II. UN ENSEMBLE DE MESURES NATIONALES PLUS OU MOINS NOUVELLES, RELAYÉ ET AMPLIFIÉ AU NIVEAU LOCAL PAR L'ACTION DES ÉLUS

A. LES MESURES DE SOUTIEN ANNONCÉES PAR L'ÉTAT MÊLENT DE NOMBREUX DISPOSITIFS EXISTANTS ET UNE MESURE NOUVELLE

1. La première demande des entreprises est celle d'un respect de l'ordre public

Il ressort des différentes auditions que la demande la plus urgente formulée par les entreprises est celle d'un retour à l'ordre public . Les associations de commerçants rencontrées ont ainsi toutes mis l'accent sur leur incompréhension face à la répétition et à la régularité des violences et débordements. Le faible nombre de manifestants, la possibilité pour le ministère de l'Intérieur de connaître à l'avance les dates, et souvent les parcours de même que l'identité des participants les plus violents, le non-respect de certaines interdictions de manifester sont à l'origine d'un sentiment d'abandon ressenti par les acteurs économiques . Tous ont expliqué que leur première demande n'est pas financière, mais citoyenne : que la liberté d'entreprendre soit respectée et que l'État assure ses fonctions régaliennes de maintien de l'ordre public, « pour le financement desquelles les entreprises s'acquittent d'impôts bien volontiers mais en pure perte 35 ( * ) ».

2. Le soutien de l'exécutif aux entreprises impactées passe principalement par l'activation et l'intensification de mesures existantes

À défaut, ou dans l'attente, de rétablir l'ordre public, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures nationales de soutien aux entreprises victimes de préjudices économiques. La majorité de la réponse de l'exécutif se concentre sur l'intensification du recours par les entreprises à des dispositifs existants.

Afin de renforcer la connaissance de ces mesures, une circulaire interministérielle relative au plan d'action national mis en place en soutien aux commerçants et aux collectivités territoriales impactés par les manifestations de «gilets jaunes» a été publiée le 7 mars 2019. Par ailleurs, le ministère de l'économie et des finances a réactivé le 26 novembre 2018 la cellule de continuité économique lui permettant de suivre en temps réel la situation économique et a mis en place une « task force » à la Direction générale des entreprises (DGE) afin de mesurer l'application effective de ces mesures de soutien.

a) Afin de soutenir la trésorerie des entreprises, délais et reports d'échéances sociales ont été accordés
(1) Différents types de mesures concernant l'acquittement de la dette sociale des employeurs ont été prises

Aux termes de l'article R. 243-21 du code de la sécurité sociale « le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations a la possibilité d'accorder des échéanciers de paiement et des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations, des pénalités et des majorations de retard. L'échéancier ou le sursis prévu à l'alinéa précédent doit être assorti de garanties du débiteur qui sont appréciées par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations. Les dispositions du présent article s'appliquent aux cotisations dont sont redevables les employeurs à la condition qu'ils aient procédé au reversement intégral des cotisations salariales dues ».

À la suite de l'instruction ministérielle du 6 décembre 2018, plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) visant à ne pas grever le niveau de trésorerie des commerçants et artisans :

• Les organismes de recouvrement (URSSAF, MSA) ont reçu pour instruction d'octroyer aux professionnels qui en font la demande (employeurs, travailleurs indépendants, chefs d'exploitations agricoles) un report pour le paiement de leurs cotisations (cotisations et contributions sociales, cotisations dues aux organismes d'assurance retraite complémentaire à titre obligatoire) dues au titre des mois de janvier, février et mars 2019, ainsi que pour celles du premier trimestre 2019 pour les cotisants non mensualisés. Ces reports, qui peuvent aller jusqu'à trois mois, ne donnent lieu à aucune majoration ni pénalité de retard ;

• des délais de paiement sur la part patronale des cotisations ;

• des remises intégrales 36 ( * ) de majorations et pénalités de retard .

Ces mesures ont été effectives dès l'exigibilité du 5 décembre 2018. D'après les informations fournies à votre rapporteur par l'ACOSS, tête de réseau des Urssaf, 12 000 demandes de délais de paiement ont été formulées et accordées en métropole au 30 avril 2019 . Le 3 mai 2019, le Gouvernement a annoncé prolonger ces dispositifs jusque fin juin 2019 alors qu'il était initialement prévu que les reports de charges sociales et fiscales soient accordés jusque fin avril.

