I. UN DROIT DES PEINES DEVENU ILLISIBLE

La question de l'efficacité de notre système pénal est intrinsèquement liée, depuis le XIX e siècle, aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines 5 ( * ) garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 6 ( * ) . Ces principes obligent le législateur à prévoir une pluralité de peines pouvant être prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

Comme l'a souligné le professeur Mme Martine Herzog-Evans lors de son audition par vos rapporteurs, le droit des peines se distingue par une double complexité : une complexité légitime due à l'offre foisonnante de mesures justifiée par la nécessité d'individualiser les peines, mais également une complexité inutile , résultant de procédures contradictoires rigidifiant le prononcé de la peine et rendant illisible l'exécution des peines, tant pour le condamné que pour les victimes et la société.

A. LE PRONONCÉ DES PEINES : DES PRINCIPES À LA RÉALITÉ

En principe, les peines doivent présenter un caractère exemplaire, adapté aux faits et à la situation du condamné. L'engorgement des juridictions rend pour le moins difficile le respect de ce principe.

1. La peine, une modalité de la réponse pénale

Les peines ne constituent pas la majeure partie des réponses pénales aux comportements réprimés par le code pénal.

Parmi les 1 367 166 affaires poursuivables en 2016 7 ( * ) , 43,6 % ont fait l'objet de poursuites et d'une décision juridictionnelle 8 ( * ) , 37,5 % ont fait l'objet d'une procédure alternative aux poursuites , 14 % ont été classées sans suite et 5 % ont fait l'objet d'une composition pénale.

Orientations des affaires poursuivables en 2016

Source : à partir des chiffres clés de la justice (2017)

Ainsi, une part significative des réponses pénales est adressée par les magistrats du parquet , par la voie de mesures alternatives aux poursuites ou d'une composition pénale.

Les mesures alternatives aux poursuites

Créées par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 relative aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale , les mesures alternatives aux poursuites ont permis d'apporter une réponse systématique et graduée à nombre de délits. Définies par l'article 41-1 du code de procédure pénale, elles doivent répondre à l'un des trois critères suivants : « (...) susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ».

L'article 41-1 du code de procédure pénale fait mention de plusieurs types d'alternatives aux poursuites :

- le rappel à la loi , qui constitue un avertissement judiciaire, mis en oeuvre sur décision d'un magistrat du parquet ;

- l' orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle , notamment en vue de la réalisation d'un stage de sensibilisation ou d'une formation ;

- la demande à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements, tendant à mettre fin à une infraction dans de brefs délais ;

- la réparation du dommage résultant des faits ;

- la mesure de médiation pénale , qui vise à rechercher un accord entre l'auteur des faits et la victime ;

- l' éloignement de l'auteur de l'infraction du lieu de résidence du couple assorti, le cas échéant, d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire.

L'article L. 3423-1 du code de la santé publique prévoit également la possibilité d'une injonction thérapeutique.

Les affaires relevant du contentieux de masse font également régulièrement l'objet d'une procédure de composition pénale .

La mesure de composition pénale

La mesure de composition pénale, prévue par l'article 41-2 du code de procédure pénale, est une transaction proposée par le procureur de la République à l'auteur d'un ou plusieurs délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans.

Il revient ainsi au magistrat du parquet de proposer une sanction, parmi un nombre de mesures limitativement énumérées par le code de procédure pénale, qui doit être acceptée par l'auteur et validée par un magistrat du siège.

L'exécution de la mesure de composition pénale éteint l'action publique.

Vingt-et-une mesures peuvent être envisagées :

- verser une amende de composition au trésor public ;

- se dessaisir au profit de l'État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

- remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation ;

- remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ;

- suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l'installation à ses frais d'un éthylotest anti-démarreur sur son véhicule, pour une période minimale de six mois et maximale de trois ans ;

- remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ;

- accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ;

- suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ;

- ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ;

- ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par le procureur de la République, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement ;

- ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ;

- ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ;

- ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté ;

- pour les violences conjugales, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;

- se soumettre à une mesure d'activité de jour consistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ;

- se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ;

- accomplir à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nombre de mesures pouvant être infligées par la voie de la composition pénale ou des procédures alternatives aux poursuites (amende, stage, travail non rémunéré de 60 heures, interdiction de rencontrer certaines personnes, etc .) peuvent également être prononcées en tant que peine principale ou complémentaire par les juridictions.

