Rapport d'information n° 713 (2017-2018) de MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 septembre 2018

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N° 713

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 septembre 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la nature des peines , leur efficacité et leur mise en oeuvre ,

Par MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

LISTE DES PROPOSITIONS

1. Remettre les juridictions de jugement au coeur du prononcé des peines

Proposition n° 1 :

Distinguer le temps de la sanction du temps de la réinsertion.

Proposition n° 2 :

Redéfinir les missions des acteurs de la peine afin de mettre fin à la confusion des rôles.

Proposition n° 3 :

Refondre le prononcé et l'aménagement des peines pour que la peine exécutée soit la peine prononcée par la juridiction, sauf circonstance ou évolution particulière de la situation du condamné.

Proposition n° 4 :

Encourager, le cas échéant par la mise en place d'expérimentations locales, la césure systématique du procès entre le prononcé de la culpabilité et le prononcé de la peine.

Proposition n° 5 :

Garantir des applicatifs numériques efficients permettant d'informer promptement les juridictions.

Proposition n° 6 :

Systématiser les enquêtes présentencielles et de faisabilité pour le prononcé de peines et d'aménagements de peine ab initio adéquats.

Proposition n° 7 :

Développer la présence, autant que possible, d'un juge de l'application des peines au sein des formations de jugement des tribunaux correctionnels.

Proposition n° 8 :

Inciter les avocats à préparer les aménagements de peine à l'audience.

2. Simplifier l'architecture des peines

Proposition n° 9 :

Redéfinir la hiérarchie des peines correctionnelles.

Proposition n° 10 :

Assouplir la distinction entre les différentes catégories de peines (peines principales, peines alternatives et peines complémentaires) pour une plus grande efficacité de la réponse pénale.

Proposition n° 11 :

Créer une peine autonome de probation visant à se substituer à la contrainte pénale et au sursis avec mise à l'épreuve.

Proposition n° 12 :

Fusionner les peines de stages en une peine unique.

3. Défendre une vision pragmatique de l'exécution des peines

Proposition n° 13 :

Faire des collectivités territoriales des partenaires de l'exécution des peines.

Proposition n° 14 :

Construire des stratégies locales partagées entre tous les acteurs de la peine :

- organiser régulièrement des temps d'échanges entre juges correctionnels, juges de l'application des peines, magistrats du parquet afin de définir une politique de juridiction en matière de prononcé et d'exécution des peines ;

- développer les échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et l'autorité judiciaire.

Proposition n° 15 :

Adapter le contenu des peines aux profils des auteurs d'infractions dans les territoires.

Proposition n° 16 :

Investir dans l'évaluation qualitative et quantitative des personnes placées sous main de justice :

- mettre en oeuvre une évaluation post-sentencielle des personnes condamnées ;

- réaliser des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de récidive, et mesurer l'efficacité des peines et la qualité des intervenants du milieu probationnaire.

Proposition n° 17 :

Inscrire l'ensemble des aménagements de peine au casier judiciaire national, lui conférer des missions statistiques et systématiser les échanges inter applicatifs.

4. Rendre crédible l'exécution des peines en milieu ouvert

Proposition n° 18 :

Permettre aux juridictions de définir le contenu des peines probatoires.

Proposition n° 19 :

Renforcer les synergies entre les services pénitentiaires d'insertion et de probation et le secteur associatif.

Proposition n° 20 :

Encourager l'exécution des peines de travail d'intérêt général sous la forme de chantiers collectifs.

5. Adapter les prises en charge en milieu carcéral

Proposition n° 21 :

Accompagner l'ensemble des sorties de détention.

Proposition n° 22 :

Déléguer aux directeurs des services pénitentiaires plusieurs prérogatives actuellement dévolues aux magistrats afin d'adapter au plus près l'exécution des peines (renouvellement des permissions de sortie, habilitation des structures offrant des travaux d'intérêt général...).

Proposition n° 23 :

Investir dans l'immobilier pénitentiaire pour que les conditions d'incarcération permettent la réinsertion des personnes détenues.

Proposition n° 24 :

Diversifier les établissements pénitentiaires en les ajustant aux profils des détenus et mettre en place une classification des établissements et des régimes de détention pour une orientation adaptée des détenus.

Proposition n° 25 :

Développer, au centre des agglomérations, des quartiers de semi-liberté afin de pouvoir octroyer équitablement sur le territoire des aménagements de peine.

INTRODUCTION

« Parmi les peines et la manière de les infliger, il faut donc choisir celle qui, proportion gardée, doit faire l'impression la plus efficace et la plus durable sur l'esprit des hommes et la moins cruelle sur le criminel . »

Cesare Beccaria, Des délits et des peines (chapitre XII), 1764

Mesdames, Messieurs,

Au 1 er juillet 2018, le nombre de personnes incarcérées a atteint un nouveau record : 70 710 personnes étaient détenues alors que la capacité des établissements pénitentiaires n'est que de 59 870 places , portant ainsi le taux de densité carcérale à 118 %, tous établissements confondus, et à 141 % dans les maisons d'arrêt.

Si la prison symbolise pour une grande majorité des citoyens la sanction de référence, efficace et visible , elle n'est cependant qu'une possibilité parmi un éventail de peines qui n'a cessé de s'étoffer et de se diversifier ces dernières années afin de mieux individualiser la peine et de prévenir la récidive : le travail d'intérêt général, les jours-amende, les stages, la sanction-réparation, la contrainte pénale, etc . Au 1 er janvier 2018, 163 719 personnes étaient ainsi suivies en milieu ouvert par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

De plus, les peines d'emprisonnement peuvent être aménagées, sous un régime de semi-liberté, de placement sous surveillance électronique, ou déplacement à l'extérieur : ainsi, au 1 er juillet 2018, en sus des 70 710 personnes détenues 1 ( * ) , 12 233 personnes étaient écrouées mais non détenues, soumises à un placement sous surveillance électronique ou faisant l'objet d'un placement à l'extérieur.

En principe, depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, la peine d'emprisonnement n'est prononcée et exécutée qu'en ultime recours lorsqu'aucune autre peine ne peut utilement être prononcée ou lorsqu'aucun aménagement de la peine d'emprisonnement n'est envisageable 2 ( * ) .

Cette volonté du législateur de développer les alternatives à l'emprisonnement n'a jamais été véritablement confirmée par un changement des pratiques judiciaires .

Près de la moitié des peines principales prononcées en 2016 par les juridictions judiciaires étaient des peines d'emprisonnement 3 ( * ) : 287 511 peines d'emprisonnement pour 582 142 peines prononcées. Outre 203 300 peines d'amende, seulement 63 362 peines « alternatives » ou de substitution ont été prononcées à titre principal au cours de cette même année, qu'il s'agisse de travaux d'intérêt général, de jours-amende ou encore de suspensions du permis de conduire.

La place centrale accordée à l'emprisonnement apparaît paradoxale au regard de la saturation de la chaine pénale et carcérale qui conduit à aménager de nombreuses peines d'emprisonnement ferme et donc à ne pas les exécuter sous la forme prononcée par les juridictions ; cette déconnexion croissante, et illisible, entre le prononcé et l'exécution des peines d'emprisonnement avait déjà été dénoncée en 2017 par le rapport de la mission d'information de votre commission sur le redressement de la justice « Cinq ans pour sauver la justice ! ».

La place de l'emprisonnement dans le référentiel des sanctions pénales n'a cependant jamais été autant remise en question , au regard des conditions actuelles d'exécution des peines d'emprisonnement qui compromettent les chances de réinsertion des personnes condamnées : après les conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive de 2013, le rapport « Pour une refonte du droit des peines » de la commission présidée par M. Bruno Cotte de décembre 2015, le rapport au Parlement sur l'encellulement individuel « En finir avec la surpopulation carcérale » de l'ancien garde des sceaux M. Jean-Jacques Urvoas de septembre 2016, le rapport de la commission du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire présidée par notre ancien collègue Jean-René Lecerf remis le 4 avril 2017, le Gouvernement a lancé en octobre 2017 cinq chantiers de la justice , dont le cinquième et dernier, confié à M. Bruno Cotte et à Me Julia Minkowski, avait pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines. Les conclusions de ce rapport, remis le 15 janvier 2018 à Mme la garde des sceaux, ont inspiré les grands axes du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice , déposé sur le bureau du Sénat le 20 avril 2018.

Dans ce contexte, afin d'approfondir la réflexion sur cette question, votre commission des lois a créé, lors de sa réunion du 12 février 2018, une mission d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre, composée de vos deux rapporteurs.

Vos rapporteurs ont circonscrit leur analyse aux peines privatives ou restrictives de liberté ou de droits applicables aux personnes physiques majeures en matière correctionnelle . Ainsi, bien que très étroitement liée à la question de la surpopulation carcérale, la détention provisoire, qui n'est pas une sanction, ne fait pas l'objet de développements particuliers ; il en est de même pour les mesures de sûreté.

S'interroger sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre exige en préalable de réfléchir au sens des peines prononcées.

« Sanctions infligées au nom de la société (...) en réaction à un trouble causé à l'ordre social 4 ( * ) », les peines ont, selon les écoles de pensée, plusieurs fonctions sociétales .

Si, historiquement, les peines visaient essentiellement à punir et non à corriger, les travaux de l'école utilitariste, représentée par Cesare Becarria ou Jeremy Bentham, ont fait émerger l'idée d'un « traitement pénal de la délinquance » visant autant à punir qu'à prévenir, et affirmer la nécessité d'individualiser des peines censées être proportionnées au trouble causé . « Pour que le châtiment soit suffisant, il faut seulement que le mal qui en résulte surpasse le crime ; encore doit-on faire entrer dans le calcul de cette équation la certitude de la punition et la perte des avantages acquis par le délit » écrivait Cesare Beccaria. Jeremy Bentham poursuivait ce calcul en affirmant que « la peine doit être économique, c'est-à-dire n'avoir que le degré de sévérité absolument nécessaire pour remplir son but (...). »

Le droit pénal français repose désormais largement sur cette vision commune qui conçoit les peines comme devant être utiles à la société , et donc répondre aux objectifs multiples qui leur sont assignés : sanctionner en rétribution du trouble causé à la société, dissuader tant le condamné de réitérer que le reste de la société de commettre un acte délictuel ou criminel, empêcher un condamné de nuire par son éloignement temporaire ou non (privation de liberté) ou sa mise au ban de la société (interdiction de territoire, interdiction de séjour, inéligibilité), réparer ou dédommager la partie lésée mais également réhabiliter ou « réadapter » les condamnés (privation de liberté, mesures thérapeutiques, etc .)

Depuis la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénale s, une première définition des fonctions de la peine est posée par l'article 130-1 du code pénal : « afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° de sanctionner l'auteur de l'infraction ; 2° de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion . »

Inspiré de l'article 1 er de la loi pénitentiaire de 2009, l'article 707 du code de procédure pénale précise que « le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions . »

S'appuyant sur les réflexions précédentes de votre commission, vos rapporteurs ont privilégié, au cours de sept mois de travaux, les rencontres avec les acteurs du terrain, magistrats, greffiers, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, surveillants pénitentiaires, tout en examinant également sur les bonnes pratiques des pays étrangers.

Souhaitant présenter un diagnostic transpartisan de notre système pénal, ils se sont également inspirés des sages préconisations de l'abbé Bluteau lors de l'enquête parlementaire de 1873 sur le régime pénitentiaire : « Dans une cause si importante, toute prévention, tout esprit de parti, doivent être mis de côté pour ne consulter que la saine raison, l'expérience la mieux établie et le bien général plutôt que l'intérêt privé ».

Ils ont ainsi formulé conjointement 25 propositions articulées autour de cinq objectifs : défendre une vision commune et dépassionnée de l'exécution des peines, simplifier l'architecture des peines, remettre les juridictions de jugement au coeur du prononcé des peines, rendre crédibles les mesures probatoires et individualiser les prises en charge des personnes condamnées.

I. UN DROIT DES PEINES DEVENU ILLISIBLE

La question de l'efficacité de notre système pénal est intrinsèquement liée, depuis le XIX e siècle, aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines 5 ( * ) garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 6 ( * ) . Ces principes obligent le législateur à prévoir une pluralité de peines pouvant être prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

Comme l'a souligné le professeur Mme Martine Herzog-Evans lors de son audition par vos rapporteurs, le droit des peines se distingue par une double complexité : une complexité légitime due à l'offre foisonnante de mesures justifiée par la nécessité d'individualiser les peines, mais également une complexité inutile , résultant de procédures contradictoires rigidifiant le prononcé de la peine et rendant illisible l'exécution des peines, tant pour le condamné que pour les victimes et la société.

A. LE PRONONCÉ DES PEINES : DES PRINCIPES À LA RÉALITÉ

En principe, les peines doivent présenter un caractère exemplaire, adapté aux faits et à la situation du condamné. L'engorgement des juridictions rend pour le moins difficile le respect de ce principe.

1. La peine, une modalité de la réponse pénale

Les peines ne constituent pas la majeure partie des réponses pénales aux comportements réprimés par le code pénal.

Parmi les 1 367 166 affaires poursuivables en 2016 7 ( * ) , 43,6 % ont fait l'objet de poursuites et d'une décision juridictionnelle 8 ( * ) , 37,5 % ont fait l'objet d'une procédure alternative aux poursuites , 14 % ont été classées sans suite et 5 % ont fait l'objet d'une composition pénale.

Orientations des affaires poursuivables en 2016

Source : à partir des chiffres clés de la justice (2017)

Ainsi, une part significative des réponses pénales est adressée par les magistrats du parquet , par la voie de mesures alternatives aux poursuites ou d'une composition pénale.

Les mesures alternatives aux poursuites

Créées par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 relative aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale , les mesures alternatives aux poursuites ont permis d'apporter une réponse systématique et graduée à nombre de délits. Définies par l'article 41-1 du code de procédure pénale, elles doivent répondre à l'un des trois critères suivants : « (...) susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ».

L'article 41-1 du code de procédure pénale fait mention de plusieurs types d'alternatives aux poursuites :

- le rappel à la loi , qui constitue un avertissement judiciaire, mis en oeuvre sur décision d'un magistrat du parquet ;

- l' orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle , notamment en vue de la réalisation d'un stage de sensibilisation ou d'une formation ;

- la demande à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements, tendant à mettre fin à une infraction dans de brefs délais ;

- la réparation du dommage résultant des faits ;

- la mesure de médiation pénale , qui vise à rechercher un accord entre l'auteur des faits et la victime ;

- l' éloignement de l'auteur de l'infraction du lieu de résidence du couple assorti, le cas échéant, d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire.

L'article L. 3423-1 du code de la santé publique prévoit également la possibilité d'une injonction thérapeutique.

Les affaires relevant du contentieux de masse font également régulièrement l'objet d'une procédure de composition pénale .

La mesure de composition pénale

La mesure de composition pénale, prévue par l'article 41-2 du code de procédure pénale, est une transaction proposée par le procureur de la République à l'auteur d'un ou plusieurs délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans.

Il revient ainsi au magistrat du parquet de proposer une sanction, parmi un nombre de mesures limitativement énumérées par le code de procédure pénale, qui doit être acceptée par l'auteur et validée par un magistrat du siège.

L'exécution de la mesure de composition pénale éteint l'action publique.

Vingt-et-une mesures peuvent être envisagées :

- verser une amende de composition au trésor public ;

- se dessaisir au profit de l'État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

- remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation ;

- remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ;

- suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l'installation à ses frais d'un éthylotest anti-démarreur sur son véhicule, pour une période minimale de six mois et maximale de trois ans ;

- remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ;

- accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ;

- suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ;

- ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ;

- ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par le procureur de la République, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement ;

- ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ;

- ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ;

- ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté ;

- pour les violences conjugales, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;

- se soumettre à une mesure d'activité de jour consistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ;

- se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ;

- accomplir à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;

- accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nombre de mesures pouvant être infligées par la voie de la composition pénale ou des procédures alternatives aux poursuites (amende, stage, travail non rémunéré de 60 heures, interdiction de rencontrer certaines personnes, etc .) peuvent également être prononcées en tant que peine principale ou complémentaire par les juridictions.

Cheminement des affaires pénales en ordre de grandeur

Source : graphiques de B. Aubusson de Cavarlay publiés dans le rapport 2017 de la commission
de suivi de la détention provisoire

2. Une palette complexe de peines diverses

Bien que les magistrats souhaitent disposer d'une palette de peines diversifiées, ils dénoncent depuis plusieurs années la complexité et le manque de lisibilité de l'architecture des peines .

a) Une grande diversité des peines pouvant être prononcées

La lecture du titre III du livre I er du code pénal permet de retenir plusieurs nomenclatures des peines 9 ( * ) .

Une première distinction peut être opérée entre les peines applicables aux personnes physiques et les peines applicables aux personnes morales .

Une autre classification distingue les peines principales , prévues par une disposition légale spécifique pour sanctionner chaque comportement déterminé 10 ( * ) , et les peines alternatives ou dites de substitution , pouvant être prononcées en vertu d'une disposition de portée générale à la place d'une peine principale légalement encourue 11 ( * ) , et les peines complémentaires .

Article 131-3 du code pénal

Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :

1° L'emprisonnement ;

2° La contrainte pénale 12 ( * ) ;

3° L'amende ;

4° Le jour-amende 13 ( * ) ;

5° Le stage de citoyenneté 14 ( * ) ;

6° Le travail d'intérêt général 15 ( * ) ;

7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 ;

8° Les peines complémentaires prévues à l'article 131-10 ;

9° La sanction-réparation 16 ( * ) .

En principe, les seules peines principales sont la privation de liberté ( réclusion ou détention criminelle à temps - pour au moins dix ans - ou à perpétuité - ou emprisonnement) et l'amende .

Néanmoins, par exception, le législateur a parfois prévu le prononcé du travail d'intérêt général en tant que peine principale « spécifiquement » prévue par la qualification légale de l'infraction. Ainsi, les articles 322-1 à 322-3 font encourir le fait de « tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable » (répression du tag ou du graffiti ) d'une peine d'amende (de 3 750 à 15 000 € selon la gravité de l'infraction) et d'une peine de travail d'intérêt général.

De plus, la rédaction de l'article 131-3 du code pénal reproduite ci-dessus semble affaiblir cette distinction entre les peines « principales », mentionnées dans la qualification pénale de chaque infraction, et les autres peines en dressant une liste (non exhaustive) de neuf peines en matière correctionnelle.

b) Une nomenclature complexe des peines

En dépit de l'apparente simplicité de l'article 131-3 du code pénal, la nomenclature des peines encourues en matière correctionnelle présente de nombreux éléments d'ambiguïté et de complexité .

En premier lieu, la distinction entre peines principales et peines complémentaires apparaît incertaine.

Les principales peines complémentaires

• L'affichage ou la diffusion de la décision de justice ;

• La confiscation d'un objet ou d'un animal ;

• La suspension, le retrait ou l'annulation du permis de conduire ;

• L'interdiction des droits civiques, civils et de famille (droit de vote, éligibilité, exercice d'une fonction juridictionnelle, etc .) ;

• L'interdiction du territoire français ;

• L'interdiction de séjour ;

• L'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de paiement ;

• L'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale ;

• L'interdiction de détenir une arme ;

• L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation (sécurité routière, dangers de l'usage de produits stupéfiants, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale) ;

• Le suivi socio-judiciaire.

Ainsi, l'article 131-3 du code pénal, qui semble esquisser la nomenclature des peines principales, renvoie aux peines complémentaires mentionnées à l'article 131-10. Pour autant, il ne renvoie pas à l'intégralité des peines complémentaires , dont la plupart sont définies aux articles 131-19 à 131-35-1, ni même à la peine de suivi socio-judiciaire (peine complémentaire pouvant être ordonnée à titre principal).

