EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 novembre 2019, la commission a entendu la communication des membres de la commission qui se sont rendus en Nouvelle-Calédonie du 30 août au 8 septembre 2019.

M. Hervé Maurey , président . - Une délégation de notre commission s'est rendue en Nouvelle-Calédonie du 30 août au 8 septembre derniers. Cette délégation était composée de MM. Michel Vaspart, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Michel Dagbert, Pierre Médevielle et moi-même.

Nous avons effectué une douzaine de visites de terrain et de nombreuses rencontres officielles, dans les trois provinces de Nouvelle-Calédonie et sur l'île des Pins, autour de cinq thèmes principaux : la protection et la valorisation de la biodiversité marine et terrestre, la gestion des déchets, l'économie minière, les énergies renouvelables, la transition agricole, sans oublier le contexte institutionnel et politique en Nouvelle-Calédonie.

D'abord, la Nouvelle-Calédonie est un territoire à part dans notre République, du fait de sa distance à la métropole, plus de 17 000 kilomètres, et du fait de ses compétences particulières, constituées au fil de l'histoire de ses liens avec la métropole. Avec plus de 18 000 km 2 de superficie totale, l'archipel néocalédonien recouvre l'équivalent de quatre départements et sa zone économique exclusive représente trois fois la France, avec 1,7 million de km 2 . La Nouvelle-Calédonie est peuplée depuis 4 000 ans par des Mélanésiens, les Kanaks, et a fait l'objet d'une colonisation de peuplement tant pénale que libre. Elle abrite environ 270 000 habitants dont 170 000 au sein du Grand Nouméa, et relève de la souveraineté française depuis 1853.

La Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale sui generis , régie par le titre XIII de la Constitution de 1958. Comme vous le savez, ce statut particulier résulte de l'accord de Nouméa de 1998, négocié à la suite des accords de Matignon de 1988 afin d'apaiser les tensions communautaires. L'organisation politique et administrative du pays est complexe et fait intervenir trois échelons d'action publique dans le cadre de ce qui est appelé un « fédéralisme interne », à côté des services de l'État représenté par le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit des trente-trois communes et de leurs groupements, des trois provinces, qui disposent d'une clause générale de compétence aux termes de la loi organique de 1999, et enfin des institutions propres à la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire le Congrès, organe législatif, le gouvernement, exécutif collégial, le Sénat coutumier, qui représente les huit aires coutumières du territoire et le Conseil économique, social et environnemental.

À la suite de transferts successifs, la Nouvelle-Calédonie exerce désormais des compétences qui sont dévolues à l'État dans les régions et départements de métropole et notamment le commerce extérieur, la réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt, le droit du travail, le droit des assurances, la police et la sécurité de la circulation aérienne et de la circulation maritime, le droit civil, la sécurité civile ou encore l'enseignement du second degré public. Elle s'appuie sur les services de l'État qui sont mis à sa disposition, en lien avec le Haut-Commissaire.

Au titre de nos rencontres institutionnelles et officielles, nous avons pu échanger avec : le Haut-Commissaire de la République récemment nommé, M. Laurent Prévost ; le président du gouvernement, M. Thierry Santa, ainsi que M. Philippe Germain, membre de ce gouvernement, chargé de l'agriculture, de la pêche et du développement durable ; le président du Congrès, M. Roch Wamytan et Mme Virginie Ruffenach, présidente de la commission des infrastructures publiques, de l'aménagement du territoire, du développement durable, de l'énergie, des transports et de la communication, ainsi qu'avec la rapporteure de cette commission, Mme Françoise Suve ; les membres du Sénat coutumier et notamment son nouveau président, M. Hippolyte Wakewi Sinewami-Htamumu ; la présidente de la province Sud, Mme Sonia Backès, et plusieurs de ses vice-présidents ; le président de la province Nord, M. Paul Neaoutyine ; le président de la province des îles Loyauté, M. Jacques Lalié et le maire de Lifou, M. Robert Xowie ; la maire de Nouméa, Mme Sonia Lagarde ; notre ancien collègue sénateur et actuel maire de l'île des Pins, M. Hilarion Vendégou et notre collègue sénateur Gérard Poadja.

Deuxième remarque, l'archipel s'est développé à partir de l'exploitation minière du nickel et des secteurs liés comme la métallurgie. Le niveau de vie des habitants est élevé, proche de la métropole, avec un PIB par habitant voisin de celui de la Nouvelle-Zélande, avec des variations importantes entre les provinces. En revanche, les prix sont 30 % supérieurs à ceux de la métropole. Le taux de pauvreté et les inégalités de revenus sont deux fois plus élevés qu'en métropole. L'investissement, en particulier du secteur public, joue un rôle majeur, pour assurer un développement économique équilibré. Ce besoin en investissements se reflète d'ailleurs dans la hausse du taux de prélèvements obligatoires, qui a progressé de façon importante au cours des quinze dernières années, même s'il reste de plus de dix points inférieurs au niveau constaté en métropole.

J'en viens maintenant à la question de la cohésion sociale en Nouvelle-Calédonie et au référendum sur l'indépendance. L'accord de Nouméa de 1998 reconnaît une double légitimité, d'une part à la population kanak au titre de son statut de premier occupant et, d'autre part, aux autres communautés au titre de leur participation à la construction du territoire.