Cheminement des affaires pénales en ordre de grandeur

Source : graphiques de B. Aubusson de Cavarlay publiés dans le rapport 2017 de la commission
de suivi de la détention provisoire

2. Une palette complexe de peines diverses

Bien que les magistrats souhaitent disposer d'une palette de peines diversifiées, ils dénoncent depuis plusieurs années la complexité et le manque de lisibilité de l'architecture des peines .

a) Une grande diversité des peines pouvant être prononcées

La lecture du titre III du livre I er du code pénal permet de retenir plusieurs nomenclatures des peines 9 ( * ) .

Une première distinction peut être opérée entre les peines applicables aux personnes physiques et les peines applicables aux personnes morales .

Une autre classification distingue les peines principales , prévues par une disposition légale spécifique pour sanctionner chaque comportement déterminé 10 ( * ) , et les peines alternatives ou dites de substitution , pouvant être prononcées en vertu d'une disposition de portée générale à la place d'une peine principale légalement encourue 11 ( * ) , et les peines complémentaires .

Article 131-3 du code pénal

Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :

1° L'emprisonnement ;

2° La contrainte pénale 12 ( * ) ;

3° L'amende ;

4° Le jour-amende 13 ( * ) ;

5° Le stage de citoyenneté 14 ( * ) ;

6° Le travail d'intérêt général 15 ( * ) ;

7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 ;

8° Les peines complémentaires prévues à l'article 131-10 ;

9° La sanction-réparation 16 ( * ) .

En principe, les seules peines principales sont la privation de liberté ( réclusion ou détention criminelle à temps - pour au moins dix ans - ou à perpétuité - ou emprisonnement) et l'amende .

Néanmoins, par exception, le législateur a parfois prévu le prononcé du travail d'intérêt général en tant que peine principale « spécifiquement » prévue par la qualification légale de l'infraction. Ainsi, les articles 322-1 à 322-3 font encourir le fait de « tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable » (répression du tag ou du graffiti ) d'une peine d'amende (de 3 750 à 15 000 € selon la gravité de l'infraction) et d'une peine de travail d'intérêt général.

De plus, la rédaction de l'article 131-3 du code pénal reproduite ci-dessus semble affaiblir cette distinction entre les peines « principales », mentionnées dans la qualification pénale de chaque infraction, et les autres peines en dressant une liste (non exhaustive) de neuf peines en matière correctionnelle.

b) Une nomenclature complexe des peines

En dépit de l'apparente simplicité de l'article 131-3 du code pénal, la nomenclature des peines encourues en matière correctionnelle présente de nombreux éléments d'ambiguïté et de complexité .

En premier lieu, la distinction entre peines principales et peines complémentaires apparaît incertaine.

Les principales peines complémentaires

• L'affichage ou la diffusion de la décision de justice ;

• La confiscation d'un objet ou d'un animal ;

• La suspension, le retrait ou l'annulation du permis de conduire ;

• L'interdiction des droits civiques, civils et de famille (droit de vote, éligibilité, exercice d'une fonction juridictionnelle, etc .) ;

• L'interdiction du territoire français ;

• L'interdiction de séjour ;

• L'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de paiement ;

• L'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale ;

• L'interdiction de détenir une arme ;

• L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation (sécurité routière, dangers de l'usage de produits stupéfiants, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale) ;

• Le suivi socio-judiciaire.

Ainsi, l'article 131-3 du code pénal, qui semble esquisser la nomenclature des peines principales, renvoie aux peines complémentaires mentionnées à l'article 131-10. Pour autant, il ne renvoie pas à l'intégralité des peines complémentaires , dont la plupart sont définies aux articles 131-19 à 131-35-1, ni même à la peine de suivi socio-judiciaire (peine complémentaire pouvant être ordonnée à titre principal).

De surcroît, certaines peines dites complémentaires, notamment celles mentionnées par l'article 131-10 du code pénal, peuvent être prononcées à titre de peine principale 17 ( * ) .

