B. LE LÉGISLATEUR A DOTÉ LES TERRITOIRES CONCERNÉS DE MOYENS DE RÉGULATION.

La législation nationale repose sur la philosophie suivante, qui est partagée par vos rapporteures : l'équilibre entre l'hébergement touristique et le parc de logements disponibles relève, dans les zones connaissant une tension entre l'offre et la demande de logement, d'un choix politique local 57 ( * ) .

1. À l'autorisation de changement d'usage...
a) L'autorisation de changement d'usage : une boîte à outils à destination des collectivités...

Les dispositions en vigueur sont issues de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ci-après « loi ALUR »). Il existe aujourd'hui deux régimes de changement d'usage différents. Le principal est un régime d'autorisation de changement d'usage pouvant être assorti d'une compensation . Celui-ci est obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des départements de la petite couronne parisienne. Il est facultatif ailleurs, et peut être mis en place :

1° par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme pour les communes appartenant à une zone urbaine de plus de 50 000 habitants connaissant une situation de tension sur le marché du logement et identifiées dans une liste de 1 149 communes fixée par décret en 2013 relatif à la taxe sur les logements vacants. Vos rapporteures estiment qu'il serait pertinent d'actualiser régulièrement la liste de ces communes.

Recommandation n° 5: procéder à un réexamen régulier de la liste des communes situées en zone tendue , afin de s'assurer que les agglomérations visées connaissent toujours une situation de tension sur le logement, sans quoi le dispositif pourrait être utilisé à d'autres fins par les communes, ce qui n'est pas sa vocation.

2° par le préfet sur demande de la commune partout ailleurs sur le territoire. A la connaissance de vos rapporteures, aucune commune n'a bénéficié de la mise en oeuvre d'un régime d'autorisation de changement d'usage à sa demande et sur décision du préfet.

Vos rapporteures remarquent que les motifs de saisine et de décision du préfet mériteraient d'être clarifiés . Afin de maintenir la cohérence du dispositif, seules les demandes des communes qui connaissent un marché du logement tendu devraient donner lieu à une décision positive du préfet.

Recommandation n° 6: clarifier les motifs de saisine du préfet pour les communes souhaitant mettre en oeuvre un régime de changement d'usage .

Dans tous ces cas, l'instauration d'une compensation n'est pas obligatoire. Vos rapporteures soulignent que seule la mise en place d'une compensation est véritablement de nature à dissuader les investisseurs de soustraire leur bien au marché locatif traditionnel . En effet, le rapport d'inspections précité montre que, en prenant en compte l'obligation de compensation, il n'y a plus de biais d'investissement en faveur de la location meublée touristique et que la rentabilité de la location touristique devient sensiblement égale à celle d'une location meublée à usage d'habitation principale 58 ( * ) .

Dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des départements de la petite couronne parisienne, une autorisation de changement d'usage temporaire sans obligation de compensation peut être instaurée au bénéfice des demandeurs personnes physiques.

Chaque commune peut donc déterminer le régime qui lui convient, selon la situation qui lui est propre . C'est ainsi que certaines ont choisi de mettre en place une compensation, quand d'autres ont utilisé la possibilité de recourir à l'autorisation temporaire, certaines ayant recours aux deux. À la connaissance de vos rapporteures, une compensation n'a été mise en place qu'à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Strasbourg, à Nice, à Neuilly-sur-Seine et à Versailles, mais selon des modalités très diverses, la ville de Paris se caractérisant par un régime particulièrement strict, qui privilégie dans les faits la location de sa seule résidence principale. Vos rapporteures ont également relevé que des autorisations temporaires de changement d'usage sont en vigueur à Aix-en-Provence, La Colle-sur-Loup, Lyon, Marseille, Nice, Roquebrune-Cap-Martin, Saint-Paul de Vence, Strasbourg, Versailles.

La location de sa résidence principale - c'est-à-dire le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation - est exonérée d'autorisation de changement d'usage.

b) ... à l'efficacité limitée.

Les contrôles en vue de vérifier que les logements transformés en meublés de tourisme ont bien fait l'objet d'un changement d'usage et d'une éventuelle compensation s'avèrent en pratique relativement inefficaces.

Ils nécessitent de se doter d'équipes dédiées en nombre suffisant . Or, les communes n'ont, a priori , par les moyens d'affecter un très grand nombre d'agents à ce contrôle. A Paris, le bureau de protection des locaux d'habitation est composé d'une trentaine d'agents. À Bordeaux, la ville ne dispose que de deux équivalents temps plein.

