B. LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE IMPULSION APRÈS DES RÉSULTATS DÉCEVANTS DEPUIS 2010

1. Une période de stagnation, en dépit de nouvelles mesures, suivie d'une hausse récente de l'insécurité routière

De nouvelles mesures de lutte contre l'insécurité routière sont prises à la fin des années 2000 et au début des années 2010.

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy , qui a fixé, dès 2007, un objectif de moins de 3 000 tués sur les routes à horizon 2012, une série de mesures nouvelles sont mises en oeuvre, parmi lesquelles le renforcement des contrôles routiers grâce à l'augmentation du nombre de radars, l'interdiction des avertisseurs sonores de radars, l'installation des premiers dispositifs de contrôles de franchissement des feux rouges ou encore l'aménagement de zones de situations particulières en agglomération (aires piétonnes, zones 30, etc.). La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 » , qui incluait un volet conséquent en matière de sécurité routière, a par ailleurs durci significativement les sanctions applicables en cas d'infractions au code de la route, notamment en cas de récidive, en prévoyant une peine complémentaire de confiscation de véhicules, renforcé les contrôles d'alcoolémie et rendu obligatoire la fourniture à titre gratuit de dispositifs de dépistage de l'alcoolémie dans les débits de boissons ouverts après 2 heures du matin.

Le 27 novembre 2012, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, se fixe comme objectif de faire passer sous la barre des 2000 le nombre de morts par an sur les routes de France d'ici 2020. Un nouveau plan de lutte contre l'insécurité routière est annoncé, le 26 janvier 2015, par Bernard Cazeneuve , ministre de l'intérieur. Parmi les 26 mesures qu'il comprend peuvent notamment être cités l'abaissement du taux légal d'alcoolémie de 0,5 g/l à 0,2 g/l pour les conducteurs novices, la possibilité pour les maires d'abaisser la vitesse sur de grandes parties, voire sur la totalité de l'agglomération (et non plus uniquement dans quelques rues), pour réduire le nombre et la gravité des collisions, la modernisation du parc des 4 200 radars afin de mieux lutter encore contre la vitesse excessive ou inadaptée sur les routes ou encore la mise en place d'une observation sur certains tronçons de route à double sens identifiés comme particulièrement accidentogènes, de l'impact d'une diminution de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h.

Pourtant, alors que la France a connu une baisse régulière du nombre de personnes tuées sur les routes depuis le début des années 1970, la tendance paraît s'être inversée depuis 2013, les chiffres de l'insécurité routière ayant connu une légère hausse au cours des dernières années .

Selon les données publiées par l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), organisme placé sous l'autorité du délégué interministériel à la sécurité routière, la mortalité routière, qui avait atteint son plus bas niveau en 2013 avec 3 427 personnes décédées 4 ( * ) , a de nouveau augmenté au cours des dernières années, atteignant 3 738 personnes tuées en 2016, soit une hausse d'environ 9 % en trois ans. Selon les données provisoires communiquées, le nombre de personnes décédées sur les routes en 2017 s'élèverait à 3 693, soit une légère baisse par rapport à l'année précédente.

Évolution de la mortalité routière annuelle depuis 2010
(nombre de personnes tuées)

Source : Groupe de travail sur la sécurité routière du Sénat
à partir des données des bilans annuels de l'accidentalité de l'ONISR

Le même constat peut être dressé si l'on s'intéresse à l'évolution du nombre de personnes tuées par milliard de kilomètres parcourus , mesure qui a le mérite de permettre une comparaison plus fiable, dans le temps et à périmètre égal, de la mortalité routière.

Évolution du nombre annuel de personnes tuées
par milliard de kilomètres parcourus par les véhicules
(en France métropolitaine)

Source : ONISR - Bilan annuel de l'accidentalité de l'année 2016

Enfin, l'inversion de la courbe de l'insécurité routière s'observe s'agissant du nombre de blessés graves au cours d'un accident de la route. Ainsi, alors qu'il avait atteint son minimum historique en 2013 (26 895 personnes), le nombre de blessés hospitalisés 5 ( * ) à la suite d'un accident de la route a atteint 28 817 en 2016, soit une augmentation d'environ 7 % en trois ans, en données brutes.

Source : Groupe de travail sur la sécurité routière du Sénat
à partir des données des bilans annuels de l'accidentalité de l'ONISR

S'agissant de la répartition par catégories d'usagers de la route, la mortalité routière a, en 2016, principalement concerné les usagers des véhicules de tourisme, qui représentent 51 % des personnes décédées sur les routes. 21 % des décès concernent les usagers des deux-roues motorisés (motocyclistes et cyclomotoristes), 19,4 % les piétons, 8,7 % les cyclistes.

Répartition du nombre de personnes tuées
par catégories d'usagers (en 2016)

Source : Groupe de travail sur la sécurité routière du Sénat
à partir des données des bilans annuels de l'accidentalité de l'ONISR

Enfin, la mortalité routière varie selon les réseaux routiers concernés . Si 29 % des personnes tuées sur les routes en 2016 l'ont été en agglomération, plus des deux tiers des accidents mortels surviennent sur des routes situées hors agglomération, dont 8 % sur les autoroutes et 63 % sur les routes du réseau secondaire. Parmi ceux-ci, une large part - 55 % en 2016 - se produit sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central.

