B. AGIR POUR RENFORCER LA CULTURE EUROPÉENNE DANS L'ENSEMBLE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE

Il serait injuste de dire que le monde de la recherche française manque de culture européenne. Beaucoup d'efforts sont faits pour participer aux programmes européens, et souvent pour mener des projets européens. Tous les acteurs français rencontrés par vos rapporteurs sont persuadés de cette nécessité. Ainsi, la France participait à 23,5 % des projets retenus pour financement dans Horizon 2020 sur les trois premières années du programme, soit 3 674 projets. Cela représente 6 364 participations sur un total de 65 702, soit 9,7 % des participations dans les projets européens.

Cependant, il est regrettable que trop de chercheurs français ne se tournent pas naturellement, ou en premier, vers l'Union européenne pour obtenir le financement de leur projet de recherche. Cela est valable tant pour la recherche publique que pour les projets de recherche issus du secteur privé. C'est cela qu'il faut corriger pour améliorer la performance française.

Il s'agit de faire en sorte que, d'une part, la première question qu'un porteur de projet doit se poser soit « est-ce que mon projet est éligible à un financement européen ? » , et, d'autre part, qu'il ait à sa disposition les moyens pour porter sa candidature auprès des gestionnaires de fonds européens. Il ressort, en effet, des auditions menées par vos rapporteurs un ensemble de freins à la participation aux projets européens, qui forment une sorte de verrou aujourd'hui identifié. Lever ces limites nécessitera l'implication des acteurs à tous les échelons et l'application de principes simples et souvent très concrets.

En premier lieu, pour savoir si son projet peut être éligible à un financement européen, le porteur de projet doit connaître ces financements et leurs modalités d'attribution. Or, le manque de connaissance de l'existence des programmes européens a été mis en avant durant les auditions. C'est particulièrement le cas pour les entreprises innovantes (souvent des PME), comme l'a souligné M. Matthieu Landon de la Direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances. L'Union européenne, l'État et les acteurs locaux doivent améliorer la diffusion de l'information sur ce point. C'est également une question de formation. Les jeunes chercheurs doivent être mieux formés à l'Union européenne.

En second lieu, il apparaît que les guichets vers lesquels les chercheurs peuvent se tourner tant au niveau local que national sont trop nombreux. Et naturellement, ils vont souvent aller vers celui qu'il est plus facile d'atteindre. Un travail d'orientation est ici nécessaire. C'est notamment ce qu'a défendu M. Carle Bonafous-Murat, président de l'Université Sorbonne nouvelle en charge des questions européennes à la Conférence des présidents d'université. Il faut un pilotage, peut-être par filière, et penser à l'Europe en premier. Si l'échelon européen n'est pas pertinent, on se tourne vers l'échelon national, voire local. Il existe suffisamment de projets en recherche de financement pour que chacun trouve sa place. En revanche, une rationalisation du nombre de guichets doit être étudiée.

Il faut également renforcer la complémentarité là où, trop souvent encore, il existe une concurrence de fait entre les appels à candidature de l'Agence nationale de la recherche et les appels à candidature européens. La première ne devrait proposer des financements que dans les cas où il n'y a pas de proposition européenne ou en complément de celle-ci pour des projets qui lui paraissent pertinents, mais qui n'auraient pas reçu de soutien européen. L'articulation doit être améliorée.

En troisième lieu, l'incitation à un financement européen doit être plus forte. Il ne s'agit pas, à l'instar de certains pays comme l'Espagne, de mettre fin aux financements nationaux pour obliger les chercheurs français à se tourner vers l'Union européenne. L'Agence nationale de la recherche est un très bel outil qui doit maintenir son action et conserver son budget. Mais peut-être faudrait-il envisager des formes de valorisation et/ou d'obligation de candidature au niveau européen dans certains secteurs prioritaires pour l'Union. D'un point de vue plus pratique, on pourrait envisager que les dossiers de candidature aient tous la même forme, les mêmes demandes, afin d'éviter de les dupliquer.

En quatrième lieu, il importe d'accompagner davantage la préparation des projets. Cela a été souvent dit durant les auditions, il reste compliqué de monter un dossier de candidature. Les porteurs de projet doivent pouvoir bénéficier d'une assistance en ce domaine, qu'elle vienne de l'État ou de certaines agences comme la Banque publique d'investissement. En outre, c'est aussi pour cette raison que l'effort de simplification engagé au niveau européen doit être poursuivi. Il n'est pas acceptable que des projets ne voient pas le jour parce qu'il est trop difficile de les monter, alors même que la ressource financière existe.

Enfin, un effort doit être porté dans les domaines où la faiblesse de notre participation est clairement identifiée. C'est particulièrement le cas dans le domaine de la santé, pourtant un secteur de pointe en France. Un des cinq pôles du deuxième pilier d'Horizon Europe y sera expressément dédié. Il faut que la France y participe pleinement. Le second domaine est celui des sciences humaines et sociales, pourtant très développées dans notre pays. Comme il a été dit, le Royaume-Uni était particulièrement performant dans ce domaine. Même si on peut supposer qu'il restera un pays associé à l'Union européenne en termes de recherche, le Brexit va créer des opportunités. On ne peut qu'appeler les chercheurs en sciences humaines et sociales à les saisir.

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