Comme le remarquait la mission d'inspection, le ciblage des contrôles ne repose, la plupart du temps, que sur les plaintes pour nuisances émanant des syndics de coproriété. La ville de Paris a publié en open data le registre des autorisations de changement d'usage pour les meublés, ce qui a pu être interprété comme un outil favorisant les signalements 59 ( * ) . A la date de rédaction du présent rapport, 151 autorisations de changement d'usage y étaient en vigueur.

La distinction entre résidence principale et résidence secondaire effectuée par la loi ALUR complique également l'administration de la preuve : alors que les agents de contrôle ne devaient auparavant qu'établir la location touristique, ils doivent également aujourd'hui faire le lien avec la domiciliation du propriétaire. La définition de la résidence principale, qui évoque des raisons de santé et professionnelles ou des cas de force majeure, sont autant de possibilités pour le fraudeur de justifier son absence 60 ( * ) . La qualification de local à usage d'habitation peut également se révéler particulièrement complexe 61 ( * ) .

Le montant de la sanction encourue , récemment augmenté à 50 000 euros 62 ( * ) , reste relativement peu dissuasif au regard des prix de l'immobilier dans certaines villes, notamment à Paris. Néanmoins, la jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris apparaît de plus en plus exigeante : alors que 400 000 euros d'amendes avaient été imposés en 2016, ce chiffre serait monté à 1,3 millions d'euros en 2017 63 ( * ) .

2. ...se sont ajoutées la déclaration soumise à enregistrement et la mise à contribution des intermédiaires.
a) La liberté des communes de faire contribuer les intermédiaires à la lutte contre les loueurs ne respectant pas l'obligation d'obtenir une autorisation de changement d'usage...

Prenant acte de la relative inefficacité du seul droit du changement d'usage pour lutter contre la soustraction de logements du marché locatif traditionnels en zone tendue, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (ci-après, « loi pour une République numérique ») a permis aux communes ayant mis en place une autorisation de changement d'usage de mettre à contribution les intermédiaires, et notamment les plateformes en ligne.

Elles peuvent en effet soumettre toute location en meublé de tourisme, même s'il s'agit d'une résidence principale, à une déclaration en ligne donnant lieu à la remise immédiate d'un numéro d'enregistrement .

La mise en place de ce régime implique l'obligation, pour les intermédiaires , de publier le numéro d'enregistrement et de s'assurer , dès lors qu'ils en ont connaissance, qu'une même résidence principale n'est pas mise en location plus de 120 jours 64 ( * ) - sans quoi il s'agirait d'une résidence secondaire, soumise à autorisation de changement d'usage et, le cas échéant, à compensation. Cette solution apparaît particulièrement efficace : selon Airbnb, le blocage mis en place à Londres et à Amsterdam aurait permis une baisse des deux tiers des logements loués au-delà de la limite applicable dans ces villes.

Le seuil des 120 jours découle de la définition de la résidence principale en vigueur

Une interprétation a contrario de la définition en vigueur de la résidence principale issue de la loi ALUR conduit à estimer qu'un logement non occupé pendant quatre mois c'est-à-dire, par convention, un mois équivalent à trente jours, 120 jours, sauf exception, constitue une résidence secondaire.

Si ce seuil a été déterminé sans véritable étude préalable, il n'est pas dénué de cohérence : les Français disposant de 33 jours de congés par an en moyenne 65 ( * ) , il faut être absent pendant l'ensemble de ses congés et pendant la quasi totalité des week-end 66 ( * ) de l'année pour qu'un bien soit considéré comme une résidence secondaire.

Au demeurant, la communication de la commission portant agenda européen pour l'économie collaborative évoque clairement la possibilité pour les États de limiter à un nombre maximal de jours par an la location de courte durée de biens immobiliers 67 ( * ) .

La direction générale des entreprises a attiré l'attention de vos rapporteures sur le fait qu'une diminution du plafond de 120 jours applicable aux résidences principales, qui correspond actuellement à la définition de ces dernières, pourrait, à droit constant, en ce qu'il  serait sans effet sur la protection de l'habitat permanent :

- être considéré comme ayant pour effet de constituer une barrière à l'entrée au profit de l'industrie hôtelière, et donner lieu à des recours contentieux devant la CJUE ;

- porter une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété.

Les intermédiaires doivent également transmettre aux communes , une fois par an, et à leur demande, le nombre de nuitées au cours desquelles le logement a été loué.

