B. UNE AMBITION BUDGÉTAIRE RÉAFFIRMÉE

Doté de 80 milliards d'euros (Mds€) sur sept ans, Horizon 2020 est présenté comme le plus grand programme de recherche et d'innovation au monde. Ces fonds incluent 3 Mds€ pour le programme de recherche nucléaire Euratom.

Pourtant, les études menées depuis le début du programme ont montré que la recherche et l'innovation pouvaient bénéficier de plus de soutien financier. C'est notamment le cas du rapport du groupe d'experts dirigé par M. Pascal Lamy, qui a appelé à doubler le budget consacré à la recherche et l'innovation. La Commission européenne a évoqué 62,4 Mds€ de financements supplémentaires qui auraient pu être employés dans le cadre d'Horizon 2020. Auditionné par vos rapporteurs, le président du Conseil européen de la recherche, M. Jean-Pierre Bourguignon, a expliqué que 500 projets par an n'étaient pas soutenus faute de moyens, alors qu'ils disposaient de l'excellence nécessaire aux yeux du jury.

En outre, l'économie mondiale se fonde de plus en plus sur la connaissance et se développe de plus en plus - et de plus en plus vite - sur la base d'innovations technologiques. Comme le montre l'annexe 2, les autres régions du monde font des efforts considérables en ce domaine. La Commission estime qu' « environ deux tiers de la croissance économique enregistrée par l'Europe au cours des dernières décennies ont résulté de l'innovation » . Aujourd'hui, les activités à forte intensité de connaissance représentent plus d'un tiers des emplois en Europe. C'est pourquoi, aux yeux de la Commission européenne, des efforts supplémentaires sont nécessaires. Le montant ainsi proposé pour le programme de recherche et d'innovation s'inscrit dans un effort plus global en la matière dans le budget européen.

1. Cent milliards d'euros sur sept ans pour le premier programme de recherche et d'innovation au monde

Priorité du budget européen, le programme-cadre de recherche et d'innovation se verrait doté d'un budget de 97,6 Mds€. Si on y ajoute 2,4 Mds€ pour Euratom sur la période, la Commission peut afficher un montant global de 100 Mds€ sur sept ans. Cela ferait d'Horizon Europe le premier programme public de recherche au monde en termes de budget.

Les sommes seraient ainsi réparties 3 ( * ) :

- au premier pilier pour la science ouverte, 25,8 milliards d'euros avec 16,6 milliards pour le Conseil européen de la recherche, 6,8 milliards pour les actions Marie Curie, et 2,4 milliards pour les infrastructures de recherche ;

- au second pilier dédié à la réponse aux défis globaux et à la compétitivité industrielle, 52,7 milliards d'euros dont 15 milliards pour le climat, l'énergie et la mobilité, 15 milliards pour le numérique et l'industrie, 10 milliards pour l'alimentation et les ressources naturelles, 7,7 milliards pour la santé, 2,8 milliards pour les sociétés inclusives et sûres, et 2,2 milliards pour le Centre commun de recherche de la Commission européenne ;

- au troisième pilier pour l'innovation ouverte, 13,5 milliards d'euros dont 10 pour le Conseil européen de l'innovation, 3 milliards pour l'Institut européen d'innovation et de technologie et 0,5 milliard pour les écosystèmes européens d'innovation ;

- enfin, 2,1 milliards d'euros sont prévus pour renforcer l'espace européen de la recherche, dont 1,7 milliard pour le partage de l'excellence et 0,4 milliard pour réformer et améliorer le système européen de recherche et d'innovation.

Il convient de noter que 3,5 Mds€ seraient alloués dans le cadre du fonds InvestEU. Il s'agirait donc, non pas de seules subventions, mais d'investissements et de prêts garantis. Ils concerneraient les activités dites d'innovation, proches du marché, plutôt que la recherche fondamentale. Il s'agira principalement d'aider les entreprises européennes innovantes à atteindre une masse critique dans le cadre du troisième pilier du programme consacré à l'innovation ouverte.

L'ambition de la Commission européenne de proposer un budget pour l'avenir trouve ici sa concrétisation. L'effort est triple : les budgets consacrés à la recherche fondamentale et aux défis sociétaux, qui avaient été des priorités d'Horizon 2020, sont prolongés, voire augmentés ; un nouveau budget consacré à l'innovation de pointe et de rupture est ajouté ; la proposition tient compte du Brexit et pallie les quelque 10 milliards d'euros apportés par le Royaume-Uni à Horizon 2020. Si on prend en compte ce dernier paramètre, l'augmentation budgétaire envisagée pour Horizon Europe est bien de 40 % par rapport à l'actuel programme-cadre. L'effort est donc réel et s'inscrit dans un ensemble d'actions en faveur de la recherche et de l'innovation dans les autres fonds du budget européen.