De surcroît, certaines peines dites complémentaires, notamment celles mentionnées par l'article 131-10 du code pénal, peuvent être prononcées à titre de peine principale 17 ( * ) .

Nature des peines applicables aux personnes physiques
en matière correctionnelle et criminelle

En matière correctionnelle
(articles du code pénal)

En matière criminelle
(articles du code pénal)

Emprisonnement
(art. 131-3 et 131-4)

Réclusion criminelle
(art. 131-1)

Contrainte pénale (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3 et 131-4-1)

ø

Amende (art. 131-3)

Amende (art. 131-2)

Jour-amende (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3 et 131-5)

ø

Stage de citoyenneté (à la place de l'emprisonnement)
(art. 131-3, 131-5-1, 131-35-1 et 131-35-2)

ø

Peines privatives ou restrictives de droits 18 ( * )
(à la place de l'emprisonnement ou d'une amende)
(art. 131-3 et 131-6)

ø

Travail d'intérêt général (à la place de l'emprisonnement) de 20 à 290 heures
(art. 131-3 et 131-8)

ø

Sanction-réparation (à la place de l'emprisonnement
ou de l'amende)
(art. 131-3 et 131-8-1)

ø

Peines complémentaires (art. 131-10, 131-19 à 131-35-1)

Suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1)

• La distinction entre peines alternatives à l'emprisonnement et peines complémentaires apparaît tout autant ambiguë.

Traditionnellement, les termes de « peines alternatives à l'emprisonnement » désignent les peines de substitution, introduites par la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de droit pénal, définies par l'article 131-6 du code pénal ; ces peines privatives ou restrictives de liberté ne peuvent être prononcées qu'à la place d'une peine d'emprisonnement.

Les peines correctionnelles alternatives à l'emprisonnement

• La peine de jour-amende prévue par l'article 131-5 du code pénal ;

• Le stage de citoyenneté prévu par l'article 131-5-1 du code pénal ;

• Les peines privatives ou restrictives de droit prévues par l'article 131-6 du code pénal ;

• La peine de travail d'intérêt général prévue par l'article 131-8 du code pénal ;

• La peine de sanction-réparation prévue par l'article 131-8-1 du code pénal ;

• La peine de contrainte pénale prévue par l'article 134-4-1 du code pénal.

Le non-respect de certaines peines « alternatives à l'incarcération » peut également être sanctionné par une peine d'emprisonnement en cas d'inexécution des obligations ou interdictions prononcées par la juridiction. Ainsi, en application de l'article 131-9 du code pénal, quand la juridiction ordonne, en tant que peine principale, une peine privative ou restrictive de droit prévue à l'article 131-6, un stage de citoyenneté, ou encore un travail d'intérêt général, elle peut également fixer une peine d'emprisonnement et un montant d'amende, qui pourront éventuellement être mis à exécution par le juge de l'application des peines, en cas de manquement. En application de l'article 131-11 du code pénal, les mêmes dispositions sont applicables en cas de condamnation à titre de peine principale à une des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-10 du code pénal.

Parce qu'elles ne peuvent, en principe, être cumulées avec une peine d'emprisonnement selon les termes de l'article 131-9 du code pénal, les peines de contrainte pénale ou de travail d'intérêt général semblent également être des peines « alternatives à l'emprisonnement ».

Pour autant, des exceptions existent. Par exemple, l'article L. 234-2 du code de la route fait encourir la peine de travail d'intérêt général (TIG) en tant que peine complémentaire du délit de conduite sous l'influence de l'alcool, puni « à titre principal » de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, mais en renvoyant aux dispositions de l'article 131-8 du code pénal qui ne permettent le prononcé du TIG qu'en alternative à l'emprisonnement. Faut-il en déduire que la peine de travail d'intérêt général peut être prononcée en sus de l'emprisonnement ? Dans la négative, pourquoi préciser que la peine complémentaire de travail d'intérêt général est encourue ?

Il n'est pas rare qu'une même mesure puisse être prononcée en tant que peine principale alternative à l'emprisonnement ou en tant que peine complémentaire . Ainsi, en application de l'article 131-5-1 du code pénal, la peine de stage de citoyenneté peut être prononcée pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement en tant que peine principale alternative à l'incarcération, ce qui exclut tout cumul. Néanmoins, en application de dispositions particulières à certaines infractions 19 ( * ) , la peine de stage de citoyenneté peut être ordonnée en tant que peine complémentaire , en sus des peines principales d'amende ou d'emprisonnement.

Inclassables parce qu'hybrides, les peine du jour-amende et de la sanction-réparation semblent être à la fois des peines de substitution et des peines complémentaires. Peine en principe alternative à l'incarcération, la peine du jour-amende peut cependant se cumuler avec l'emprisonnement. Quant à la peine de sanction-réparation, elle constitue une peine complémentaire générale, encourue pour tous les délits, tout en étant une peine alternative pouvant être prononcée « à la place ou en même temps » qu'une peine d'emprisonnement ou qu'une peine d'amende.

Pensées à l'origine pour présenter, au sein du code pénal, une diversité de choix possibles pour les juridictions, les classifications hybrides de mesures (travail d'intérêt général, stage, etc .) en tant que peine complémentaire ou peine - alternative à l'incarcération ou non - prononcée à titre principal apparaissent désormais comme une source de complexité pour les magistrats qui s'interrogent souvent sur les cumuls autorisés par la loi. La pertinence de ces différentes catégories apparaît aujourd'hui remise en cause.

Les peines privatives ou restrictives de liberté définies à l'article 131-6 du code pénal

- La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

- La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

- Le retrait du permis de chasser avec interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau ;

- L'immobilisation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné pendant une durée d'un an au plus.

Pendant une durée de cinq ans au plus :

- la suspension du permis de conduire, l'interdiction de conduire certains véhicules, l'annulation du permis de conduire avec interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau ; l'interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique ;

- l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;

- l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ;

- l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;

- l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Pendant une durée de trois ans au plus :

- l'interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

- l'interdiction de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

- l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction.

• Les conditions nécessaires au prononcé de certaines peines sont également une source de complexité .

Si la plupart des peines (jours-amende, contrainte pénale, stage de citoyenneté, travail d'intérêt général) sont encourues seulement pour des délits punis d'une peine d'emprisonnemen t, certaines peines, comme les peines privatives ou restrictives de droit mentionnées à l'article 131-6 du code pénal, et les peines de sanction-réparation peuvent également être prononcées, à titre principal à la place de l'amende , pour les délits punis seulement d'une peine d'amende .

L'ensemble des peines de stage , qui se sont multipliées ces dernières années (citoyenneté, sécurité routière, dangers de l'usage de produits stupéfiants, responsabilité pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale, lutte contre le sexisme et sensibilisation à l'égalité entre les hommes et les femmes), ne peuvent pas être prononcées dans les mêmes conditions : par exemple, le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné alors que le stage de citoyenneté peut être à la charge ou non du condamné selon la décision de la juridiction. De plus, seul le stage de citoyenneté est mentionné dans l'échelle des peines de l'article 131-3 du code pénal.

Autre source de complexité, si la plupart des peines complémentaires ne sont encourues que lorsqu'une disposition expresse prévoit l'application à une infraction ou une catégorie d'infractions particulières, par dérogation, certaines peines complémentaires sont encourues « de plein droit » en vertu d'une disposition générale du code pénal.

Par exemple, en sus des dispositions spécifiques, la peine de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an 20 ( * ) .

La nature de la peine dépend également du quantum encouru : ainsi, par une disposition générale concernant les infractions punies d'une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement, la confiscation peut porter sur « les biens meubles ou immeubles , quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine. » En cas de disposition spécifique, la confiscation peut même porter sur tout bien appartenant à un condamné.

Il convient enfin de noter la perplexité des magistrats quant aux exigences de motivation auxquelles ils sont soumis : alors que la jurisprudence de la Cour de la cassation a affirmé en 2017 21 ( * ) l'obligation de motiver toutes les peines, qu'elles soient principales ou complémentaires, prononcées en matière correctionnelle ou en matière criminelle, plusieurs dispositions législatives prévoient des peines complémentaires obligatoires prononcées « de plein droit » ou sauf décision spécialement motivée. Ainsi, la peine complémentaire d'inéligibilité est « encourue de plein droit » et son prononcé est obligatoire, sauf décision spécialement motivée, pour de nombreuses infractions d'atteinte à la probité 22 ( * ) .

En vertu de dispositions spécifiques à certaines catégories d'infractions et non de dispositions générales à l'instar de la peine de confiscation, le prononcé de certaines peines peut parfois également entraîner « de plein droit » d'autres peines complémentaires : ainsi toute condamnation pour un homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur « donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant dix ans au plus ».

3. La peine d'emprisonnement, peine de référence

S'il existe, en droit, une grande diversité de peines restrictives ou privatives de droits ou de libertés, dans les faits, cette diversité est occultée par la place réservée à la peine d'emprisonnement .

L'ensemble des acteurs de la justice s'accordent sur ce point, souvent avec regret : la peine d'emprisonnement demeure la peine de référence comme le démontre la notion même de peine alternative à l'incarcération.

En droit, en application de l'article 132-1 du code pénal, la peine d'emprisonnement est pourtant une peine « exceptionnelle ». La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs décisions du 29 novembre 2016 23 ( * ) , que la peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier ressort, si toute autre sanction est manifestement inadéquate : une peine d'emprisonnement sans sursis doit être justifiée au regard de sa nécessité, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. La décision de refus d'aménager une peine d'emprisonnement ferme doit également être motivée.

Or pour la société comme pour les délinquants, la peine d'emprisonnement demeure la seule peine « réelle » .

Les sanctions en Allemagne

En Allemagne, il existe deux peines principales : la peine privative de liberté ou l'amende, calculée en fonction du revenu de l'intéressé (l'amende est prononcée en nombre de forfaits journaliers).

Les amendes représentent 86 % des condamnations. En cas de non-exécution des peines d'amende, des « peines privatives de liberté ersatz » peuvent être prononcées avec une journée de détention pour l'équivalent d'un forfait journalier non payé.

14 % des condamnations concernent ainsi des peines privatives de liberté : deux tiers d'entre elles sont constituées ou assorties d'une période de probation.

Il existe également des peines secondaires ( Nebenstrafen ), comme par exemple l'interdiction de conduire.

Outre les peines, peuvent être prononcées des mesures de sûreté ( Massregeln der Besserung und Sicherung ), comme l'internement dans un hôpital psychiatrique, le placement dans un institut de traitement de la dépendance, la rétention de sûreté, le suivi socio-judiciaire, etc .

D'un point de vue sociétal, les acteurs de la justice constatent qu'aucune autre peine n'est aussi visible et perçue comme efficace que la peine d'emprisonnement, malgré les effets délétères de l'emprisonnement dénoncés régulièrement par certains magistrats et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

Les magistrats et les greffiers du parquet de Lyon, rencontrés par vos rapporteurs, constataient ainsi que lorsque les prévenus sont interrogés sur leurs antécédents judiciaires, ceux-ci ne mentionnent que les peines d'emprisonnement exécutées en détention : autres peines, notamment les peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un aménagement, les peines de sursis ou encore les peines de travail d'intérêt général, ne sont pas considérées comme des condamnations ni même comme des antécédents . En conséquence, les magistrats et les greffiers en ont tiré la nécessité d'améliorer l'information des condamnés et de mettre en place une véritable pédagogie de la peine .

Les catégories de sanctions en Suisse

En Suisse, les sanctions pénales sont classées en deux grandes catégories : les peines et les mesures.

Trois types de peines sont prévus en matière criminelle ou délictuelle : la peine privative de liberté, la peine pécuniaire et le travail d'intérêt général. Pour les contraventions, seule l'amende et le travail d'intérêt général peuvent être prononcés.

Sauf exceptions, la peine privative de liberté est d'une durée comprise entre six mois et vingt ans. Les juridictions ont la possibilité d'assortir de sursis les peines privatives de liberté d'une durée inférieure à deux ans et de sursis partiel les peines privatives d'une durée comprise entre un an et trois ans. Les peines privatives de liberté peuvent être exécutées en semi-détention ou par journées séparées (par exemple, durant les week-ends ou les vacances).

Sanctions prononcées en général en sus d'une peine, les mesures dépendent non pas de la faute commise par l'auteur mais du but poursuivi. Ce sont par exemple des mesures thérapeutiques comme le traitement des troubles mentaux (article 59 du code pénal), le traitement des addictions (article 60 du code pénal) ou l'internement.

Entrent également dans la catégorie des mesures les sanctions d'interdiction d'exercer une profession, d'interdiction de conduire, la publication du jugement, la confiscation d'objets ou de valeurs, la créance compensatrice et l'allocation au lésé.

4. Les conditions actuelles de prononcé des peines à l'épreuve des principes directeurs du droit des peines
a) La nécessaire individualisation des peines prononcées

Le droit des peines est régi par plusieurs exigences constitutionnelles, qui s'appliquent tant au législateur dans l'édiction des sanctions qu'aux juridictions dans le prononcé des peines : les principes de légalité des peines, de personnalité des peines, de la nécessité et de la proportionnalité des peines et enfin de l'individualisation des peines.

Les exigences constitutionnelles du droit des peines concernant le législateur

Consacré par les articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prévoient que « nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et dans les formes qu'elle a prescrites », que « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée », le principe de légalité des peines 24 ( * ) impose au législateur, et à lui seul, le soin de fixer les peines avec précision.

Le principe de légalité criminelle est parfois associé au principe d'égalité qui s'impose au législateur : selon la décision du Conseil constitutionnel n° 89-262 DC du 7 novembre 1989, « pour des infractions identiques, la loi pénale ne saurait, dans l'édiction des crimes ou des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, instituer au profit de quiconque une exonération de responsabilité à caractère absolu, sans par là-même porter atteinte au principe d'égalité. »

Le principe de personnalité des peines ne permet, en principe, que de condamner des personnes responsables de l'infraction et prohibe toute responsabilité pénale du fait d'autrui.

Consacrés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines 25 ( * ) fondent le principe de non-rétroactivité des peines 26 ( * ) et interdisent au législateur toute sévérité excessive entre la gravité de l'infraction et la peine encourue 27 ( * ) .

Enfin, le principe d'individualisation des peines 28 ( * ) interdit au législateur de prévoir des peines automatiques sans que le juge les ait prononcées en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.

Traduit à l'article 111-3 du code pénal, « nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention », le principe de légalité des peines impose principalement aux juridictions de ne pouvoir prononcer que des peines prévues par un texte législatif antérieur aux faits incriminés, sans en excéder les maximum définis. De même, le juge ne peut déterminer que des modalités d'exécution des peines prévues par la loi.

Les principes constitutionnels de nécessité et d'individualisation des peines 29 ( * ) imposent aux juridictions de personnaliser les peines prononcées. Actuellement, l'article 132-1 du code pénal prévoit que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée . Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale , conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 30 ( * ) . »

Cette personnalisation des peines peut se traduire par plusieurs modalités :

- le prononcé d'une peine inférieure au maximum encouru par la qualification légale applicable ou la dispense d'une peine ;

- le prononcé d'un sursis, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ;

- l'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans par un régime de semi-liberté, un placement à l'extérieur, un placement sous surveillance électronique ou le fractionnement de la peine ;

Les aménagements de peine ab initio
(art. 132-25, 132-26-1 et 132-27 du code pénal)

Les aménagements de peines ab initio relèvent de quatre régimes distincts :

- le régime de la semi-liberté 31 ( * ) prévoit que le condamné est astreint à demeurer dans l'établissement pénitentiaire, à l'exception du temps nécessaire à la conduite des activités en raison desquelles il a été admis au régime de la semi-liberté (activité professionnelle, recherche d'un stage ou d'un emploi, suivi d'une formation, participation à la vie familiale, conduite d'un projet d'insertion ou de réinsertion) ;

- le placement à l'extérieur 32 ( * ) astreint le condamné à effectuer, sous le contrôle de l'administration, des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire ;

- le placement sous surveillance électronique 33 ( * ) , qui suppose, contrairement aux autres modalités d'aménagements de peine, l'accord préalable du condamné, implique pour celui-ci une interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge de l'application des peines, en dehors des plages horaires et des périodes fixées par celui-ci. Ce régime emporte en outre l'obligation pour le condamné de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l'application des peines ;

- le régime du fractionnement 34 ( * ) prévoit l'exécution d'une peine par fractions, sur une période ne pouvant excéder quatre ans et sans qu'une fraction soit inférieure à une durée de deux jours.

Ces aménagements ne peuvent être prononcés que lorsque le condamné justifie se trouver dans l'une des quatre situations suivantes :

- l' exercice d'une activité professionnelle , même temporaire, le suivi d'un stage ou son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;

- sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

- la nécessité de suivre un traitement médical ;

- l'existence d' efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

- le prononcé et l'éventuelle modulation de la période de sûreté ;

- le recours à des peines privatives ou restrictives de droit, au travail d'intérêt général, au jour-amende ou à une peine complémentaire prononcée à titre principal ;

- les modalités de l'inscription ou non de la peine au casier judiciaire.

Les bulletins du casier judiciaire

Les condamnations devenues définitives sont mentionnées au casier judiciaire du condamné. Plus de 16 millions d'extraits sont délivrés chaque année dans le cadre de la mission de restitution du casier judiciaire.

Le bulletin n° 1 constitue le relevé intégral des condamnations pénales (assorties ou non de sursis) et des déclarations de culpabilité assorties d'une dispense de peine, sauf en cas d'exclusion d'une mention au bulletin prononcée par le juge. Y figurent les décisions suspendant l'exécution de la peine, ordonnant l'exécution d'une précédente condamnation, les décisions de surveillance judiciaire, de surveillance de sûreté ou encore de rétention de sûreté. Parmi les demandes de restitution du casier judiciaire (soit l'envoi d'un extrait), 20 % concernent le bulletin n° 1.

Le bulletin n° 2, délivré à certaines autorités publiques, ne contient pas les décisions de condamnations assorties du bénéfice du sursis considérées comme non avenues, les compositions pénales exécutées, les condamnations ayant fait l'objet d'une réhabilitation et plus généralement toute décision ayant été assortie d'une exclusion d'une mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire. 60 % des demandes de restitution adressées au casier judiciaire concernent le bulletin n° 2.

Le bulletin n° 3 est délivré aux particuliers : il représente 20 % des demandes de restitution adressées au casier judiciaire. Il comporte uniquement les condamnations les plus graves, notamment celles supérieures à deux ans d'emprisonnement sans sursis.

b) Les conditions actuelles du prononcé des peines

L'ensemble des magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont décrit une situation d'augmentation du nombre des infractions qui se traduit à la fois par la nécessité de diversifier les réponses pénales et les modes de poursuite (ordonnance pénale, comparution immédiate, etc .) pour absorber ce surcroît d'activité et l'augmentation des condamnations prononcées : entre 2004 et 2016, le nombre de condamnations prononcées en matière délictuelle à l'encontre de majeurs a augmenté de 17 % 35 ( * ) .

Face à l'augmentation de la population pénale, la nécessité de prononcer une peine adaptée et individualisée apparaît de plus en plus difficile à respecter à moyens constants.

À Valence, les magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont témoigné de la nécessité de recourir de plus en plus souvent à la procédure de comparution immédiate, pour des faits graves qui nécessitent une sanction immédiate. Cependant, cette procédure ne permet pas de véritable évaluation de la personnalité de l'intéressé ou d'étude préalable de faisabilité quant au prononcé d'un aménagement de peines.