Les accords de Matignon de 1988 ont prévu trois référendums sur cette question en cas de vote négatif sur les deux premiers : le 4 novembre 2018, un premier référendum s'est tenu, avec 56,4 % des suffrages en faveur du « non » à l'indépendance. Deux possibilités de référendums restent donc encore ouvertes et le prochain référendum devrait se tenir le 6 septembre 2020. Sans rentrer dans les détails, s'agissant d'un dossier sensible, l'établissement des listes électorales pour le vote tant aux élections locales qu'au référendum sur l'indépendance est d'une complexité extrême et fait intervenir un ensemble de critères qui ont été constituées dans le cadre de négociations difficiles localement. Il y a trois types de listes électorales en Nouvelle-Calédonie : la liste électorale générale (LEG), établie selon les règles de droit commun pour les élections nationales (présidentielles, législatives, municipales, européennes, référendums nationaux). Les citoyens de l'Union européenne peuvent être inscrits sur des listes complémentaires pour participer aux élections municipales et européennes. Une liste électorale spéciale existe pour l'élection du congrès et des assemblées de province (LESP) et il y a également une liste électorale spéciale à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté (LESC), où sont susceptibles d'être inscrites l'ensemble des populations intéressées à l'avenir du territoire, au sens de l'Accord de Nouméa et de l'article 77 de la Constitution. Ce corps électoral référendaire est plus restreint que le corps électoral de droit commun mais plus large que le corps électoral pour l'élection du congrès et des assemblées de province.

Avant de conclure, je voudrais renouveler officiellement nos remerciements au Haut-Commissaire, aux trois commissaires délégués de la République dans les provinces et à l'ensemble des services de l'État, qui ont fait preuve d'une grande disponibilité. Ces remerciements s'adressent également à l'ensemble des interlocuteurs que nous avons pu rencontrer, au premier rang desquels les autorités politiques calédoniennes.

M. Michel Vaspart . - J'évoquerai pour ma part les sujets des risques naturels et de la mise en place du parc de la mer de Corail.

Sur le premier point, la Nouvelle-Calédonie est exposée à de nombreux risques majeurs comme les cyclones (un à deux par an), les tsunamis mais aussi les mouvements de terrain. Les séismes représentent également un risque important, en particulier pour les îles Loyauté et peuvent atteindre une magnitude maximale de 8.

L'érosion côtière est aussi un sujet de préoccupation et j'y suis particulièrement sensible, vous le savez. La situation est préoccupante, notamment sur l'île d'Ouvéa, qui est l'un des plus grands atolls du Pacifique avec 54 km de long, et sur l'île des Pins. Des protections pour les habitations ont été mises en place sur le littoral et l'État accompagne ces collectivités à travers un prêt « vert » au secteur public, porté par l'Agence française de développement (AFD). La Communauté du Pacifique, plus ancienne organisation de coopération régionale en Océanie, qui regroupe vingt-six États et territoires, est mobilisée sur ce sujet à travers le projet RESCCUE (restauration des services éco-systémiques et d'adaptation au changement climatique), qui est en phase opérationnelle depuis 2015 et soutient les pays et territoires océaniens dans la gestion des zones côtières. L'objectif est d'améliorer la résilience de ces territoires et de maintenir des activités qui dépendent de la biodiversité (pêche, tourisme etc.). Le risque de voir apparaître des « réfugiés climatiques français » est donc établi aujourd'hui et nous devrons veiller à intégrer l'ensemble des territoires ultramarins dans la réflexion sur l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

La question des feux de forêt m'a particulièrement touché. Ce risque est présent sur l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie et c'est l'une des principales causes de la dégradation des milieux naturels. Une fois brûlées, les formations forestières laissent place à une végétation secondaire (savane, maquis), qui favorise la récurrence des feux. La forêt sèche aurait ainsi perdu 90 % de sa superficie originelle et cette proportion atteint 60 % pour la forêt humide. En 2017, 13 000 ha ont brûlés. Les chiffres dont je dispose pour la saison 2018 font état de 266 départs de feu pour une superficie brûlée de 6 511 ha mais les associations de protection de l'environnement que nous avons pu rencontrer ont fait état d'un chiffre global plus préoccupant de l'ordre de 20 000 ha brûlés par an. Il n'y a pas de Canadair , sur un territoire pourtant très vaste. En Corse, il y en a trois.

Sur ce sujet, j'ai été surpris de constater que l'île des Pins, très exposée, est la seule commune de l'archipel à ne pas s'être dotée d'un centre communal d'incendie et de secours (CIS). La gestion des incendies repose sur la solidarité locale, les moyens de la brigade de la gendarmerie et l'acheminement de moyens de la direction de la sécurité civile, présents à Nouméa, à savoir des hélicoptères bombardiers d'eau et, le cas échéant, des moyens militaires de l'État.

Les règles régissant les terres coutumières, qui représentent environ 25 % du foncier néocalédonien, limitent les tentatives d'institution de servitudes d'urbanisme. À ce jour, on ne peut pas dire que le territoire ait engagé une véritable politique de prévention des risques naturels majeurs. La province Sud a adopté une délibération en 2006 prescrivant l'élaboration de cartographies des risques inondations mais ces documents ne constituent pas des plans de prévention des risques naturels (PPRN) dans la mesure où ils n'instituent pas de servitudes d'urbanisme ni de mesures de sauvegarde précises pour les populations. Un avis du Conseil d'État, rendu en octobre 2017, a précisé la question des compétences de chaque échelon d'action publique (gouvernement, provinces, communes). Sous réserves d'arbitrages futurs, la direction de la sécurité civile devrait porter cette politique avec le gouvernement, en commençant par l'élaboration de données cartographiques sur les risques mais l'institution de PPRN(s) n'est pas envisagée à ce stade.