(2) Les conditions d'octroi de ces mesures ont été assouplies

Selon l'ACOSS, les conditions d'octroi de délais et reports de paiement ainsi que des remises de majoration et pénalités de retard sont particulièrement favorables : le fait de mentionner que l'entreprise est impactée par le mouvement des « gilets jaunes » suffirait pour bénéficier d'un délai ou d'un report . Il ne serait pas nécessaire de produire de pièces justificatives attestant plus précisément du lien entre la situation économique de l'entreprise et le mouvement social.

Par ailleurs, les démarches pratiques permettant de bénéficier de ces mesures sont relativement simples : une demande par téléphone, courrier, ou via l'espace cotisant en ligne suffit. La demande de report de paiement doit quant à elle faire l'objet d'une demande par mail ou téléphone. Dans la majorité des situations, une acceptation automatique s'en suit , selon les services de l'État contactés. En outre, les remises de majoration seraient systématiquement accordées lorsque les délais de paiement sont respectés.

b) Un ensemble de mesures fiscales est mis en oeuvre par l'administration

Aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales , l'administration peut accorder sur la demande du contribuable :

• des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ;

• des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ;

• des remises totales ou partielles des frais de poursuites mentionnés à l'article 1912 du code général des impôts 37 ( * ) et des intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du présent livre ;

• par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives [...].

(1) Des mesures d'étalement et de report des dettes fiscales

Les services des impôts des entreprises (SIE) des directions régionales et départementales des finances publiques (DRFiP et DDFiP) ont accordé des mesures d'étalement et report des paiements en matière d'impôt sur les sociétés 38 ( * ) (IS) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) . Lorsqu'une entreprise bénéficiant d'une de ces mesures s'engage à s'acquitter de sa dette fiscale dans un délai raisonnable, l'administration fiscale peut également accorder des remises de pénalités . La Direction générale des entreprises a également précisé au groupe de travail que les délais et remises de pénalités ont été étendus au paiement du solde de l'IS au 15 mai 2019.

Par ailleurs, les entreprises impactées ont la possibilité, lorsque l'acquittement de l'ensemble de leur dette fiscale dans les délais légaux est impossible, de bénéficier d'un plan de règlement dont le modèle de demande a été simplifié et est téléchargeable depuis le site internet des impôts. Les entreprises bénéficiant déjà d'un tel plan se sont vues offrir la possibilité de reporter les paiements de novembre et décembre en fin de plan.

Il a également été demandé aux DDFiP d'instruire avec célérité les dossiers d'entreprises touchées par ces conséquences économiques visant à obtenir un remboursement de crédits de TVA et de CICE .

(2) Une possibilité de remise partielle ou totale des créances fiscales

L'administration peut accorder sur la demande du contribuable des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence . Lors de son audition au Sénat le 19 mars 2019 le ministre de l'économie et des finances a ainsi annoncé : « j'ai également pris la décision d'autoriser l'annulation de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu pour les commerçants qui ont subi, du fait de la crise des gilets jaunes, une perte significative de leur chiffre d'affaires et dont la survie est menacée. Cette mesure exceptionnelle vise à éviter toute défaillance d'entreprise liée à cette crise ».

Une telle mesure est donc de droit commun et n'a pas été conçue spécifiquement pour répondre aux conséquences économiques du mouvement. Le critère d'octroi d'une telle remise est en effet « la gêne ou l'indigence » à l'origine de l'impossibilité de payer et non l'existence d'un lien de causalité entre les violences commises en marge du mouvement et la situation financière de l'entreprise 39 ( * ) .

En temps normal, en raison des montants de recettes publiques que cette mesure est susceptible de concerner et de la rupture exceptionnelle d'égalité devant les charges publiques qu'elle représente, l'activation d'un tel dispositif permettant de bénéficier de remise partielle ou totale de droits directs est rare : elle n'intervient de façon générale que si les mesures d'étalement puis de report des paiements ne suffisent pas à alléger la trésorerie de l'entreprise et à lui permettre de faire face à ses pertes d'exploitation.

En tenant compte de critères variés comme la baisse du chiffre d'affaires, la trésorerie, le besoin en fonds de roulement ou l'endettement, l'administration fiscale procède alors à un examen individualisé des situations professionnelles et personnelles (par exemple, dans le cas d'un entrepreneur individuel dont l'entreprise relève de l'impôt sur le revenu, le nombre de personnes à charge, le montant des dettes du ménage, etc.). Le délai d'instruction est de deux mois maximum : une fois la demande acceptée, elle bénéficie immédiatement de manière effective à l'entreprise.