Enfin, ceux-ci ont également l' obligation d'informer le loueur de ses obligations de déclaration et d'autorisation et d'obtenir d'eux une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations et indiquant si le logement est une résidence principale ou secondaire ainsi que le numéro d'enregistrement.

Si le choix relève de la commune - et uniquement de la commune, quand le régime du changement d'usage peut relever de l'EPCI -, il n'est pas sans conséquences sur les finances locales.

A ce jour, vos rapporteures ont identifié dix-huit villes ayant mis en place un régime de déclaration soumise à enregistrement : Aix-en-Provence 68 ( * ) , Annecy 69 ( * ) , Bordeaux 70 ( * ) , Cannes 71 ( * ) , Hendaye 72 ( * ) , Levallois 73 ( * ) , Lyon 74 ( * ) , Martigues 75 ( * ) , Menton 76 ( * ) , Nice 77 ( * ) , Nîmes 78 ( * ) , Neuilly-sur-Seine 79 ( * ) , Paris, Roquebrune-Cap-Martin 80 ( * ) , Saint-Paul de Vence 81 ( * ) , Sète 82 ( * ) , Versailles 83 ( * ) , Villeneuve-Loubet 84 ( * ) . La communauté d'agglomération du pays basque a voté, par une délibération en date du 27 septembre dernier, la mise en place d'un régime d'autorisation de changement d'usage en vigueur à compter du 1 er janvier 2018 85 ( * ) dans vingt-quatre de ses communes membres afin de leur permettre de mettre en place une déclaration soumise à enregistrement.

Il convient de noter que la mise en place d'un tel régime n'est pas sans effets sur les finances locales. Selon les informations recueillies par vos rapporteures, la mise en place du système de télédéclaration préalable a représenté un certain coût pour la ville de Paris : hors personnel, 172 000 euros de conception du projet, 60 000 euros d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Un agent de la direction des systèmes d'information a été mobilisé à temps plein pendant un an, un agent de la direction du logement et de l'habitat a été mobilisé à mi-temps pendant un an. À l'inverse, la Ville de Nice a estimé à 1 200 euros le coût d'acquisition du module informatique permettant de télédéclarer son meublé touristique à partir de son portail internet dédié à la taxe de séjour. Le guide publié par l'association AhTop à destination des maires 86 ( * ) évoquait un tarif compris entre 5 000 et 25 000 euros pour les plateformes de télédéclaration fournies par un prestataire externe.

b) ...devrait être renforcée par l'adoption du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
(1) Une clarification du droit en vigueur

Force est de reconnaître que, comme le souligne le Conseil d'Etat dans son étude annuelle précitée, les dispositions insérées dans notre droit positif par la loi pour une République numérique n'ont pas fait l'objet d'une véritable réflexion préalable. C'est pourquoi le droit en vigueur souffre de nombreux défauts de conception juridique, auxquels l'article 51 du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ci-après, « projet de loi ELAN ») entend remédier. Si ces modifications apparaissent indispensables pour renforcer la conformité du droit en vigueur aux principes constitutionnels et aux exigences européennes 87 ( * ) , les auditions menées par vos rapporteures ont souligné qu'elles allaient rendre plus délicat le contrôle de terrain des services communaux .

Actuellement, il n'existe aucune illicéité manifeste au fait de louer sa résidence principale au-delà de 120 jours au cours d'une année civile . L'article 51 du projet de loi ELAN interdit donc clairement de louer sa résidence principale plus de 120 jours. Il reprend également les dérogations prévues dans la définition de la résidence principale précitée (raisons de santé, raisons professionnelles, force majeure), suivant, en cela, l'avis du Conseil d'Etat.

Ces défauts peuvent également relever d'une certaine fragilité juridique. L'application du régime de déclaration soumise à enregistrement aux chambres chez l'habitant , prévue par voie réglementaire, apparait fragile sur le plan juridique , dans la mesure où une telle location ne pose pas de problème de logement et, à tout le moins, n'est pas soumis à autorisation de changement d'usage. C'est pourquoi le projet de loi ELAN précise le champ d'application de la régulation des meublés de tourisme en érigeant au niveau législatif une définition des meublés de tourisme excluant les chambres chez l'habitant. En conséquence, la location d'une simple chambre chez l'habitant qui ne remplirait pas les conditions requises par le code du tourisme pour la chambre d'hôtes, est libre (exemple : location d'un canapé, absence de fourniture du petit déjeuner...).