Vos rapporteurs soutiennent cette orientation. Face aux investissements massifs de ses concurrents internationaux dans l'innovation - États-Unis, Chine et aussi Corée du Sud et Japon -, l'Union européenne se doit de répondre. Nos chercheurs sont excellents, nos entreprises sont innovantes. Ils doivent pouvoir trouver le soutien financier dont ils ont besoin. À défaut, ils quitteront l'Europe pour de meilleures conditions ailleurs.

La Commission européenne a renvoyé la négociation budgétaire d'Horizon Europe à celle plus globale du cadre financier pluriannuel. Ainsi, alors que la recherche et l'innovation sont des priorités de l'Union, l'enveloppe budgétaire du programme pourrait se voir affectée par l'accord final sur l'équilibre général du budget européen, dont on ne connaît pas encore l'issue. Pour sa part, s'inscrivant dans une augmentation générale du budget européen, le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un budget pour Horizon Europe de 120 Mds€ afin de se rapprocher de l'objectif européen répété de consacrer 3 % du PIB européen à la recherche. Si ce montant paraît difficile à atteindre, pour vos rapporteurs, le montant proposé par la Commission européenne est un minimum en-dessous duquel l'Europe ne peut descendre si elle veut rester présente dans la compétition mondiale et investir pour sa compétitivité et sa prospérité.

2. De meilleures synergies avec les autres fonds européens pour un meilleur résultat.

Si Horizon Europe constitue le principal soutien à la recherche et à l'innovation dans l'Union, d'autres fonds viendront, eux aussi, apporter un soutien financier à ce secteur. Certains fonds spécialisés apporteront des financements à la recherche et l'innovation. D'autres programmes plus généralistes seront assouplis pour une association plus harmonieuse avec Horizon Europe.

Outre Euratom qui soutiendra des activités de recherche et de formation sur la sûreté de la production d'énergie nucléaire pour 2,4 Mds€, on peut ajouter le financement du réacteur thermonucléaire expérimental ITER. Ce projet de long terme devrait bénéficier d'une enveloppe de 6 Mds€ dans le prochain cadre financier pluriannuel. On peut également mentionner le Fonds européen de la défense, pour lequel 4,1 des 13 Mds€ dont il est doté seraient affectés à la recherche dans le domaine de la défense. Il devrait subventionner des projets collaboratifs pour combler des lacunes technologiques et pour se préparer à faire face à des menaces nouvelles. Enfin, la Commission européenne a présenté un programme pour une Europe numérique qui serait doté de 9,2 milliards d'euros. Il doit aider l'Union à stimuler des investissements dans trois domaines-clé (l'intelligence artificielle, le calcul à haute performance et la cybersécurité) pour lesquels la partie « recherche » est évidente. On peut ajouter que 3 Mds€ sont aussi prévus dans le volet numérique du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe. Le montant total d'investissements dans la recherche et l'innovation serait ainsi porté à près de 115 milliards d'euros.

C'est surtout dans la faculté de mobiliser d'autres fonds pour des projets de recherche qu'Horizon Europe se distingue de ses prédécesseurs. La mobilisation d'InvestEu à hauteur de 3,5 Mds€ déjà mentionnée en est un exemple et devrait permettre d'associer plus facilement et de manière plus large le secteur privé à des projets innovants. L'effet de levier, tel qu'il a fonctionné pour le plan Juncker 4 ( * ) , devrait permettre d'attirer plusieurs dizaines de milliards d'euros supplémentaires. Il s'agit de pallier en partie la faiblesse du capital-risque en Europe. Mais c'est sur la politique de cohésion que l'évolution est la plus notable. Elle joue déjà un rôle important dans le soutien à la recherche et à l'innovation par la mise en avant de l'innovation et les stratégies de spécialisation intelligente, qui impose aux régions de transposer la stratégie européenne d'innovation et de l'adapter aux atouts, contraintes et besoins de leurs territoires. La Commission européenne propose d'aller plus loin en utilisant un « label d'excellence », qui permet à des projets dont l'évaluation au regard des critères d'Horizon Europe est favorable d'être financés au niveau régional dans le cadre des FESI. Cette mesure pourrait permettre à des régions en retard en matière de recherche d'utiliser les fonds européens pour soutenir des projets de qualité qui seraient ainsi développés sur leur territoire.


* 3 Voir également l'annexe 1

* 4 À la mi-2018, 335 milliards d'euros avaient été mobilisés, dont 50 Mds€ d'investissement en France. Un tiers de ces investissements est destiné à la recherche et à l'innovation.

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