S'agissant du parc naturel de la mer de Corail et de la surveillance de la zone économique exclusive (ZEE), nous avons pu en discuter avec Philippe Germain, membre du gouvernement, ainsi qu'avec des représentants du comité scientifique du parc et plus largement avec l'ensemble des acteurs que nous avons rencontrés.

Le parc naturel de la mer de Corail a été créé par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en 2014. Il couvre l'intégralité de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie, qui relève du gouvernement calédonien, mais pas les eaux situées à l'intérieur des lagons, qui relèvent de la compétence des provinces. Cet espace sera, à terme, l'un des cinq plus grands parcs marins au monde, avec plus d'1,3 million de km 2 en superficie. Il permettra à la France de satisfaire aux objectifs dits « d'Aichi », qui font partie du plan stratégique des Nations unies pour la diversité biologique, adopté lors de la conférence mondiale sur la biodiversité de Nagoya en 2010.

Le comité de gestion du parc est co-présidé par le Haut-commissaire de la République et par le président du gouvernement. Le plan de gestion du parc a été adopté au printemps 2018, avec des objectifs qualitatifs. Dans ce cadre, un quart des récifs et lagons associés ont été classés en réserve intégrale, dans laquelle toute activité humaine est interdite sauf la surveillance, la sauvegarde de la vie en mer et la recherche et trois quarts des récifs sont classés en réserve naturelle, avec accès sur autorisation du gouvernement. Des travaux sont par ailleurs en cours pour protéger les monts sous-marins, à proximité de la fosse des Nouvelles-Hébrides et des îles hautes Walpole, Matthew et Hunter.

Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie fait partie des vingt-quatre lauréats du projet « territoires d'innovation », annoncés par le Premier ministre en septembre dernier. Sur l'enveloppe globale de 450 millions d'euros, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier de 15 millions d'euros pour le développement du parc et des moyens de surveillance. Il s'agit de mobiliser toute la gamme des innovations en matière de surveillance maritime (bouées intelligentes, drones sous-marins, systèmes d'alerte précoce pour les catastrophes naturelles).

Plus largement, je crois à une surveillance mutualisée entre l'ensemble des acteurs de la mer, les pêcheurs, les plaisanciers, qui pourraient faire remonter des informations aux services. Le renforcement de la gouvernance est aussi un sujet et il faut atteindre une vision partagée et concertée de la biodiversité marine, en associant l'ensemble des acteurs au niveau local, régional et international.

Le niveau de protection très élevé dont fait l'objet ce parc impose de réfléchir à l'ambition globale et à son réalisme. La surveillance du parc de la mer de Corail est une nécessité pour éviter le pillage de nos ressources aquacoles et les atteintes aux écosystèmes, qui sont un bien précieux pour l'humanité. C'est une des conditions de réussite de ce projet.

Lors du CIMer 2018, le Premier ministre avait rappelé l'engagement du Gouvernement pour maintenir la souveraineté française dans ces espaces. C'est pourquoi je souligne la nécessité pour la Nouvelle-Calédonie et l'État de mobiliser des moyens à la hauteur des enjeux, en particulier s'agissant de la surveillance de ce parc de la mer de Corail. La dotation des Forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) pourrait être revue à la hausse.

En complément, j'ai eu l'occasion d'aller en Polynésie française dans le cadre de la mission commune d'information sur le sauvetage et la surveillance de la ZEE est un sujet qui me préoccupe. Les ressources halieutiques sont menacées, avec des filets dérivant sur des kilomètres, qui sont pour certains chinois.

M. Frédéric Marchand . - Je vous ferai part de plusieurs observations relatives à l'économie circulaire et à la gestion des déchets en Nouvelle-Calédonie, avec un acteur très présent, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), puisque trente-huit projets sont conduits en matière d'économie circulaire, dont vingt-huit concernent la gestion des déchets.

S'agissant de l'économie circulaire et de la lutte contre les plastiques, il faut reconnaître que l'ambition de la Nouvelle-Calédonie est supérieure à celle de la métropole, comme nous avons pu le constater dans le cadre de nos échanges avec les membres du Congrès. La loi du pays du 21 janvier 2019 a prévu quatre échéances pour interdire progressivement tous les plastiques à usage unique. Notre déplacement coïncidait avec l'entrée en vigueur d'une mesure emblématique, au 1 er septembre 2019, à savoir l'interdiction des gobelets, verres, tasses, assiettes, couverts, pailles à boire, cotons tiges et touillettes en matières plastiques jetables, sauf usages médicaux. Par ailleurs, à compter du 1 er mai 2020, les barquettes en plastiques jetables destinées à l'emballage de denrées alimentaires seront également interdites, sauf celles compostables et intégralement constituées de matières biosourcées. Cette interdiction s'appliquera à compter du 1 er mai 2022 pour les barquettes en plastiques jetables destinées au préemballage des denrées alimentaires, avec la même exception pour les produits compostables ou intégralement biosourcés.