Les différentes mesures mises en oeuvre par l'administration fiscale sont en outre cumulables : si un étalement des paiements ne suffit pas pour permettre à l'entreprise de faire face à ses difficultés, il peut être prorogé ou complété par une remise de droits directs.

Au 30 avril 2019, d'après les informations fournies par la DGFiP à votre rapporteur, 123 remises de créances fiscales ont été accordées . Ces annulations, selon la DGE, ont concerné très majoritairement des TPE, pour un montant total de 80 000 euros environ, soit en moyenne 650 euros par dossier.

c) D'autres dispositifs ont été actionnés par l'exécutif afin de répondre à des problématiques sectorielles ou de coordonner les acteurs sur le terrain
(1) Divers acteurs institutionnels ont participé à la coordination de la mise en oeuvre de ces mesures

Dans le but de simplifier l'accès à l'information, les Direccte ont été amenées à mettre en place des points de contacts régionaux uniques . Ces dispositifs ont pour objectif d'aider les entreprises à connaître les différentes mesures de soutien mises en oeuvre et à les informer sur les démarches à suivre. Un correspondant territorial, une adresse e-mail et un numéro de téléphone dédiés sont ainsi placés dans chaque Direccte. La prise de contact par une entreprise est enregistrée afin d'en permettre le suivi. Au 7 mai 2019, ces points de contacts ont été sollicités à 460 reprises par des entreprises .

À partir de janvier 2019, la Banque de France a alerté les 105 médiateurs départementaux du crédit afin qu'ils signalent les cas d'entreprises en difficulté . La médiation, ouverte à toutes les entreprises quelle que soit leur taille, est gratuite et confidentielle. Le médiateur est chargé d'identifier et de résoudre les points de blocage entre l'entreprise et l'établissement financier qui lui a refusé une ligne de financement, a dénoncé un découvert, a refusé de rééchelonner une dette, a refusé un crédit (de trésorerie, d'équipement, etc.) ou a refusé une garantie. Pendant la durée de la médiation, les établissements bancaires maintiennent ces lignes de financement et celles de garantie allouées aux entreprises. Le Médiateur national du crédit, M. Frédéric Visnovsky, note toutefois que la diminution tendancielle du nombre d'entreprises qui le saisissent s'est poursuivie en 2018 , puisque 2 000 d'entre elles 40 ( * ) l'ont saisi contre un chiffre annuel de 16 000 au lendemain de la crise financière 41 ( * ) . Le dispositif semble insuffisamment connu par les entreprises.

Les services du Médiateur des entreprises sont également mentionnés parmi les mesures de soutien qui peuvent être sollicitées afin d'accompagner les entreprises qui feraient face à un conflit avec des fournisseurs. Tout différend lié à l'exécution d'un contrat de droit privé, y compris tacite, ou d'une commande publique, peut faire l'objet d'une saisine du médiateur (par exemple un retard de paiement). Il existe 60 médiateurs sur le territoire (dont 44 au sein des Direccte) et leur saisine est gratuite. D'après le Médiateur des entreprises, M. Pierre Pelouzet 42 ( * ) , il existe un effet retard susceptible de déboucher sur une augmentation dans le deuxième semestre 2019 des difficultés pour les entreprises (en raison de la date de paiement des fournisseurs, élément déclencheur des problèmes de trésorerie, qui n'intervient que rarement à la livraison des produits).

Afin d'assurer une diffusion large des mesures de soutien annoncées, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances a également sollicité le concours du réseau associé des experts comptables , qui regroupe 14 000 professionnels du secteur, pour qu'elles soient relayées auprès des entreprises.

(2) Deux mesures transversales : la mise en avant du dispositif d'activité partielle et la possibilité d'ouvertures dominicales supplémentaires

Le 19 mars 2019, lors de son audition au Sénat, le ministre de l'économie et des finances a détaillé le recours au dispositif d'activité partielle par les entreprises depuis le début du mouvement et des violences : « dès le 27 novembre, les entreprises ont pu user du chômage partiel mis en oeuvre par les services du ministère du travail : 5 100 entreprises et 73 500 salariés ont bénéficié de cette mesure pour un coût de 38,5 millions d'euros pour le budget de l'État ».