Or 28 % des peines d'emprisonnement ont été prononcées dans le cadre d'une comparution immédiate. Selon les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) entendus, ces peines d'emprisonnement exécutées immédiatement, souvent d'une durée inférieure à deux ans d'emprisonnement, sont insuffisamment préparées et, si elles permettent une sanction immédiate et une mise à l'écart temporaire de la société, elles ne semblent présenter aucun intérêt pour la réinsertion de l'individu et la prévention du risque de réitération.

De manière générale, l'ensemble des magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont regretté l'insuffisance des informations concernant la personnalité du prévenu, sa situation professionnelle, familiale, médicale et sociale dont ils disposent à l'audience lors du prononcé des peines. Cette absence d'information explique ainsi le faible taux d'aménagement des peines prononcé à l'audience.

Comment prononcer un placement sous surveillance électronique lorsque la juridiction ignore si le prévenu dispose d'un domicile permettant, sur le plan technique notamment, la mise en place d'un placement sous surveillance électronique ?

Comment prononcer un travail d'intérêt général en l'absence de visibilité sur les places disponibles ou le calendrier éventuel d'un travail d'intérêt général, alors qu'une réponse immédiate est souhaitée ?

Comment ordonner une mesure thérapeutique en l'absence d'avis médical ?

Comment prononcer une peine d'emprisonnement assortie d'une semi-liberté en l'absence de justificatif prouvant un emploi ?

En l'absence d'informations permettant d'envisager une autre peine, la peine d'emprisonnement est privilégiée : contrairement aux autres peines, aucune condition préalable n'est nécessaire pour la prononcer. Nombre de décisions des juridictions correctionnelles motivent également l'absence d'aménagement ab initio de la peine prononcée par l'absence d'informations disponibles.

De plus, les applicatifs de la chaine pénale, de Cassiopée 36 ( * ) au casier judiciaire, ne permettent pas une vision globale et instantanée de la situation d'un prévenu, notamment au regard des longs délais de mise à jour des fiches pénales.

Nombre de magistrats s'accordent sur l'inefficacité de certaines peines d'emprisonnement , prononcées « faute de mieux » ou « faute de certitude sur la situation de l'intéressé » et motivées par la nécessité de prononcer une sanction immédiate.

Cet effet est accru dans le cadre des procédures de comparution immédiate , à l'origine de nombreuses peines d'emprisonnement, plus ou moins courtes. Or le recours à cette procédure a considérablement augmenté lors des vingt dernières années : de 30 000 affaires poursuivies en comparution immédiate en 2000 à environ 41 000 en 2016.

Les possibilités d'aménager ultérieurement les peines d'emprisonnement apparaissent également de nature à « justifier » ces peines auprès des magistrats. Il en résulte ainsi un renoncement , voire une certaine indifférence des juges correctionnels à l'égard de la peine qui devrait et qui sera effectivement exécutée par le condamné : nombre de juges correctionnels ne considèrent pas qu'il soit matériellement possible de prononcer, à l'audience, une peine adaptée à la situation de l'individu et s'en remettent ainsi à l'analyse des juges de l'application des peines.

B. UNE EXÉCUTION DES PEINES DE PLUS EN PLUS DÉCONNECTÉE DE LEUR PRONONCÉ

Il ressort des entretiens de vos rapporteurs avec les magistrats et fonctionnaires du ministère de la justice que le temps nécessaire à l'exécution d'une peine semble parfois plus long que le temps nécessaire à la constatation de l'infraction, à l'enquête, à l'audiencement et au jugement.

1. Le temps long de l'exécution des peines

L'ensemble des magistrats rencontrés dans les juridictions par vos rapporteurs ont regretté les délais de mise à exécution des peines , étant entendu que les statistiques du ministère de la justice mesurent les délais de mise à exécution « administrative » des peines, et non pas nécessairement la mise à exécution réelle des peines 37 ( * ) .

Ils identifient plusieurs causes à la longueur de la procédure de mise à exécution.

En premier lieu, ils regrettent le manque de moyens de la justice , et notamment le nombre très insuffisant de personnels de greffe dans les services d'exécution des peines , mais également le nombre des magistrats du parquet, des juges de l'application des peines et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

En deuxième lieu, la complexité du droit de l'exécution est régulièrement mentionnée comme une cause d'inefficacité de la procédure. Outre un important travail de vérification des pièces d'exécution requises, les modalités retenues pour la mise à exécution d'une peine d'emprisonnement dépendent de différents paramètres : le fait que le condamné soit détenu ou non, si cette détention résulte de la même affaire, si la personne est sans domicile fixe ou connu, etc .

Enfin, l'obligation d'examen des peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans - ou un an en état de récidive légale - en vue d'un aménagement des peines, procédure définie à l'article 723-15 du code de procédure pénale, a accru le temps nécessaire à l'exécution d'une peine.

La procédure de l'article 723-15 du code de procédure pénale

Cette procédure prévoit la saisine automatique du juge de l'application des peines avant toute exécution d'une peine d'emprisonnement d'une personne non incarcérée condamnée à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans (un an pour les récidivistes) ou pour laquelle la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans (un an pour les récidivistes).

Initialement prévue à l'article D. 49-1 du code de procédure pénale, cette procédure vise à éviter l'exécution des courtes peines, socialement coûteuses. Depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité , elle a été élevée au rang législatif pour imposer au parquet l'application de cette procédure. Depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, le seuil des peines aménageables éligibles à cette procédure a été relevé d'un à deux ans et de six mois à un an en récidive.

En l'absence de mandat de dépôt décerné à l'audience, la peine d'un condamné comparaissant libre ne pourra pas être exécutée avant plusieurs mois. Outre le temps nécessaire à l'évaluation de la personne par le SPIP, nombre de magistrats témoignent de la difficulté à mobiliser les personnes condamnées : plusieurs convocations sont ainsi nécessaires, ce qui retarde la mise à exécution d'une peine, même sous une autre forme.

L'impact de la saisine en application de l'article 723-15 du code de procédure pénale ne doit pas être sous-estimé : environ deux tiers des peines prononcées sont éligibles à la procédure.

Comme l'avait déjà dénoncé la mission de la commission des lois sur le redressement de la justice, il existe « une étanchéité entre l'application du principe constitutionnel d'individualisation de la peine par les magistrats de la juridiction de jugement et l'application qui en est faite par les magistrats des juridictions de l'aménagement des peines qui, au titre de l'aménagement de la peine, peuvent la transformer profondément, celle-ci n'ayant plus alors qu'une valeur indicative. »

2. Une politique d'aménagement des peines d'emprisonnement contrainte par l'inadaptation du parc carcéral

Nombre de magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont pointé l'hypocrisie du système pénal qui repose essentiellement sur la peine d'emprisonnement alors même que l'institution pénitentiaire n'est pas en mesure d'incarcérer la totalité des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement .

a) Un parc carcéral inadapté à la population pénale

Au 1 er juillet 2018, le nombre de personnes incarcérées en France a atteint un nouveau record : 70 710 détenus . Parmi eux, 21 007 détenus étaient des prévenus en attente de leur jugement et 49 703 étaient des condamnés exécutant leurs peines.

En raison d'une politique volontariste d'aménagement des peines, ce nombre est bien inférieur aux 130 000 38 ( * ) peines d'emprisonnement ferme prononcées, en moyenne, chaque année par les juridictions et pour lesquelles le quantum moyen prononcé est, pour les peines prononcées en 2016, de 8 mois et 6 jours pour les délits et de 14 années pour les crimes.

Pourtant, le parc carcéral n'est d'ores et déjà pas en capacité d'incarcérer dignement ces 70 710 détenus.

(1) Une situation chronique de surpopulation carcérale qui induit des conditions indignes de détention et remet en cause l'objectif de réinsertion

Au 1 er juillet 2018, le taux d'occupation moyen des établissements pénitentiaires, ou la « densité carcérale », qui rapporte le nombre de personnes détenues au nombre de places opérationnelles d'un établissement, était de 118,4 %. En maison d'arrêt, ce taux atteignait même 142,5 %. En tenant compte des places inoccupées dans les établissements pénitentiaires 39 ( * ) , la densité carcérale globale « corrigée » atteint 125 %.

Ce sont 42 373 personnes, soit près de 60 % des détenus , qui sont actuellement incarcérées dans des structures suroccupées .

Cette suroccupation carcérale s'explique principalement par l'augmentation du nombre des prévenus (57,6 % des entrées) alors que le nombre de détenus condamnés s'est stabilisé depuis 2013.

Cette surpopulation carcérale induit des conditions indignes de détention , accroît les passages à l'acte violent et exacerbe la concurrence entre personnes détenues pour accéder à l'emploi, aux formations, aux activités, aux parloirs et aux unités de vie familiale.

En 2016, seulement 19 000 détenus étaient inscrits à une offre de formation professionnelle (contre 28 144 en 2013). Au premier semestre 2017, seulement 19 650 détenus avaient travaillé, soit 28,3 % des détenus (contre 29,4 % en 2015).

Dans de telles conditions de détention, où des jeunes primo-délinquants ou des délinquants incarcérés pour la première fois peuvent côtoyer des multirécidivistes, des détenus radicalisés ou encore des accusés en attente de leur jugement, l'objectif de réinsertion semble compromis.

(2) Un nombre important de détenus insuffisamment pris en charge en détention

Au cours de visites dans plusieurs établissements pénitentiaires, vos rapporteurs ont pu à la fois constater l'engagement des surveillants pénitentiaires qui s'efforcent de gérer au mieux des quartiers suroccupés et leur frustration de ne plus avoir le temps nécessaire et les moyens humains adaptés pour leur mission de réinsertion : la prise en charge des détenus dans les établissements pénitentiaires apparaît aujourd'hui très lacunaire .

De plus, l'ensemble des acteurs de l'administration pénitentiaire rencontrés par vos rapporteurs ont souligné l'incapacité du système carcéral actuel à prendre en charge les personnes condamnées à des courtes peines .

Dans de nombreux d'établissements, aucun parcours d'exécution des peines ne peut être proposé. Les formations professionnelles fonctionnant par cycles non continus, les détenus qui arrivent après le début d'un cycle ou doivent exécuter une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure à six mois ne peuvent que rarement en bénéficier. De même, les activités et le travail en détention sont réservés en priorité aux personnes incarcérés, même en maison d'arrêt, pour des durées supérieures à six mois.

Nombre de personnels pénitentiaires déplorent le paradoxe suivant : les conditions d 'incarcération des prévenus - soit les personnes présumées innocentes - ou des condamnés à des courtes peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux mois sont particulièrement difficiles , et, par comparaison, les intéressés bénéficient d'une prise en charge nettement inférieure aux condamnés à des longues peines, qu'ils soient incarcérés en centre de détention ou en maison centrale. Alors que la prise en charge, notamment éducative, devrait être particulièrement renforcée pour les personnes condamnées à des courtes peines, ce sont ces détenus qui bénéficient le moins d'un accompagnement tendant à leur réinsertion.

Les surveillants pénitentiaires comme les magistrats déplorent également le nombre important de détenus présentant des troubles psychotiques en détention : leur part est estimée entre 25 et 40 % de la population carcérale. Au sein de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas visitée par vos rapporteurs, plus de 40 % des détenus sont traités pour troubles psychologiques.

Depuis les réformes de 2011, les prévenus et accusés présentant une altération de leur discernement au moment des faits sont susceptibles d'être poursuivis. En conséquence, ils ne relèvent plus du circuit psychiatrique mais sont incarcérés. Les structures spécialisées en matière de soins psychiatriques apparaissent très largement insuffisantes au regard des besoins identifiés par les personnels de l'administration pénitentiaire.

b) Une instrumentalisation des aménagements de peine aux fins de traitement de la surpopulation carcérale

Les aménagements des peines d'emprisonnement ont pour objectif principal de prévenir la récidive et faciliter la réinsertion des personnes condamnées en permettant leur retour progressif à la liberté, et non une « sortie sèche ». Lorsqu'ils sont prononcés avant l'incarcération, ils permettent également d'empêcher une courte incarcération aux effets potentiellement délétères.

En application de l'article 707 du code de procédure pénale, « toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie , chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire , dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire . »

Néanmoins, au-delà de cet objectif de suivi en fin de peine d'incarcération, nombre d'universitaires et de magistrats dénoncent l'instrumentalisation des aménagements de peine aux fins de traitement de la surpopulation carcérale. Plusieurs réformes du droit de l'exécution des peines se sont ainsi fondées sur les difficultés de l'administration pénitentiaire à incarcérer l'ensemble des condamnés à des peines d'emprisonnement.

(1) Le seuil d'aménagement des peines d'emprisonnement

Prévu par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le relèvement d'un an à deux du plafond d'emprisonnement permettant le prononcé d'une mesure d'aménagement a été principalement motivé par l'objectif de réduction de la surpopulation carcérale. Ainsi, selon l'étude d'impact du projet de loi, ces dispositions « permettront par ailleurs, pour les reliquats de peine compris entre un et deux ans, un aménagement plus rapide de la peine d'emprisonnement, ce qui, en avançant le moment de ces aménagements, contribuera à diminuer la surpopulation carcérale. »

Ce seuil d'aménagement très élevé a été abondamment critiqué en raison de la perte de sens et de crédibilité qu'il induit pour les peines d'emprisonnement.

L'étude d'impact 40 ( * ) du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines , déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2013, qui proposait de ramener de deux ans à un an le seuil d'aménagement pour les condamnés non incarcérés, relevait ainsi que « cette évolution, qui n'était pas véritablement demandée par les praticiens, apparaît toutefois avoir été essentiellement pensée dans une logique purement comptable de régulation des flux pénitentiaires , sans réflexion sur le sens de la peine de prison, dans l'unique fin de tenter de contrebalancer les effets de l'introduction des peines planchers par la loi du 10 août 2007 et de leurs conséquences en matière de surpopulation carcérale. »

L'étude d'impact soulignait également le caractère contradictoire des dispositions de la loi pénitentiaire de 2009 ainsi que les conséquences néfastes sur le processus d'exécution des peines : « En obligeant le parquet à présenter devant le juge de l'application des peines des personnes condamnées à des peines d'emprisonnement ferme de plus d'un an, pour l'inciter à ordonner un aménagement avant même la mise à exécution de ces peines, la loi pénitentiaire a en réalité dénaturé le sens de la peine de prison, le législateur adressant en outre des injonctions totalement contradictoires et par la même incohérentes aux juridictions . Enfin, cette extension du domaine des sanctions aménageables à des peines d'emprisonnement relativement lourdes a eu pour effet de ralentir le processus d'exécution de la peine puisque la décision éventuelle d'aménagement par le juge de l'application des peines peut prendre plusieurs mois durant lesquels la peine n'est d'aucune façon ramenée à exécution, même sous une forme aménagée. »

Pour autant, en raison des conséquences directes de l'abaissement du seuil d'aménagement des peines sur la surpopulation carcérale (au moins 3 500 détenus supplémentaires), le Parlement avait renoncé à une telle modification 41 ( * ) .

(2) Les dispositions visant à accélérer les sorties de détention

Selon le professeur Martine Herzog-Evans, cette instrumentalisation peut également s'illustrer au travers de trois réformes législatives emblématiques qui visaient à accélérer les sorties de détention .

Le premier exemple se retrouve avec le dispositif de « sas de sortie » ou « nouvelle procédure d'aménagement des peines (NPAP) pour les condamnés incarcérés proches de la libération, prévue par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004. Selon cette procédure, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pouvait proposer une mesure d'aménagement, mise à exécution en l'absence de réponse du juge de l'application des peines dans un délai de trois semaines et en l'absence de recours du ministère public.

Avec la création de nouvelles procédures, la « surveillance électronique de fin de peine » et la « procédure simplifiée d'aménagement des peines (PSAP) » remplaçant la NPAP, la loi pénitentiaire de 2009 a poursuivi, comme en 2004, l'objectif de lutter contre les sorties sèches mais vise en priorité la réduction de la surpopulation carcérale .

Supprimées par la loi du 15 août 2014 précitée, ces procédures ont été remplacées par la procédure de la libération sous contrainte qui prévoit l'examen obligatoire par le juge de l'application des peines de la situation de toute personne détenue, condamnée à une peine d'une durée inférieure ou égale à cinq ans et ayant déjà purgé le double de la durée de la peine restant à subir.

(3) Le placement sous surveillance électronique privilégié au détriment du placement à l'extérieur ou du régime de semi-liberté

Le placement sous surveillance électronique , que le Gouvernement propose d'ériger en une peine autonome et non une modalité d'exécution de la peine d'emprisonnement 42 ( * ) , est une modalité économique d'exécution des peines (environ 11 euros par jour) mais dépourvue de tout contenu visant à la réinsertion du condamné et de tout dispositif de contrôle (éthylotest, etc .) nonobstant la vérification du respect des obligations d'assignation à domicile entre certaines heures.

En pratique, comme vos rapporteurs ont pu le constater, le nombre insuffisant des surveillants affectés à cette mission ne permet pas d'intervenir sur la majorité des « alarmes » nées du non-respect des obligations de présence à domicile : dans certains établissements, une moyenne de 900 alarmes par jour, pour 1 300 mesures en cours d'exécution, a pu être constatée.

Alors même que son contenu est unanimement décrié par les universitaires ou les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, le nombre de personnes soumises à cette mesure a augmenté de 5,9 % entre le 1 er août 2017 et le 1 er août 2018. Au cours de la même période, le nombre de condamnés en semi-liberté ou celui des condamnés bénéficiant d'un placement à l'extérieur tout en étant hébergés , mesures contraignantes qui permettent un réel suivi et un accompagnement du condamné, ont respectivement diminué de 6,4 % et de 25 %.

Vos rapporteurs regrettent cette instrumentalisation des aménagements de peine aux fins d'économies budgétaires , alors que devraient primer les objectifs d'une meilleure individualisation des peines et de la prévention de la réitération.

Ainsi, les juges de l'application des peines de Lyon ont déploré le faible nombre de placements à l'extérieur, notamment pour les placements de courte durée, alors même que cet outil permet, selon eux, une prise en charge soutenue des condamnés.

3. La problématique de l'exécution des peines en milieu ouvert

Il existe un large consensus sur l'intérêt d'éviter l'emprisonnement pour les auteurs de certains « petits » délits. Pour ces condamnés, la prison peut constituer une forme « d'école du vice », peu propice à la prévention de la réitération. L'emprisonnement peut aussi avoir pour effet de désocialiser ces condamnés, ce qui va à l'encontre de l'objectif de réinsertion.

Les peines exécutées en milieu ouvert présentent donc, de ce point de vue, un réel intérêt, qu'il s'agisse des mesures de probation (contrainte pénale ou sursis avec mise à l'épreuve), des travaux d'intérêt général 43 ( * ) ou des stages 44 ( * ) .

Cependant, les conditions de mise en oeuvre de ces peines demeurent souvent insatisfaisantes, en raison notamment de la faiblesse des moyens des services d'insertion et de probation (SPIP).

a) Un suivi qui mériterait d'être renforcé dans le cadre des mesures de probation

Les mesures de probation sont fréquemment décidées par les juridictions : au 1 er janvier 2017, on dénombrait ainsi près de 125 000 sursis avec mise à l'épreuve (SME) en cours d'exécution ; le recours à la contrainte pénale demeure beaucoup plus marginal puisqu'à la même date un peu plus de 2 500 contraintes pénales avaient été prononcées par les juridictions.