2. Des facteurs multiples, une causalité difficile à déterminer

La détermination de la causalité des accidents corporels, pourtant essentielle à la définition d'une politique de sécurité routière ciblée et efficace, n'est pas chose aisée.

Les statistiques relatives aux accidents corporels sont en effet alimentées par le fichier national des données issues des bulletins d'analyse des accidents corporels de la circulation (données BAAC), eux-mêmes renseignés par les forces de l'ordre lors de la constatation des accidents. Or, l'identification de la cause d'un accident peut se révéler complexe pour les forces de l'ordre qui arrivent sur le lieu où il s'est produit. Cette situation emporte deux conséquences. D'une part, dans presque un cas sur dix, la cause des accidents mortels demeure indéterminée. D'autre part, certains facteurs accidentogènes, comme la vitesse, sont parfois identifiés par défaut , ce qui nuit nécessairement à la fiabilité des données produites.

Au demeurant, un accident peut trouver son origine dans la combinaison de plusieurs facteurs, sans qu'il soit aisé de déterminer, dans chaque cas, celui qui a prévalu. Malgré ces difficultés, les statistiques établies par l'ONISR permettent de disposer d'une vision d'ensemble des principaux facteurs intervenant dans les accidents mortels.

En 2016, la pratique d'une vitesse excessive ou inadaptée aux circonstances demeure, comme les années précédentes, la principale cause d'accidents mortels. Elle est ainsi citée dans 31 % des cas à titre de cause principale.

Le poids de la vitesse dans l'accidentalité

Dès lors qu'un véhicule est en mouvement, la vitesse en tant que telle est toujours impliquée dans un accident de la route, mortel ou non, et ce quelle qu'en soit l'origine. Dans le cadre de l'étude des accidents corporels, ce qui est donc considéré comme facteur d'accident est donc la pratique d'une vitesse excessive ou d'une vitesse inadaptée aux circonstances.

L'impact de la vitesse sur l'accidentalité est double.

Une vitesse inadaptée constitue tout d'abord un facteur déclencheur des accidents. Elle influe en effet sur le risque de survenance d'un accident, dans la mesure où elle augmente la distance parcourue par le véhicule pendant le temps de réaction du conducteur ainsi que la distance de freinage. L'attention du conducteur et sa capacité de détection et de réaction au danger seraient par ailleurs moindres dans le cas d'une vitesse pratiquée élevée.

Par ailleurs, la vitesse constitue un facteur aggravant des accidents. La sévérité d'un accident et de ses conséquences augmente avec la vitesse, dans la mesure où l'énergie dégagée au moment d'un impact est d'autant plus importante que la vitesse du véhicule est élevée.

Plusieurs études épidémiologiques, principalement conduites dans les années 1970-1980 ont porté sur la relation entre vitesse et accidentalité.

La plus connue, réalisée par Göran Nilsson dans les années 1980, conclut à un impact significatif de la vitesse sur le risque d'accident et sa sévérité. Selon le modèle qu'il a dégagé de ses études, Göran Nilsson estime ainsi qu'une variation de la vitesse pratiquée de 1 % induit une variation du nombre d'accidents corporels de 2 % et une variation du nombre d'accidents mortels de 4 %.

Les conduites addictives sont également à l'origine d'une part significative des accidents mortels. Ainsi, l'alcool et les stupéfiants sont cités, en 2016, comme la cause principale respectivement de 19 % et 9 % des accidents mortels. 29 % des décès routiers seraient par ailleurs intervenus alors qu'au moins un des conducteurs impliqués avait un taux d'alcoolémie dépassant le taux légal, et 22 % alors qu'un des conducteurs aurait été testé positif aux stupéfiants.

Au-delà de ces deux principaux facteurs, une part non négligeable des accidents corporels serait liée au non-respect des autres règles de circulation . Ainsi, 13 % des accidents mortels constatés en 2016 seraient liés à un refus de priorité , 4 % à un dépassement dangereux et 2 % à une conduite à contresens . Enfin, parmi les autres facteurs cités à titre de cause principale des accidents mortels se trouvent l'inattention du conducteur (8 %), des raisons médicales, notamment un malaise (4 %), la somnolence ou la fatigue (3 %) et l'usage du téléphone (1 %).

Source : Comité interministériel de la sécurité routière - Dossier de presse du mardi 9 janvier 2018

6 ( * )


* 4 Les statistiques de la mortalité routière incluent les personnes décédées, dans le cadre d'un accident de la route, sur le coup ou dans les 30 jours après l'accident.

* 5 Les blessés hospitalisés correspondent aux victimes d'accidents de la route hospitalisés pour une durée supérieure à 24 heures.

* 6 Outre l'effet des mesures figurant sur ce graphique, la baisse de la mortalité s'explique également par l'amélioration des caractéristiques techniques des véhicules, de la formation initiale des conducteurs ainsi que par l'amélioration des infrastructures routières.

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