C. UNE CHAÎNE AUJOURD'HUI SEUL CANAL DE LA PRÉSENCE DES OUTRE-MER PARTOUT EN FRANCE

1. Une programmation finalement tournée vers les outre-mer depuis les outre-mer
a) Une programmation ultramarine centrée sur l'information et le documentaire
(1) Une programmation tardivement dédiée aux outre-mer

La programmation de France Ô n'est consacrée majoritairement aux outre-mer que depuis 2017 . Elle ne dépassait auparavant que difficilement le tiers du volume de contenus présents sur l'antenne.

France Télévisions indique qu'en 2018, 54 % de la grille de France Ô est dédiée aux outre-mer contre 29 % en 2013 .

Évolution du volume de contenu ultramarin sur l'antenne de France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

Ces contenus ultramarins s'incarnent sur la grille par :

- 25 % de contenus produits par France Ô , à travers la case documentaire « Arts & Culture », « Investigatiôns », « Passion Outremer », des émissions de débat « Histoire d'Outre-mer », « Outremer Politique » , des programmes culturels « Multiscénik » , « Page 19 » , fictions et longs métrages tournés en outre-mer ;

- 24 % de programmes issus des stations La 1 ère ;

- 5 % issus de co-financements entre France Ô et le réseau La 1 ère .

Les 46 % restants de la grille de France Ô correspondent à des programmes généralistes - fictions, séries TV, autres documentaires, sports - provenant d'achats propres, dont :

- 4 % de rachat d'anciens programmes de France Télévisions ;

- 1 % de programmes en circulation interne entre les antennes de France Télévisions.

Répartition des contenus de la grille de France Ô

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après les chiffres communiqués par France Télévisions

Les rediffusions des autres chaînes sur France Ô

Les rachats de programmes de France Télévisions représentent 4% de la grille de France Ô.

France Ô alimente en effet ses grilles avec d'anciennes productions de France Télévisions (« Les secrets du Volcan », « Tropiques Amers », « Signature », « Foudre », etc...), des rachats d'oeuvres d'ARTE (« Maroni », « Terre violente », « Roots », « Indian Summer ») ou de la BBC.

« Meurtres au Paradis » (production BBC), l'une des séries phare de France Ô, a par exemple été achetée par France Ô et reprise sur les chaînes La 1 ère , même si la série est par ailleurs diffusée sur France 2 (acquisitions sur le budget de France 2 et au coût de case de France 2).

Les « vraies » rediffusions, qui correspondent en fait à des « circulations » d'une chaîne à l'autre acquises pour une durée limitée, sont assez marginales, autour d'1 % de la grille en 2018, et dépassent rarement 3 selon les années.

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

(2) Une programmation aujourd'hui tournée vers l'information, le documentaire et la fiction

Les différents types de programmes qui constituent la grille doivent correspondre aux prescriptions du COM de France Télévisions.

Si celui-ci place l'information, la culture, le documentaire et la fiction en priorités, e n 2018, le premier genre diffusé par France Ô est la fiction (27 %), suivie du documentaire (20 %) et de l'information (19 %).

Répartition de la programmation de France Ô par type de contenus en 2018

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après les chiffres communiqués par France Télévisions

Évolution de la présence des différents contenus
dans la programmation de France Ô

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après les chiffres communiqués par France Télévisions

La programmation de la chaîne se démarque des autres chaînes du groupe France Télévisions dans la pondération des différents types de contenus avec une place prépondérante de la fiction comme de l'information.

Répartition des contenus sur les grilles de France Télévisions
et de France Ô

Source : D'après les informations transmises par Médiamétrie - Médiamat - Individus 4 ans et plus - Année Médiamat 2017 -

Groupe France Télévisions : France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô

Au sein des contenus ultramarins, l'évolution sur la période 2013-2018 par type de contenus montre une progression sensible des magazines, des documentaires et de l'information au détriment d'une baisse des programmes jeunesse et des fictions.

