B. À LONDRES COMME À STOCKHOLM, LA « CONGESTION CHARGE » FAIT AUJOURD'HUI CONSENSUS EN RAISON DE RÉSULTATS PROBANTS, DE L'AMÉLIORATION DES TRANSPORTS EN COMMUN ET D'UNE COMMUNICATION TRÈS PERFORMANTE DES AUTORITÉS

1. La « congestion charge » a significativement réduit les embouteillages et amélioré la qualité de l'air, tant à Londres qu'à Stockholm.

La mise en place de la « congestion charge » a eu des effets très concrets à Londres sur la circulation automobile , ce qui était son principal objectif.

Selon Transport for London , le nombre total de véhicules accédant au centre-ville de Londres les jours de semaine est passé de 185 000 au début des années 2000 à 125 000 aujourd'hui , soit une diminution du trafic de 60 000 véhicules . En conséquence, la densité du trafic a baissé de - 15 % et les embouteillages ont diminué de - 30 % .

Le report vers les autres modes de transport a été considérable puisque l'on estime que 11 % des voyageurs ont opté pour les transports en commun . Entre 2001 et 2011, les voyages en bus ont augmenté de 59,7 % , les déplacements en vélo de 66,6 % et les déplacements en train de 41,9 % dans le centre de Londres.

Mais la « congestion charge » a également permis d'améliorer substantiellement la qualité de l'air , qui n'avait été présentée à l'origine que comme l'un de ses objectifs de second rang.

Dans la zone soumise à péage, les émissions de CO 2 ont diminué de - 16 % , celles de dioxyde d'azote ( NO 2 ) de - 8 % et celles des particules fines PM10 de - 7 % entre 2003 et 2018.

Enfin, la Royal Economic Society's estime dans son rapport de 2015 intitulé « Traffic accident and the London Congestion Charge » que le nombre d'accidents de la route dans le centre de Londres a diminué de - 40 % depuis 2003 .

Les résultats de la « congestion charge » de Stockholm sont encore mieux documentés que ceux de Londres grâce aux nombreuses études destinées à mesurer ses résultats socio-économiques qui ont été produites en Suède.

De leur synthèse, fournie à votre rapporteure spéciale par la mission économique de l'ambassade de France en Suède, il ressort plusieurs éléments très positifs .

En ce qui concerne la congestion automobile, que le péage visait à réduire en priorité, on estime que le trafic dans le centre-ville de Stockholm avait diminué de 20 % dès 2006 par rapport à 2005 . Le mouvement s'est poursuivi par la suite, puisque le nombre de franchissement journalier du cordon est passé de 450 000 en 2005 à 325 000 en 2015 , soit une baisse de 28 % en 10 ans .

Or, la population de Stockholm , capitale européenne dont le taux de croissance démographique est le plus élevé, a dans le même temps augmenté de 22 % , ce qui laisse à penser que le trafic automobile aurait lui aussi connu un fort dynamisme en l'absence de mise en place d'outils de régulation.

Toujours sur la question de la congestion, le péage urbain de Stockholm a permis de réduire d'un tiers la durée des retards 23 ( * ) des automobilistes aux heures de pointe , c'est-à-dire entre 7h30 et 9h ainsi qu'entre 16h et 18h. La sécurité routière a elle aussi connu des progrès importants .

Les effets sur la pollution atmosphérique sont également significatifs, puisque les émissions de polluants (gaz à effet de serre, NO 2 , etc.) auraient baissé de 14 % dans le centre-ville de Stockholm depuis la mise en service du système de péage.

La diminution du trafic routier explique également la réduction de moitié des particules fines à Stockholm au cours de la période . Les concentrations de poussières PM2,5 étaient ainsi quatre fois inférieures à celles de Paris en 2016 .

2. Des recettes importantes qui servent à financer les transports en commun et de grands projets d'infrastructure

Mettre en place un péage urbain n'a de sens que si les autorités municipales déploient en parallèle une stratégie visant à offrir aux habitants de la ville de nombreuses alternatives à la voiture , qu'il s'agisse des transports en commun ou des modes actifs (vélo, marche, etc.).

Afin que les citoyens puissent modifier rapidement leurs comportements et comprennent que la « congestion charge » n'est pas une taxe de rendement, mais bien un outil incitatif, il est essentiel qu'ils puissent ressentir une amélioration des services publics de transport dès l'entrée en vigueur du péage urbain. C'est pour cette raison que l'État suédois a versé une somme de 1 milliard de couronnes suédoises (SEK) à la municipalité de Stockholm en 2006 pour contribuer au développement des alternatives à la voiture simultanément à la mise en place de la « congestion charge ».