Le fonctionnement du dispositif d'activité partielle

Le dispositif d'activité partielle permet, en cas de difficultés rencontrées par une entreprise 43 ( * ) , d' éviter les licenciements économiques en maintenant les salariés dans l'emploi mais en allégeant leur coût financier pour l'employeur . Qu'elle prenne la forme d'une baisse de la durée hebdomadaire du travail ou d'une fermeture partielle (ou totale) de l'entreprise, les salariés touchés sont indemnisés au titre de l'activité partielle par l'employeur. Ce dernier touche alors une allocation de l'État pour ces heures chômées.

En pratique, avant le recours à cette mesure, l'employeur doit en faire la demande auprès de la Direccte 44 ( * ) qui doit apporter sa réponse dans un délai de 15 jours. Une fois obtenue, l'autorisation est accordée pour six mois renouvelables. Le salarié reçoit alors une indemnité de la part de l'employeur correspondant à 70 % de sa rémunération horaire brute (soit 84 % du salaire horaire net). L'employeur peut alors obtenir le remboursement des indemnités qu'il verse à ses salariés et doit faire cette demande dans le délai d'un an suivant la fin de la période d'activité partielle. L'allocation horaire versée à l'employeur au titre du remboursement de ces heures chômées est de 7,74€ dans les entreprises de moins de 250 salariés et de 7,23€ dans les autres. Si l'indemnité versée aux salariés est assujettie à la CSG et à la CRDS 45 ( * ) , elle est toutefois exonérée des cotisations salariales et patronales.

Afin de certifier que le motif d'une telle demande est bien lié à des blocages ou autres modalités de violence ayant entraîné une baisse d'activité, les services du ministère du travail recoupent différentes informations (par exemple le lieu de l'entreprise et la présence de blocages).

Selon les informations fournies par la DGE, ce chiffre s'élève à 5 268 demandes d'activation du dispositif au 13 mai 2019 pour environ 74 000 salariés. À noter toutefois que 62 % des heures autorisées au titre de ce dispositif concernent l'île de la Réunion . Les principaux secteurs d'activité représentés parmi les demandeurs sont le commerce (35,5 % des demandes), la construction (13,4 %), les hôtels, cafés et restaurants (11,75 %) et l'industrie manufacturière (8,8 % des demandes). 93,4 % des demandes proviennent d'entreprises de moins de 50 salariés et 98,5 % d'entreprises de moins de 250 salariés . En Ile-de-France à fin mai 2019, le nombre de demandes s'établissait à 254 (90 % à Paris) pour un total de 2 millions d'euros. Les délais d'instruction des dossiers sont de 5 à 10 jours en moyenne (9 jours en décembre 2018, lorsque la demande pour ce dispositif était la plus forte, 5 jours en février 2019).

La DGE a souligné que ses services déconcentrés, en charge du point de contact régional unique ( cf. supra ), sont positionnés au sein du pôle 3E des Direccte qui est également celui qui pilote le dispositif d'activité partielle. Ce faisant, la coordination entre les services en est rendue plus efficace et l'accès à l'information pour les entreprises plus aisé. CCI France rappelle toutefois qu'au-delà de cette mesure, le marché de l'emploi est avant tout impacté par un nombre élevé de non-recrutements (pour la période estivale, celle des fêtes de fin d'année, l'intérim, les extras, etc.).

Pour les mois de décembre 2018 et janvier 2019, plusieurs circulaires ministérielles ont invité en outre les préfets à accorder les demandes d'ouvertures dominicales supplémentaires formulées par les entreprises 46 ( * ) . Selon les informations de la DGE, plusieurs fédérations professionnelles (Alliance du commerce, le CNCC) ont souligné une atténuation de l'impact des violences et débordements grâce à ces autorisations d'ouverture. D'après les informations fournies par la FCD, le ministère du Travail a demandé aux Direccte d'accorder les demandes d'ouvertures dominicales formulées par des fédérations professionnelles au niveau d'un département sans exiger de justification particulière et sans procéder à l'examen du dossier magasin par magasin .

(3) Certaines mesures de soutien ciblent ou associent des secteurs particuliers

Les entreprises du transport routier ont particulièrement souffert des débordements, blocages et intimidations survenus sur les axes routiers lors de la première partie du mouvement. De fait, les livraisons étaient impossibles durant des plages horaires entières . En centre-ville, la multiplication des interdictions de circuler le samedi déstabilise également les plannings de livraison, bien que les acteurs principaux, entreprises de transport et commerces, expliquent s'être adaptés.