Nature des peines applicables aux personnes physiques
en matière correctionnelle et criminelle

En matière correctionnelle
(articles du code pénal)

En matière criminelle
(articles du code pénal)

Emprisonnement
(art. 131-3 et 131-4)

Réclusion criminelle
(art. 131-1)

Contrainte pénale (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3 et 131-4-1)

ø

Amende (art. 131-3)

Amende (art. 131-2)

Jour-amende (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3 et 131-5)

ø

Stage de citoyenneté (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3, 131-5-1, 131-35-1 et 131-35-2)

ø

Peines privatives ou restrictives de droits 18 ( * )
(à la place de l'emprisonnement ou d'une amende)
(art. 131-3 et 131-6)

ø

Travail d'intérêt général (à la place de l'emprisonnement) de 20 à 290 heures
(art. 131-3 et 131-8)

ø

Sanction-réparation (à la place de l'emprisonnement
ou de l'amende)
(art. 131-3 et 131-8-1)

ø

Peines complémentaires (art. 131-10, 131-19 à 131-35-1)

Suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1)

• La distinction entre peines alternatives à l'emprisonnement et peines complémentaires apparaît tout autant ambiguë.

Traditionnellement, les termes de « peines alternatives à l'emprisonnement » désignent les peines de substitution, introduites par la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de droit pénal, définies par l'article 131-6 du code pénal ; ces peines privatives ou restrictives de liberté ne peuvent être prononcées qu'à la place d'une peine d'emprisonnement.

Les peines correctionnelles alternatives à l'emprisonnement

• La peine de jour-amende prévue par l'article 131-5 du code pénal ;

• Le stage de citoyenneté prévu par l'article 131-5-1 du code pénal ;

• Les peines privatives ou restrictives de droit prévues par l'article 131-6 du code pénal ;

• La peine de travail d'intérêt général prévue par l'article 131-8 du code pénal ;

• La peine de sanction-réparation prévue par l'article 131-8-1 du code pénal ;

• La peine de contrainte pénale prévue par l'article 134-4-1 du code pénal.

Le non-respect de certaines peines « alternatives à l'incarcération » peut également être sanctionné par une peine d'emprisonnement en cas d'inexécution des obligations ou interdictions prononcées par la juridiction. Ainsi, en application de l'article 131-9 du code pénal, quand la juridiction ordonne, en tant que peine principale, une peine privative ou restrictive de droit prévue à l'article 131-6, un stage de citoyenneté, ou encore un travail d'intérêt général, elle peut également fixer une peine d'emprisonnement et un montant d'amende, qui pourront éventuellement être mis à exécution par le juge de l'application des peines, en cas de manquement. En application de l'article 131-11 du code pénal, les mêmes dispositions sont applicables en cas de condamnation à titre de peine principale à une des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-10 du code pénal.

Parce qu'elles ne peuvent, en principe, être cumulées avec une peine d'emprisonnement selon les termes de l'article 131-9 du code pénal, les peines de contrainte pénale ou de travail d'intérêt général semblent également être des peines « alternatives à l'emprisonnement ».

Pour autant, des exceptions existent. Par exemple, l'article L. 234-2 du code de la route fait encourir la peine de travail d'intérêt général (TIG) en tant que peine complémentaire du délit de conduite sous l'influence de l'alcool, puni « à titre principal » de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, mais en renvoyant aux dispositions de l'article 131-8 du code pénal qui ne permettent le prononcé du TIG qu'en alternative à l'emprisonnement. Faut-il en déduire que la peine de travail d'intérêt général peut être prononcée en sus de l'emprisonnement ? Dans la négative, pourquoi préciser que la peine complémentaire de travail d'intérêt général est encourue ?

Il n'est pas rare qu'une même mesure puisse être prononcée en tant que peine principale alternative à l'emprisonnement ou en tant que peine complémentaire . Ainsi, en application de l'article 131-5-1 du code pénal, la peine de stage de citoyenneté peut être prononcée pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement en tant que peine principale alternative à l'incarcération, ce qui exclut tout cumul. Néanmoins, en application de dispositions particulières à certaines infractions 19 ( * ) , la peine de stage de citoyenneté peut être ordonnée en tant que peine complémentaire , en sus des peines principales d'amende ou d'emprisonnement.

Inclassables parce qu'hybrides, les peine du jour-amende et de la sanction-réparation semblent être à la fois des peines de substitution et des peines complémentaires. Peine en principe alternative à l'incarcération, la peine du jour-amende peut cependant se cumuler avec l'emprisonnement. Quant à la peine de sanction-réparation, elle constitue une peine complémentaire générale, encourue pour tous les délits, tout en étant une peine alternative pouvant être prononcée « à la place ou en même temps » qu'une peine d'emprisonnement ou qu'une peine d'amende.