Enfin, il précise que certaines obligations 88 ( * ) imposées aux intermédiaires ne s'appliquent que lorsqu'ils ont connaissance de certaines informations, « notamment lorsqu'(ils mettent) à disposition une plateforme numérique de nature à (leur) conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées ». Cette précision s'explique notamment par le souhait du Gouvernement de faire correspondre le champ d'application de ces dispositions à la notion de plateforme jouant un « rôle actif » au sens de la Cour de justice de l'Union européenne.

(2) Un renforcement des moyens des communes

Le projet de loi renforce les moyens d'information à la disposition des communes ayant mis en place un régime d'autorisation de changement d'usage et un régime de déclaration soumise à enregistrement. Celles-ci pourront demander, jusqu'au 31 décembre de l'année au cours de laquelle un meublé de tourisme a été loué :

- au loueur , de leur transmettre, dans le délai d'un mois, le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué (en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration) ;

- à l'intermédiaire, de leur transmettre, dans le délai d'un mois, le nombre de jours au cours desquels sont meublé a été loué durant l'année par son intermédiaire (en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration), la commune pouvant demander un décompte individualisé pour une liste de meublés de tourisme dans un périmètre donné.

Dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, le projet de loi permet également aux agents assermentés des services municipaux du logement de rechercher et constater les infractions aux dispositions du code du tourisme encadrant les meublés de tourisme dans les villes ayant mis en place une déclaration soumise à enregistrement.

(3) L'instauration de sanctions dissuasives en cas de non-respect de ces obligations

Un décret devait déterminer les modalités de contrôle et de sanction aux manquements aux obligations introduites par la loi pour une République numérique. Néanmoins, en raison de difficultés juridiques, ce décret n'a pas été adopté. Le droit en vigueur ne prévoit donc aucune sanction des manquements aux obligations mises à la charge des intermédiaires . Et il est ressorti des auditions que les plateformes en ligne apparaissaient relativement récalcitrantes à appliquer les dispositions votées par le Parlement . S'agissant de l'obligation de blocage à 120 jours, certaines n'ont tout simplement pas appliqué le dispositif. D'autres l'ont fait de façon sélective, à l'image d'Airbnb qui, depuis le 1 er janvier 2018, a mis en place un dispositif de blocage limité aux quatre premiers arrondissements de Paris. Selon la Mairie de Paris, seule Booking semble respecter l'obligation de blocage. En revanche, selon la commune de Nice, à la date de sa contribution, ni Airbnb ni Booking ne faisaient figurer le numéro d'enregistrement sur ses annonces. C'est pourquoi le projet de loi ELAN comporte un article 51, dont l'un des objectifs est d'instaurer de telles sanctions.

De même , les loueurs ne respectent pas leurs obligations de déclaration soumise à enregistrement 89 ( * ) : début avril, seules 10 000 annonces sur les 65 000 disponibles à Paris 90 ( * ) sur Airbnb disposeraient d'un numéro d'enregistrement 91 ( * ) . Selon l'entreprise, ce sont les professionnels qui s'enregistrent le plus : plus de 20 % des hébergements loués plus de 120 nuits sur les douze derniers mois ont fait cette démarche, contre 5 % des hébergements loués moins de 30 nuits par an.

L'article 51 du projet de loi ELAN prévoit donc de nouvelles sanctions pouvant être imposées aux loueurs et aux intermédiaires. Les loueurs seront exposés à une amende civile d'un montant maximal de :

- 5 000 pour non déclaration de leur meublé de tourisme - simple comme soumise à enregistrement ;

- 10 000 euros en cas de location de leur résidence principale au-delà des 120 jours ou en cas de non transmission des informations demandées par la commune.

Les intermédiaires seront exposés à une amende civile d'un montant maximal de :

- 12 500 euros par meublé de tourisme en cas d'absence d'information sur loueur sur ses obligations, de non obtention de la déclaration sur l'honneur, ou encore en cas d'absence de publication du numéro de déclaration ;

- 50 000 euros par meublé de tourisme pour refus de transmettre des informations aux communes ;

- 50 000 euros par annonce en cas de refus de bloquer les annonces au-delà de 120 jours.

Sur le modèle de la procédure applicable en matière de changement d'usage, les sanctions seront prononcées par le président du tribunal de grande instance statuant « en la forme des référés » sur demande de la commune, et le produit de l'amende serait versé à la commune.