En dépit de leur utilité pour la prévention de la récidive, les mesures de probation n'apportent pas toujours les résultats escomptés. Trop souvent, le suivi assuré par les conseillers d'insertion et de probation (CPIP) se concentre sur le contrôle des obligations imposées par le magistrat au détriment d'un véritable suivi social. Pour reprendre les termes du professeur Martine Herzog-Evans, la probation en France est trop souvent vue comme « d'abord de la surveillance, du contrôle et de la vérification et non plus du soutien, de l'accompagnement et de la résolution des problèmes ».

Les organisations syndicales reconnaissent cette limite de leur action, qu'ils imputent notamment à un manque d'effectifs qui conduit chaque CPIP à suivre un nombre trop élevé de condamnés. Pour mémoire, on dénombrait en 2017 un peu moins de 2 900 CPIP.

Alors que les recommandations du Conseil de l'Europe indiquent que chaque conseiller devrait suivre une quarantaine de condamnés, le ministère de la justice estime que chaque CPIP suit 80 personnes en moyenne. Sur le terrain, il n'est pas rare qu'un conseiller suive une centaine de personnes, ce qui explique qu'il se concentre surtout sur le contrôle formel des obligations à la charge du condamné.

Un autre élément d'explication tient aux décisions rendues par les juridictions, qui, manquant d'informations suffisamment précises sur le profil du prévenu au moment où elles rendent leur décision, tendent à multiplier les obligations, pas toujours justifiées au regard de la situation de la personne.

Dans ce contexte, il s'écoule souvent un délai de plusieurs mois entre le prononcé de la peine et le début effectif du travail de suivi . En principe, les conseillers sont amenés à mettre en place des suivis différenciés, comme les y invitent les circulaires de l'administration pénitentiaire 45 ( * ) , avec, dans le meilleur des cas, une convocation hebdomadaire, mais le plus souvent mensuelle ou bimestrielle.

Or, les personnes condamnées cumulent généralement les difficultés qui font obstacle à leur insertion : faible qualification, problèmes de comportement, addictions... qui ne peuvent être surmontées qu'au prix d'un suivi intensif.

Ce suivi est d'autant plus efficace qu'il est mené en partenariat avec d'autres intervenants, les SPIP ne pouvant disposer en leur sein de toutes les compétences requises. Or la culture du travail en commun, interdisciplinaire, demeure insuffisamment répandue . Le travail avec les partenaires est le plus souvent appréhendé dans une perspective séquentielle, où il s'agit de faire entrer la personne suivie dans un dispositif de droit commun, une prise en charge par une mission locale par exemple, et non comme la conjugaison des savoir-faire de chacun.

b) Un nombre insuffisant de postes de travail d'intérêt général

Si la peine de TIG est insuffisamment prononcée par les juridictions - on dénombrait 16 284 TIG prononcés en 2016 ce qui correspond à 2,8 % des peines prononcées -, son développement est encouragé par la plupart des acteurs du monde judiciaire. Le rapport « sens et efficacité des peines » de M. Bruno Cotte et Me Julia Minkowski indique ainsi que, dans le cadre des chantiers de la justice, « une parfaite unanimité a pu être constatée sur l'intérêt que présente la peine de travail d'intérêt général ».

Vos rapporteurs partagent ce jugement positif sur les TIG, tout en précisant que l'efficacité de cette peine, en termes de réinsertion, dépend beaucoup de ses conditions d'exécution. Or nombre de magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont déploré la faible qualité du contenu de certains TIG et leur brièveté, quelques dizaines d'heures, qui expliquent que leur effet sur le parcours du condamné soit faible.

L'accueil d'un condamné fait peser une responsabilité sur l'employeur, qui doit notamment désigner un référent ou un tuteur, interlocuteur du SPIP, et qui doit veiller à ce que le nombre d'heures de travail prescrit soit réalisé dans le délai imparti. L'intégration d'une personne condamnée dans le collectif de travail n'est pas toujours une opération aisée et elle peut susciter de légitimes inquiétudes chez les professionnels, ne serait-ce qu'en raison de la crainte de violences. Il en résulte un « manque d'investissement voire une réticence de nombreuses communes et collectivités publiques pour prendre en charge les personnes condamnées », comme l'a relevé le rapport de M. Bruno Cotte et Me Julia Minkowski. On pourrait ajouter une réticence de l'État qui est la seule personne publique à n'accueillir aucun TIG...

Le Gouvernement travaille actuellement à la mise en place d'une agence nationale du TIG , qui disposerait d'une plate-forme numérique permettant de recenser les offres existantes. Ce dispositif devrait permettre de renforcer la transparence sur l'offre de TIG, et favoriser ainsi une meilleure adéquation entre le TIG proposé et le profil du condamné, et pourrait encourager les employeurs à proposer des TIG grâce à un meilleur accompagnement et une meilleure information. Il est cependant peu probable que la création de cette agence suffise à faire changer d'échelle le recours aux TIG.

c) Les stages, une diversité de contenus difficile à appréhender

La multiplicité des régimes juridiques des stages se double de modalités très diverses de mise en oeuvre de ces stages. Dès lors, le recours aux stages fait l'objet d'appréciations contrastées.

Le professeur Herzog-Evans porte un jugement très sévère sur « l'industrie » des stages, jugeant « absurde » de croire que l'on puisse « traiter de problèmes aussi complexes que l'abus de substance, la conduite en état d'imprégnation alcoolique répétée, de comportements antisociaux réitérés et de violence domestique en deux jours de stage ».

Certains magistrats ont également fait part de leur perplexité quant à l'efficacité des stages pour résoudre des problèmes comportementaux ancrés chez l'individu.

Néanmoins, le cadre juridique actuel permet d'accorder une grande liberté aux juridictions et aux services d'insertion et de probation dans l'organisation du contenu des stages, ce qui permet de responsabiliser les acteurs de la peine.

C. UNE DÉFAILLANCE SYSTÉMIQUE DANS L'ÉVALUATION DE L'EFFICACITÉ DES PEINES

Au cours de leur mission, vos rapporteurs ont pu constater les carences des juridictions, de l'administration pénitentiaire et plus généralement, du ministère de la justice, dans la production de statistiques fiables.

1. La carence de l'outil statistique opérationnelle

Alors que les politiques publiques en matière pénale ou d'exécution des peines sont très régulièrement réformées, il n'existe aucune véritable démarche systématique de mesure ou d'évaluation statistique , selon le constat critique mais objectif du rapport « Cinq ans pour sauver la justice ! » de la mission d'information sénatoriale sur le redressement de la justice.

Si vos rapporteurs saluent les efforts engagés par le ministère de la justice pour unifier la production de statistiques avec le système d'information décisionnel (SID), ces mesures du plan de transformation numérique du ministère de la justice apparaissent néanmoins peu ambitieuses au regard du retard accumulé.

L'exemple du taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement est le plus significatif.

En réaction à de vives critiques quant à l'absence de statistiques sur le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement, de nouveaux outils ont été mis en place par le ministère de la justice à partir de 2004.

Ainsi, en 2016, les taux de peines d'emprisonnement ferme prononcés par les tribunaux correctionnels en attente d'exécution étaient estimés à 44 % à 6 mois, 39 % à 1 an et 16 % à 2 ans. 96 % des peines non aménageables ont été mises à exécution le jour du jugement (99 % l'étaient au bout de 2 ans). Les peines aménageables, qui représentent 70 % des peines d'emprisonnement ferme prononcées par les tribunaux correctionnels, constituent la quasi-totalité du stock de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution .

Ces nouveaux outils ne sont néanmoins d'aucun intérêt opérationnel, comme l'ont déploré de nombreux parquets. Ce taux ne mesure que la réalisation ou non des mesures administratives : par exemple, en cas de condamné non localisé, l'inscription de la condamnation au fichier des personnes recherchées. Il s'agit en réalité d' un indicateur de traitement des pièces d'exécution. Outil administratif ou comptable, il ne peut donc pas être un outil de pilotage d'une politique pénale.

La refonte du système statistique du ministère empêche pour l'heure la mise à jour de ces données, ce qui explique ainsi l'absence de statistiques transmises au Parlement dans le cadre de l'adoption de la loi n° 2018-652 du 25 juillet 2018 de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017 .

Extrait du rapport annuel de performance pour l'année 2017

Plus globalement, vos rapporteurs regrettent le manque de connaissances concernant la population pénale, tant sur plan national que local et l'absence d'informations fiables et précises sur l'exécution des peines, notamment le recouvrement des amendes .

2. Une efficacité des peines et des aménagements de peine insuffisamment évaluée

La majorité des statistiques produites par les juridictions visent en réalité à évaluer « la production judiciaire », et non pas l'efficacité des peines prononcées .

Or votre commission des lois dénonce régulièrement, notamment lors de ses avis sur les projets de loi de finances, singulièrement sur le programme budgétaire de l'administration pénitentiaire, l'absence de moyens dédiés à l'évaluation de l'efficacité des peines ou des aménagements de peine .

Les politiques actuelles d'aménagement des peines semblent continuer de se fonder sur des études anciennes de plus de 10 ans, sans prendre en compte les nouvelles réformes législatives.

Aucune étude, aucun indicateur ne mesure l'efficacité des mesures exécutées en milieu ouvert (contrainte pénale, suivi socio-judiciaire, etc .) De même, l'absence d'évaluation des coûts des mesures probatoires, par journée, est préjudiciable dans la définition d'une politique publique d'exécution des peines.

Les prises en charge en milieu carcéral, pourtant très différentes d'un établissement pénitentiaire à l'autre, ne sont pas évaluées : aucune étude ne permet de privilégier tel programme de prévention de la récidive (PPR) par rapport à un autre.

Contrairement à la plupart des pays européens, la France ne finance aucune étude de cohortes suivant les condamnés durant plusieurs années pendant et après l'exécution d'une peine, avec pour finalité d'évaluer la prise en charge des majeurs condamnés dans la prévention de la réitération.

Si des développements informatiques sont en cours afin de relier les données des trajectoires de certaines personnes avec les données du casier judiciaire, ce projet semble bien insuffisant.

Dans son premier rapport, remis en décembre 2017 à Mme la garde des sceaux, l'Observatoire de la récidive et de la désistance regrettait que les connaissances disponibles sur le phénomène de réitération soient principalement fondées sur l'exploitation du casier judiciaire national et sur le fichier national des détenus.

Toute étude sérieuse de prévention du risque de réitération devrait se fonder sur une évaluation post-sentencielle de l'ensemble des condamnés. De plus, l'absence d'exhaustivité des informations inscrites au casier judiciaire ne permet pas d'envisager une évaluation objective de l'efficacité des peines prononcées.

II. CINQ AXES DE RÉFLEXION POUR REFONDER LE PRONONCÉ ET L'EXÉCUTION DES PEINES

Face au constat d'une procédure d'exécution des peines illisible, lente et trop souvent inefficace, vos rapporteurs proposent cinq axes de réflexion pour refonder, et non pas ajuster, le prononcé et l'exécution des peines.

A. REMETTRE LES JURIDICTIONS DE JUGEMENT AU CoeUR DU PRONONCÉ DES PEINES

Vos rapporteurs jugent indispensable de restaurer la lisibilité et la crédibilité de notre système judiciaire pénal , ce qui implique tout d'abord de remettre en question la déconnexion actuelle entre le prononcé des peines par les juridictions de jugement et leur exécution effective des peines aménagées. Pour y parvenir, les juridictions de jugement doivent s'efforcer d'individualiser les peines qu'elles prononcent.

1. Mettre fin à la confusion des fonctions

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de distinguer le temps de la sanction , qui doit être vécu par le condamné, comme la victime, comme le temps de la déclaration de culpabilité et d'édiction d'une peine adaptée, et le temps de l'exécution des peines, temps qui vise à la réinsertion des condamnés.

Au cours de leur mission, ils ont pu constater la grande confusion qui existait, en droit et en pratique, concernant les prérogatives de chacun.

Ainsi, le ministère public est à la fois l'autorité chargé de l'engagement des poursuites et l'autorité de mise à exécution des peines prononcées par le tribunal correctionnel. Alors que les juges correctionnels sont censés statuer sur la culpabilité et la peine sanctionnant le comportement fautif, ils abandonnent sans regret cette seconde mission au juge de l'application des peines, devenu ainsi le juge de la détermination de la peine qui sera réellement exécutée et du suivi de son exécution. L'essentiel de l'activité du juge de l'application des peines n'est désormais plus consacrée au suivi des condamnés, détenus ou probationnaires, mais à l'examen de la mise à exécution, sous une forme aménagée ou non, de la peine prononcée par le tribunal correctionnel.

Cette confusion des missions semble préjudiciable à l'efficacité du système pénal.

Alors que les principes devraient conduire à faire des juges correctionnels la pierre angulaire du système pénal, l'examen systématique des peines d'une durée inférieure à deux ans d'emprisonnement par le juge de l'application des peines en vue d'un aménagement a déplacé le centre de gravité du système.

De plus, il n'existe pas de politique de juridiction quant aux réponses pénales souhaitées : la séparation entre la politique pénale locale du ministère public et la politique de juridiction, telle qu'elle résulte des peines prononcées, apparaît incompréhensible alors même que le ministère public est le principal pilote de la réponse pénale (poursuites, procédures alternatives aux poursuites...).

Aujourd'hui, les procédures sont détournées en permanence de leur objectif initial pour s'adapter à la pénurie des moyens.

Pour s'assurer de l'exécution d'une peine d'emprisonnement ferme, le tribunal correctionnel est obligé de prononcer soit un mandat de dépôt, soit une peine d'une durée au moins supérieure à deux ans pour éviter la procédure d'examen obligatoire en vue d'un aménagement : il est ainsi logique que le quantum moyen des peines prononcées augmente. De même, certaines magistrats prononceront sept mois (et non six mois) pour s'assurer que la peine ne sera pas convertie en travail d'intérêt général ou en jours-amende.

Afin de restaurer la lisibilité du système, il convient de refonder l'organisation du prononcé des peines sur ces deux principes essentiels :

- la juridiction de jugement est l'autorité de la sanction : elle prononce la culpabilité et la peine adaptée et notamment, au besoin, une peine d'emprisonnement aménagée ;

- la juridiction de l'application des peines est l'autorité de l'exécution des peines et intervient, en principe, après la mise à exécution de la peine.

Ces principes imposent dès lors de refonder l'organisation de notre système, notamment d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement prononcées d'une durée inférieure à deux ans, pour faire de la peine prononcée la peine exécutée.

Proposition n° 1 :

Distinguer le temps de la sanction du temps de la réinsertion.

Proposition n° 2 :

Redéfinir les missions des acteurs de la peine afin de mettre fin à la confusion des rôles.

Proposition n° 3 :

Refondre le prononcé et l'aménagement des peines pour que la peine exécutée soit la peine prononcée par la juridiction, sauf circonstance ou évolution particulière de la situation du condamné.

Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice proposait d'encourager les juridictions à utiliser davantage la procédure de l'ajournement du prononcé de la peine.

Insuffisamment utilisée, cette procédure consiste à statuer, dans un premier temps, sur la culpabilité de l'intéressé et à reporter la décision sur la peine à une audience ultérieure, une fois la juridiction suffisamment éclairée sur la situation personnelle du condamné.

Procédure permettant de redonner aux juridictions de jugement le rôle d'individualisation de la peine, actuellement confié de facto au juge de l'application des peines, la généralisation de celle-ci permettrait d'éviter l'illisibilité actuelle du système où les juridictions de l'application des peines remettent en cause les décisions des juridictions de jugement, pourtant revêtues de l'autorité de la chose jugée.

Les ajournements du procès

L'ajournement simple (article 132-60 du code pénal) permet au juge de reporter la date à laquelle il sera statué sur la peine. Cet ajournement ne peut être prononcé que si « le reclassement du coupable est en voie d'être acquis, que le dommage causé est en voie d'être réparé et que le trouble résultant de l'infraction va cesser. »

En matière correctionnelle, l'ajournement avec mise à l'épreuve (article 132-63 du code pénal) permet au juge, dans les mêmes conditions que l'ajournement simple, de prononcer une décision de mise à l'épreuve, exécutoire par provision, avec les mêmes mesures de contrôle et d'aide que le sursis avec mise à l'épreuve et une nouvelle date d'audience, au plus tard un an après la première décision d'ajournement pour statuer sur la peine, ou éventuellement une dispense de peine.

Même en l'absence du prévenu à l'audience, l'ajournement du procès avec injonction (assortie ou non d'une astreinte) - article 132-66 du code pénal - peut également être prononcé : si les prescriptions de l'injonction n'ont pas été respectées, l'astreinte peut être liquidée et les peines initialement prévues peuvent être prononcées.

Enfin l'article 132-70-1 du code pénal prévoit l'ajournement du procès aux fins d'investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale , notamment pour individualiser les peines prononcées. La seconde audience sur la peine ne peut avoir lieu plus de quatre mois après la première décision sur la culpabilité.

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs échanges avec les magistrats la réticence de ces derniers à prononcer un ajournement, source, pour eux, de déstabilisation et de désorganisation du planning des audiences. Les magistrats considèrent ne pas avoir suffisamment de moyens pour l'organiser.

Convaincus pourtant de l'utilité de la procédure, pour des raisons de lisibilité et d'adéquation du prononcé des peines, vos rapporteurs encouragent certaines juridictions à mettre en place une organisation expérimentale de leurs audiences reposant sur la césure systématique du procès , avec l'organisation, en parallèle avec les SPIP ou les associations locales d'un dispositif d'enquête de personnalité présentencielle complète de quelques semaines.

L'évaluation d'un tel dispositif devrait permettre de mesurer les difficultés que suscite réellement l'ajournement systématique.

Proposition n° 4 :

Encourager, le cas échéant par la mise en place d'expérimentations locales, la césure systématique du procès entre le prononcé de la culpabilité et le prononcé de la peine.

2. Permettre aux juridictions de prononcer une peine adaptée
a) Moderniser, un préalable indispensable

Actuellement, la consultation des applicatifs numériques ne permette pas de rendre compte de la situation réelle d'un prévenu.

Les délais de mise à jour du casier judiciaire national restent incompatibles avec les phénomènes de réitérations multiples : en 2017, les tribunaux de grande instance et les cours d'appel transmettaient effectivement les décisions au casier judiciaire national dans un délai moyen respectivement de 5, 3 mois et 4,2 mois. Environ 5 semaines supplémentaires sont nécessaires pour leur inscription au casier judiciaire.

De plus, le casier judiciaire ne renseigne pas sur l'exécution ou non de plusieurs peines de travail d'intérêt général, ni sur l'exécution réelle en centre de semi-liberté.

Nombre de magistrats regrettent qu'aucune centralisation des informations contenues dans les différentes applications numériques ne soit possible. Le développement d'un agrégateur de données pourrait être envisagé pour permettre à court terme l'accès rapide et simultané à l'ensemble des données figurant dans le fichier des antécédents judiciaires (TAJ), le logiciel relatif à l'application des peines, la probation et l'insertion (APPI) ou l'applicatif de gestion des établissements pénitentiaires (GENESIS).

Proposition n° 5 :

Garantir des applicatifs numériques efficients permettant d'informer promptement les juridictions.

b) Investir dans les enquêtes présentencielles

Vos rapporteurs estiment que la détermination d'une peine adaptée exige nécessairement une enquête présentencielle sur la personnalité et la situation du prévenu , même si cela implique une adaptation des protocoles actuellement mis en oeuvre par les services pénitentiaires d'insertion et de probation et les associations socio-judiciaires.

Ni l'enquête sociale rapide, adaptée aux procédures de comparution immédiate, ni les délais de l'évaluation réalisée par les services pénitentiaires d'insertion et de probation ne répondent aujourd'hui parfaitement aux besoins des juridictions.

