QUATRIÈME PARTIE - SECOURIR : PILOTER LA GESTION DE L'URGENCE DANS CHACUNE DE SES PHASES

I. ASSURER LA CONDUITE D'UNE ACTION COORDONNÉE ET EFFICACE DANS L'URGENCE

A. AMÉLIORER LA GESTION LOCALE DES CRISES

1. Une mission de l'État assurée par les préfets et hauts-commissaires en lien avec les autorités politiques locales
a) Un droit commun de la sécurité civile applicable dans la quasi intégralité des outre-mer

Les grands textes régissant le droit de la sécurité civile 52 ( * ) , et récemment la loi de modernisation de la sécurité civile, ont été codifiés au sein du code de la sécurité intérieure 53 ( * ) .

Le droit commun de la sécurité civile ne présente pas de dispositions particulières dans les départements et régions d'outre-mer. Dans les collectivités régies par l'article 74, quelques adaptations peuvent être prévues. Ainsi, en Polynésie française , le conseil des ministres de la collectivité est consulté par le ministre des outre-mer ou par le haut-commissaire de la République sur la préparation des plans opérationnels de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes et sur la coordination et la réquisition des moyens concourant à la sécurité civile. 54 ( * )

b) Préfets et hauts-commissaires, responsables de la sécurité civile dans les territoires

De manière analogue au schéma hexagonal, il appartient au préfet ou au haut-commissaire d'assurer la coordination de l'action de l'État. Celui-ci est assisté dans sa mission du service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) ; le responsable de zone de défense et de sécurité dispose en outre à ses côtés de l'état-major interministériel de zone (EMIZ).

À Saint-Martin, la préfecture déléguée devrait à l'avenir se voir dotée également d'un SIDPC.

Le ministère de l'intérieur indique qu'il n'est pas prévu de dispositions particulières pour les préfets affectés dans des départements d'outre-mer qui assument, en cas de crise, la responsabilité de directeur des opérations. Cette similitude avec l'hexagone peut sembler surprenante : la gestion d'une crise à une heure de la capitale est sensiblement différente de la gestion d'une crise dans un territoire insulaire, éloigné de l'hexagone et des renforts, avec un important décalage horaire et donc potentiellement isolé géographiquement.

Cependant, plusieurs structures de commandement ont été configurées spécifiquement dans certains territoires. À titre d'exemples, à La Réunion et en Guyane un état-major de sécurité civile commun à la zone de défense et de sécurité (ZDS) et au département a été mis en place depuis plusieurs années. Les services de coordination du sauvetage maritime et aérien ont fait l'objet d'une mutualisation depuis plusieurs années en Polynésie française .

Enfin, le cas échéant, la coordination entre forces civiles et appuis militaires est localement assurée à deux niveaux :

- localement, par le préfet de zone en lien avec l'officier supérieur de la ZDS ;

- au niveau national, entre les ministères de l'intérieur et des armées qui coordonnent et arbitrent les demandes dès lors que les besoins exprimés dépassent les capacités de la zone de défense concernée.

2. Des dispositifs de sauvegarde à renforcer pour garantir et pérenniser la capacité d'action et de décision

Un point clé de la gestion de crise, mis en lumière lors de l'épisode des ouragans de septembre 2017 aux Antilles, est la capacité des responsables d'opérations à exercer leur mission durant les aléas majeurs . Si ceci vaut particulièrement pour les services de l'État, il en va de même pour les collectivités. Cela passe notamment par leurs moyens matériels, abris sûrs, reliés et connectés , capacités d'échanges avec les acteurs de terrain et avec l'hexagone, le cas échéant.

À Saint-Martin, durant Irma, les deux centres opérationnels - celui de la préfecture et celui de la collectivité - se sont retrouvés hors d'usage du fait de l'ouragan. Le centre opérationnel de la préfecture déléguée a ainsi explosé sous la pression de l'ouragan, de même que le bureau du secrétaire général de celle-ci ; le centre de repli a lui aussi, ensuite, cédé. Il en a été de même à Saint-Barthélemy où le centre opérationnel territorial (COT) s'est relocalisé de l'antenne météo à l'aéroport.

Prenant en compte cette configuration, un centre opérationnel départemental (COD) de repli a ainsi été prévu en Guadeloupe où le Service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) a prévu que le COD de Basse-Terre puisse, en cas d'aléa majeur le rendant inutilisable, se reloger immédiatement à la caserne des pompiers, proche de la préfecture. La nécessité d'un abri sûr et résistant à différents risques - sismique et cyclonique notamment - préside aux choix faits actuellement dans le projet de la future préfecture déléguée de Saint-Martin.