Toutes les mesures prises par le Congrès sont complétées par une obligation d'information du consommateur sur la composition et l'utilisation des sacs, à l'aide d'un marquage, ainsi que par un cadre de contrôle et de sanctions, au sein duquel les services des douanes interviennent, pour garantir l'effectivité du dispositif.

Second point : la gestion des déchets. C'est l'un des grands défis des territoires calédoniens et de leur développement durable, du fait des évolutions démographiques et des modes de vie et de consommation. En 2017, la production de déchets ménagers représentait plus de 100 000 tonnes sur l'archipel.

Nous avons eu l'occasion de visiter la nouvelle installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) de Lifou, qui doit remplacer un centre d'enfouissement technique exploité depuis 2000 et dont les capacités sont presque épuisées. Les travaux ont commencé en avril 2019 et devraient durer un an. Les installations accueilleront les déchets ménagers et assimilés pour une orientation vers la filière la plus adapté. Une plateforme de stockage, broyage et compostage des déchets verts est mise en place ainsi qu'une installation de stockage pour les déchets ultimes ne pouvant être valorisés techniquement et ou économiquement. La couverture des casiers de stockage est ensuite végétalisée. Ces installations sont implantées sur un site de près de 2 ha, dont la capacité de stockage demeure toutefois limitée, avec 75 000 m 3 nets de déchets stockables et une durée de vie de trente ans.

Les communes calédoniennes se mobilisent sur ce sujet avec des modes d'organisation variables : huit communes sur les trente-trois que compte l'archipel assurent la collecte et le traitement en régie. La majorité d'entre elles a donc choisi de confier cette compétence en tout ou partie à un syndicat intercommunal. Il en existe six au total, dont quatre en province Nord et deux en province Sud.

La collecte en porte-à-porte des ordures ménagères hors encombrants, déchets verts et recyclables, est généralisée et la majorité des communes couvrent 100 % du territoire. Certaines tribus isolées, comme en province Nord ou dans les îles Loyauté, font l'objet de ramassages annuels du fait de leur éloignement. Les communes organisent également un apport volontaire pour les encombrants et les déchets verts et elles mettent à disposition un site dédié, proche des lieux d'habitation. Les déchets valorisables, à savoir les canettes aluminium, le verre, le papier et le carton sont presque systématiquement collectés en apport volontaire. Seule la commune du Mont-Dore pratique la collecte de ces déchets en porte-à-porte. La gestion des déchets organiques directement par les ménages peut également être encouragée, comme c'est le cas en province Nord, pour des raisons sanitaires et compte tenu d'un temps de stockage pouvant être long avant collecte. La collecte dans des zones reculées, notamment les tribus, pose néanmoins la question de la péréquation financière globale, pour assurer l'équilibre du système de gestion.

L'agence française de développement (AFD) et l'Ademe ont mené une étude qui fait état de plusieurs éléments positifs, notamment une progression incontestable du service de collecte des déchets assuré par les communes.

Partout sur le territoire, les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND ou ISD) et les centres d'enfouissement et de stockage de déchets (CESD) se développent. Globalement, il y a aujourd'hui sept ISDND, conformes à la réglementation, et encore huit dépotoirs. En province Sud, l'installation de Païta a été mise en service en 2007 et une autre est active côté Est. En province Nord, trois installations sont en service et d'autres en projet mais l'on y compte encore des dépotoirs. Dans les îles Loyauté, les trois communes possèdent chacune une installation de stockage des déchets aux normes, gérées par la province. Les dépotoirs ferment dès lors qu'une installation est mise en service et sont réhabilités. Certaines difficultés sont à relever dans les relations avec les autorités coutumières et la signature de l'acte coutumier pour la déchetterie de l'île de Maré a été lente à cet égard. Pour autant, certaines tribus ont pris ce sujet à bras-le-corps pour d'évidentes raisons sanitaires.

Plusieurs points appellent une vigilance renforcée. L'étude AFD/Ademe fait notamment état d'un manque de compétences localement et de difficultés de financement pour un secteur qui connaît des coûts croissants. La gestion des véhicules hors d'usage et de certains déchets réglementés par le code de l'environnement doit encore être améliorée dans certaines provinces où ils sont simplement laissés à l'abandon. L'établissement d'inventaires, l'identification des propriétaires et la recherche de prestataires prêts à intervenir dans ces zones éloignées sont des facteurs de difficultés.

Le code des communes de Nouvelle-Calédonie pose le principe de l'autonomie financière des services publics industriels et commerciaux mais très peu de collectivités disposent d'une connaissance fine des coûts liés à la gestion des déchets et leur équilibre financier n'est pas garanti. Pourtant, de nombreuses possibilités de financement existent, que ce soit avec les contrats de développement, ou encore avec le fonds exceptionnel d'investissements créé en 2009. Le fonds de soutien aux actions de lutte contre les pollutions, spécifique à la Nouvelle-Calédonie, peut également être mobilisé, de même que des financements provinciaux, des soutiens de l'Ademe et de l'AFD, le programme régional océanien pour l'environnement mais aussi des appels à projets lancés par l'Union internationale pour la conservation de la nature ou par l'Union européenne. Par ailleurs, le recyclage en est encore à ses débuts avec des filières qui ont du mal à s'organiser. Globalement, je pense que nous pouvons dire qu'il y a une volonté forte de traiter cet enjeu et une vraie prise de conscience de son importance à tous les niveaux d'action publique en Nouvelle-Calédonie.