Évolution des contenus outre-mer sur l'antenne de France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

b) Une programmation assise sur une coopération avec les stations La 1ère
(1) Une programmation issue des stations

Les chiffres transmis montrent aussi une nette modification de la grille de la chaîne nationale au profit d'une meilleure visibilité de productions issues des stations locales , dont la part est passée de 14% à 24% entre 2013 et 2018. Ces 24 % représentent 2140 heures de programmes . Cette progression a été radicale dès 2016 à l'issue de la réorientation décidée de France Ô sur les outre-mer 115 ( * ) .

Évolution de la production des stations La 1 ère sur France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

Surtout, si les contenus des stations La 1 ère représentent près du quart de l'antenne, la répartition par type de contenus des productions et contenus diffusés issus des stations repris par France Ô est intéressante. Ainsi, alors que l'information demeure le premier contenu la progression constatée depuis 2016 est imputable aux magazines et aux documentaires et, dans une moindre mesure, à la musique, au théâtre et au spectacle mais aussi au divertissement. France Télévisions souligne le rôle de la reprise des magazines et événements sportifs des chaînes La 1 ère dans cette évolution.

Évolution de la production des stations La 1 ère sur France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

(2) Une programmation pensée avec les stations

L'évolution des diffusions de productions du réseau La 1 ère sur l'antenne de France Ô est également à mettre en regard des évolutions de la diffusion sur France Ô de programmes produits par cofinancements avec les stations La 1 ère . Leur part atteint aujourd'hui près de 5 % de l'antenne, en progression depuis 2013, année la plus basse des six derniers exercices.

Les cofinancements entre France Ô et les stations La 1 ère

De 2010 à 2016, seuls les documentaires de la collection Archipels (environ 30 par an) étaient produits en co-construction avec les stations, ainsi que quelques événements sportifs.

En 2016, pour accompagner le virage éditorial de France Ô, une partie du budget de programmes de France Ô a commencé à être redéployé afin d'accompagner les stations et de vivifier le tissu des producteurs locaux. Ces programmes sont naturellement diffusés sur France Ô.

En 2017, ces co-financements ont représenté près de 0,4 millions d'euros, avec notamment la Messe de Noël (Guadeloupe), Waterman Tahiti Tour, Pacific Islander, Maui et Coco (Polynésie), Ma terre pour demain (Nouvelle-Calédonie), Run the world (Réunion).

En 2018, la part des co-financements Outre-mer La 1 ère / France Ô représente désormais 5 % de la grille de France Ô en volume horaire et plus d'1 million d'euros (en plus du budget propre des stations), avec des collections qui alimentent les grilles de France Ô comme des 1 ère , par exemple L'or sous la tôle (10x26'), L'amour lé dou, Un look d'enfer (6x26') (Réunion), Bleu Océan (10x26'), Islander Tahiti (40x13'), Heiva (Polynésie), Le plaisir est dans l'assiette (8x40'), Dans les pas de (20x26'), Endemix (15x26') (Nouvelle-Calédonie), Lili et les livres (72x3') (Guyane), Embruns (4x26') (Saint-Pierre-et-Miquelon).

En 2018 a également été cofinancé un programme de réseau d'envergure, le talent show Zik Truck, coproduit par 6 stations et France Ô.

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

Évolution du volume de coproduction La 1 ère /France Ô
sur l'antenne France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

Il faut là aussi analyser la répartition des coproductions par types de contenu. Ainsi, l'information domine là encore largement mais les documentaires, les magazines et le sport ont fortement progressé en 2018, ainsi que la fiction, ce qui contribue fortement à structurer les filières locales de production.

Nadine Félix, directrice de Saint-Pierre-et-Miquelon La 1 ère , rappelait l'importance de l'appui de France Ô pour sa station : « nous entretenons des liens étroits avec les autres stations du réseau et France Ô. Sans cela, il nous serait difficile de produire autant de programmes. L'émission trimestrielle « Embruns », qui est le magazine de la mer, a dû par exemple être externalisée auprès de France Ô pour assurer la saison, car nous n'avions pas les moyens, avec nos 17 journalistes, de la fabriquer en interne » .