Vos rapporteurs invitent à systématiser le recours à des enquêtes sociales rapides, au contenu renforcé et standardisé au niveau national, qui devraient être réalisés dans un délai moyen de six semaines.

Sur ce point, la flexibilité du secteur associatif devrait être privilégiée : l'ensemble des magistrats du parquet rencontrés ont en effet loué la capacité de réaction du secteur associatif socio-judicaire, même le dimanche, pour fournir des informations pertinentes.

Cette enquête devrait également permettre de déterminer la faisabilité ou non de certaines peines (disponibilités des places en TIG, existence d'un domicile adapté à un placement sous surveillance électronique...)

De même, afin d'encourager le prononcé d'aménagement ab initio , ces enquêtes devraient permettre de vérifier la situation sociale et matérielle du prévenu : s'il travaille, ses horaires, ses obligations parentales, etc .

Proposition n° 6 :

Systématiser les enquêtes présentencielles et de faisabilité pour le prononcé de peines et d'aménagements de peine ab initio adéquats.

c) Repenser l'aménagement des peines à l'audience

Afin que les juges correctionnels prononcent la peine adaptée, vos rapporteurs proposent également de prévoir, autant que possible, la présence d'un juge de l'application des peines dans les formations collégiales du tribunal correctionnel : cette présence permettrait tant de sensibiliser leurs collègues magistrats à l'importance et aux réalités de l'aménagement de peine que d'apporter une expertise technique dans une matière qui reste très complexe.

Dans les juridictions visitées par vos rapporteurs, cette organisation, parfois involontaire et résultant d'une pénurie de magistrats, semble au moins permettre l'organisation d'un débat à l'audience sur l'aménagement des peines.

Proposition n° 7 :

Développer la présence, autant que possible, d'un juge de l'application des peines au sein des formations de jugement des tribunaux correctionnels.

Dans le même esprit, vos rapporteurs encouragent les chefs de juridiction à sensibiliser et à mobiliser le barreau sur l'importance de plaider l'aménagement de peine à l'audience .

Les magistrats du parquet comme les juges correctionnels déplorent que trop souvent les avocats se concentrent sur la culpabilité ou l'innocence de leur client, éventuellement sur le quantum de la peine, trop rarement sur un aménagement adapté à la situation de leur client.

Une liste des pièces utiles aux juridictions pourrait être élaborée, au moins à l'échelle de chaque cour d'appel, et fournie au barreau afin que les avocats puissent venir à l'audience avec les pièces justificatives de domicile ou encore d'horaires de travail.

Proposition n° 8 :

Inciter les avocats à préparer l'aménagement des peines à l'audience.

B. SIMPLIFIER L'ARCHITECTURE DES PEINES

1. Clarifier l'échelle des peines

En réponse au constat unanime de complexité de la nomenclature des peines, vos rapporteurs proposent en premier lieu une clarification de l'échelle des peines principales en matière correctionnelle.

À cette fin, il conviendrait de réécrire l'article 131-3 du code pénal, comme le propose d'ailleurs le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Vos rapporteurs proposent néanmoins une refonte et non une mise à jour de cette échelle des peines : outre l'insertion d'une peine autonome de probation et d'une peine unique de stage 46 ( * ) , l'inscription de la peine de confiscation mais également de la peine de suivi socio-judiciaire, en tant que peines principales, pourrait être source de clarification. Certaines peines pourraient également disparaître ou être intégralement refondues : la peine de sanction-réparation n'est ainsi peu, voire jamais dans certaines juridictions, prononcée.

L'ensemble des peines pouvant être prononcées à titre principal, sans préjudice du caractère dérogatoire ou non de cette possibilité, devraient être exhaustivement listées, afin de clarifier les possibilités des magistrats.

Proposition n° 9 :

Redéfinir la hiérarchie des peines correctionnelles.

Dans le même objectif de clarification des possibilités offertes aux magistrats, vos rapporteurs proposent d'assouplir les distinctions entre les peines alternatives à l'emprisonnement, prononcées à titre principal ou non, dont certaines sont énoncées dans l'échelle des peines de l'article 131-3 du code pénal, et les peines complémentaires.

Au regard des risques d'illégalité encourues par certaines décisions qui, par exemple, prononcent une peine de stage et une peine de travail d'intérêt général, mais visent l'article du code pénal applicable en cas de prononcé de la peine de travail d'intérêt général à titre principal et alternatif à la peine d'emprisonnement au lieu de l'article applicable en cas de peine complémentaire, vos rapporteurs proposent de rationaliser ces règles.

Ainsi, le cumul de peines alternatives à l'incarcération devrait être systématiquement autorisé, dès lors que ces peines pourraient être prononcées pour tous les délits pour lesquels une peine d'emprisonnement est encourue.

Cette redéfinition des règles de prononcé des peines, en faveur d'une plus grande liberté accordée aux magistrats, permettrait d'individualiser réellement les peines et de prononcer plus largement certaines peines restrictives de liberté, de droits ou portant obligations de faire (un stage, l'indemnisation de la victime, etc .). Cette clarification serait susceptible d'éviter quelques condamnations à des peines d'emprisonnement.

Proposition n° 10 :

Assouplir la distinction entre les différentes catégories de peines (peines principales, peines alternatives et peines complémentaires) pour une plus grande efficacité de la réponse pénale.

2. Fusionner certaines peines

Coexistent aujourd'hui dans notre droit deux dispositifs juridiquement proches : la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve. Or la contrainte pénale demeure très peu appliquée par les juridictions. Ce constat plaide pour une simplification et pour une unification du régime juridique de la probation, qui allierait le meilleur de chacun des deux régimes 47 ( * ) .

À l'instar du rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski, vos rapporteurs proposent de créer une peine autonome de probation .

La doctrine considère généralement que le régime juridique du SME est plus précis et rigoureux que celui de la contrainte pénale et le nouveau dispositif devrait donc s'en inspirer. Mais la réflexion criminologique qui avait inspiré la contrainte pénale demeure pertinente, notamment l'idée qu'une évaluation préalable et continue de la situation du condamné doit être réalisée, ce qui peut amener le juge de l'application des peines (JAP) à faire évoluer les obligations qui lui sont imposées.

Le nouveau régime unifié devrait s'attacher à remédier à un défaut de la contrainte pénale que les rencontres avec les magistrats ont permis de relever, à savoir la difficulté qu'ils rencontrent pour révoquer cette mesure. Alors que le JAP est compétent pour révoquer le SME en cas d'inobservation des obligations et interdictions attachées à la mesure, c'est le président du tribunal qui intervient, sur saisine du JAP s'agissant de la contrainte pénale.

Proposition n° 11 :

Créer une peine autonome de probation visant à se substituer à la contrainte pénale et au sursis avec mise à l'épreuve.

À l'instar du rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski, vos rapporteurs proposent également de fusionner les peines de stages en une peine unique au regard de la complexité du dispositif actuel 48 ( * ) .

Un dispositif légal unique pourrait être défini prévoyant qu'un stage de sensibilisation d'une durée maximale de cinq jours peut être ordonné, soit en tant que peine autonome, soit en tant qu'obligation assortissant la peine de probation autonome.

La déclinaison locale de ces stages ne relève a priori pas de la loi. Il convient de permettre aux juridictions de créer le contenu de ces stages adaptés à leur profil et de les laisser libres de mettre en place de nouveaux stages de sensibilisation, différents de ceux actuellement cités par le code pénal.

Proposition n° 12 :

Fusionner les peines de stages en une peine unique.

C. DÉFENDRE UNE VISION PRAGMATIQUE DE L'EXÉCUTION DES PEINES

1. Associer les collectivités territoriales à l'exécution des peines

Si l'exécution des peines est une mission régalienne, vos rapporteurs considèrent qu'il serait cependant innovant et justifié de faire des collectivités territoriales des partenaires de l'exécution des peines .

Sans ancrage territorial, comment espérer que l'exécution des peines permette effectivement la réinsertion, dans l'emploi ou dans le tissu social ?

Les travaux d'intérêt général peuvent être un atout pour les collectivités territoriales, qui y sont insuffisamment sensibilisées par les acteurs de la chaine pénale.

De même, l'importance des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) n'est plus à prouver dans le parcours de réinsertion des sortants de prison.

Enfin, en tant que partenaires de l'exécution des peines, les collectivités territoriales doivent être associées à la détermination des lieux de détention, au choix des implantations et des services associés. Ce partenariat doit être d'autant plus étroit quand il s'agit de centres de semi-liberté ou de quartiers de préparation à la sortie, qui nécessitent une intégration dans les infrastructures de la ville.

Proposition n° 13 :

Faire des collectivités territoriales des partenaires de l'exécution des peines.

2. Assurer une politique cohérente sur le ressort d'une juridiction

Déjà dénoncée lors de l'examen de la proposition de loi sur le redressement de la justice, l'étanchéité entre les décisions de poursuite du parquet, de condamnation des juges correctionnels et d'exécution des peines par les juges de l'application des peines ne corresponde ni à la lettre, ni à l'esprit des principes constitutionnels d'individualisation des peines et d'indépendance des magistrats.

Vos rapporteurs regrettent l'absence de dialogue systématique entre les magistrats du parquet et du siège permettant l'élaboration d'une politique de juridiction cohérente, gage de l'efficacité de la justice pénale.

Ce dialogue doit pourtant avoir lieu lors de l'élaboration du projet de juridiction ou de la conférence régionale portant sur les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération 49 ( * ) ; il doit être décloisonné et concerner l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale.

Vos rapporteurs regrettent également l'absence de relations étroites entre les juges correctionnels et l'administration pénitentiaire .

Très peu de magistrats, a fortiori ceux siégeant en correctionnelle, se rendent dans les établissements pénitentiaires. Alors qu'il existe 186 établissements pénitentiaires, seulement 184 visites de magistrats ont été recensées en 2015 et 270 en 2016. Pourtant, l'article 10 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 prévoit que « le premier président de la cour d'appel, le procureur général, le président de la chambre de l'instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction, le juge de l'application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence » .

De même, si certains parquets sont informés quotidiennement de la situation des établissements pénitentiaires du ressort (taux d'occupation, climat, incidents, etc .), certains magistrats estiment qu'une telle information serait une atteinte à leur indépendance. Vos rapporteurs considèrent que les conditions d'exécution d'une peine étant des facteurs déterminants de son efficacité, il importe que les autorités poursuivantes, celles prononçant les sanctions et celles les mettant à exécution connaissent l'état des établissements pénitentiaires, ainsi que les capacités des SPIP à prendre en charge tel nombre de personnes dans tel dispositif de milieu ouvert (stage, travail d'intérêt général, contrainte pénale, etc .).

Proposition n° 14 :

Construire des stratégies locales partagées entre tous les acteurs de la peine :

- organiser régulièrement des temps d'échanges entre juges correctionnels, juges de l'application des peines, magistrats du parquet afin de définir une politique de juridiction en matière de prononcé et d'exécution des peines ;

- développer les échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et l'autorité judiciaire.

Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pu constater l'ingéniosité et la créativité des personnels oeuvrant tant au prononcé qu'à l'exécution des peines.

La grande diversité des peines pouvant être prononcées et les différentes modalités d'exécution de celles-ci ne constituent qu'un cadre et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, en lien avec les besoins identifiés par les juridictions, disposent d'une certaine liberté pour en définir le contenu.

Vos rapporteurs soulignent ainsi la nécessité d'adapter concrètement le contenu réel de chaque peine : un sursis avec mise à l'épreuve pour un délinquant sexuel ne peut avoir le même contenu pour un délinquant financier. De même, un multirécidiviste ne doit pas avoir le même suivi qu'un primo-délinquant.

Cette adaptation du contenu des peines suppose une bonne connaissance des profils des auteurs d'infractions sur un territoire et, autour d'un diagnostic commun, la mise en relation de l'ensemble des partenaires d'un territoire.

Ainsi, le service pénitentiaire d'insertion et de probation de la Drôme, visité par vos rapporteurs, a proposé entre novembre 2016 et février 2018 un dispositif adapté aux besoins criminogènes d'un grand nombre de personnes confiées par mandat judiciaire : le parrainage de désistance.

Ce dispositif repose sur des bénévoles, intervenant en milieu ouvert, avec lesquels les condamnés signent un contrat de parrainage : des réunions mensuelles sont ensuite organisées, sans préjudice de rencontres et des échanges téléphoniques non médiatisés par la présence des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. La durée du contrat oscille entre quatre et six mois.

Ce dispositif s'adresse principalement aux personnes ne bénéficiant pas des soutiens adaptés afin de sortir de la délinquance et ayant des difficultés à reconnaître leur responsabilité dans la réalité d'un parcours d'insertion, mais qui ne présentent pas de troubles psychologiques majeurs. 9 filleuls sur 10 étaient des délinquants multi-réitérants et 30 % de l'effectif avaient été condamnés plus de 10 fois. Les premières évaluations de ce dispositif témoignent de l'enclenchement d'un processus de désistance pour la quasi-totalité de l'effectif : seulement 20 à 32 % des personnes ont été évaluées comme présentant des comportements à risque infractionnel à la sortie du programme (contre 87 % au début).

Extrait du contrat de parrainage de désistance

Dans le cas d'espèce, ce sont les dispositions légales de l'article 10-1 du code de procédure pénale, relative aux mesures de justice restaurative, qui ont encadré ce dispositif.

Dans le ressort du tribunal de grande instance de Lyon, c'est le cadre légal de la contrainte pénale qui a permis le développement en 2017 d'un dispositif de « justice thérapeutique » adapté aux personnes multirécidivistes souffrant d'addictions ou de troubles mentaux favorisant le passage à l'acte.

Ce dispositif a fait l'objet d'un partenariat entre :

- les magistrats de la section de traitement direct (STD) du parquet qui oriente la procédure en fonction du profil de l'intéressé et non l'infraction commise ;

- l'association socio-judiciaire « service de contrôle judiciaire et d'enquêtes (SJCE) » Rhône-Alpes qui effectue une enquête sociale rapide dans le cadre d'un défèrement puis effectue le contrôle judiciaire de l'intéressé jusqu'à l'audience ;

- le SPIP du Rhône qui a spécialisé ses équipes et mis en place une permanence dédiée ainsi qu'un suivi thérapeutique ;

- l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) de Villeurbanne ;

- et la consultation de psychiatrie légale du pôle SMD-PL du centre hospitalier Le Vinatier.

Processus présentenciel de la mesure

Source : tribunal de grande instance de Lyon

Les premières évaluations démontrent le besoin d'un dispositif particulier pour les personnes présentant des troubles psychologiques et de multiples difficultés. Certaines limites ont également été identifiées, notamment la difficulté de trouver des places d'hébergement d'urgence ou social pour les personnes sans domicile fixe.

Suivi post-sentenciel de la mesure

Source : tribunal de grande instance de Lyon

Ces expériences démontrent la nécessité, selon vos rapporteurs, d'encourager les services territoriaux a identifié leurs problématiques locales et à mettre en place des expérimentations innovantes dans le cadre des dispositifs légaux existants.

Proposition n° 15 :

Adapter le contenu des peines aux profils des auteurs d'infractions dans les territoires.

3. Investir dans l'évaluation des peines exécutées et leur effet sur la récidive et la réinsertion

Vos rapporteurs considèrent indispensable d'évaluer, au plan local comme au plan national, l'ensemble des programmes de prise en charge des personnes placées sous main de justice.

Ces évaluations devraient être réalisées par les services spécialisés du ministère de la justice mais également confiées à des universitaires ou des associations spécialisées : ainsi, le dispositif de parrainage de désistance, mis en place dans le service pénitentiaire d'insertion et de probation de Valence, a fait l'objet d'une évaluation scientifique par l'association en recherche en criminologie appliquée (ARCA).

De telles pratiques ne peuvent être qu'encouragées par vos rapporteurs.

De nombreuses mesures font l'objet d'un clivage partisan, notamment l'efficacité de la contrainte pénale ou encore les effets délétères de l'emprisonnement de courte durée. Face à ces débats, le ressenti des professionnels de la justice ne suffit plus et il convient d'évaluer réellement ces dispositifs : dans quelle mesure l'incarcération induit-elle des effets négatifs ? Dans quelle mesure les réductions de peine permettent-elles la réinsertion des personnes condamnées ?

Vos rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité d'une démarche systématique : après chaque peine, une évaluation qualitative et quantitative de la situation des personnes condamnées devrait être réalisée afin d'alimenter des recherches sur la connaissance de la population pénale en France, les trajectoires habituelles de délinquance et l'efficacité de certaines peines. Cette évaluation pourrait être effectuée par d'autres acteurs que les SPIP, voire même par des acteurs indépendants de l'administration pénitentiaire.

Au-delà de dispositifs ponctuels et ciblés d'évaluation, vos rapporteurs recommandent également de réaliser des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de réitération : soulignée par le rapport des inspections (IGAS, IGSJ, IGF) de la mission d'évaluation des politiques interministérielles d'insertion des personnes confiées à l'administration pénitentiaire par l'autorité judiciaire (juillet 2016), cette nécessité a été réaffirmée par le rapport annuel de l'Observatoire de la récidive et de la désistance. Cette mesure ambitieuse est incontestablement coûteuse mais elle permettrait d'éclairer sans nul doute les priorités de l'administration pénitentiaire.

Proposition n° 16 :

Investir dans l'évaluation qualitative et quantitative des personnes placées sous main de justice :

- mettre en oeuvre une évaluation post-sentencielle des personnes condamnées ;

- réaliser des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de récidive, et mesurer l'efficacité des peines et la qualité des intervenants du milieu probationnaire.

Les données du casier judiciaire ne doivent pas constituer l' alpha et l' omega des données disponibles en matière de récidive. Pour autant, il convient que ces données soient fiables, actualisées le plus rapidement possible et de la manière la plus exhaustive possible.

Lors de leur déplacement au service du casier judiciaire national à Nantes, vos rapporteurs ont pu apprécier les efforts de modernisation du service. Ils relèvent néanmoins que de nombreux chantiers de modernisation (alimentation automatique du casier par certains applicatifs métiers, notamment) doivent encore être menés.

Si les aménagements impliquant une levée de l'écrou comme la libération conditionnelle ou la suspension de peine sont inscrits au casier judiciaire national, les aménagements réalisés sous écrou comme le placement sous surveillance électronique ou la semi-liberté n'y figurent pas. Or ces derniers, de même que les éventuels motifs de retrait ou de révocation, devraient y figurer.

Comme le relevait le rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski, « l'inscription au casier judiciaire de l'ensemble des aménagements de peine serait de nature à favoriser une connaissance exhaustive de la situation pénale de la personne condamnée et à permettre ainsi de prendre une décision adaptée ».

L'attribution de nouvelles fonctions statistiques au casier judiciaire suppose néanmoins de permettre son alimentation automatique par les applicatifs, notamment Cassiopée 50 ( * ) : actuellement, seulement 10 à 15 % des fiches pénales sont transmises directement en échanges inter-applicatifs. Ce chantier en cours suppose un travail de fiabilisation des données entrées dans Cassiopée.

Proposition n° 17 :

Inscrire l'ensemble des aménagements de peine au casier judiciaire national, lui conférer des missions statistiques et systématiser les échanges inter-applicatifs.

D. RENDRE CRÉDIBLES L'EXÉCUTION DES PEINES EN MILIEU OUVERT

Plusieurs évolutions seraient de nature à améliorer l'efficacité des mesures probatoires et en retour à inciter les juridictions à préférer ces mesures à l'incarcération.