M. Guillaume Chevrollier . - Je traiterai des sujets liés à la protection et à la valorisation de la biodiversité marine et terrestre ainsi que des conséquences du changement climatique en Nouvelle-Calédonie, qui étaient au coeur de notre déplacement.

L'archipel néocalédonien est un véritable sanctuaire, avec un taux d'endémisme de près de 80 %. C'est tout à fait impressionnant car les paysages et les espèces sont très différents d'une île à l'autre. La Nouvelle-Calédonie est, derrière Madagascar, le second des trente-quatre hotspots identifiés sur la planète mais c'est surtout l'un des plus petits et elle abrite des espèces primitives remarquables.

Côté biodiversité terrestre, la Nouvelle-Calédonie abrite autant d'espèces que la métropole, qui est vingt fois plus grande. On recense 3 261 espèces de végétaux, dont certaines sont étonnantes, comme les plantes qui absorbent les métaux lourds et sont aujourd'hui plantés sur les anciens sites miniers. Les oiseaux sont également remarquables et évoluent dans la mangrove, qui couvre une grande partie du littoral.

Côté biodiversité marine, la Nouvelle-Calédonie possède la deuxième plus longue barrière récifale du monde, avec 1 600 km de long et une superficie de plus de 23 000 de km 2 . Cette zone abrite 20 % de la biodiversité mondiale et la concentration la plus diverse au monde de structures récifales, encore plus que sur le récif de la grande barrière australienne. On compte par exemple plus de 9 000 espèces marines. À titre de comparaison, il y a plus d'espèces marines sur une bande de 20 fois 10 kilomètres d'un lagon de Nouvelle-Calédonie qu'il n'y en a sur l'ensemble de la Méditerranée !

Nous avons eu l'occasion de faire une visite avec deux chercheurs spécialisés de l'Institut de recherche pour le développement, à proximité du fameux parc de la rivière bleue, dans la province Sud. Nous avons également pu échanger avec la directrice du Conservatoire des espaces naturels et nous avons eu la chance de visiter un navire de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, qui était sur place, juste avant son départ en mission pour plusieurs mois. Si la préservation de la biodiversité marine est essentielle, l'urgence à court terme c'est la préservation de la biodiversité terrestre face aux pollutions en tout genre, aux incendies, à l'artificialisation des sols et aux changements climatiques. Les plantations d'espèces de forêt sèche, la maitrise foncière et la planification constituent des réponses mais il faut aussi améliorer la prévention des risques industriels et naturels.

Je rappelle simplement que depuis 2002, la planète perd entre 3 et 6 millions d'hectares de forêt tropicale primaire. En 2030, les forêts primaires auront disparu au Paraguay, au Laos et en Guinée équatoriale. En 2040, elles auront disparu en Centrafrique, au Nicaragua, en Birmanie, au Cambodge et en Angola.

Les conséquences de ces changements sont déjà perceptibles en Nouvelle-Calédonie, ce qui est très préoccupant. Les températures ont augmenté de plus d'un degré au cours des dernières décennies. La montée des eaux s'accélère, avec un recul du trait de côte de deux à trois mètres depuis les années 2000 selon l'Observatoire du littoral de Nouvelle-Calédonie, la fréquence des cyclones devrait continuer à augmenter, de même que l'occurrence de phénomènes climatiques extrêmes. Les espèces à la fois terrestres et marines sont menacées durablement.

Dans ce contexte peu réjouissant, la Nouvelle-Calédonie a toutefois pris des actions importantes, qui se sont traduites par des succès incontestables : ainsi les lagons de Nouvelle-Calédonie ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2008, démontrant le succès de l'initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) active depuis 1999. De même, les lacs du Grand Sud, qui s'étendent sur 44 000 hectares et abritent une grande variété de zones humides terrestres ainsi que des espèces exceptionnelles, ont été classés à la Convention de Ramsar chère à notre collègue Jérôme Bignon.

On ne peut que s'en réjouir : il y a une vraie prise de conscience et une vraie détermination des autorités locales, et côté État, sur la question écologique en Nouvelle-Calédonie. Le congrès a adopté un schéma pour la transition énergétique en 2016, qui constitue la contribution du territoire à la COP 21 et à l'accord de Paris. La province Sud a adopté un schéma comparable en 2017 et la province Nord s'est récemment dotée d'un plan climat-énergie.

Il faut également saluer l'adoption par les trois provinces de leurs codes de l'environnement, qui permettent de créer un corpus unifié dédié à la préservation des espèces de chaque territoire pour embrasser la diversité des problématiques et des contextes. À titre d'illustration, le code de l'environnement de la Province des îles Loyauté prend en compte le droit coutumier de façon importante et a conféré une personnalité juridique à la nature.

L'enjeu aujourd'hui est d'assurer une conciliation équilibrée entre la protection de la biodiversité, sa valorisation dans le cadre de nouvelles chaînes de valeur et le développement du territoire via le tourisme.

S'agissant de la protection de la biodiversité, nous l'avons vu, les actions sont nombreuses et la question se pose davantage du côté du réalisme de ces initiatives, qui supposent de développer des moyens de contrôle et de sanction appropriés.