La procédure « en la forme des référés » et les amendes civiles

La procédure « en la forme des référés » est régie par l'article 492-1 du code de procédure civile (CPC). Si la forme est celle du référé, la décision en la forme des référés est une décision sur le fond dotée de l'autorité de chose jugée. L'appel est ouvert dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance.

Les droits de la défense sont néanmoins préservés dans ce cadre. La procédure est introduite par une assignation délivrée au défendeur, pour une date et une heure fixe (article 485 du CPC auquel renvoie l'article 492-1 précité). En application de l'article 486 du CPC auquel renvoie l'article 492-1 précité, le juge doit s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. Si tel n'est pas le cas, il renvoie l'affaire.

Contrairement aux dommages et intérêts punitifs, non admis en droit français, les amendes civiles ont pour particularité de ne pas être versées à la victime de l'agissement mais à l'État ou à une personne publique. L'amende civile, si elle est une sanction civile, est néanmoins considérée comme une peine au sens de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et doit donc répondre à certaines exigences conditionnant sa constitutionnalité et sa conventionalité:

- le principe de légalité des délits et des peines, qui impose d'énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont elle sanctionne le manquement (ex : CC QPC n°2010-85 13 janv. 2011) : il semble à cet égard que les comportements sanctionnés à l'article 51 du PJL sont définis en des termes suffisamment clairs et précis ;

- les principes de nécessité et de proportionnalité de la peine : toute peine doit être proportionnée au comportement sanctionné (ex : décision n° 2012-267 du 20 juillet 2012) : en l'espèce, sous réserve de l'analyse que pourra en faire le Conseil constitutionnel, les sanctions prévues et leur montant maximal ne semblent pas être manifestement disproportionnés au regard des comportements poursuivis, compte tenu de l'objectif poursuivi par le Gouvernement de limiter l'effet inflationniste sur les loyers du développement des locations de tourisme ainsi que leurs effets sur le parc de logements disponible.

Par ailleurs, la jurisprudence en matière de fraude à l'autorisation de changement d'usage montre que l'appréciation du juge tient compte des circonstances. Ainsi, dans trois affaires jugées par la Cour d'appel de Paris le 15 juin 2017, si deux propriétaires ont été condamnés au montant maximum de l'amende, un troisième propriétaire n'a été condamné qu'à un montant réduit, le juge ayant tenu compte de ce que l'intéressé a pu, dans une certaine mesure, se méprendre sur la réglementation applicable dans sa situation et que l'offre de location a ensuite été retirée de la plateforme.

Source : direction des affaires civiles et du sceau

Il sera nécessaire d'adopter un décret d'application, ne serait-ce que pour abroger les dispositions de l'article D. 324-1 du code du tourisme (qui fixe, comme vu précédemment, une contravention de 3 e classe pour non déclaration au titre de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme).

Vos rapporteures s'interrogent néanmoins sur la pertinence d'établir un régime d'amende civile en cas d'absence de déclaration « simple » pour les meublés de tourisme alors qu'une telle mesure n'est pas prévue pour les chambres d'hôtes, qui restent uniquement soumises à la contravention de troisième classe déterminée par voie réglementaire. La déclaration « simple » est une déclaration obligatoire à faire en mairie par tout moyen, à travers un formulaire cerfa 92 ( * ) . Elle se distingue de la déclaration soumise à enregistrement, qui peut être mise en oeuvre dans les communes connaissant une tension entre l'offre et la demande de logement.

(4) Il met également un terme à une potentielle distorsion de concurrence.

Dans sa version issue de l'Assemblée nationale, le projet de loi met également un terme à une potentielle distorsion de concurrence entre plateformes . Le droit en vigueur ne vise actuellement que l'intermédiaire « qui se livre ou prête son concours contre rémunération » à la mise en location du meublé de tourisme. Autrement dit, les annonces mises à titre gratuit sur internet 93 ( * ) sur des réseaux sociaux comme Facebook, ne sont pas couvertes par ces obligations.

Si l'on peut s'interroger sur la question de savoir si ce type de plateforme pourra véritablement se voir imposer l'ensemble des obligations de ce régime, dans la mesure où elles n'ont, par hypothèse, pas connaissance, de même que les plateformes non transactionnelles, des transactions effectuées, une telle précision apparaît néanmoins bienvenue.