Pensées à l'origine pour présenter, au sein du code pénal, une diversité de choix possibles pour les juridictions, les classifications hybrides de mesures (travail d'intérêt général, stage, etc .) en tant que peine complémentaire ou peine - alternative à l'incarcération ou non - prononcée à titre principal apparaissent désormais comme une source de complexité pour les magistrats qui s'interrogent souvent sur les cumuls autorisés par la loi. La pertinence de ces différentes catégories apparaît aujourd'hui remise en cause.

Les peines privatives ou restrictives de liberté définies à l'article 131-6 du code pénal

- La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

- La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

- Le retrait du permis de chasser avec interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau ;

- L'immobilisation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné pendant une durée d'un an au plus.

Pendant une durée de cinq ans au plus :

- la suspension du permis de conduire, l'interdiction de conduire certains véhicules, l'annulation du permis de conduire avec interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau ; l'interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique ;

- l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;

- l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ;

- l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;

- l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Pendant une durée de trois ans au plus :

- l'interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

- l'interdiction de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

- l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction.

• Les conditions nécessaires au prononcé de certaines peines sont également une source de complexité .

Si la plupart des peines (jours-amende, contrainte pénale, stage de citoyenneté, travail d'intérêt général) sont encourues seulement pour des délits punis d'une peine d'emprisonnemen t, certaines peines, comme les peines privatives ou restrictives de droit mentionnées à l'article 131-6 du code pénal, et les peines de sanction-réparation peuvent également être prononcées, à titre principal à la place de l'amende , pour les délits punis seulement d'une peine d'amende .

L'ensemble des peines de stage , qui se sont multipliées ces dernières années (citoyenneté, sécurité routière, dangers de l'usage de produits stupéfiants, responsabilité pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale, lutte contre le sexisme et sensibilisation à l'égalité entre les hommes et les femmes), ne peuvent pas être prononcées dans les mêmes conditions : par exemple, le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné alors que le stage de citoyenneté peut être à la charge ou non du condamné selon la décision de la juridiction. De plus, seul le stage de citoyenneté est mentionné dans l'échelle des peines de l'article 131-3 du code pénal.

Autre source de complexité, si la plupart des peines complémentaires ne sont encourues que lorsqu'une disposition expresse prévoit l'application à une infraction ou une catégorie d'infractions particulières, par dérogation, certaines peines complémentaires sont encourues « de plein droit » en vertu d'une disposition générale du code pénal.

Par exemple, en sus des dispositions spécifiques, la peine de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an 20 ( * ) .

La nature de la peine dépend également du quantum encouru : ainsi, par une disposition générale concernant les infractions punies d'une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement, la confiscation peut porter sur « les biens meubles ou immeubles , quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine. » En cas de disposition spécifique, la confiscation peut même porter sur tout bien appartenant à un condamné.

Il convient enfin de noter la perplexité des magistrats quant aux exigences de motivation auxquelles ils sont soumis : alors que la jurisprudence de la Cour de la cassation a affirmé en 2017 21 ( * ) l'obligation de motiver toutes les peines, qu'elles soient principales ou complémentaires, prononcées en matière correctionnelle ou en matière criminelle, plusieurs dispositions législatives prévoient des peines complémentaires obligatoires prononcées « de plein droit » ou sauf décision spécialement motivée. Ainsi, la peine complémentaire d'inéligibilité est « encourue de plein droit » et son prononcé est obligatoire, sauf décision spécialement motivée, pour de nombreuses infractions d'atteinte à la probité 22 ( * ) .

En vertu de dispositions spécifiques à certaines catégories d'infractions et non de dispositions générales à l'instar de la peine de confiscation, le prononcé de certaines peines peut parfois également entraîner « de plein droit » d'autres peines complémentaires : ainsi toute condamnation pour un homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur « donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant dix ans au plus ».

3. La peine d'emprisonnement, peine de référence

S'il existe, en droit, une grande diversité de peines restrictives ou privatives de droits ou de libertés, dans les faits, cette diversité est occultée par la place réservée à la peine d'emprisonnement .

L'ensemble des acteurs de la justice s'accordent sur ce point, souvent avec regret : la peine d'emprisonnement demeure la peine de référence comme le démontre la notion même de peine alternative à l'incarcération.