Une fois le péage mis en place, ses recettes , qui peuvent être relativement importantes, doivent être mobilisées pour développer les transports publics (métro, bus, tramways, etc.), mais également les infrastructures routières, les parkings-relais, les pistes cyclables, etc.

Selon Transport for London , l'agence métropolitaine à laquelle les recettes de la « congestion charge » sont affectées, ces dernières ont représenté quelque 1,8 milliards de livres de recettes nettes depuis 2003, soit environ 2 milliards d'euros . Ces recettes ont été systématiquement investies dans le réseau de transport londonien , et en particulier dans l'amélioration du réseau de bus également géré par Transport for London .

Le tableau ci-dessous permet de visualiser précisément l'affectation des 164 millions de livres , soit environ 185 millions d'euros , de recettes nettes qui ont été perçues au titre de la « congestion charge » londonienne en 2016/2017. Elles représentent désormais 5 % des recettes totales de Transport for London .

Affectation des recettes nettes de la « congestion charge » de Londres
en 2016/2017

en millions de livres sterling

en millions d'euros

Améliorations du réseau de bus

133

150

Routes & Ponts

15

17

Sécurité routière

2

2,25

Vélo & Marche

3

3,4

Transports de quartier

11

12,4

Total

164

185

Source : Transport for London

Si 81 % des fonds collectés ont servi à améliorer le réseau de bus (lignes supplémentaires, amélioration de la fréquence, nouveau véhicules, etc.), les 19 % restant ont principalement été utilisés pour l'aménagement des infrastructures routières .

Comme le montre le tableau ci-dessous, les recettes du péage urbain de Stockholm représentent pour leur part environ 90 millions d'euros . Si l'on déduit de cette somme l es 15 millions d'euros de coût d'exploitation du système , les excédents de cet outil financier s'élèvent donc à 75 millions d'euros environ .

Les recettes du péage urbain de Stockholm et leur allocation de 2007 à 2015

(en milliers d'euros)

2007-2012

2013

2014

2015

Recettes de la taxe

443 260

90 473

88 992

92 503

Coûts administratifs

185 605

16 821

13 616

14 979

Excédents

257 654

73 652

75 376

77 524

Investissements (contournement routier, métro)

250 615

58 603

73 396

87 590

Moyens qui ont été réalloués

19 577

15 309

-

-

Somme totale des moyens alloués

250 615

78 180

88 705

87 590

Différence entre les excédents et les moyens alloués

7 039

-4 528

-13 329

-10 065

Source : Transportstyrelsen

Dans un premier temps, ces recettes ont été uniquement affectées au développement d'offres de transport alternatives à l'utilisation de la voiture : création de nouvelles lignes de bus reliant le centre-ville de Stockholm à ses banlieues, achat de nouveaux bus, nouvelles pistes cyclables, mise en place de parkings-relais, etc.

Dans un deuxième temps, il a été décidé d'affecter une partie de ces recettes non plus seulement aux transports en commun, mais également aux infrastructures routières , qu'il s'agisse de la maintenance des routes existantes ou de la construction de routes nouvelles.

Il a notamment été décidé que le péage urbain contribuerait à hauteur de 23 milliards de SEK ( 2,5 milliards d'euros ) sur un total de 28 milliards de SEK ( 3,1 milliards d'euros ) au financement du contournement routier de la capitale 24 ( * ) , le « Förbifart Stockholm », actuellement en cours de travaux et dont la mise en service est prévue en 2025. En 2018, 50 % des recettes du péage sont ainsi fléchés vers ce projet .

Ce nouveau choix d'affectation des recettes a permis de rendre plus acceptable la « congestion charge » pour les habitants des communes voisines de Stockholm qui effectuent des déplacements pendulaires entre leur domicile et leur travail situé au centre-ville.

Il convient de noter que, pas plus à Londres qu'à Stockholm, l'introduction du péage urbain ne s'est accompagnée d'une baisse du prix des transports en commun pour les usagers. Au contraire, le coût de la carte mensuelle de transport SL à Stockholm a augmenté de 32 % entre 2006 et 2018 , passant de 600 SEK à 790 SEK.

Les recettes du tarif de congestion n'ont donc pas vocation à remplacer la contribution des usagers au fonctionnement des transports en commun mais à leur affecter davantage de ressources pour qu'ils puissent offrir des services publics de meilleure qualité.

Recommandation n° 8 : investir massivement dans les transports en commun grâce aux recettes du tarif de congestion pour proposer de véritables alternatives à la voiture individuelle.

Recommandation n° 9 : affecter une partie des recettes du tarif de congestion à la maintenance des infrastructures routières ou à de nouveaux projets d'infrastructures routières , de sorte que les automobilistes puissent bénéficier de retombées positives.