Les entreprises de transport routier de marchandises et de transport en commun de voyageurs peuvent bénéficier, aux termes de l'article 265 septies du code des douanes, d'un remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) assise sur leur consommation de gazole au cours d'un semestre . La DGE, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), la DGFiP et la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ont octroyé à ces entreprises, depuis le 17 janvier 2019, une possibilité de remboursement accéléré de cette fraction de TICPE , pour le second semestre 2018. Par ailleurs, du fait des blocages et ralentissements, certains chauffeurs routiers ont été amenés à dépasser le nombre d'heures légales . La DGE a alors transmis au ministère de la transition écologique et solidaire les demandes des professionnels visant à obtenir une dérogation temporaire .

Par ailleurs, à la suite de contacts entre le ministère de l'économie et des finances et la Fédération française des assurances , « les assureurs ont [...] accéléré les indemnisations de sinistres matériels et de pertes d'exploitation et se sont engagés à ne pas cumuler les franchises pour les dommages matériels causés par les manifestations », selon les mots du Ministre lors de son audition au Sénat le 19 mars 2019. En matière bancaire, d'après les informations fournies par le Ministre lors de cette même audition et celles transmises à votre groupe de travail par la DGE, il a été demandé aux adhérents de la Fédération bancaire française d'examiner avec bienveillance les dossiers qui leur étaient soumis. « La FBF [...] s'est [ainsi] engagée à examiner au cas par cas les situations des entreprises affectées, afin de rechercher des solutions adaptées, notamment pour les besoins de financement à court terme et la trésorerie ».

La garantie bancaire du renforcement de la trésorerie proposée par Bpifrance
a été augmentée

Les TPE et PME qui rencontrent des difficultés de trésorerie peuvent souscrire des crédits de trésorerie auprès de leur établissement bancaire. Afin de faciliter cet octroi, Bpifrance peut garantir partiellement le crédit, sous réserves que sa durée soit comprise entre 2 et 7 ans, qu'il ait pour objet de financer le besoin en fonds de roulement ou de consolider les crédits à court-terme existants. Le plafond de risques accepté est fixé 1,5 million d'euros d'encours bancaires pour une même entreprise.

Dans le but de soulager la trésorerie en chute libre des commerçants et artisans impactés, consigne a été donnée à Bpifrance d'augmenter la quotité de garantie qu'elle accorde sur les crédits de renforcement de trésorerie, de 40 à 70 %. Pour les prêts qu'elle garantit, il lui a été demandé également d'accepter les reports d'échéances de remboursement de prêts sur demande auprès des banques. Pour les prêts qu'elle accorde elle-même, elle est incitée à accepter de tels reports lorsqu'ils sont demandés auprès des directions régionales de Bpifrance.

d) La responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée

Le maintien de l'ordre public, qui relève de la compétence de l'État, a été défaillant. Or, la première demande de tous les acteurs économiques rencontrés est bien le retour au calme, afin que la liberté d'entreprendre, de valeur constitutionnelle, soit respectée. Le groupe de travail considère que la répétition des violences - alors même que les dates des manifestations étaient annoncées et que le nombre de manifestants, voire l'identité d'une grande partie des fauteurs de trouble était connue - engage la responsabilité de l'État.

Sur le plan du droit, trois fondements peuvent être invoqués afin d'engager la responsabilité juridique de l'État et obtenir indemnisation des préjudices :

• la responsabilité sans faute de l'État du fait des attroupements : aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure 47 ( * ) , « l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. L'État peut également exercer une action récursoire contre les auteurs du fait dommageable, dans les conditions prévues au chapitre Ier du sous-titre II du titre III du livre III du code civil. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée ». Le requérant doit d'abord déposer un recours indemnitaire auprès de la préfecture. A Paris, 1 013 demandes liées à un préjudice matériel et 107 demandes liées à un préjudice économique ont ainsi été déposées au 31 mai 2019.

• la responsabilité de l'État pour faute : elle peut être engagée sur le fondement de la faute résultant de la carence des pouvoirs de police . Toutefois, dans ce cas, la responsabilité en matière d'exécution des opérations de maintien de l'ordre ne peut être engagée que pour une faute lourde 48 ( * ) .