En droit, en application de l'article 132-1 du code pénal, la peine d'emprisonnement est pourtant une peine « exceptionnelle ». La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs décisions du 29 novembre 2016 23 ( * ) , que la peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier ressort, si toute autre sanction est manifestement inadéquate : une peine d'emprisonnement sans sursis doit être justifiée au regard de sa nécessité, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. La décision de refus d'aménager une peine d'emprisonnement ferme doit également être motivée.

Or pour la société comme pour les délinquants, la peine d'emprisonnement demeure la seule peine « réelle » .

Les sanctions en Allemagne

En Allemagne, il existe deux peines principales : la peine privative de liberté ou l'amende, calculée en fonction du revenu de l'intéressé (l'amende est prononcée en nombre de forfaits journaliers).

Les amendes représentent 86 % des condamnations. En cas de non-exécution des peines d'amende, des « peines privatives de liberté ersatz » peuvent être prononcées avec une journée de détention pour l'équivalent d'un forfait journalier non payé.

14 % des condamnations concernent ainsi des peines privatives de liberté : deux tiers d'entre elles sont constituées ou assorties d'une période de probation.

Il existe également des peines secondaires ( Nebenstrafen ), comme par exemple l'interdiction de conduire.

Outre les peines, peuvent être prononcées des mesures de sûreté ( Massregeln der Besserung und Sicherung ), comme l'internement dans un hôpital psychiatrique, le placement dans un institut de traitement de la dépendance, la rétention de sûreté, le suivi socio-judiciaire, etc .

D'un point de vue sociétal, les acteurs de la justice constatent qu'aucune autre peine n'est aussi visible et perçue comme efficace que la peine d'emprisonnement, malgré les effets délétères de l'emprisonnement dénoncés régulièrement par certains magistrats et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

Les magistrats et les greffiers du parquet de Lyon, rencontrés par vos rapporteurs, constataient ainsi que lorsque les prévenus sont interrogés sur leurs antécédents judiciaires, ceux-ci ne mentionnent que les peines d'emprisonnement exécutées en détention : autres peines, notamment les peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un aménagement, les peines de sursis ou encore les peines de travail d'intérêt général, ne sont pas considérées comme des condamnations ni même comme des antécédents . En conséquence, les magistrats et les greffiers en ont tiré la nécessité d'améliorer l'information des condamnés et de mettre en place une véritable pédagogie de la peine .

Les catégories de sanctions en Suisse

En Suisse, les sanctions pénales sont classées en deux grandes catégories : les peines et les mesures.

Trois types de peines sont prévus en matière criminelle ou délictuelle : la peine privative de liberté, la peine pécuniaire et le travail d'intérêt général. Pour les contraventions, seule l'amende et le travail d'intérêt général peuvent être prononcés.

Sauf exceptions, la peine privative de liberté est d'une durée comprise entre six mois et vingt ans. Les juridictions ont la possibilité d'assortir de sursis les peines privatives de liberté d'une durée inférieure à deux ans et de sursis partiel les peines privatives d'une durée comprise entre un an et trois ans. Les peines privatives de liberté peuvent être exécutées en semi-détention ou par journées séparées (par exemple, durant les week-ends ou les vacances).

Sanctions prononcées en général en sus d'une peine, les mesures dépendent non pas de la faute commise par l'auteur mais du but poursuivi. Ce sont par exemple des mesures thérapeutiques comme le traitement des troubles mentaux (article 59 du code pénal), le traitement des addictions (article 60 du code pénal) ou l'internement.

Entrent également dans la catégorie des mesures les sanctions d'interdiction d'exercer une profession, d'interdiction de conduire, la publication du jugement, la confiscation d'objets ou de valeurs, la créance compensatrice et l'allocation au lésé.

4. Les conditions actuelles de prononcé des peines à l'épreuve des principes directeurs du droit des peines
a) La nécessaire individualisation des peines prononcées

Le droit des peines est régi par plusieurs exigences constitutionnelles, qui s'appliquent tant au législateur dans l'édiction des sanctions qu'aux juridictions dans le prononcé des peines : les principes de légalité des peines, de personnalité des peines, de la nécessité et de la proportionnalité des peines et enfin de l'individualisation des peines.

Les exigences constitutionnelles du droit des peines concernant le législateur

Consacré par les articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prévoient que « nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et dans les formes qu'elle a prescrites », que « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée », le principe de légalité des peines 24 ( * ) impose au législateur, et à lui seul, le soin de fixer les peines avec précision.