Évolution de la coproduction La 1 ère /France Ô sur l'antenne France Ô

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

(3) Une réciproque vérifiée : une programmation au service des stations

La programmation de France Ô permet également d'irriguer les grilles des stations.

France Télévisions souligne 116 ( * ) que tous les programmes de France Ô sont destinés en principe à des diffusions dans les grilles des stations La 1 ère , car France Ô acquiert en règle générale des droits de multidiffusion de tous ses programmes pour les stations La 1 ère . Les chaînes choisissent parmi les contenus de France Ô des programmes à potentiel d'audience, le plus souvent en proximité avec leurs territoires : ainsi, le groupe souligne que « si les documentaires de France Ô par exemple - 20 % de la grille de la chaîne -, traitent exclusivement de la culture, de la connaissance des territoires ou des questions de société d'outre-mer, leur diffusion sur les 1ère intervient cependant en fonction de l'affinité thématique ou territoriale avec la zone concernée ».

France Télévisions précise ainsi qu'entre septembre 2017 et avril 2018, la part des programmes produits ou pré achetés par France Ô repris sur les stations La 1 ère - c'est-à-dire par au moins une station - est de 12 % du volume total diffusé par les chaînes La 1 ère . Ce chiffre est rapporté à 5 % pour les programmes repris par au moins 6 stations - hors Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Mayotte.

Le groupe 117 ( * ) désigne comme exemples de programmes repris par les stations : le magazine quotidien « Les Témoins d'Outre-mer », la fiction « Cut ! » ainsi que des acquisitions phare - « Meurtres au Paradis », « Good Karma », « Underground » -, 2 à 3 télénovelas et une vingtaine de longs métrages par an sont ainsi systématiquement repris sur les chaînes La 1 ère via la « banque de programmes ».

c) Un levier indispensable pour les productions dédiées aux outre-mer

Les auditions et échanges menés par la délégation amènent à constater le rôle qu'a pu avoir France Ô en soutien aux productions dédiées outre-mer.

Ce rôle se construit notamment au niveau local. Gora Patel 118 ( * ) indiquait ainsi le rôle de France Ô comme coproducteur aux côtés des stations, leur permettant de produire certaines émissions qu'elles n'auraient pu porter seules , citant l'exemple de « De l'or sous la tôle ». Comme le rappelait Olivier Roncin 119 ( * ) dans le cas des documentaires, France Ô apporte souvent un complément non négligeable aux financements des stations La 1 ère , permettant un véritable effet de levier.

France Ô a également permis de développer des productions d'envergure dédiées à une diffusion nationale ; cela s'est illustré particulièrement dans la production documentaire. La chaîne s'est aussi illustrée avec des programmes emblématiques comme « Cut ! » pour la fiction, le magazine culturel « Clair Obscur » ou « Les Témoins d'outre-mer », programme faisant intervenir et échanger des citoyens des différentes parties du globe autour de thématiques d'actualité. La chaîne Arte signalait également collaborer régulièrement 120 ( * ) avec France Ô, avec laquelle elle avait par exemple coproduit « Maroni » et « 700 Requins dans la nuit ».

Surtout, au-delà de l'aspect économique, la chaîne a - et ce n'est pas négligeable - permis de produire des contenus de tous types traitant des outre-mer, contenus qui n'auraient pas émergé ou été développés sinon.

Ces productions, souvent réalisées sous la forme de coproductions avec des prestataires privés, ont soutenu et favorisé le développement d'une industrie audiovisuelle relative aux outre-mer ou ultramarine , dans l'hexagone comme dans les territoires. La position de France Ô comme appui majeur aux productions locales a été relevée également par Luc de Saint-Sernin, directeur en charge du conseil éditorial, qui expliquait ainsi 121 ( * ) que « dans l'univers du documentaire, comme dans celui du divertissement, nous passons régulièrement par des producteurs locaux pour répondre aux besoins de nos grilles. Comme nous, ils sont vigilants et nous avançons de concert. Nous sommes des partenaires de la filière de production locale ».