**

En résumé, aujourd'hui, la commune située en zone tendue qui souhaite éviter que son parc de logements ne diminue en raison d'investisseurs qui souhaiteraient acquérir ces logements en vue de les louer à des touristes de passage dispose de plusieurs outils :

- l'autorisation de changement d'usage, assortie le cas échéant de compensations - sans compensations, l'instauration d'un régime d'autorisation n'est que faiblement dissuasif ;

- afin de rendre plus effectif le contrôle du respect de ce régime d'autorisation, elles peuvent instaurer un système d'enregistrement préalable permettant, avec l'aide des intermédiaires, de contrôler le respect de la limite de 120 jours.


* 57 La législation et la réglementation locale en vigueur à la date du présent rapport et selon les informations recueillies par vos rapporteures est décrite plus précisément dans l'annexe 1.

* 58 Par ailleurs, alors que six mois de location de courte durée suffisent pour dégager une rentabilité égale à une location meublée traditionnelle d'une année, ce délai passe, après compensation à 7,7 mois.

* 59 Voir, par exemple, Europe1.fr, Airbnb : la mairie de Paris met en open data ses données sur les meublés touristiques, 10 mai 2016.

* 60 Voir, par exemple, TGI Paris, 21 janvier 2016, n° 16/50738, qui fustigeait « l'enquête de piètre qualité menée au soutien de la demande, qui se limite à rassembler le témoignage de Mme B. à tout le moins suspect de partialité au vu des indications étayées des défendeurs sur leur contentieux de voisinage, et deux déclarations anonymes et donc invérifiables ».

* 61 Voir, par exemple, CA Paris, pôle 1, 3 e chambre, 22 novembre 2017, n° 17/08188.

* 62 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

* 63 Le Figaro, A Paris, la lutte contre les locations touristiques illégales se durcit, lundi 12 février 2018.

* 64 Selon Airbnb, la durée moyenne de location de la résidence principale des hôtes est d'environ 25 jours.

* 65 DARES, Les congés payés et jours de RTT, quel lien avec l'organisation du travail ?, août 2017.

* 66 Par convention, on décompte 52 semaines en une année, soit 104 jours de week-end. En y ajoutant les 33 jours de congés payés en moyenne, on atteint 137 jours.

* 67 Communication du 2 juin 2016.

* 68 Délibération du 13 décembre 2017.

* 69 Selon la presse spécialisée : https://www.tendancehotellerie.fr/articles-breves/communique-de-presse/9395-article/a-annecy-aussi-les-meubles-de-tourisme-vont-devoir-s-enregistrer.

* 70 Délibération du conseil municipal en date du 10 juillet 2017.

* 71 Délibération du 17 juillet 2017.

* 72 Délibération du 26 avril 2018.

* 73 Délibération du 25 septembre 2017.

* 74 Délibération de la Ville de Lyon en date du 18 décembre 2017.

* 75 Délibérations du 15 décembre 2017 et du 23 février 2018.

* 76 Délibération du 30 octobre 2017.

* 77 Source : site internet de la commune.

* 78 Délibération du 8 juillet 2017.

* 79 Délibération du 29 mars 2018.

* 80 Délibération du 8 janvier 2018.

* 81 Délibération du 19 février 2018.

* 82 Délibération du 12 février 2018.

* 83 Délibération du 14 décembre 2017.

* 84 Délibération du 7 décembre 2017.

* 85 Vos rapporteures n'ont cependant pas pu en trouver les modalités concrètes de mise en oeuvre.

* 86 AhTop, Loi pour une république numérique et location de meublés de tourisme, juin 2017.

* 87 Voir, sur ce sujet, l'annexe n° 1.

* 88 Transmission des informations aux communes et blocage à 120 jours.

* 89 Et ce, malgré l'existence « par accident », d'une sanction : l'article R. 324-1-2 punit, depuis 2009, de 450 euros le fait de ne pas se déclarer en mairie. Puisque celui-ci vise indistinctement l'article du code dans lequel figure la délcaration « simple » et la déclaration soumise à enregistrement, l'absence de déclaration peut, dans les deux cas, faire l'objet de cette sanction.

* 90 Le numéro d'enregistrement à Paris est en vigueur depuis décembre 2017.

* 91 C'est d'ailleurs pourquoi la Mairie de Paris a mis en demeure, en décembre dernier, plusieurs plateformes de retirer les annonces sans numéro d'enregistrement et a récemment assigné celles qui n'ont pas obtempéré.

* 92 Sur la déclaration « simple », voir, ci-dessous, le III. D. 1

* 93 Même si la notion de gratuité peut être questionnée lorsqu'il s'agit d'utiliser un service avec, en contrepartie, la mise à disposition de certaines données à caractère personnel.

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