur de l'électricité.

* 11 Il en va de même pour les réseaux gaziers.

* 12 En outre, une stratégie spécifique a été élaborée à l'horizon 2050, dénommée e-Highway2050, avec à la clé, des investissements pouvant atteindre 400 milliards d'euros. Le Brexit devrait sensiblement alléger la facture, vu les renforcements de réseau envisagés en Grande-Bretagne...

* 13 Voir la proposition de règlement COM(2016) 863.

* 14 Proposition de règlement COM(2016) 861, articles 32 à 44.

* 15 Ces deux obligations figurent respectivement aux articles 21 et 23, point 5, de la proposition de règlement COM(2016) 861 sur le marché intérieur de l'électricité.

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