Les principales productions financées par France Télévisions et diffusées sur France Ô ces dernières années sont indiquées en annexe du présent rapport.

2. Une chaîne qui a permis une valorisation réalités et des cultures des outre-mer inégalée

Si France Ô est souvent critiquée, elle n'en est pas moins par ses contenus dédiés aux outre-mer une place déterminante de visibilité des réalités politiques, économiques, sociales et culturelles des outre-mer .

Wallès Kotra expliquait 122 ( * ) ainsi que « c'est la raison d'être principale de France Ô. Elle va au-delà de cette chaîne, mais elle est un élément clé du dispositif pour montrer la vie et les réalités complexes de l'outre-mer, pour partager les cultures et les univers particuliers et pour faire connaître les acteurs de ces sociétés éloignées ». Le directeur exécutif chargé de l'outre-mer au sein de France Télévisions donnait en outre l'exemple de la couverture des commémorations du 170 e anniversaire de l'abolition de l'esclavage ou encore la crise des sargasses aux Antilles.

Auditionné par la délégation, Gerald Prufer, directeur de la station Polynésie La 1 ère , indiquait 123 ( * ) ainsi le bilan riche qui dans le paysage audiovisuel actuel pouvait être porté au crédit de France Ô : « Sans France Ô, pas de captation de pièces de théâtre avec des troupes d'outre-mer au Festival d'Avignon (...) ; pas d'émission annuelle sur la drépanocytose, une maladie spécifique à l'outre-mer ; (...) sans France Ô, Poovana O'opa serait tombé dans un oubli profond , lui qui en 1959 a osé défier le général de Gaulle et refuser les essais nucléaires sur son territoire. Il y a eu 193 explosions nucléaires en Polynésie et une partie du territoire est vitrifiée pour au moins 25 000 ans. Qui le sait en France ? (...) Sans France Ô je n'aurai pas vu l'intervention du leader indépendantiste Oscar Temaru à la tribune de l'ONU réclamer l'indépendance pour la Polynésie (...) Sans France Ô, qui poserait la question de la restitution aux territoires des oeuvres d'art collectées ou volées n'ayons pas peur des mots dans les colonies du XVII e au XIX e siècle ? ».

Les répondants à la consultation en ligne lancée par la délégation 124 ( * ) ont particulièrement insisté sur les contenus de la chaîne France Ô, notamment l'information et les documentaires qui permettent selon eux d'offrir une meilleure connaissance des réalités des territoires et des problématiques qui sont les leurs. Les thématiques de « découverte » et d' « ouverture » sur le monde ultramarin sont ainsi régulièrement présentes dans les réponses.

Mais les contributions écrites font aussi apparaître un attachement fort à la culture et aux programmes culturels de la chaîne. Le mot « culture » est ainsi de ceux qui a le plus grand nombre d'occurrences, et les mots « patrimoine », « coutume » ou « création » sont aussi largement cités. France Ô fait aujourd'hui vivre les cultures des outre-mer d'une manière inégalée dans le paysage audiovisuel national.

3. Une visibilité unique des outre-mer dans le paysage audiovisuel
a) Un constat global : Une présence des outre-mer à l'écran reposant presque exclusivement sur France Ô

Nul ne peut dénier à France Ô le fait d'avoir apporté sur le seul bouquet d'antennes nationales accessibles à tous, à savoir la TNT, une diversité de programmes dédiés aux outre-mer.

Aussi, dans son rapport annuel de 2017, le CSA saluait « une offre favorisant la connaissance des territoires ultramarins » 125 ( * ) , même s'il regrettait qu'elle soit « peu fédératrice en audience ».