1. Renforcer le contenu de la probation

Un renforcement des moyens des SPIP permettrait naturellement d'intensifier le suivi des bénéficiaires de la mesure. La loi de finances pour 2018 en cours d'exécution prévoit la création de 150 postes, ce qui constitue une première avancée. Des créations de postes supplémentaires pourraient intervenir dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice mais l'étude d'impact du projet de loi, très lacunaire sur ce point, ne permet pas de connaître le nombre de créations de postes envisagé. En outre, la réforme prévoit que les SPIP réinvestissent le champ des évaluations présentencielles, aujourd'hui largement réalisées par des associations habilitées. Ces créations de postes ne sont donc pas envisagées exclusivement comme un moyen d'améliorer le suivi post-sentenciel.

Outre la question des moyens, une amélioration du suivi suppose aussi de s'interroger sur l'évolution des pratiques. Sans se transformer en travailleurs sociaux, car la fonction de contrôle reste une part importante de leur travail, les CPIP pourraient jouer un rôle d'accompagnement social plus actif afin d'aider les condamnés à résoudre les problèmes qu'ils rencontrent.

Les condamnés sont souvent des personnes désocialisées, sans formation, avec des problèmes d'addiction ou de comportement, et chez qui la motivation peut faire défaut, de sorte qu'il est assez illusoire d'imaginer qu'ils puissent se réinsérer par eux-mêmes, simplement en accédant aux dispositifs de droit commun. Le CPIP peut jouer un rôle de conseil, d'orientation, de motivation, de soutien, avec par exemple des visites à domicile, indispensables pour mener le travail d'insertion. Le travail devrait être réalisé avec le condamné mais aussi avec son entourage familial, l'environnement du condamné exerçant une influence importante sur la sortie de la délinquance.

La lutte contre l'illettrisme et la formation professionnelle, la prise en charge sanitaire, tant les addictions et les troubles psychiques sont répandus, devraient ainsi constituer des priorités de l'action des SPIP.

Vos rapporteurs ont été sensibles à plusieurs propositions de magistrats visant à permettre aux juges correctionnels et même aux juges de l'application des peines de définir le rythme de convocation à des rendez-vous avec les CPIP dans le cadre des mesures probatoires en milieu ouvert.

Proposition n° 18 :

Permettre aux juridictions de définir le contenu des peines probatoires.

2. Renforcer la formation des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation

Un autre axe d'amélioration de la probation réside dans la formation des CPIP. Leur métier s'exerce au croisement de différents champs de connaissances : droit, psychologie sociale et clinique, et travail social. Surtout recrutés parmi les diplômés en droit et les travailleurs sociaux, les CPIP gagneraient sans doute à compléter leurs compétences grâce à une formation initiale et continue adaptée. Des formations en criminologie peuvent fournir l'approche pluridisciplinaire recherchée.

La pratique française en matière de probation s'enrichirait en outre de l'apport des expériences étrangères, notamment anglo-saxonnes, qui reposent beaucoup plus sur l'application de méthodes cognitivo-comportementales destinées à faire changer le comportement du condamné. Le contenu de la probation dépend de l'évaluation préalable du risque de réitération. Il comporte des entretiens motivationnels et des actions collectives en fonction des besoins du condamné.

Selon le professeur Herzog-Evans, la mise en oeuvre de ces programmes en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou au Canada permet de faire reculer la récidive de 20 % à 30 %, voire 50 % pour les programmes les plus performants. Leur succès est subordonné à l'intervention de professionnels bien formés et leur coût est supérieur à celui de notre SME.

Sans transposer immédiatement ces méthodes au contexte français, la formation des CPIP pourrait au moins s'attacher, dans un premier temps, à améliorer leur qualification en ce qui concerne l'évaluation du profil des condamnés et la conduite des entretiens, qui peuvent être efficaces à condition de mettre en oeuvre une méthodologie éprouvée.

3. S'appuyer sur le secteur associatif et la société civile

Les magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont insisté sur l'importance du secteur associatif dans le ressort de chaque juridiction .

L'ensemble des magistrats rencontrés louent les associations socio-judiciaires, en charge du suivi présentenciel, des activités de placement à l'extérieur dans le cadre d'un aménagement de peine, ou d'un suivi de sursis avec mise à l'épreuve, pour leur réactivité et leur capacité d'adaptation. Surtout, la réalisation de référentiels ou de protocoles d'action, appuyés sur une méthodologie scientifique, permet de mettre en place un suivi standardisé donc d'évaluer l'impact des mesures mises en place sur le parcours des justiciables.

Les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation

En application de l'article 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire , les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont chargés :

- de la préparation et de l'exécution des décisions prononcées par les autorités judiciaires relatives à l'insertion et à la probation ;

- de la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à l'insertion et à la prévention de la récidive ;

- du suivi et du contrôle des personnes condamnées : ils vérifient les obligations mises à la charge des condamnés faisant l'objet de mesures en milieu ouvert (art. D. 575 du code de procédure pénale) ;

- de la préparation de la sortie des personnes détenues, en particulier des aménagements de peine. En application de l'article D. 460 du code de procédure pénale, les SPIP assurent les « liaisons avec les divers services sociaux, éducatifs, médico-sociaux » ;

- de l'évaluation régulière de la situation matérielle, familiale et sociale des personnes condamnées afin de définir le contenu et les modalités de leur prise en charge.

Lors de la visite à Stuttgart et à Offenburg de vos rapporteurs, M. Elmar Steinbacher, secrétaire général du ministère de la justice et de l'Europe du Land de Bade-Wurtemberg a insisté sur la professionnalisation du service de réinsertion et de probation du Land ( Bewährungs und Gerichtshilfe Baden-Württemberg - BGBW ) et l'uniformisation des outils d'intervention développés pendant la période de dix années de délégation de cette institution au secteur privé (2007-2017) : il existe désormais un instrument unique de diagnostic ; par ailleurs, l'institution dispose de 80 spécialistes dans différents domaines (addictologie, crimes sexuels, troubles psychologiques, extrémisme politique, etc .). Désormais redevenue une institution de gestion publique, la majeure partie de ses employés sont des travailleurs sociaux : 350 pour 464 collaborateurs (dont 120 seulement sont fonctionnaires).

Un instrument, en cours de validation scientifique par le Dr Joachim Obergfell-Fuchs, directeur du pôle de criminologie du Land Bade-Wurtemberg et de l'école de l'administration pénitentiaire, propose également de déterminer sur la base de règles algorithmiques un score déterminant le niveau d'intensité nécessaire dans le suivi avec le probationnaire, et notamment le nombre de rencontres et le nombre d'heures nécessaires.

Cette institution en charge de la réinsertion repose par ailleurs sur de très nombreux bénévoles : plus de 550 personnes, ayant directement en charge le suivi probatoire de condamnés.

Cette expérience étrangère invite vos rapporteurs à s'interroger sur la capacité de l'administration pénitentiaire française à intégrer davantage la société civile, singulièrement les associations socio-judiciaires dans le suivi des condamnés, notamment pour les missions de préparation de la sortie de détention et d'accompagnement social des condamnés après leur peine.

Proposition n° 19 :

Renforcer les synergies entre les services pénitentiaires d'insertion et de probation et le secteur associatif.

4. Augmenter le recours aux peines de travail d'intérêt général

La peine de travail d'intérêt général est une peine consensuelle : sanction perçue comme permettant la réinsertion des condamnés, elle permet également au condamné d'apporter sa contribution à la société.

Elle reste insuffisamment prononcée et exécutée 51 ( * ) . Comme l'a également constaté le rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski, les juridictions se plaignent du manque de structures capables d'accueillir les personnes condamnées. Les SPIP de Valence comme ceux de Lyon ont regretté le faible nombre de collectivités publiques acceptant de mettre à disposition le personnel nécessaire pour encadrer les condamnés.

Vos rapporteurs recommandent d'adopter une nouvelle approche du travail d'intérêt général et d'insister sur sa dimension répressive. La peine de travail d'intérêt général est avant tout une sanction et n'a pas pour objectif premier de donner une expérience professionnelle au condamné.

Par cohérence avec cette approche qui distingue le temps de la sanction du temps de la réinsertion, vos rapporteurs recommandent de faciliter l'exécution des peines de travail d'intérêt général sous la forme de chantiers collectifs, moins coûteux à organiser. Cela pourrait prendre la forme de chantiers de nettoyage de graffiti par exemple ou encore des chantiers de débroussaillage pour prévenir les risques d'incendie.

Proposition n° 20 :

Encourager l'exécution des peines de travail d'intérêt général sous la forme de chantiers collectifs.

E. ADAPTER LES PRISES EN CHARGE EN MILIEU CARCÉRAL

1. Renforcer l'individualisation de l'exécution des peines d'emprisonnement

Selon les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les sorties de détention accompagnées par des agents de probation, professionnels ou bénévoles, permettent davantage de prévenir la réitération que les sorties sans accompagnement, les sorties dites « sèches ».

Au-delà de ce constat désormais partagé sur la nécessité de prévenir les sorties sèches, la question reste de savoir quel dispositif administratif doit être privilégié pour permettre cet accompagnement des sorties.

Les dispositifs sont en effet nombreux : peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, fractionnement, aménagement de peine (libération conditionnelle, placement à l'extérieur, semi-liberté, placement sous surveillance électronique,), suivi post-libération 52 ( * ) , surveillance judiciaire des personnes dangereuses 53 ( * ) , etc . Une évaluation, puis une rationalisation des dispositifs devrait être envisagée.

Faut-il systématiser les aménagements de peine en fin de détention ? Faut-il plutôt privilégier un suivi probatoire, exécuté en relais de la peine principale d'emprisonnement ? Sans prendre position, vos rapporteurs réitèrent leur ambition d'une restructuration des services de l'administration pénitentiaire afin d'accompagner l'ensemble des sorties de détention.

Surtout, au-delà de l'octroi ou non d'un aménagement de peine, vos rapporteurs insistent sur la nécessité de préparer en détention la sortie d'incarcération : les peines courtes en France, également soumises aux procédures de libération sous contrainte - ce qui n'est pas sans générer, selon les magistrats, du travail inutile, ne sont jamais préparées, aucun projet de sortie n'est élaboré pour un détenu n'ayant même jamais suivi un parcours d'exécution de peine en détention. Alors que la majorité des peines exécutées sont des peines courtes - en 2016, la durée moyenne passée sous écrou pour les condamnés étaient de 11,5 mois, l'administration pénitentiaire devrait adapter son organisation à la préparation de ces courtes peines, y compris dans l'affectation de ces détenus 54 ( * ) .

Proposition n° 21 :

Accompagner l'ensemble des sorties de détention.

Vos rapporteurs ont également été sensibles à de nombreuses propositions visant à individualiser davantage l'exécution des peines en déléguant certaines compétences aux directeurs des établissements pénitentiaires ou aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Certaines procédures apparaissent en effet excessivement lourdes et certaines décisions ne paraissent pas relever a priori de l'autorité judiciaire.

Parmi les mesures pouvant être déléguées, vos rapporteurs peuvent citer les permissions de sortir au vue de la préparation de la réinsertion professionnelle ou sociale de la personne condamnée (article D. 144 du code de procédure pénale).

De même, l'habilitation des structures offrant des travaux d'intérêt général relève aujourd'hui des juges de l'application des peines. Vos rapporteurs s'interrogent sur la plus-value d'une telle habilitation par l'autorité judiciaire.

Un travail de concertation entre directeurs des services pénitentiaires et magistrats devrait permettre d'identifier les autres prérogatives dont il serait plus rationnel de les confier aux premiers.

Proposition n° 22 :

Déléguer aux directeurs des services pénitentiaires plusieurs prérogatives actuellement dévolues aux magistrats afin d'adapter au plus près l'exécution des peines (renouvellement des permissions de sortie, habilitation des structures offrant des travaux d'intérêt général...).

2. Différencier les prises en charge au sein des établissements pénitentiaires et les régimes de détention
a) Un préalable : remettre à niveau l'immobilier pénitentiaire

Nombreux sont les rapports, tant parlementaires que gouvernementaux, ayant dénoncé ces dernières années la dégradation du patrimoine pénitentiaire 55 ( * ) « composé, pour l'essentiel, d'établissements vétustes et de locaux très dégradés par manque d'entretien, mais aussi d'établissements récents confrontés à des problèmes de conception entraînant des coûts finalement considérables ».

Afin de lutter contre la surpopulation carcérale , qui compromet l'objectif de réinsertion des personnes condamnées à des peines privatives de liberté, d'assurer des conditions décentes d'incarcération et de concrétiser le principe d'encellulement individuel , il convient de mettre en place une nouvelle politique immobilière permettant à la fois la construction de nouvelles places de prison et surtout des opérations de maintenance et de réhabilitation des établissements existants .

La construction de nouvelles places de prison est essentielle au regard de l'augmentation de la population française , mais également de l'augmentation de la délinquance constatée par les magistrats . La grande majorité des magistrats rencontrés expliquent en effet ne prononcer des peines d'emprisonnement qu'en dernier ressort et pourtant le nombre de détenus progresse. Il est alors pragmatique et raisonnable de fonder le programme immobilier sur l'estimation d'une progression continue de la population pénale et carcérale, et cela même avec le développement intensif de mesures alternatives à l'incarcération.

De plus, l'objectif d'encellulement individuel est loin d'être atteint : au 1 er août 2018, seulement 40 % des détenus en bénéficiaient .

Par ailleurs, vos rapporteurs rappellent l'importance des investissements dans la maintenance des établissements pénitentiaires . À cet égard, la comparaison entre l'entretien des bâtiments récents français et des bâtiments allemands a été frappante : alors que les centres pénitentiaires allemands sont très régulièrement entretenus et que tout dégât est réparé dans un délai compris entre une journée et une semaine, les remises à niveau de bâtiments endommagés en France sont repoussées d'année en année : par exemple un des quartiers du centre pénitentiaire de Valence, incendié en 2016, n'a toujours pas fait l'objet de travaux de réhabilitation.

À l'instar de la Cour des comptes 56 ( * ) , vos rapporteurs estiment que l'augmentation du budget de maintenance des établissements pénitentiaires permettrait in fine une réduction des dépenses exceptionnelles de réhabilitation, voire de reconstruction.

Proposition n° 23 :

Investir dans l'immobilier pénitentiaire pour que les conditions d'incarcération permettent la réinsertion des personnes détenues.

b) Diversifier les établissements pénitentiaires

En dépit de la « complexité » dénoncée du droit des peines et de l'empilement de différents plans de construction d'établissements pénitentiaires, indépendants les uns des autres, la détention française reste très généraliste .

L'ensemble des personnels pénitentiaires rencontrés par vos rapporteurs ont dénoncé l'absence de classification des établissements , et donc l'absence d'orientation ciblée des détenus .

Alors qu'il existe une grande diversité des profils des personnes incarcérées, des personnes aux profils antagonistes sont trop souvent regroupés au sein du même quartier de détention.

Il convient de véritablement diversifier les établissements pénitentiaires, en adaptant les exigences en matière de sécurité aux profils des détenus : il y a peu d'intérêt à soumettre l'ensemble des établissements pénitentiaires à des dispositifs très sécuritaires.

Davantage que la durée de la peine restant à accomplir, le profil des détenus semble être un meilleur critère pour l'affectation différenciée dans un établissement : sa capacité à se réinsérer, son comportement, son besoin ou non de prise en charge médicale permanente (notamment psychiatrique), sa sociabilité sont autant de critères permettant d'individualiser davantage la détention.

L'orientation des condamnés au sein des établissements , qui relève d'une décision de l'administration pénitentiaire, devrait être rationalisée par la mise en place d'une classification des établissements : ceux pouvant accueillir des détenus radicalisés, ceux pouvant offrir une prise en charge adaptée aux délinquants et criminels sexuels, ceux adaptés aux multirécidivistes, etc .

Au sein même des quartiers, une diversification des régimes de détention permettrait de personnaliser l'exécution des peines . À cet égard, vos rapporteurs ont pu constater que la quasi-totalité des détenus en Allemagne disposent de la clé de leur cellule et peuvent circuler assez librement au sein de leur étage entre leur cellule individuelle et les salles collectives (pièce réservée à l'entretien du linge, local cuisine, pièce réservée aux entretiens avec les conseillers de probation, etc .)

Vos rapporteurs font ainsi le pari que l'adaptation du parc carcéral à la diversité des profils des condamnés permettrait de pacifier la détention et d'améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

Proposition n° 24 :

Diversifier les établissements pénitentiaires en les ajustant aux profils des détenus et mettre en place une classification des établissements et des régimes de détention pour une orientation adaptée des détenus.

Dans le cadre de ce projet de diversification des établissements pénitentiaires, vos rapporteurs recommandent également de développer les centres de semi-liberté , qui permettent une transition progressive entre le milieu fermé et le milieu ouvert.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 707 du code de procédure pénale, « toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. »

Le régime de semi-liberté permet de prononcer des mesures suffisamment contraignantes pour incarner la fonction répression de la sanction tout en étant suffisamment souple pour permettre l'exercice d'activités hors détention.

Contrairement aux autres aménagements (placement à l'extérieur sans hébergement, placement sous surveillance électronique), la mesure de semi-liberté peut être prononcée à l'égard des personnes sans domicile ou au domicile précaire. Il ressort des rapports d'activité des juges de l'application des peines que vos rapporteurs ont pu consulter que la mesure est souvent prononcée pour des personnes au quantum de peine significatif, présentant une inaptitude psychologique au PSE ou réitérant et ayant déjà bénéficié d'un aménagement de peine sous la forme d'un PSE.

La mesure de semi-liberté permet également un suivi quotidien des condamnés : ainsi, à Paris, un courrier électronique est adressé quotidiennement par le responsable du quartier de semi-liberté au directeur d'établissement, au SPIP, au procureur de la République et au juge de l'application des peines pour les informer du nombre de présents, de la non-réintégration de certains, des incidents, des retards ou des éventuels retours « alcoolisés ».

Vos rapporteurs regrettent la diminution des moyens accordés aux centres de semi-liberté et en conséquence, le nombre de placements en semi-liberté : si 1 825 personnes étaient écrouées dans un centre de semi-liberté au 1 er août 2015, ce ne sont plus que 1 675 détenus qui sont actuellement dans un centre de semi-liberté.

Vos rapporteurs invitent à développer les centres ou les quartiers de semi-liberté en adéquation avec les besoins des territoires .

À cet égard, ils regrettent que l'ouverture en novembre 2015 d'un nouveau centre pénitentiaire à Valence se soit traduit par la suppression du quartier de semi-liberté auparavant situé dans l'ancienne maison d'arrêt de Valence. Depuis cette fermeture, les juges correctionnels et d'application des peines du tribunal de grande instance de Valence font régulièrement part du manque d'un outil intermédiaire entre l'incarcération et le PSE : ils déplorent ainsi que 70 % des sorties du centre pénitentiaire de Valence soient désormais « sèches ». Cette fermeture apparaît dommageable car, contrairement à d'autres centres pénitentiaires, le centre pénitentiaire de Valence est bien desservi par les transports en commun, ce qui facilite l'accès à un travail ou une formation.

Aussi vos rapporteurs proposent-ils, dans le cadre du plan de construction de 15 000 places de prison, de consacrer une part significative des investissements à la création de centres de semi-liberté et de les situer au sein des agglomérations. L'association des collectivités territoriales devrait être essentielle pour assurer la desserte de ces établissements par les transports en commun et faciliter l'accès des condamnés aux dispositifs d'insertion de droit commun.