Concernant la valorisation de la biodiversité, le président du gouvernement, Thierry Santa, est très engagé et a évoqué cette question dans son discours de politique générale du 22 août dernier, en la présentant comme un outil de croissance et de cohésion, avec l'objectif d'assurer un partage équitable des avantages tirés de cette valorisation, en cohérence avec les engagements de la France dans le cadre du protocole de Nagoya. L'Institut de recherche pour le développement (IRD), établissement sous la tutelle des ministères chargés de la recherche et de la coopération, dispose par ailleurs d'un incubateur d'entreprises innovantes et d'équipements scientifiques indispensables. Les applications sont potentiellement nombreuses et le bio-mimétisme, qui permet des innovations à partir des formes, matières et propriétés des espèces vivantes avec des applications industrielles, de même que les biotechnologies sont des opportunités à ne pas manquer.

Le développement du tourisme vert doit être soutenu plus fortement. L'ONU avait d'ailleurs décidé que 2017 serait l'année internationale du tourisme durable. La biodiversité et sa préservation permettrait à la Nouvelle-Calédonie de développer son image de marque. Sur ce sujet, il convient de distinguer d'une part les touristes « classiques » venant par avion, environ 120 000 par an, en provenance de France métropolitaine, d'Australie, de Nouvelle-Zélande, du Japon et des États-Unis et, d'autre part, les croisiéristes. Ces derniers représentent environ 500 000 touristes supplémentaires chaque année. La taille des navires augmentent, dépassant aujourd'hui les 300 mètres, de même que le nombre de passagers accueillis à bord, qui varie de 1 200 à 3 000 en fonction des navires, sans tenir compte des équipages, environ 1 000 hommes et femmes pour chaque navire. Il y a quatre escales principales en Nouvelle-Calédonie : Nouméa, Lifou, île des Pins et Maré. Les professionnels estiment que la dépense moyenne par croisiériste à terre avoisine les 6 000 francs pacifiques soit environ 50 euros, ce qui paraît faible. Le secteur de la croisière se porte bien au niveau mondial et représente près de 130 milliards de dollars de chiffre d'affaires par an selon le Cluster Maritime.

La Nouvelle-Calédonie présente des atouts indéniables pour les paquebots de croisière avec, outre ses paysages et son climat, des infrastructures fiables, une stabilité politique et une proximité géographique avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui favorise les croisières de courte durée. Ce tourisme occasionne également des retombées économiques indéniables, au-delà des consommations des croisiéristes. L'enjeu est aujourd'hui de trouver de nouvelles pistes pour que le territoire en profite davantage sans pour autant dégrader l'environnement. Des solutions de ravitaillement en Nouvelle-Calédonie pourraient être envisagées pour soutenir la demande en produits alimentaires locaux, par exemple pour la durée de la croisière dans les eaux territoriales calédoniennes. De même, des formules avec une nuit à terre soutiendraient l'offre hôtelière locale, qui connait actuellement un taux de remplissage moyen des hôtels autour de 30 %.

Un point de vigilance s'agissant des paquebots. Des travaux scientifiques sont en cours pour mieux évaluer les atteintes aux fonds marins et à la biodiversité occasionnées par les paquebots de croisière et certaines zones sont particulièrement exposées. Des plans de gestion doivent être adoptés rapidement, avec des panneaux d'information du public, des balisages, des bouées de non-franchissement, c'est une nécessité. Il n'y a pas encore de problème d'hyper-fréquentation mais la vigilance s'impose compte tenu de l'état remarquable de la biodiversité calédonienne.

En conclusion, je souhaiterais insister sur la nécessité pour l'État d'associer étroitement la Nouvelle-Calédonie à sa politique en matière de développement durable et aux négociations concernant les accords internationaux de la France car le territoire a des caractéristiques particulières à prendre en compte, des sujets à mettre en avant et des solutions à proposer. D'ailleurs le prochain Forum des îles du Pacifique est prévu en 2020, au Vanuatu, et sera l'occasion pour la Nouvelle-Calédonie d'aborder ces sujets avec les autres États de la région mais il faut également un lien renforcé avec la métropole. À cet égard, la tenue du congrès mondial de la nature, dans le cadre de l'Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille du 11 au 19 juin 2020, doit permettre au territoire de valoriser ses atouts et j'espère que nos magnifiques territoires d'outre-mer y auront toute leur place.

M. Hervé Maurey , président . - Je traiterai brièvement la question des mines de nickel et des énergies renouvelables, en l'absence de notre collègue Michel Dagbert.

Le nickel est un secteur majeur pour l'économie calédonienne. En 2017, la valeur de la production métallurgique était de 1,1 milliard d'euros contre environ 700 millions d'euros dix ans auparavant. Le nickel c'est un emploi sur cinq en Nouvelle-Calédonie et 90 % des exportations de l'archipel. La consommation d'électricité des sites miniers et des industries métallurgiques représente entre deux tiers et trois quarts de la consommation finale sur l'archipel.

Le nickel est aussi un enjeu politique et la création d'une seconde usine rattachée à la province Nord a été déterminante dans l'apaisement des tensions communautaires. Pendant longtemps, l'exploitation minière a été dominée par une seule entreprise, la SLN pour « Société Le Nickel », implantée à proximité de Nouméa dans la province Sud et rattachée au groupe Eramet. À partir de 1996 et dans un objectif d'apaisement des tensions, une seconde usine a été créée dans le Nord de l'île. C'était un préalable aux discussions sur l'avenir du territoire. Les accords de Bercy, signés en février 1998, ont permis de concrétiser ce projet et de conclure l'accord de Nouméa, en mai 1998. C'est cette usine, Koniambo Nickel SAS, exploitée en partenariat entre la province Nord et Glencore, que nous avons pu visiter lors de notre déplacement.