Le Conseil soulignait alors qu'« une meilleure visibilité des outre-mer est désormais assurée par France Ô, conformément à la mission dévolue à la chaîne , même si l'audience de celle-ci reste confidentielle. France Ô a ainsi notamment lancé en 2016 des journées événementielles, un dimanche par mois, durant lesquelles la grille de la chaîne est alimentée par des productions locales ou des productions propres aux chaînes du réseau ultramarin afin de faire découvrir les richesses des territoires d'outre-mer ».

À l'issue des travaux, force est de constater qu'en dehors de France Ô la visibilité des outre-mer sur l'ensemble du paysage audiovisuel est au mieux marginale, au pire inexistante . Ce constat ressenti est aussi attesté par les chiffres.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est ainsi intéressé aux outre-mer dans le cadre de son baromètre de la diversité. Le président du CSA indiquait que, d'après le baromètre publié à la fin de l'année 2018 126 ( * ) , « sur deux semaines de référence au printemps et à l'automne, alors que la population ultramarine représente 3,23 % de la population nationale, si l'on prend en compte France Ô on arrive à une proportion de 9 % de personnes apparaissant dans les programmes, et sans France Ô cette proportion chute à 0,3 %. La différence est donc considérable et met en évidence l'importance de la présence de France Ô ». Mémona Hintermann-Afféjee, membre du CSA, relevait cette conclusion de manière plus directe encore 127 ( * ) : « dans le baromètre de la diversité française qui analyse tous les programmes de 17 heures à 23 heures ainsi que les journaux de la mi-journée, quelque 5 millions de citoyens constitués des 3,5 millions des ressortissants des outre-mer et de 1,5 million d'ultramarins de l'hexagone sont invisibles ».

En l'état actuel du paysage audiovisuel, France Ô demeure le seul espace de présence régulière et garantie des outre-mer sur la TNT.

b) Confirmé par la pratique de France Télévisions

Les rapports d'exécution des COM de France Télévisions confirment cette analyse. Si les rapports relatifs au COM 2011-2015 ne mentionnent les outre-mer que sous l'aspect des chaînes du réseau outre-mer, ceux du COM 2016-2020 rendent compte des réalisations du groupe visant à atteindre l'objectif de visibilité des outre-mer.

Aussi, il apparaît que dans les rapports pour 2016 et 2017 l'analyse de la section « accroître la visibilité des outre-mer » porte uniquement sur la chaîne France Ô . Aucune autre chaîne n'est mentionnée dans la concrétisation de l'objectif assigné par le cahier des charges comme par le COM d'une reprise des contenus des stations sur l'ensemble des chaînes du groupe.

Il faut cependant reconnaître que, si la considération par France Télévisions de l'accroissement de la visibilité des outre-mer sous le seul prisme de France Ô n'est pas prescrite par le cahier des charges du groupe, le COM de France Télévisions l'y invite en établissant pour unique indicateur le volume horaire hebdomadaire moyen sur France Ô de programmes produits ou coproduits avec le réseau.

Là encore, si France Ô a été concrètement la seule fenêtre de visibilité des outre-mer sur les antennes de France Télévisions, la responsabilité en revient conjointement à la tutelle, rédactrice du COM, et au groupe, exécutant.

c) La désignation de France Ô comme chaîne « alibi », une commodité ?

France Ô a souvent été décrite comme un prétexte pour les autres chaînes, et notamment celles de France Télévisions, pour ne pas parler des outre-mer. C'est ce que rappelait également le ministre de la culture entendu par la délégation en janvier dernier 128 ( * ) , estimant être « convaincu que France Ô a servi d'alibi à l'absence de programmes dédiés aux outre-mer et à leurs habitants sur les autres chaînes du service public . Elle a cantonné « l'archipel de France » à la périphérie, au lieu de le placer au centre des programmes que les Français regardent ».

Les rapporteurs souhaitent s'opposer fermement à cet argument.

Les données relevées à l'INA 129 ( * ) montrent bien que la diffusion nationale de France Ô sur la TNT en 2010 n'a en rien changé à la visibilité des outre-mer sur les antennes de France 2 et France 3 : France Ô n'a pas diminué une présence déjà faible.