Par ailleurs, les SIDPC comme les collectivités se dotent de plus en plus de moyens de communication réputés fonctionner durant certains aléas majeurs, comme les téléphones satellitaires - ces derniers ayant cependant montré leurs faiblesses éventuelles en cas de cyclone. Aussi, il est important de fournir aux services des moyens plus classiques de communication radio , dont l'utilité a été démontrée. Le président de HAND, M. Gaël Musquet, expliquait 55 ( * ) ainsi devant la délégation que, durant l'exercice « Caribe Wave, il a été possible de discuter avec Cherbourg, Hawaï et le Japon juste avec une radio et une antenne décamétrique » , montrant qu'il était possible « de se passer du satellite, comme les radioamateurs le prouvent tous les jours » ; ces outils présentent le double avantage d'un coût faible et d'une forte résilience .

La bonne dotation de l'ensemble des services dans les territoires, et particulièrement dans les territoires archipélagiques, est essentielle.

Recommandation n° 32 : Pour pallier une éventuelle indisponibilité du centre opérationnel départemental ou territorial initial (COD), conforter la possibilité d'un repli sur un « COD bis » pré-armé.

Recommandation n° 33 : Assurer la capacité d'action, de communication et de décision des services et autorités, en équipant les préfectures, sous-préfectures et services de secours de téléphones satellitaires mais aussi de moyens de communication radio.

3. Le cas particulier de la Nouvelle-Calédonie
a) Une compétence transférée au gouvernement calédonien en 2014

Le transfert de la compétence était prévu par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie 56 ( * ) . Ce transfert a été organisé par une loi du pays 57 ( * ) .

Effectif depuis le 1 er janvier 2014, ce transfert de compétence s'est accompagné de celui des moyens de son exercice, à savoir le rattachement la direction de la sécurité civile du haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie au gouvernement du territoire à cette même date.

Un accompagnement de ce transfert par l'État

Un accompagnement financier a été décidé par l'État : une compensation provisionnelle a été inscrite en loi de finances pour 2014 par un abondement de la dotation globale de compensation de la Nouvelle-Calédonie, afin de compenser le transfert de charges de fonctionnement, d'investissement et de personnel, selon la méthode suivante partagée entre la direction générale des outre-mer, le haut-commissariat et les ministères concernés :

- pour le fonctionnement, la moyenne des dépenses de l'État des trois dernières années précédant le transfert des services ;

- pour l'investissement, la moyenne des dépenses de l'État des dix dernières années précédant le transfert pour l'exercice des activités ;

- pour le personnel, les dépenses de l'État l'année précédant le transfert des services.

L'accompagnement de l'État représentait en 2017 une somme de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement (600 millions de francs Pacifique) et 1,25 millions d'euros en crédits de paiement, sur le budget du ministère de l'intérieur 58 ( * ) .

b) Le haut-commissaire, partenaire et dernier recours

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie conserve un rôle dans la gestion de crise sur le territoire : un rôle de substitution , en cas de carence avérée des responsables de la sécurité civile de Nouvelle-Calédonie, d'une part, et un rôle de partenaire privilégié, d'autre part.

À l'issue du transfert de compétence, le rôle subsidiaire du haut-commissaire est ainsi celui d'un dernier recours . Le point 3.1.2 de l'Accord de Nouméa prévoyait en effet que le transfert de la sécurité civile à la Nouvelle-Calédonie s'accompagne d'un dispositif permettant au représentant de l'État de prendre les mesures nécessaires en cas de carence . L'article 200-1 de la loi organique 59 ( * ) de 1999 précise en effet qu'à « compter du transfert de la compétence en matière de sécurité civile, le haut-commissaire peut prendre, dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités de la Nouvelle-Calédonie , toutes mesures nécessaires visant à assurer la sécurité civile. Ce pouvoir ne peut être exercé par le haut-commissaire qu'après mise en demeure adressée aux autorités de la Nouvelle-Calédonie restée sans résultat ».

Aussi, si le haut-commissaire n'est plus responsable de la sécurité civile dans les cas communs, il demeure responsable de la zone de défense et de sécurité . Dans les cas de crise extrêmement grave dans la zone, dépassant les besoins de sécurité civile, le haut-commissaire conserve sa légitimité à être chef des opérations.

Cependant, haut-commissariat comme gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et direction de la sécurité civile du territoire ont insisté durant la visioconférence réalisée avec la délégation sur la communication dense entre les deux institutions durant les crises, et sur le travail en commun réalisé.


* 52 Cette partie n'évoque que les cas des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ; le cas de la Nouvelle-Calédonie est traité dans une partie suivante.

* 53 Livre VII du code de la sécurité intérieure.

* 54 Article 97 de la loi organique n° 2004-162 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 55 Audition du 12 avril 2018.

* 56 5° de l'article 21 de la loi organique citée.

* 57 Loi du pays n° 2012-1 du 20 janvier 2012 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie de la compétence de l'État en matière de sécurité civile.

* 58 Rapport annuel de performances 2017, mission « sécurités », programme « sécurité civile ».

* 59 Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie précitée.

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