III. AMÉLIORER LES LEVIERS D'INTERVENTION DES ACTEURS DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

A. DYNAMISER LE FINANCEMENT DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL

1. Maintenir une distinction entre le financement de la sécurité sociale et le financement de la santé au travail

La cotisation versée par l'employeur au titre de l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles est une cotisation de sécurité sociale qui s'inscrit dans une logique d'assurance et donc essentiellement de réparation. Elle est par nature distincte du financement par l'employeur de son obligation en matière de suivi de la santé de ses salariés, qui passe par la cotisation au service de santé au travail.

En cohérence avec leur attachement au maintien des missions actuelles des SSTI, vos rapporteurs sont défavorables à une fusion de ces deux contributions.

Il n'en demeure pas moins vrai que la fragmentation de la collecte par chaque SSTI des cotisations de leurs adhérents ne permet pas d'avoir une vision d'ensemble des flux financiers en jeu. Vos rapporteurs considèrent donc que, dans le cadre de la certification des SSTI, il serait pertinent que les informations relatives aux montants exigés et collectés soient communiquées aux Direccte et qu'une consolidation soit effectuée au niveau national par l'agence nationale de santé au travail.

Proposition n° 15 : Demander aux SST de transmettre aux Direccte les informations relatives aux montants collectés auprès des entreprises afin de permettre une consolidation au niveau national et une visibilité sur les flux financiers en cause.

2. Élargir les sources de financement des SSTI
a) Permettre une modulation des cotisations des SSTI

Aux termes de l'article L. 4622-6 du code du travail, les frais supportés par un SSTI sont répartis entre les employeurs adhérents « proportionnellement au nombre des salariés ». Malgré cette disposition, un certain nombre de SSTI pratiquait une tarification tenant compte de la masse salariale des entreprises adhérentes. En 2014, selon le centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme), devenu Présance, 44 % des SSTI pratiquaient une tarification basée sur la masse salariale et 10 % une tarification mixte, seuls 46 % des services respectant strictement la règle législative.

La Cour des comptes relevait cet état de fait dans son rapport public thématique de 2012 59 ( * ) et recommandait soit que les entorses à la loi soient sanctionnées soit que la règle soit modifiée.

À l'occasion de l'examen du projet de loi « Travail » de 2016 60 ( * ) , le Sénat avait adopté un amendement de notre collègue Michel Amiel 61 ( * ) visant à permettre les tarifications reposant sur la masse salariale. Cet amendement n'avait pas prospéré dans le texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité.

Dans un arrêt récent 62 ( * ) , la Cour de cassation a rappelé l'illégalité des tarifications ne reposant pas exclusivement sur le nombre de salariés, tout en considérant qu'une modulation tenant compte du nombre de salariés bénéficiant d'un suivi renforcé pouvait être appliquée.

Vos rapporteurs considèrent qu'il serait pertinent de laisser aux SSTI une certaine latitude pour déterminer les modalités de calcul de la cotisation demandée aux employeurs. Un encadrement de cette liberté, par exemple au travers de montants planchers et plafonds par salarié, pourrait être fixé dans les CPOM. Cette proposition suppose une modification législative.

Proposition n° 16 : Permettre aux SSTI de fixer leur cotisation en tenant compte d'autres critères que le seul nombre de salariés, dans un cadre défini par le CPOM.

b) Permettre l'affectation de ressources publiques aux SSTI

Par ailleurs, afin de dynamiser la capacité d'intervention des SSTI en faveur des petites entreprises qui ne disposent pas de la trésorerie nécessaire pour réaliser des investissements en faveur de la santé et de la sécurité de leurs salariés, il pourrait être envisagé de diversifier les sources de financement des SST en leur donnant accès à des fonds publics.

Vos rapporteurs considèrent notamment que les SSTI pourraient être affectataires d'une partie des ressources du fonds national de prévention des accidents du travail (FNPAT), dans un cadre qui devra être fixé par la COG conclue entre l'État et la branche AT-MP.

Les SSTI pourraient également bénéficier de crédits du programme 111 de la mission Travail et emploi, dont 24 millions d'euros étaient destinés en 2019 à la santé et à la sécurité au travail. L'attribution de tels financements passerait là encore par la contractualisation.

Proposition n° 17 : Faire bénéficier les SSTI de financements publics provenant du FNPAT et du budget de l'État pour le financement de projets ciblés.


* 59 Cours des comptes, les services de santé au travail interentreprises : une réforme en devenir, rapport public thématique, novembre 2012.

* 60 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 61 Amendement n° 910 au texte de la commission des affaires sociales, adopté le 24 juin 2016.

* 62 Cour de cassation, 19 septembre 2018, 17-16-219.

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