Aussi, si France Ô est aux yeux de certains un « alibi », la chaîne ne l'est que du fait de la tolérance de sa tutelle . Rien, ni dans le cahier des charges, ni dans les COM successifs, n'ouvrait la possibilité pour France Télévisions de s'exonérer de ses obligations à l'égard des outre-mer du seul fait de l'existence de France Ô, bien au contraire.

Une chaîne dédiée n'a, à aucun moment, été un canal pour solde de tout compte. Aussi, une telle conception relève d'une incompréhension de la mission du canal dédié comme complémentaire des canaux généralistes : là où tous se doivent de représenter les outre-mer sur leurs antennes, France Ô leur apporte une vitrine particulière du fait de spécificités et richesses culturelles qui se doivent d'être valorisées mais ne peuvent toutes trouver leur place sur les autres chaînes .

C'est parce que les dirigeants de France Télévisions se sont délestés de la représentation des outre-mer sur une chaîne aux moyens très modestes que France Ô est devenue une chaîne alibi, situation dénoncée aujourd'hui par la tutelle et France Télévisions elle-même pour s'en débarrasser.

4. Tête de pont du réseau, un canal TNT à nouveau au service des stations La 1ère
a) Une relation complexe entre les stations et France Ô

Alors que la chaîne RFO Sat avait pour rôle unique de rediffuser des programmes des stations, la chaîne France Ô dispose d'une programmation propre et pas seulement issue des stations.

Il est apparu dans différentes auditions que l'image de France Ô pouvait être parfois très dépréciée dans les stations du réseau. En effet, certains dirigeants des stations ont évoqué les reproches faits à France Ô dans les rédactions locales : une chaîne tantôt trop parisienne ou non dédiée aux outre-mer, tantôt dispendieuse quand les stations locales devaient faire face à des restrictions budgétaires . Ainsi, Gora Patel expliquait devant la délégation 130 ( * ) que « Ce souvenir perdure de France Ô aux poches pleines quand les stations outre-mer étaient à la peine ».

b) Une nouvelle dynamique : France Ô au service des stations

Le récent - et tardif - repositionnement de France Ô sur les outre-mer a engagé une nouvelle relation de confiance entre France Ô et les stations. Gora Patel 131 ( * ) précisait ainsi que « depuis l'arrivée de Wallès Kotra, on constate un repositionnement de France Ô comme réelle chaîne de l'outre-mer : nous avons des relations saines et entretenons un vrai dialogue. France Ô ne décide aujourd'hui de rien sans l'association immédiate des chaînes La 1 ère , rien n'est acheté pour France Ô sans être mis en avant-première au service des stations et France Ô reprend des contenus proposés par les chaînes La 1 ère , ce qui n'était pas le cas auparavant ».

Ce rôle d'appui aux stations n'est pas négligeable , particulièrement pour les petites stations. Nadine Félix, directrice régionale de Saint-Pierre-et-Miquelon La 1 ère , expliquait que « l'émission trimestrielle "Embruns", qui est le magazine de la mer, a dû par exemple être externalisée auprès de France Ô pour assurer la saison, car nous n'avions pas les moyens, avec nos 17 journalistes, de la fabriquer en interne » 132 ( * ) .

France Ô apparaît aujourd'hui en outre, avec la forte progression de la diffusion de contenus des stations La 1 ère - passée de 14 % à 24 % entre 2013 et 2018 - comme une chaîne ayant retrouvé une vocation de « partenaire », au service du réseau . Une dynamique bientôt cassée ?