Le principe de légalité criminelle est parfois associé au principe d'égalité qui s'impose au législateur : selon la décision du Conseil constitutionnel n° 89-262 DC du 7 novembre 1989, « pour des infractions identiques, la loi pénale ne saurait, dans l'édiction des crimes ou des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, instituer au profit de quiconque une exonération de responsabilité à caractère absolu, sans par là-même porter atteinte au principe d'égalité. »

Le principe de personnalité des peines ne permet, en principe, que de condamner des personnes responsables de l'infraction et prohibe toute responsabilité pénale du fait d'autrui.

Consacrés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines 25 ( * ) fondent le principe de non-rétroactivité des peines 26 ( * ) et interdisent au législateur toute sévérité excessive entre la gravité de l'infraction et la peine encourue 27 ( * ) .

Enfin, le principe d'individualisation des peines 28 ( * ) interdit au législateur de prévoir des peines automatiques sans que le juge les ait prononcées en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.

Traduit à l'article 111-3 du code pénal, « nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention », le principe de légalité des peines impose principalement aux juridictions de ne pouvoir prononcer que des peines prévues par un texte législatif antérieur aux faits incriminés, sans en excéder les maximum définis. De même, le juge ne peut déterminer que des modalités d'exécution des peines prévues par la loi.

Les principes constitutionnels de nécessité et d'individualisation des peines 29 ( * ) imposent aux juridictions de personnaliser les peines prononcées. Actuellement, l'article 132-1 du code pénal prévoit que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée . Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale , conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 30 ( * ) . »

Cette personnalisation des peines peut se traduire par plusieurs modalités :

- le prononcé d'une peine inférieure au maximum encouru par la qualification légale applicable ou la dispense d'une peine ;

- le prononcé d'un sursis, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ;

- l'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans par un régime de semi-liberté, un placement à l'extérieur, un placement sous surveillance électronique ou le fractionnement de la peine ;

Les aménagements de peine ab initio
(art. 132-25, 132-26-1 et 132-27 du code pénal)

Les aménagements de peines ab initio relèvent de quatre régimes distincts :

- le régime de la semi-liberté 31 ( * ) prévoit que le condamné est astreint à demeurer dans l'établissement pénitentiaire, à l'exception du temps nécessaire à la conduite des activités en raison desquelles il a été admis au régime de la semi-liberté (activité professionnelle, recherche d'un stage ou d'un emploi, suivi d'une formation, participation à la vie familiale, conduite d'un projet d'insertion ou de réinsertion) ;

- le placement à l'extérieur 32 ( * ) astreint le condamné à effectuer, sous le contrôle de l'administration, des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire ;

- le placement sous surveillance électronique 33 ( * ) , qui suppose, contrairement aux autres modalités d'aménagements de peine, l'accord préalable du condamné, implique pour celui-ci une interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge de l'application des peines, en dehors des plages horaires et des périodes fixées par celui-ci. Ce régime emporte en outre l'obligation pour le condamné de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l'application des peines ;

- le régime du fractionnement 34 ( * ) prévoit l'exécution d'une peine par fractions, sur une période ne pouvant excéder quatre ans et sans qu'une fraction soit inférieure à une durée de deux jours.

Ces aménagements ne peuvent être prononcés que lorsque le condamné justifie se trouver dans l'une des quatre situations suivantes :

- l' exercice d'une activité professionnelle , même temporaire, le suivi d'un stage ou son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;

- sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

- la nécessité de suivre un traitement médical ;

- l'existence d' efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

- le prononcé et l'éventuelle modulation de la période de sûreté ;

- le recours à des peines privatives ou restrictives de droit, au travail d'intérêt général, au jour-amende ou à une peine complémentaire prononcée à titre principal ;

- les modalités de l'inscription ou non de la peine au casier judiciaire.

Les bulletins du casier judiciaire

Les condamnations devenues définitives sont mentionnées au casier judiciaire du condamné. Plus de 16 millions d'extraits sont délivrés chaque année dans le cadre de la mission de restitution du casier judiciaire.

Le bulletin n° 1 constitue le relevé intégral des condamnations pénales (assorties ou non de sursis) et des déclarations de culpabilité assorties d'une dispense de peine, sauf en cas d'exclusion d'une mention au bulletin prononcée par le juge. Y figurent les décisions suspendant l'exécution de la peine, ordonnant l'exécution d'une précédente condamnation, les décisions de surveillance judiciaire, de surveillance de sûreté ou encore de rétention de sûreté. Parmi les demandes de restitution du casier judiciaire (soit l'envoi d'un extrait), 20 % concernent le bulletin n° 1.