Proposition n° 25 :

Développer, au centre des agglomérations, des quartiers de semi-liberté afin de pouvoir octroyer équitablement sur le territoire des aménagements de peine.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 12 SEPTEMBRE 2018

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous vous présentons aujourd'hui le résultat de nos travaux effectués dans le cadre de la mission d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre.

Le sujet est vaste. Si la prison symbolise pour une grande majorité des citoyens la sanction de référence, elle n'est qu'une possibilité parmi un éventail de peines qui n'a cessé de se diversifier afin de mieux individualiser la peine et de prévenir la récidive : le travail d'intérêt général, les jours-amende, les stages, la sanction-réparation, la contrainte pénale, etc .

Au 1 er janvier 2018, plus de 160 000 personnes étaient suivies en milieu ouvert, pour 70 000 personnes détenues.

La place centrale accordée à l'emprisonnement apparaît paradoxale au regard de la réalité de la mise en oeuvre de cette peine et de son efficacité. Aujourd'hui, la saturation de la chaine pénale et carcérale conduit à aménager de nombreuses peines d'emprisonnement ferme et donc à ne pas les exécuter sous la forme prononcée par les juridictions ; cette déconnexion croissante, et illisible, entre le prononcé et l'exécution des peines d'emprisonnement avait déjà été dénoncée l'année dernière par notre commission dans le rapport d'information sur le redressement de la justice « Cinq ans pour sauver la justice ! ».

Les conditions actuelles d'exécution des peines d'emprisonnement - un nouveau record a d'ailleurs été franchi le 1 er aout - compromettent indéniablement les chances de réinsertion des personnes condamnées.

Nos travaux s'inscrivent dans la lignée de nombreux rapports : le rapport « Pour une refonte du droit des peines » de la commission présidée par M. Bruno Cotte de décembre 2015, le rapport au Parlement sur l'encellulement individuel « En finir avec la surpopulation carcérale » de l'ancien garde des sceaux M. Jean-Jacques Urvoas de septembre 2016, ou encore le rapport de la commission du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire présidée par notre ancien collègue Jean-René Lecerf remis le 4 avril 2017 au garde des sceaux.

Vous le savez, le Gouvernement a lancé en octobre 2017 cinq chantiers de la justice, dont le cinquième et dernier, confié à M. Bruno Cotte et à Me Julia Minkowski, avait pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines. Les conclusions de ce rapport, remis le 15 janvier 2018 à la garde des sceaux, ont inspiré les grands axes du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, déposé sur le bureau du Sénat le 20 avril 2018, que nous examinerons en octobre.

Les conclusions de notre mission d'information, fondées essentiellement sur des rencontres de terrain avec les magistrats, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, les surveillants, les greffiers, les associations - nous sommes allés à Lyon, Nantes, Valence mais aussi à Stuttgart - auront naturellement vocation à éclairer nos débats lors de l'examen de ce projet de loi.

Je vous présenterai le constaté effectué par notre mission d'information avant que M. Bigot vous présente nos propositions.

En premier lieu, nous déplorons que le prononcé des peines soit devenu illisible.

Première remarque : les peines ne sont qu'une des modalités de la réponse pénale. La grande majorité des « réponses » qui viennent « sanctionner » un comportement ne sont plus prononcées par les juridictions, en raison de l'encombrement du système et de l'augmentation de la population pénale : la quasi majorité des délits sont sanctionnés par une mesure alternative aux poursuites ou une composition pénale, procédures dirigées par le parquet permettant bien souvent le même résultat : une amende, l'exécution d'un stage, d'un travail non rémunéré (autre nom du travail d'intérêt général dans le cadre d'une mesure alternatives aux poursuites), de plusieurs obligations ou interdictions ...

Deuxième remarque : la nomenclature des peines est si complexe que les magistrats ne savent plus quelles sont les peines alternatives, complémentaires, cumulables entre elles... Certaines peines complémentaires sont encourues de plein droit, d'autres en cas de concours de conditions, d'autres encore doivent être nécessairement prononcées sauf motivation spéciale. C'est insupportable pour les magistrats et en termes d'efficacité des décisions rendues.

Troisième remarque : le système de prononcé et d'aménagement des peines est tellement illisible qu'il est dépourvu de portée pédagogique. Les condamnés interrogés sur leurs antécédents judiciaires ne mentionnent que les peines d'emprisonnement exécutées en détention. Toutes les autres peines, notamment les peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un aménagement, les peines de sursis ou encore les peines de travail d'intérêt général, ne sont pas ressenties comme des condamnations ni même comme des antécédents.

Quatrième remarque : si le droit définit de grands principes d'individualisation des peines, la pratique est tout autre. La part croissante des comparutions immédiates, l'absence d'enquête présentencielle de personnalité, l'absence d'évaluation de la faisabilité matérielle de certaines peines ne permettent pas véritablement aux juridictions de prononcer une peine adaptée.

Nous avons ressenti, de la part des juges correctionnels, une forme de renoncement à prononcer la peine adaptée et une certaine indifférence à l'égard de la peine qui sera exécutée : ils considèrent que le travail sur la peine relève du juge de l'application des peines, et non du tribunal correctionnel.

Deuxième point central de notre constat : l'exécution des peines est de plus en plus déconnectée du prononcé des peines.

Les magistrats rencontrés regrettent les délais de mise à exécution des peines. Ils identifient plusieurs causes à la longueur de la procédure de mise à exécution.

En premier lieu, ils regrettent le manque de moyens de la justice, et notamment le nombre très insuffisant des personnels de greffe dans les services d'exécution des peines, des magistrats du parquet, des juges de l'application des peines et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

En deuxième lieu, la complexité du droit de l'exécution des peines est une cause d'inefficacité de la procédure. Outre un important travail de vérification des pièces d'exécution, les modalités retenues pour la mise à exécution d'une peine d'emprisonnement dépendent de différents paramètres : le fait que le condamné soit détenu ou non, si cette détention résulte de la même affaire, si la personne est sans domicile fixe ou connu, etc .

Enfin, l'obligation d'examen des peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans - ou à un an en état de récidive légale - en vue d'un aménagement des peines, procédure définie à l'article 723-15 du code de procédure pénale, a accru le temps nécessaire à l'exécution d'une peine.

En l'absence de mandat de dépôt décerné à l'audience, la peine d'un condamné comparaissant libre ne pourra pas être exécutée avant plusieurs mois. Outre le temps nécessaire à l'évaluation de la personne par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), les magistrats témoignent de la difficulté à mobiliser les personnes condamnées : plusieurs convocations sont ainsi nécessaires, ce qui retarde la mise à exécution d'une peine, même sous une autre forme.

Nombre de magistrats pointent l'hypocrisie du système pénal qui repose essentiellement sur la peine d'emprisonnement alors même que l'institution pénitentiaire n'est pas en capacité d'y répondre. Au 1 er juillet 2018, sur 70 710 détenus, 21 007 étaient des prévenus en attente de leur jugement et 49 703 étaient des condamnés exécutant leurs peines.

Ce sont 42 373 personnes, soit près de 60 % des détenus, qui sont actuellement incarcérées dans des structures suroccupées.

Cette suroccupation carcérale s'explique principalement par l'augmentation du nombre des prévenus alors que le nombre de détenus condamnés s'est stabilisé depuis 2013.

Cette surpopulation induit des conditions indignes de détention, accroît les actes violents et exacerbe la concurrence entre personnes détenues pour accéder à l'emploi, aux formations, aux activités, aux parloirs et aux unités de vie familiale.

En 2016, seulement 19 000 détenus étaient inscrits à une offre de formation professionnelle, contre 28 000 en 2013. Au premier semestre 2017, seulement 19 000 détenus avaient travaillé, soit 28 % des détenus, contre 29 % en 2015.

Lorsque les conditions de détention sont telles que des jeunes primo-délinquants ou des délinquants incarcérés pour la première fois peuvent côtoyer des multirécidivistes ou des détenus radicalisés, l'objectif de réinsertion semble compromis.

Au cours de visites dans plusieurs établissements pénitentiaires, nous avons constaté l'engagement des surveillants pénitentiaires à gérer au mieux des quartiers suroccupés et leur frustration de ne plus avoir le temps et les moyens de se consacrer à leur mission de réinsertion et à la prise en charge des courtes peines : la prise en charge des détenus dans les établissements pénitentiaires apparaît aujourd'hui très lacunaire.

Dans de nombreux établissements, aucun parcours d'exécution des peines ne peut être proposé. Les formations professionnelles fonctionnant par cycles non continus, les détenus arrivant après le début d'un cycle ou ayant une peine d'emprisonnement inférieure à six mois ne peuvent que rarement en bénéficier. De même, les activités et le travail sont réservés en priorité aux personnes incarcérées pour des durées supérieures à six mois.

Nombre de personnels pénitentiaires déplorent le paradoxe suivant : les prévenus ou les condamnés à des courtes peines d'une durée inférieure à deux mois connaissent des conditions d'incarcération particulièrement difficiles et, par comparaison, ils bénéficient d'une prise en charge nettement inférieure à celle qui est offerte aux condamnés à des longues peines. Alors que la prise en charge, notamment éducative, devrait être particulièrement renforcée pour les courtes peines, ce sont ces détenus qui bénéficient le moins d'un accompagnement tendant à leur réinsertion.

Outre les courtes peines, les surveillants comme les magistrats déplorent le nombre important de détenus présentant des troubles psychologiques en détention, estimé entre 25 et 40 % de la population carcérale. Au sein de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, plus de 40 % des détenus sont traités en raison de troubles psychologiques.

Dans le même temps, nous avons constaté que, pour des raisons de moyens, l'administration pénitentiaire encourage au placement sous surveillance électronique - dont le coût est de 11 euros par jour -, au détriment des places de semi-liberté ou de « placement à l'extérieur ».

Alors même que ce dispositif est unanimement décrié, le nombre de personnes soumises à une surveillance électronique a augmenté de plus de 6 % entre le 1 er août 2017 et le 1 er août 2018. Dans la même période, le nombre de condamnés en semi-liberté et le nombre de condamnés bénéficiant d'un placement à l'extérieur et hébergés, mesures contraignantes qui permettent un réel suivi et un accompagnement, ont respectivement diminué de 6,4 % et de 25 %.

Enfin, concernant les peines en milieu ouvert, il existe un consensus de plus en plus grand sur leur utilité dans la prévention de la récidive, mais les juridictions n'osent pas véritablement les prononcer. En effet, comment s'assurer qu'une peine de travail d'intérêt général sera effectivement exécutée rapidement en l'absence de places disponibles ? Comment s'assurer qu'un sursis avec mise à l'épreuve n'est pas une coquille vide ?

Enfin, dernier élément de notre diagnostic, nous faisons le constat que l'évaluation de l'efficacité des peines est inexistante. Il existe une défaillance systémique de l'administration pénitentiaire, et plus largement du ministère de la justice en la matière. Il n'existe aucune étude de cohortes suivant les condamnés pendant plusieurs années pendant et après l'exécution d'une peine. Aucune évaluation post-sentencielle n'est réalisée de l'ensemble des détenus. Contrairement à de nombreux pays, la France n'évalue pas l'efficacité de son système.

Cela s'explique aussi par une carence de l'outil statistique au ministère de la justice déjà dénoncée dans le rapport sur le redressement de la justice. Les nouvelles applications informatiques ne produisent que des statistiques imparfaites.

Ce chantier nous semble devoir constituer une priorité. Comment proposer une nouvelle politique publique en matière de prononcé des peines sans savoir lesquelles sont efficaces ?

M. Jacques Bigot , rapporteur. - Notre diagnostic, sévère, s'inscrit dans le droit fil de celui qui a été fait par la mission d'information sur le redressement de la justice. Les vingt-cinq propositions que nous formulons ne seront sans doute pas toutes mises en oeuvre, mais elles permettent de donner une vision globale et pourront inspirer nos débats sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice que nous examinerons en octobre.

J'ai eu plaisir à travailler sur ce rapport avec François-Noël Buffet. Malgré un calendrier chargé, nous avons privilégié les déplacements sur le terrain.

La première série de propositions vise à remettre les juridictions au coeur du prononcé des peines. Nous avons identifié un problème de confusion dans les rôles du parquet, du juge correctionnel et du juge de l'application des peines. Il convient de distinguer le temps de la sanction et le temps de l'exécution, qui est aussi celui de la réinsertion.

Nous formulons ainsi huit propositions visant à remettre les juridictions de jugement au coeur du prononcé des peines. Cela suppose une bonne information des juridictions : la présidente du tribunal de grande instance de Valence a découvert à l'occasion de notre entretien avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation qu'une personne avait été condamnée à trois ou quatre reprises à des travaux d'intérêt général non encore effectués. Je rappelle que le juge de l'application des peines ne peut proposer un aménagement de la peine qu'une fois que les voies de recours ont expiré et que le greffe du parquet dispose des informations concernant la situation matérielle et personne de l'intéressé.

Pour prononcer des peines adaptées, le juge correctionnel doit disposer en amont de rapports présentenciels de personnalité. Or les services d'insertion et de probation sont dans l'incapacité de les fournir.

Nous proposons également de développer la présence d'un juge de l'application des peines au sein des compositions collégiales des juridictions correctionnelles pour inciter au prononcé de l'aménagement de peine à l'audience.

Par ailleurs, nous avons constaté que la plupart des magistrats qui prononcent les peines ne visitent jamais la maison d'arrêt ou le centre de détention du ressort.

Les applicatifs numériques sont également défaillants. Nous avons ainsi constaté que les aménagements de peine ne figurent pas dans le casier judiciaire.

La deuxième série de propositions vise à simplifier l'architecture des peines. Il convient ainsi d'assouplir la distinction entre les différentes catégories de peines. Nous sommes convaincus de la nécessité de créer une peine autonome de probation visant à se substituer à la contrainte pénale, peu mise en oeuvre sur le terrain. Nous proposons enfin de fusionner les peines de stage, dont l'absence d'unification des régimes complique la tâche des magistrats.

La troisième série de propositions vise à favoriser une vision pragmatique de l'exécution des peines. Dans cette perspective, nous préconisons de faire des collectivités territoriales des partenaires de l'exécution des peines. Il s'agit d'une proposition innovante, mais qui nous semble de nature à permettre notamment le développement du travail d'intérêt général. De même, il faudra organiser régulièrement de vrais échanges entre les magistrats du parquet, les juges correctionnels et les juges de l'application de peines sur les stratégies à mettre en oeuvre.

La quatrième série de propositions vise à rendre crédible l'exécution des peines en milieu ouvert. Leur exécution doit être rapide et elle doit faire l'objet d'un suivi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il me semble donc nécessaire d'y associer les collectivités territoriales - qui devront également être associées à la conception des lieux de détention pour que les lieux de préparation à la sortie et les centres de semi-liberté soient implantés là où il y a du travail.

La cinquième série de propositions vise enfin à adapter les prises en charge en milieu carcéral. Il convient d'accompagner l'ensemble des sorties de détention afin d'éviter les récidives. Actuellement, cela semble quasiment inimaginable pour les courtes peines. Enfin, l'investissement dans l'immobilier pénitentiaire doit nous permettre de nous doter d'établissements adaptés aux différents besoins.

Telles sont nos vingt-cinq propositions, que nous aurons de nouveau l'occasion d'examiner lorsque nous aborderons le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Cela dit, en toile de fond demeure la question principale, celle des moyens ; en effet, sans moyens adaptés, nous pouvons toujours rêver d'une stratégie pénitentiaire et pénale idéale...

M. Philippe Bas , président . - Je félicite les deux rapporteurs pour leur travail passionnant, de fond et sans a priori . C'est toute l'efficience du système pénitentiaire qui est en cause, et cela commence dès le prononcé de la peine, qui, si elle est courte, n'est pas exécutée tant que le juge de l'application des peines ne s'est pas prononcé, le cas échéant dans un sens différent du tribunal correctionnel. C'est effrayant, mais nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de protéger la société et d'assurer aux détenus un avenir à leur libération.

Un système carcéral dans lequel seule une minorité de détenus a accès à une formation ou à un travail, où il n'y a pas suffisamment de peines alternatives à l'enfermement et dont le parc immobilier est inadapté, voire vétuste, justifierait un effort de long terme allant bien au-delà du projet de loi quinquennale annoncé ; du reste, la garde des sceaux en est, je le sais, tout à fait consciente.

Mme Brigitte Lherbier . - Merci de cette présentation passionnante.

Ce qui me préoccupe, c'est la situation des femmes. Elles sont souvent soumises au même régime sécuritaire que les hommes, alors qu'elles sont beaucoup moins nombreuses. A fortiori lorsqu'il y a un enfant, est-il vraiment nécessaire de les soumettre au même régime de sécurité ? On pourrait imaginer quelque chose de plus humain, de plus adapté à cette population. Qu'en pensez-vous ?

M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai apprécié la lucidité et l'esprit de ce diagnostic.

Néanmoins, quelles que soient nos propositions, ce travail ne mènera à rien puisqu'il ne reste pas un sou ; à quoi bon, dès lors, produire un énième rapport ? Cela dit, il est vrai que l'on pourrait faire, à moindres frais, un peu de ménage pour rendre plus lisibles l'exécution des peines et le dispositif en général.

En outre, n'y a-t-il pas, dans les propositions n os 1 à 5 et n° 11, qui visent à séparer l'exécution de la peine de son aménagement, une contradiction interne ? Comment procéder à une telle séparation ? L'aménagement de la peine fait partie de son exécution ; c'est parce que l'on juge que cet aménagement améliorera le comportement du détenu qu'on le propose.

Enfin, deux propositions novatrices me paraissent intéressantes. Premièrement, vous proposez d'intégrer les collectivités territoriales dans le dispositif ; j'en ai fait localement l'expérience, les collectivités peuvent apporter un complément utile à l'exécution des peines, tout en en retirant un bénéfice. Deuxièmement, vous suggérez un mode d'organisation qui existe au Canada, où les détenus sont incarcérés non selon la longueur de leur peine mais selon leur dangerosité et leur capacité de réinsertion. C'est très positif.

M. André Reichardt . - Je félicite nos deux rapporteurs pour ce travail intéressant et exhaustif. Bien des propositions sont pertinentes, mais, à mon sens, celles qui devraient retenir le plus notre attention sont celles qui concernent l'architecture des peines, de toute nature. Il faut redéfinir la hiérarchie des peines, on l'a souvent dit. Peut-être d'ailleurs qu'un groupe de travail pourrait approfondir cette question ; il s'agirait d'un travail de longue haleine permettant de rendre les peines cohérentes entre elles, ce qui, on le sait, n'est plus le cas.

Par ailleurs, la proposition n° 13, sur l'implication des collectivités territoriales dans l'exécution de peines, mériterait d'être affinée. On connaît les difficultés de certaines collectivités territoriales, notamment les communes, qui sont déjà surchargées. Il faudrait donc préciser le contenu de cette proposition.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il faut que ce soit volontaire !

M. André Reichardt . - De même, soyons prudents avec l'encouragement de travaux d'intérêt général sous la forme de chantiers collectifs, figurant à la proposition n° 20. Un travail d'intérêt général doit être accepté par son « bénéficiaire », et les chantiers collectifs ne doivent pas se traduire, pour la collectivité, par une obligation de faire.