• La responsabilité de l'État pour rupture d'égalité devant les charges publiques : dans le cas où l'État a décidé volontairement de ne pas user de la force publique afin d'éviter des troubles plus graves encore, sa responsabilité sur ce fondement pourrait être engagée, à condition toutefois que le préjudice subi soit anormal et spécial.

Ces trois procédures présentent toutefois des limites qui obèrent les chances de succès de tels recours ( cf. infra ).

3. Une mesure nouvelle a été mis en oeuvre afin de renforcer l'attractivité des centres-villes

Lors d'une visite aux commerçants de Bordeaux le 1 er février, le Premier ministre a annoncé le déblocage d'une enveloppe de 3,3 millions d'euros permettant de financer des opérations de revitalisation et d'animation commerciales dans les centres-villes les plus touchés par les violences et débordements commis en marge du mouvement ( cf. infra ) et qui ont entraîné une baisse de la fréquentation des commerces. La mise en oeuvre de ces campagnes de promotion, d'animation, de communication est menée par les acteurs économiques locaux (associations de commerçants, CCI, CMA, mairies, etc.). Le 15 mai 2019, le montant de l'enveloppe dédiée a été réévalué à 5,5 millions d'euros .

Ce dispositif a été lancé officiellement le 7 mars par le ministre de l'économie et des finances et la secrétaire d'État auprès du même ministre. Le financement des mesures de revitalisation associe l'État et les collectivités : pour les projets entre 100 000 et 300 000 euros, le cofinancement de l'État est compris entre 80 000 euros et 240 000 euros ; pour les projets au-delà de 300 000 euros, l'État les cofinance jusqu'à 300 000 euros. Les collectivités intéressées devaient déposer leur dossier de candidature jusqu'au 30 mars 2019 et la décision d'attribution des fonds et de détermination de leur montant est intervenue en mai 2019. Selon les informations fournies par la DGE, 35 collectivités, réparties dans 11 régions, ont présenté un dossier .

Le comité de sélection s'est fondé sur plusieurs critères afin de cibler les villes les plus touchées. D'une part, les services déconcentrés de l'État (préfectures, Direccte) ont remonté des informations à l'administration centrale permettant d'établir la conformité des déclarations à la réalité du terrain. D'autre part, les éléments fournis ont été corroborés par un croisement avec les données de la DGFiP relatives aux diminutions de chiffre d'affaires.

Un exemple de budget prévisionnel pour l'obtention des fonds :
le cas de Rennes

Source : métropole de Rennes


* 35 Audition de la CCI Rouen Métropole au Sénat, 29 mai 2019.

* 36 C'est-à-dire concernant les majorations initiales et complémentaires.

* 37 Aux termes de l'article 1912 du CGI, « les frais de poursuites mis à la charge des redevables au titre des produits recouvrés par le comptable public chargé du recouvrement sont calculés par application d'un pourcentage qui ne peut excéder 5 % du montant total des créances dont le paiement leur est réclamé, dans la limite de 500 € ».

* 38 Les étalements et reports de paiement d'IS concernent les acomptes de décembre 2018 et de mars 2019.

* 39 Dans les faits, les violences subies par les entreprises sont prises en compte, ayant contribué à la baisse du chiffre d'affaires.

* 40 80 % de ces 2 000 entreprises sont des TPE de moins de cinq salariés.

* 41 Interview donnée au « Monde des artisans » en date du 30 avril 2019 : « Médiation du crédit : un réel soutien pour les TPE fragiles ».

* 42 Interview donnée à Franceinfo le 9 avril 2019 : « C'est maintenant que l'on va commencer à voir les premiers effets sur les entreprises du mouvement des "gilets jaunes" ».

* 43 Les motifs de mobilisation de l'activité partielle sont identifiés à l'article R. 5122-1 du code du travail (conjoncture économique, sinistre, circonstance exceptionnelle, etc.).

* 44 Au moment de la demande d'indemnisation, l'employeur est par exemple tenu de fournir l'ensemble des fiches de paie des salariés concernés par ce dispositif.

* 45 Respectivement au taux de 6,2 % et de 0,5 %.

* 46 À titre illustratif, un arrêté préfectoral a été pris le 21 décembre 2018 portant dérogation au repos dominical de certains salariés de Seine-Maritime. Il concerne les dimanches 6, 13 et 20 janvier 2019.

* 47 Anciennement article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales.

* 48 CAA de Nantes, 5 juillet 2013, n° 11NT03064.

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