Le bulletin n° 2, délivré à certaines autorités publiques, ne contient pas les décisions de condamnations assorties du bénéfice du sursis considérées comme non avenues, les compositions pénales exécutées, les condamnations ayant fait l'objet d'une réhabilitation et plus généralement toute décision ayant été assortie d'une exclusion d'une mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire. 60 % des demandes de restitution adressées au casier judiciaire concernent le bulletin n° 2.

Le bulletin n° 3 est délivré aux particuliers : il représente 20 % des demandes de restitution adressées au casier judiciaire. Il comporte uniquement les condamnations les plus graves, notamment celles supérieures à deux ans d'emprisonnement sans sursis.

b) Les conditions actuelles du prononcé des peines

L'ensemble des magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont décrit une situation d'augmentation du nombre des infractions qui se traduit à la fois par la nécessité de diversifier les réponses pénales et les modes de poursuite (ordonnance pénale, comparution immédiate, etc .) pour absorber ce surcroît d'activité et l'augmentation des condamnations prononcées : entre 2004 et 2016, le nombre de condamnations prononcées en matière délictuelle à l'encontre de majeurs a augmenté de 17 % 35 ( * ) .

Face à l'augmentation de la population pénale, la nécessité de prononcer une peine adaptée et individualisée apparaît de plus en plus difficile à respecter à moyens constants.

À Valence, les magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont témoigné de la nécessité de recourir de plus en plus souvent à la procédure de comparution immédiate, pour des faits graves qui nécessitent une sanction immédiate. Cependant, cette procédure ne permet pas de véritable évaluation de la personnalité de l'intéressé ou d'étude préalable de faisabilité quant au prononcé d'un aménagement de peines.

Or 28 % des peines d'emprisonnement ont été prononcées dans le cadre d'une comparution immédiate. Selon les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) entendus, ces peines d'emprisonnement exécutées immédiatement, souvent d'une durée inférieure à deux ans d'emprisonnement, sont insuffisamment préparées et, si elles permettent une sanction immédiate et une mise à l'écart temporaire de la société, elles ne semblent présenter aucun intérêt pour la réinsertion de l'individu et la prévention du risque de réitération.

De manière générale, l'ensemble des magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont regretté l'insuffisance des informations concernant la personnalité du prévenu, sa situation professionnelle, familiale, médicale et sociale dont ils disposent à l'audience lors du prononcé des peines. Cette absence d'information explique ainsi le faible taux d'aménagement des peines prononcé à l'audience.

Comment prononcer un placement sous surveillance électronique lorsque la juridiction ignore si le prévenu dispose d'un domicile permettant, sur le plan technique notamment, la mise en place d'un placement sous surveillance électronique ?

Comment prononcer un travail d'intérêt général en l'absence de visibilité sur les places disponibles ou le calendrier éventuel d'un travail d'intérêt général, alors qu'une réponse immédiate est souhaitée ?

Comment ordonner une mesure thérapeutique en l'absence d'avis médical ?

Comment prononcer une peine d'emprisonnement assortie d'une semi-liberté en l'absence de justificatif prouvant un emploi ?

En l'absence d'informations permettant d'envisager une autre peine, la peine d'emprisonnement est privilégiée : contrairement aux autres peines, aucune condition préalable n'est nécessaire pour la prononcer. Nombre de décisions des juridictions correctionnelles motivent également l'absence d'aménagement ab initio de la peine prononcée par l'absence d'informations disponibles.

De plus, les applicatifs de la chaine pénale, de Cassiopée 36 ( * ) au casier judiciaire, ne permettent pas une vision globale et instantanée de la situation d'un prévenu, notamment au regard des longs délais de mise à jour des fiches pénales.

Nombre de magistrats s'accordent sur l'inefficacité de certaines peines d'emprisonnement , prononcées « faute de mieux » ou « faute de certitude sur la situation de l'intéressé » et motivées par la nécessité de prononcer une sanction immédiate.

Cet effet est accru dans le cadre des procédures de comparution immédiate , à l'origine de nombreuses peines d'emprisonnement, plus ou moins courtes. Or le recours à cette procédure a considérablement augmenté lors des vingt dernières années : de 30 000 affaires poursuivies en comparution immédiate en 2000 à environ 41 000 en 2016.