Si le nickel est un facteur de puissance, la dépendance de l'archipel à cette activité représente aussi une fragilité dans le contexte de la mondialisation du fait de la volatilité des cours. L'effondrement du cours du nickel, divisé par deux entre 2011 et 2016, et l'émergence de producteurs à plus faibles coûts de production (Indonésie, Philippines, Brésil), accroissent la pression sur la production locale. Après un nouveau décrochage du cours de 30 % sur 6 mois à partir de juin 2018, une nouvelle dynamique haussière s'est enclenchée. À plus long terme et sous toute réserve, les perspectives de cours demeurent favorables, avec la croissance anticipée du secteur des véhicules électriques et d'autres applications industrielles comme les appareils ménagers, la chimie ou le bâtiment.

Le dynamisme de la filière du nickel voile cependant les externalités environnementales négatives qu'il occasionne et qui ont pu être sous-estimées. La Nouvelle-Calédonie émet autant de CO 2 par habitant que l'Australie et deux fois plus que la Nouvelle-Zélande, du fait de ces industries. Par ailleurs, les scories, éléments sans intérêt pour l'industrie, ont longtemps été placées aux abords des sites d'exploitation, sans précaution particulière, entraînant une contamination de l'eau.

Au-delà, les acteurs locaux travaillent également pour anticiper « l'après-nickel », dans une perspective environnementale, avec par exemple des solutions de revégétalisation des sites miniers et dans une perspective économique, avec le développement de nouveaux secteurs d'activité.

J'en viens maintenant aux énergies renouvelables. La production calédonienne est à 80 % d'origine thermique mais les ENR se développent ces dernières années, en particulier le photovoltaïque, grâce aux progrès réalisés en matière de stockage d'énergie. L'Ademe intervient sur ce volet depuis 1981, avec les provinces et l'Agence calédonienne de l'énergie (ACE). L'enjeu aujourd'hui pour l'archipel est donc d'une part, de maîtriser sa consommation énergétique et, d'autre part, de poursuivre le développement des énergies renouvelables fonctionnant avec le soleil, le vent et l'eau. La géothermie ne paraît pas à ce stade, selon nos interlocuteurs, comme une piste à développer.

Nous avons visité deux centrales solaires avec des dispositifs de stockage d'énergies : la centrale photovoltaïque Enercal de la province Sud, troisième plus grande centrale de l'archipel, avec 33 000 panneaux et 1 200 modules de batterie qui pourront produire l'équivalent de la consommation moyenne de près de 5 000 foyers calédoniens et éviter l'émission de 12 300 tonnes de CO 2 par an. Et la centrale photovoltaïque Alizé Énergie Engie de Lifou. Cette centrale est d'une importance particulière car la province des îles Loyauté est fortement dépendante de la Grande Terre pour son approvisionnement en électricité.

Une perspective positive en conclusion : les autorités calédoniennes et les entreprises du secteur nous ont indiqué que l'objectif de 100 % d'énergies renouvelables pour la distribution publique d'électricité, qui représente entre un quart et un tiers de la consommation locale, sera atteint avant l'échéance de 2030 fixé dans le schéma de transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, ce dont on peut se réjouir.

M. Pierre Médevielle . - J'évoquerai pour ma part les sujets liés à la pêche et à l'agriculture, sous l'angle du développement durable.

La très grande majorité de la population calédonienne vit en bord de mer et possède une embarcation. Par rapport à la viande, notamment bovine, dont les prix sont très élevés, la pêche est l'une des principales sources de protéines pour la population. La pêche de loisirs se concentre plutôt autour de Nouméa et la pêche professionnelle, hauturière, s'effectue davantage dans le nord de l'île principale.

La ressource halieutique n'est pas menacée dans le lagon mais la situation est différente au-delà de la barrière de corail, car la Nouvelle-Calédonie est exposée à des comportements agressifs de la part de pêcheurs venus de pays étrangers. Elle est perçue comme un paradis avec des stocks de thon blanc et jaune en bon état et de bonite également. Toutefois, ce ne sont pas les seules espèces faisant l'objet de ces pratiques : entre juin 2016 et décembre 2017, près de vingt navires étrangers, la plupart vietnamiens - les « blue boat s » - ont été interceptés en situation de pêche illégale des « holothuries » également appelés « concombres de mer ». Une fois rentrés, les équipages peuvent vendre ces produits jusqu'à 1 000 euros le kilo sur les marchés asiatiques ! Les navires sont démantelés sur place, les équipages renvoyés dans leurs pays d'origine, les capitaines condamnés devant les tribunaux et les produits de leur pêche sont vendus localement. Nous sommes confrontés à la difficulté de surveiller la zone économique exclusive liée au territoire calédonien, comme le disait Michel Vaspart. On paraît impuissant face à ces phénomènes.