3. Une communication très claire et de grande ampleur sur les impacts positifs du tarif de congestion sur la vie quotidienne des habitants est indispensable pour obtenir leur soutien

Tant à Londres qu'à Stockholm, les gestionnaires des « congestion charges » ont beaucoup insisté auprès de votre rapporteure spéciale sur l'importance qu'il convient d'attacher à la communication sur le dispositif auprès de la population de la ville .

Il s'agit là d'un élément absolument déterminant car un péage ne peut produire ses résultats dans la durée que si ses objectifs sont bien compris par l'opinion publique et s'il produit des résultats tangibles et mesurés par des évaluations indépendantes .

Il s'agit en premier lieu d'associer au maximum la population à la détermination des grands paramètres de la « congestion charge » .

Le maire de Londres Ken Livingstone a ainsi organisé une large consultation des Londoniens pendant 18 mois pour connaître leur avis sur les limites géographiques de la zone soumise à péage, ses heures de fonctionnement et son tarif . Les réponses obtenues à cette occasion ont permis à la population de se sentir entendue et ont directement influencé les caractéristiques du péage qui est entré en vigueur en 2003, le rendant plus opérationnel.

La façon dont a été conduite la communication au moment de la mise en place de la « congestion charge » de Stockholm est également exemplaire et explique sans doute en grande partie pourquoi ce dispositif, décrié au départ, fait dorénavant consensus .

Ainsi qu'il a été indiqué supra , le péage urbain de la capitale suédoise a été mis en place à l'initiative des écologistes , qui en avaient fait un élément-clef du contrat de coalition conclu avec les socio-démocrates. Il ne s'agissait pas d'un dispositif très populaire, puisque seuls 36 % des Stockholmois l'approuvaient au début de l'année 2006 .

Ces réticences expliquent en partie pourquoi les autorités municipales ont décidé d e ne mettre en place une « congestion charge » qu'à titre expérimental , pour une période probatoire, baptisée « Stockholmsförsöket » (« la tentative de Stockholm ») qui a débuté le 3 janvier 2006 et s'est achevée le 31 juillet de la même année.

À l'issue de cette période, le péage a été suspendu et un référendum a été organisé en septembre 2006 . Le choix était donc vraiment laissé aux citoyens, la mairie s'étant engagée à supprimer le péage et à démonter l'infrastructure en cas de vote négatif. Mais c'est le « oui » qui l'a emporté avec 51,1 % des voix et 74,7 % de participation . Le péage urbain a donc été rétabli en août 2007 et a fonctionné sans interruptions depuis.

Selon Gunnar Söderholm, ce résultat s'explique avant tout par les intenses efforts de communication réalisés par la municipalité durant l'expérimentation pour convaincre les habitants des bienfaits de la « congestion charge » sur leur qualité de vie .

Des rapports mensuels puis un rapport final fournissant des informations détaillées sur la qualité de l'air, le nombre de véhicules s'acquittant de la « congestion charge », ses recettes, les améliorations du réseau de transport publics obtenues grâce à elles, ont ainsi été mis en ligne sur un site dédié ( stockholmforsoket.se ). Ces rapports ont pu notamment s'appuyer sur la baisse spectaculaire du trafic automobile qui a atteint - 25 % en six mois , soit un résultat encore plus important que ce qui avait été anticipé.

De nombreuses conférences de presse ont également été organisées pour diffuser ces informations auprès des médias et, au fil des mois, le ton des journaux a changé : alors que 3 % des articles portant sur le péage urbain lui étaient favorables à l'automne 2005, 42 % de ceux qui ont été rédigés au printemps 2006 étaient positifs .

Depuis le rétablissement du péage, la municipalité finance régulièrement des études destinées à évaluer précisément ses résultats et continue à les communiquer aux médias et au public , ce qui permet de maintenir la confiance de la population envers la « congestion charge ».

De fait, les habitants de Stockholm semblent s'être désormais pleinement emparés de cet outil qu'ils sont plus de 70 % 25 ( * ) à soutenir : ils ont pris conscience qu'il peut permettre, à condition d'être bien articulé avec d'autres dispositifs, de fluidifier la circulation automobile dans le centre de leur ville et d'améliorer la qualité de l'air qu'ils respirent .

Recommandation n° 10 : faire participer activement la population à la mise en place du tarif de congestion et communiquer largement en amont sur ses modalités et sur ses résultats en aval.


* 23 Ces durées correspondent au temps de retard par rapport au même trajet sans aucune congestion.

* 24 Les 5 milliards de SEK restant (550 millions d'euros) sont pris en charge par l'État.

* 25 Selon l'étude The Stockholm congestion charges - 5 years on. Effects, acceptability and lessons learnt (Börjesson M.; Eliasson J. ; Hugosson M. B.; Brundell-Freij K.).

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