Les possibilités d'aménager ultérieurement les peines d'emprisonnement apparaissent également de nature à « justifier » ces peines auprès des magistrats. Il en résulte ainsi un renoncement , voire une certaine indifférence des juges correctionnels à l'égard de la peine qui devrait et qui sera effectivement exécutée par le condamné : nombre de juges correctionnels ne considèrent pas qu'il soit matériellement possible de prononcer, à l'audience, une peine adaptée à la situation de l'individu et s'en remettent ainsi à l'analyse des juges de l'application des peines.


* 5 Dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence du « principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

* 6 « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

* 7 Selon les chiffres clés de la justice (édition 2017).

* 8 Les orientations de poursuites ont conduit au prononcé de 3 280 jugements en matière criminelle, 554 577 en matière correctionnelle, 48 898 en matière contraventionnelle. Parmi ces 595 592 affaires, 582 142 ont donné lieu à `une condamnation.

* 9 Si elles constituent des sanctions pénales, les mesures de sûreté ne sont toutefois pas des peines et ne feront pas l'objet de développements.

* 10 Par exemple, en application de l'article 311-3 du code pénal, le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

* 11 Par exemple, en application de l'article 131-6 du code pénal, le vol peut être puni d'une peine d'interdiction d'émettre des chèques.

* 12 Peine de probation encourue pour tout délit, la contrainte pénale peut être prononcée lorsque « les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu » de la personne condamnée. Elle emporte obligation de se soumettre, pour une durée comprise entre six mois et cinq ans « à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société. »

* 13 Introduite par la loi n° 83-466 du 10 juin 1983, la peine de jour-amende permet aux juridictions de prononcer une amende correspondant à une contribution quotidienne (déterminée d'après les ressources et charges du condamné et ne pouvant excéder 1 000 euros) multiplié par un certain nombre de jours ne pouvant excéder 360. Le défaut de paiement des jours-amende entraîne l'incarcération de la personne condamnée pour le nombre de jours-amende prononcés.

* 14 Créé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité , dite « loi Perben II », le stage de citoyenneté a vocation à rappeler au condamné « les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine sur lesquelles est fondée la société. » Le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, soit 450 euros, peut être effectué aux frais du condamné.

* 15 Le travail d'intérêt général consiste en un travail non rémunéré réalisé au sein d'une association, d'une collectivité publique (État, région, département, commune), d'un établissement public (hôpital, établissement scolaire...) ou au sein d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public. Sa durée varie en fonction de la nature de l'infraction concernée : de 20 à 120 heures en cas de contravention ; de 20 à 280 heures en cas de délit.

* 16 Créée par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance , la sanction-réparation consiste dans l'obligation de procéder à l'indemnisation du préjudice subi par la victime selon des modalités définies par le juge (par exemple, la remise en état d'un bien endommagé). Une peine d'emprisonnement ou de prison est fixée et pourrait être mise à exécution en cas de non-exécution de la sanction-réparation.

* 17 En application de l'article 131-11 du code pénal.

* 18 Ces peines dites de substitution ont été principalement créées par la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975.

* 19 Par exemple l'article 312-13 du code pénal pour les délits d'extorsion.

* 20 À l'exception des délits de presse.

* 21 Crim. 1 er févr. 2017, n os 15-83.984, 15-85.199 et 15-84.511. Crim. 8 févr. 2017, n° 15-86.914, n os 16-80.389 et 16-80.391.

* 22 En application de l'article 131-26-2 du code pénal.

* 23 Cour de cassation, chambre criminelle, 29 novembre 2016, n° 15-83.108, n° 15-86.116 et n° 15-86.712.

* 24 Conseil constitutionnel, décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981.

* 25 Conseil constitutionnel, décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, considérant n° 23.

* 26 Conseil constitutionnel, décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, considérant n° 8.

* 27 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017, considérant n° 13.

* 28 Conseil constitution, décision n° 210-6/7 QPC du 11 juin 2010.

* 29 Dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence du « principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

* 30 Voir page 12.

* 31 Art. 132-25 du code pénal.

* 32 Art. 132-25 du code pénal.

* 33 Art. 132-26-1 du code pénal.

* 34 Art. 132-27 du code pénal.

* 35 Infostat Justice, décembre 2017, n° 156, « L'évolution des peines d'emprisonnement de 2004 à 2016 » de M. Maël Löwenbrück.

* 36 Chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page