La commission européenne a été sensibilisée sur le sujet et je rappelle qu'environ 60 % de la consommation européenne de thons provient de la région pacifique. La commission a entrepris des actions diplomatiques à l'égard de certains pays asiatiques comme le Vietnam auquel elle a adressé un « carton jaune ». Depuis 2012, l'Union européenne a lancé vingt-cinq « cartons jaunes » dans le secteur de la pêche. Dix-sept d'entre eux ont été soldés : dans onze cas, ils ont été transformés en « cartons verts » et dans six cas en « carton rouge ».

Le changement climatique menace aussi ces ressources et une migration de plusieurs espèces vers le Pacifique occidental et oriental est à prévoir avec l'augmentation des températures.

L'Agence de développement de la Nouvelle-Calédonie (ADECAL) intervient pour accompagner la structuration de la filière de la pêche. Des plateformes d'expérimentation sur les cultures aquacoles ont été mises en place au service des PME calédonienne, en particulier sur la filière crevette, sur la filière piscicole et sur la production de microalgues.

Concernant l'agriculture, nous avons pu constater un fort potentiel que ce soit en matière de production et en matière de transition écologique. Ce potentiel demeure toutefois insuffisamment exploité à l'heure actuelle. Le gouvernement local est chargé de la protection phyto et zoo-sanitaire et du développement agricole avec l'Agence rurale et d'autres établissements publics. La métropole intervient à travers l'Agence de développement rural et d'aménagement agricole (ADRAF) pour assurer la médiation dans les conflits liés au foncier, sujet très sensible. La recherche et l'innovation, notamment en matière génétique, sont portées par l'Institut agronomique calédonien, l'ADECAL, les chambres d'agriculture et l'association interprovinciale de gestion des centres agricoles. Les provinces agissent au titre de leur compétence générale.

L'agriculture est de nature occidentale dans ses grandes filières de productions, avec un secteur marchand bien organisé, mais elle est aussi vivrière et coutumière à part quasi-égales, avec des cultures traditionnelles sur des tubercules comme le taro ou l'igname, qui sont souvent autoconsommés. La production agricole calédonienne commercialisée en 2018 est estimée à environ 106 millions d'euros, en hausse de 5 % par rapport à 2017. La production animale s'articule principalement autour des filières bovine, avicole et porcine. Nous avons pu visiter des élevages en province Sud et constater le grand savoir-faire des calédoniens. Des croisements sont réalisés avec différentes espèces adaptées au climat et les échanges avec l'Inde, la Nouvelle-Zélande et l'Australie sont bien établis. La production végétale est centrée sur les fruits et légumes, loin devant les céréales, la vanille, le café et le santal par exemple. La production de bois de santal est située dans les îles et fait l'objet d'une gestion durable et coutumière très encadrée. Les exportations d'huiles essentielles de santal ont représenté près de 9 tonnes en 2018. Nous avons eu l'occasion de voir une exploitation de bois de santal sur l'île des Pins.

À Nouméa en mai 2018, le Président de la République a insisté sur l'enjeu de la souveraineté alimentaire pour l'archipel. À l'heure actuelle, la Nouvelle-Calédonie importe 40 000 tonnes de céréales chaque année, soit 90 % de ses besoins, alors que la filière animale est pourvue autour de 70 % localement et celle des fruits et légumes frais à 80 %. La seule céréale produite significativement et localement est le maïs, avec près de 10 000 tonnes par an. L'objectif est de disposer d'une production locale de 13 000 tonnes de maïs, 7 500 tonnes de blé et 3 000 tonnes de riz en 2025. Le discours politique, en particulier en province Sud, table sur une autosuffisance de 30 % en 2025. Le potentiel local est grand.

Nous avons également pu entrevoir certains projets très porteurs pour la durabilité du modèle agricole calédonien comme les unités de méthanisation mais surtout les alternatives aux produits phytosanitaires pour l'entretien des cultures et des unités de biocontrôle. Nous avons pu visiter une Biofabrique, à Port-Laguerre. Cette installation fournit aux producteurs de fruits et légumes des « insectes auxiliaires » pour les aider à combattre les ravageurs en évitant le recours aux pesticides. L'installation produit des coccinelles et le développement de charançons est également étudié, pour lutter contre la prolifération de jacinthes d'eau.

Les conditions pour le développement d'une agriculture durable et productive sont présentes mais des investissements et une meilleure maîtrise du foncier disponible sont nécessaires pour développer les nombreux projets et potentialités du territoire. Il y a également une forte prise de conscience concernant la gestion de l'eau.

À titre personnel, je pense que les référendums sur l'autodétermination bloquent aussi les investissements, qui sont peu dynamiques en 2019 dans l'archipel et il faudrait arriver au terme de ce processus.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Quel est le tarif applicable à l'électricité et a-t-on estimé le montant de la contribution au service public de l'énergie ? Quel est l'horizon de l'autonomie en énergies renouvelables ?

M. Hervé Maurey , président . - Le 100 % énergies renouvelables devrait être atteint avant 2030 mais uniquement pour la distribution publique, qui représente environ 30 % de la consommation totale d'électricité.

Les tarifs réglementés de vente de l'énergie électrique sont déterminés par le gouvernement et le Congrès. Ils sont ensuite publiés au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie. Les prix sont plus élevés qu'en métropole.

L'application de la contribution au service public de l'électricité est un sujet que nous n'avons pas étudié précisément mais il se heurte à la répartition des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie puisque le territoire est compétent en matière d'énergie.

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