En dépit de la poursuite d'une collaboration entre les stations La 1 ère et le pôle outre-mer de France Télévisions, il est à craindre que cette dynamique en plein essor ne soit cassée par un nouveau schéma de bascule sur le numérique qui privilégiera certains formats et certains types de production au détriment d'autres formats courts 133 ( * ) . Quid des émissions de divertissement et des magazines ?

c) France Ô au coeur du pôle outre-mer

Si les rapporteurs ont pu constater une forte propension des intervenants rencontrés à parler de France Ô pour désigner les services du siège du pôle outre-mer , cela tient aussi à une réalité simple : le réseau des stations La 1 ère demeure peu connu dans l'hexagone pour un public non ultramarin. France Ô apparaît comme la part « émergée » du réseau dans l'hexagone et est ainsi identifiée comme l'entité coordinatrice de celui-ci, par métonymie avec le site de Malakoff. Il n'en demeure pas moins que France Ô confère une dimension particulière aux activités du pôle outre-mer, par l'alimentation d'une chaîne nationale en plus des neuf stations locales.

Si certaines activités sont propres au réseau, comme le pilotage, la coordination et la mutualisation de l'information, l'achat de programmes et la diffusion des 9 chaînes, et d'autres sont propres à France Ô - conception de l'offre éditoriale, approvisionnement, programmation, diffusion -, le site de Malakoff a la charge de la production de sujets et modules d'information pour les stations du réseau, mais aussi pour France Ô et également d'autres antennes de France Télévisions et Radio France.

Les activités exercées par le pôle outre-mer sur le site de Malakoff sont diverses et, souvent, mutualistes et interdépendantes.

Si l'activité de France Ô ne représente pas la majeure partie des personnels du site de Malakoff, leur part n'est pas négligeable, comme le montrent les tableaux ci-dessous.

Enfin, il est important de rappeler le rôle des équipes de France Ô et du pôle outre-mer au service de l'ensemble des services publics audiovisuels. Ainsi, comme il a été signalé à différentes reprises, c'est bien ce pôle qui permet d'alimenter les antennes radios de Radio France ou RFI en contenus.

Évolution du budget de France Ô et de Malakoff de 2015 à 2018

(en k€)

2015

2016

2017

Budget 2018

Budget de fonctionnement de France Ô

6 255,8

5 869,1

5 282,0

6 005,9

Budget de fonctionnement du site de Malakoff

40 774,7

39 918,7

40 509,3

35 732,4

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs

Évolution des effectifs de France Ô et du site de Malakoff de 2015

budget 2018 en ETP

2015

2016

2017

Budget 2018

Effectifs de France Ô

52,8

52,8

49,1

49,8

Effectifs du site de Malakoff (périmètre Outre-mer 1 ère hors stations)

322,8

311,6

303,3

293,4

Source : Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs


* 115 La liste indicative des programmes des chaînes La 1 ère diffusés sur France Ô en 2017-2018 figure en annexe du présent rapport.

* 116 Réponse de France Télévisions au questionnaire des rapporteurs.

* 117 Ibid.

* 118 Audition de M. Gora Patel, directeur de la chaîne Réunion La 1 ère le 31 janvier 2019.

* 119 Table ronde sur la production audiovisuelle outre-mer le 7 février 2019.

* 120 Réponse d'Arte au questionnaire des rapporteurs.

* 121 Déplacement de la délégation au siège du pôle outre-mer de France Télévisions le 21 janvier 2019.

* 122 Audition de M. Wallès Kotra, directeur exécutif en charge de l'outre-mer à France Télévisions le 5 juillet 2018.

* 123 Audition de M. Gerald Prufer, directeur de la chaîne Polynésie La 1 ère le 30 janvier 2019

* 124 Analyse de la consultation à la fin de ce rapport.

* 125 Rapport annuel 2017 du CSA.

* 126 Audition du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) 17 janvier 2019.

* 127 Ibid.

* 128 Audition de M. Franck Riester, ministre de la culture, le 17 janvier 2019.

* 129 Voir II, B, 1) a) de la présente partie.

* 130 Audition de M. Gora Patel, directeur de la chaîne Réunion La 1 ère le 31 janvier 2019.

* 131 Ibid.

* 132 Table ronde des directeurs des stations La 1 ère le 12 mars 2019.

* 133 Audition de Mme Delphine Ernotte-Cunci le 22 janvier 2019.

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