Par ailleurs, j'appelle aussi à la prudence sur la proposition n° 22, qui vise à déléguer au directeur des services pénitentiaires des prérogatives actuellement dévolues aux magistrats - renouvellement des permissions de sortie ou encore habilitation des structures offrant des travaux d'intérêt général. Si je peux éventuellement être d'accord avec ces deux premiers exemples, ce sont les points de suspension qui m'inquiètent ; il faut des précisions.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous sommes à un moment grave, puisque la barre des 70 000 détenus vient d'être franchie pour la première fois, alors que nous ne disposons que de 60 000 places de prison. La garde des sceaux vient de présenter son plan pour les prisons, qui comporte des évolutions intéressantes, et dont l'état d'esprit rejoint vos préconisations. D'ailleurs, quoique bipartisan, votre rapport reflète une vision partagée, ce qui est peu commun ! Longtemps, sur ce sujet, certains ne juraient que par la construction de prisons quand d'autres en dénonçaient l'inutilité - pour caricaturer. Vos propositions, de plus, frappent par leur pragmatisme et leur humanisme soucieux d'efficacité. Et elles ne coûtent pas toutes très cher ! Aussi mériteraient-elles d'être mises en oeuvre.

J'ignore quelle sera la traduction du plan pour les prisons - même si la ministre a annoncé une hausse de 25 % du budget de l'administration pénitentiaire en cinq ans, et qu'un projet de loi sur la justice a été déposé sur le bureau du Sénat - mais il serait intéressant que vous communiquiez de concert sur vos propositions, car cela montrerait qu'en la matière les clivages partisans sont gages d'inefficacité, et que celles-ci soient insérées dans le projet de loi sur la justice et dans la discussion budgétaire - où je pense que la garde des sceaux leur fera bon accueil.

Certaines mesures de son plan pour les prisons vont au-delà de vos recommandations ; je pense par exemple à la diversification des établissements, et en particulier à l'instauration d'établissements spécifiques pour les détenus dont la sortie est proche. Elle aborde aussi, assez discrètement quoique de manière osée, la question de la régulation pénitentiaire, c'est-à-dire la modulation des dates d'entrée et de sortie en fonction des places disponibles. Et elle prévoit la fin des sorties sèches, qui fait d'ailleurs consensus. Nous aurons, certes, des critiques à formuler sur le projet de loi sur la justice. En particulier, l'augmentation du budget doit-elle bénéficier uniquement à l'administration pénitentiaire ?

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Merci pour vos commentaires constructifs. Sur les prisons pour femmes : nous sommes favorables à l'adaptation, même s'il faut garder à l'esprit que certaines femmes sont condamnées pour des faits d'une très grande violence. L'aménagement de la peine, monsieur Collombat, relève de la compétence de celui qui prononce la sanction. Le juge de l'application des peines statue, lui, sur les demandes de libération conditionnelle ou de mise en semi-liberté. Mais cette répartition des rôles s'est perdue depuis 2009, et les juges de l'application des peines ont assez largement le sentiment que leurs collègues de correctionnelle se déchargent sur eux. Il faut promouvoir la discussion entre juges et l'élaboration de stratégies partagées. Les peines criminelles sont lourdes mais exécutées dans des maisons centrales. Ces dernières ne sont pas pleines, d'ailleurs, et on y a le temps de préparer la sortie. C'est pour les détentions courtes, correctionnelles, que le travail n'est pas bien effectué. Quant à la proposition n° 13, elle ne vise pas à confier aux collectivités territoriales la charge des TIG. Mais à Strasbourg, par exemple, il y en a environ 300 par an. Il vaut donc la peine d'élaborer une stratégie spécifique pour leur emploi. Les détenus non criminels sont souvent des personnes de la région ; c'est donc les habitants de la région qui subiront l'éventuelle récidive - et ils s'en plaindront à leur élu local. D'où l'importance de mobiliser les élus locaux, même si ce n'est pas dans l'esprit français. En Allemagne, les Länder , qui ont la compétence sur l'administration pénitentiaire, ont même obtenu des prérogatives législatives. Même le choix des lieux de détention doit impliquer les élus locaux. Le Sénat est bien placer pour recommander de les prendre en compte !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Si nos concitoyens pensent que l'emprisonnement est la seule solution, c'est parce qu'ils pensent que les peines prononcées sont correctement exécutées. Or nous savons que ce n'est pas vrai - ce qui décrédibilise le système. La conséquence est que les procédures existantes sont dévoyées de leur objet. C'est notamment le cas des comparutions immédiates, surchargées, ce qui allonge indéfiniment les délais de jugement pour les procédures normales : du coup, les parquets ne convoquent plus à des audiences devenues trop lointaines... C'est inacceptable.

L'encellulement individuel n'est pas respecté, et la surcharge carcérale rend la vie difficile non seulement aux détenus, sur lesquels tous ne s'apitoient pas nécessairement, mais aussi aux surveillants, qui sont régulièrement agressés. Il y a dans nos prisons un climat de tension permanente que nous n'avons pas retrouvé en Allemagne. Il faut donc revenir à un système correct, où les peines sont exécutées normalement. Puis, une amende, une retenue sur salaire, un TIG, ce sont des sanctions pénales !

Enfin, certains bâtiments - même récents - sont très mal conçus. Certaines astuces simples, vues en Allemagne, amélioreraient la situation. Nous débattrons de la ventilation des crédits lors du vote du projet de loi sur la justice : il va de soi que la mise en oeuvre de nos propositions réclamera des moyens. Un bon système fait qu'à la sortie cela se passe bien et pour celui qui a purgé sa peine et pour la société.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

M. Alain Richard . - Nous le disons à chaque fois, le vote auquel nous procédons porte sur la publication ; il n'emporte en rien l'accord des uns et des autres sur les divers éléments du rapport. Cela est connu, mais tous les acteurs finissent par l'appeler un « rapport du Sénat ». Il vaudrait mieux que nous prenions le temps, individuellement ou pour le compte de chaque groupe, de faire des observations, afin d'éviter toute ambiguïté.

Nos rapports font souvent preuve d'une richesse luxuriante en termes de propositions mais celles-ci ne sont pas toujours tout à fait suffisantes en termes de faisabilité...

Nous partageons beaucoup de propositions du rapport. Mais dire « il suffit de rajouter des crédits » est un raccourci imprudent.

M. Philippe Bas , président . - Un rapport adopté ne l'est pas forcément à l'unanimité. Nous examinerons bientôt le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; il est donc important de publier ce rapport. Libre à chacun de dire s'il a des réserves.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Je suis d'accord.

M. Philippe Bas , président . - Merci.

LISTE DES AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS

Mme Martine Herzog-Evans , professeur à l'Université de Reims (droit de l'exécution des peines)

VALENCE

Mercredi 25 avril 2018

Tribunal de grande instance

Table ronde avec Mme Isabelle Thery , présidente du tribunal de grande instance de Valence, Mme Nathalie Gouy-Paillier , première vice-présidente, coordonnateur du pôle pénal, M. Nicolas Julia , substitut chargé de l'exécution des peines, M. Frédéric Dumas , Mme Isabelle Bloch, M. Yacine Agoudjil , juges de l'application des peines, Mme Véronique Gron , directrice de greffe et M. Pierrick Leneveu , directeur du SPIP de Valence

Service pénitentiaire d'insertion et de probation de la Drôme-Ardèche

Table ronde avec M. Pierrick Leneveu , directeur du SPIP de Valence, Mme Hélène Henckens , adjointe au DFSPIP, M. Laurent Merchat , Mme Nathalie Espesa , DPIP chef d'antenne, Mme Sophie Gardette , ainsi que plusieurs conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, et M. Thierry Babin , surveillant pénitentiaire

Centre pénitentiaire de Valence

Présentation du centre pénitentiaire par M. Jérôme Chareyron , directeur-adjoint et Mme Marion Barthelemy , directrice du quartier maison d'arrêt, en charge des programmes spécifiques

Rencontre avec les organisations syndicales

LYON

Lundi 28 et mardi 29 mai 2018

Tribunal de grande instance de Lyon

Échanges avec M. Marc Cimmamonti , procureur de la République de Lyon, Mme Audrey Quey , vice-procureure, secrétaire générale auprès du procureur de la République de Lyon et Mme Émilie Coueffeur , secrétaire générale auprès du président du tribunal de grande instance de Lyon

Échanges avec M. Julien Ferrand , vice-président chargé de l'application des peines, Mme Myriam Del Vecchio , juge de l'application des peines, Mme Brigitte Vernay , première vice-présidente pénale, et Mme Myriam Aiguespardes , greffière du pôle des juges de l'application des peines

Table ronde avec M. Olivier Chevet , vice-procureur en charge de l'exécution des peines, Mme Rozenn Huon , vice-procureur en charge de l'exécution des peines, M. Bernard Reynaud , procureur adjoint, Mme Laurence Baumgard , vice-procureure, et Mme Sylvie Chauve , directrice des services de greffe judiciaire

Échanges avec Mme Nathalie Mazaud, Mme Anne-Sophie Martinet et M. Raphaël Vincent , vice-présidents attachés au service correctionnel, Mme Marie-Pierre Porchy , vice-présidente et juge des libertés et de la détention, et Mme Brigitte Vernay , première vice-présidente pénale

Service pénitentiaire d'insertion et de probation du Rhône

Échanges avec M. Laurent Théoleyre , directeur du service pénitentiaire d'insertion, et MM. Michel Gerante et Fabien Gallieni , conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation

Centre pénitentiaire de Lyon-Corbas

Échanges avec M. Emmanuel Fenard , directeur de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas et Mme Chrystelle Croisé , adjointe au chef d'établissement

Échanges avec les surveillants du pôle centralisateur des PSE

Rencontre avec les organisations syndicales

NANTES

Mercredi 11 juillet 2018

Service du casier judiciaire national

Échanges avec M. Éric Serfass , chef du casier judiciaire national, Mme Valérie Albert , cheffe du bureau de l'analyse juridique de l'identité, adjointe au chef de service, Mme Cécile Souchet , cheffe du bureau des applications informatiques, M. Yann Taraud , chef du bureau des fichiers spécialisés et des échanges internationaux, Mme Lucile Duchemin Lebert , chargée de communication, Mme Hélène Caudron , greffière, Mme Agnès Roussel , cheffe du bureau de la qualité et des traitements, Mme Sylvie Jean et Mme Nadine Leote

Tribunal de grande instance de Nantes

Échanges avec M. Rémi Le Hors , président du tribunal de grande instance et M. Pierre Sennès , procureur de la République

Entretiens avec Mme Barbara Seillier , vice-présidente du pôle correctionnel, Mme Manuella Briand , première vice-présidente et juge de l'application des peines, M. Laurent Griffon , vice-procureur en charge du service de l'exécution des peines, M. Nicolas Bergeman , chef de cabinet du président du tribunal, Mme Emmanuelle Proteau , cheffe de cabinet du procureur de la République, Mme Corinne Muller , directrice adjointe des greffes, Mme Emeline Prin , greffière, et Mme Fanny Choquet , greffière

STUTTGART

Jeudi 6 et vendredi 7 septembre 2018

Ministère de l'Europe et de la justice du Land de Bade-Wurtemberg

Accueil par M. Elmar Steinbacher , secrétaire général du ministère,

Échanges avec M. Martin Finckh , directeur de l'administration pénitentiaire, M. Peter Häberle , directeur des affaires criminelles et des grâces, M . Thomas Mönig , directeur de la maison d'arrêt de Ravensburg, Dr. Joachim Obergfell-Fuchs , directeur du pôle de criminologie du Land de Bade-Wurtemberg et de l'école de l'administration pénitentiaire, MM. Christian Ricken et Volkmar Körner , directeurs du service de réinsertion et de probation du Land de Bade-Wurtemberg ( Bewährungs- und Gerichtshilfe Baden-Württemberg ), et M. Matthias Buchen , bureaux de sûreté et d'organisation de l'exécution en milieu fermé

Échanges avec Mme Catherine Veber , consule générale de Stuttgart

Échanges avec Mme Ulrike Kjestina Janzen , magistrat de liaison allemand à Paris

Centre pénitentiaire d'Offenburg

Visite du centre pénitentiaire par M. Hans-Peter Wurdak , directeur de l'établissement


* 1 Parmi ces 70 710 personnes détenues, 1 767 sont des personnes condamnées placées en régime de semi-liberté.

* 2 Ce principe de subsidiarité de la privation de liberté a été renforcé par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénale s.

* 3 Aux fins de clarté de l'exposé, le terme général d'emprisonnement sera utilisé pour qualifier la détention, qu'ils s'agissent de peines d'emprisonnement prononcées en matière correctionnelle ou de peines de réclusion criminelle.

* 4 Selon la définition issue de l'ouvrage « Droit pénal général », de Frédéric Desportes, Francis Le Gunehec, page 11.

* 5 Dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence du « principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

* 6 « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

* 7 Selon les chiffres clés de la justice (édition 2017).

* 8 Les orientations de poursuites ont conduit au prononcé de 3 280 jugements en matière criminelle, 554 577 en matière correctionnelle, 48 898 en matière contraventionnelle. Parmi ces 595 592 affaires, 582 142 ont donné lieu à `une condamnation.

* 9 Si elles constituent des sanctions pénales, les mesures de sûreté ne sont toutefois pas des peines et ne feront pas l'objet de développements.

* 10 Par exemple, en application de l'article 311-3 du code pénal, le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

* 11 Par exemple, en application de l'article 131-6 du code pénal, le vol peut être puni d'une peine d'interdiction d'émettre des chèques.

* 12 Peine de probation encourue pour tout délit, la contrainte pénale peut être prononcée lorsque « les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu » de la personne condamnée. Elle emporte obligation de se soumettre, pour une durée comprise entre six mois et cinq ans « à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société. »

* 13 Introduite par la loi n° 83-466 du 10 juin 1983, la peine de jour-amende permet aux juridictions de prononcer une amende correspondant à une contribution quotidienne (déterminée d'après les ressources et charges du condamné et ne pouvant excéder 1 000 euros) multiplié par un certain nombre de jours ne pouvant excéder 360. Le défaut de paiement des jours-amende entraîne l'incarcération de la personne condamnée pour le nombre de jours-amende prononcés.

* 14 Créé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité , dite « loi Perben II », le stage de citoyenneté a vocation à rappeler au condamné « les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine sur lesquelles est fondée la société. » Le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, soit 450 euros, peut être effectué aux frais du condamné.

* 15 Le travail d'intérêt général consiste en un travail non rémunéré réalisé au sein d'une association, d'une collectivité publique (État, région, département, commune), d'un établissement public (hôpital, établissement scolaire...) ou au sein d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public. Sa durée varie en fonction de la nature de l'infraction concernée : de 20 à 120 heures en cas de contravention ; de 20 à 280 heures en cas de délit.

* 16 Créée par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance , la sanction-réparation consiste dans l'obligation de procéder à l'indemnisation du préjudice subi par la victime selon des modalités définies par le juge (par exemple, la remise en état d'un bien endommagé). Une peine d'emprisonnement ou de prison est fixée et pourrait être mise à exécution en cas de non-exécution de la sanction-réparation.

* 17 En application de l'article 131-11 du code pénal.

* 18 Ces peines dites de substitution ont été principalement créées par la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975.

* 19 Par exemple l'article 312-13 du code pénal pour les délits d'extorsion.

* 20 À l'exception des délits de presse.

* 21 Crim. 1 er févr. 2017, n os 15-83.984, 15-85.199 et 15-84.511. Crim. 8 févr. 2017, n° 15-86.914, n os 16-80.389 et 16-80.391.

* 22 En application de l'article 131-26-2 du code pénal.

* 23 Cour de cassation, chambre criminelle, 29 novembre 2016, n° 15-83.108, n° 15-86.116 et n° 15-86.712.

* 24 Conseil constitutionnel, décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981.

* 25 Conseil constitutionnel, décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, considérant n° 23.

* 26 Conseil constitutionnel, décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, considérant n° 8.

* 27 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017, considérant n° 13.

* 28 Conseil constitution, décision n° 210-6/7 QPC du 11 juin 2010.

* 29 Dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence du « principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

* 30 Voir page 12.

* 31 Art. 132-25 du code pénal.

* 32 Art. 132-25 du code pénal.

* 33 Art. 132-26-1 du code pénal.

* 34 Art. 132-27 du code pénal.

* 35 Infostat Justice, décembre 2017, n° 156, « L'évolution des peines d'emprisonnement de 2004 à 2016 » de M. Maël Löwenbrück.

* 36 Chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants.

* 37 Voir page 42.

* 38 131 342 en 2016.

* 39 La simple différence entre la capacité globale du parc immobilier carcéral et le nombre de personnes détenues ne permet pas de caractériser précisément la population carcérale en surnombre. Au 1 er juillet 2018, on dénombrait ainsi 14 923 détenus en surnombre , portant ainsi le taux réel de « surpopulation » carcérale à 125 % (25 détenus en surnombre pour 100 places).

* 40 L'étude d'impact est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl1413-ei.asp

* 41 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 42 Voir l'article 48 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice .

* 43 Alternative à l'incarcération, la peine de travail d'intérêt général (TIG) peut être prononcée dans différents cadres juridiques : peine principale alternative à l'emprisonnement, peine d'emprisonnement assortie d'un sursis comportant, notamment, l'obligation d'accomplir un TIG, conversion d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à six mois ou encore obligation particulière prononcée dans le cadre d'une contrainte pénale.

* 44 Les stages peuvent être décidés comme une alternative à l'emprisonnement ou être imposés dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve.

* 45 Voir la circulaire de la DAP n° 113/PMJ1 du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de probatio n.

* 46 Voir page 52.

* 47 L'article 46 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit de fusionner SME et contrainte pénale en un nouveau sursis probatoire dont le régime juridique emprunte beaucoup à celui du SME.

* 48 Voir page 23 .

* 49 En application de l'article D. 48-5-1 du code de procédure pénale, une conférence régionale portant sur les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération doit être organisée annuellement dans chaque cour d'appel afin :

- de dresser le bilan des aménagements de peine et des alternatives à la détention intervenus dans le ressort de la cour, de recenser ou mettre à jour le recensement des moyens disponibles en cette matière ;

- d'améliorer les échanges d'informations entre les juridictions, les services pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- de définir et mettre en oeuvre les actions nécessaires à un renforcement des aménagements de peines et des alternatives à la détention ;

- de prévenir la surpopulation carcérale au sein des établissements pénitentiaires du ressort.

* 50 Chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants.

* 51 Voir le rapport « Les leviers permettant de dynamiser le travail d'intérêt général », de MM. Didier Paris et David Layani, remis à M. le Premier ministre, Édouard Philippe, en mars 2018.

* 52 En application de l'article 721-2 du code de procédure pénale, le temps correspondant à tout ou partie des crédits de réduction de peine accordés à un condamné peut constituer l'assiette de jours permettant le prononcé d'un suivi : dans ce cadre, le juge de l'application des peines peut soumettre le condamné à des mesures d'aide et de contrôle, à des obligations et à des interdictions applicables après sa libération, pour une durée qui ne peut excéder la durée cumulée des réductions de peine dont il a bénéficié.

* 53 En application de l'article 723-29 du code de procédure pénale, cette mesure peut s'appliquer aux personnes condamnées soit à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit, soit à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à cinq ans en cas de récidive, et pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Concrètement, la personne est astreinte, en principe, à une injonction de soins et est soumise à des obligations et interdictions. Cette mesure est prononcée, par le tribunal de l'application des peines, en cas de risque de récidive avéré, pour un temps d'épreuve qui ne peut excéder la durée cumulée des réductions de peine dont la personne a bénéficié pendant son incarcération. En cas d'inobservation de la mesure, le juge de l'application des peines peut retirer ces réductions de peine et ordonner la réincarcération de la personne.

* 54 Voir supra.

* 55 « Pour une politique pénitentiaire ambitieuse », réponse de Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, à Jean-René Lecerf, président de la commission du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire.

* 56 Cour des comptes, référé « La politique immobilière du ministère de la justice », 13 décembre 2017.

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