B. L'APPORT DE LA JURISPRUDENCE RÉCENTE

Les arrêts Dano et Alimanovic, rendus par la Cour de justice de l'Union européenne en 2014 et 2015, ont mis en lumière le phénomène dénoncé par plusieurs pays de « tourisme social », des ressortissants d'États membres s'installant dans d'autres États membres pour y bénéficier des prestations sociales 27 ( * ) .

Les règlements de coordination ne visent en principe que les prestations de sécurité sociale et les prestations sociales à caractère non contributif (PSNC). Les prestations d'assistance sociale, non-contributives, sont, quant à elles, couvertes par la directive de 2004 dite « Égalite de traitement » 28 ( * ) . Aux termes de celle-ci, les travailleurs de l'Union européenne, qu'ils soient salariés ou indépendants, ont le droit aux prestations sociales dans les mêmes conditions que les ressortissants du pays d'accueil. L'article 7 rappelle que le droit de séjour de plus de trois mois est accordé à tout citoyen de l'Union européenne s'il est travailleur salarié ou non salarié au sein de l'État membre d'accueil ou s'il dispose des ressources suffisantes, afin qu'il ne devienne pas une charge pour le système d'assistance sociale de l'État d'accueil. Il doit également être couvert par une assurance maladie complète au sein de l'État d'accueil.

Ce droit de séjour est valable tant que les citoyens de l'Union et les membres de leur famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État d'accueil. Le bénéfice de ce droit s'étend aux membres de la famille qui n'ont pas la nationalité d'un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent. L'État membre d'accueil n'est pas obligé d'accorder ce droit pendant les trois premiers mois de séjour ou tant que les citoyens de l'Union ne sont pas en mesure de faire la preuve qu'ils continuent à chercher un emploi et qu'ils ont des chances réelles d'être engagés. Il n'est pas non plus tenu, avant l'acquisition du droit de séjour permanent - soit au bout de cinq ans -, d'octroyer des aides d'entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d'études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés et indépendants ou les membres de leur famille.

Dans l'arrêt Dano du 11 novembre 2014, la Cour de justice rappelle que la liberté de circulation n'apparaît pas comme un droit inconditionnel. Elle reprend la logique du législateur qui, au moment de l'élaboration de la directive « Égalité de traitement », a insisté pour que les citoyens de l'Union économiquement inactifs ne puissent utiliser le système de protection sociale de l'État membre d'accueil pour financer leurs moyens d'existence . Le juge précise également le champ d'application de l'article 4 du règlement 2004/883 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Aux termes de celui-ci, les ressortissants d'un État membre résidant dans un autre État membre bénéficient des mêmes prestations que les citoyens de celui-ci. Pour la Cour, le règlement de 2004 s'applique à l'ensemble des prestations sociales, y compris les prestations non contributives, à l'image du RSA. Rien n'interdit par contre de conditionner l'octroi de celles-ci pour les citoyens de l'Union non actifs qui ne rempliraient pas les conditions pour disposer d'un droit de séjour.

L'arrêt Alimanovic confirme, dix mois plus tard, l'arrêt Dano en rappelant que, en matière d'accès à des prestations d'assistance sociale, un citoyen de l'Union ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil que si son séjour sur le territoire de l'État membre d'accueil respecte les conditions de la directive « Égalite de traitement » et que le citoyen ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil. L'applicabilité du principe d'égalité de traitement dépend donc de la légalité du séjour du citoyen de l'Union, au sens de la directive de 2004 et, notamment, l'exigence de ressources suffisantes. Ce faisant, la Cour revient à la conception originelle de la libre circulation des personnes qui favorisait principalement les citoyens économiquement actifs. Il s'agit d'une rupture par rapport à la jurisprudence antérieure. La Cour ne met plus en avant le lien d'intégration pour garantir l'accès à l'égalité de traitement en matière d'avantages sociaux. Elle refuse même l'idée d'un examen personnalisé, tenant compte des circonstances individuelles caractérisant la situation de l'intéressé, pour évaluer la charge que représenterait concrètement l'octroi d'une prestation sur l'ensemble du système d'assistance sociale. Le principe d'un examen personnalisé était pourtant au coeur d'un arrêt rendu en 2013 29 ( * ) .


* 27 Arrêt de la Cour du 11 novembre 2014 Elisabeta Dano et Florin Dano contre Jobcenter Leipzig et Arrêt de la Cour du 15 septembre 2015 Jobcenter Berlin Neukölln contre Nazifa Alimanovic e.a.

* 28 Directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE.

* 29 Arrêt de la Cour du 19 septembre 2013, Pensionsversicherungsanstalt contre Peter Brey.

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