III. LA PRODUCTION BIO REPOSE SUR UN MODÈLE ÉCONOMIQUE SUR LE FIL DU RASOIR

Handicapée par des rendements nettement inférieurs que ceux de l'agriculture conventionnelle, l'agriculture biologique, à ce jour, ne semble pourtant pas présenter, pour les agriculteurs, une situation économique globale plus défavorable que l'agriculture conventionnelle.

L'agriculture biologique est d'ailleurs souvent présentée comme une sorte de « valeur-refuge » dans les situations de baisse des prix agricoles sur les marchés de l'agriculture conventionnelle.

Trois facteurs se conjuguent pour qu'il en soit ainsi : des consommations intermédiaires inférieures (même si le contenu en emploi de l' agriculture biologique est plus fort), un différentiel de prix à la faveur de l'agriculture biologique , et des subventions spécifiques .

Ainsi, pour les exploitants agricoles, la soutenabilité économique de l'agriculture biologique dépend d'un consentement à payer supérieur à celui sollicité par l'agriculture conventionnelle, que ce soit en termes de prix ou, plus implicitement, d'impôts.

Dans ce cocktail, le rôle des prix semble largement prédominant au vu des (trop rares) données disponibles sur les équilibres technicoéconomiques des exploitations passées au bio.

Ainsi, de façon assez paradoxale et peu habituelle, ce sont, en l'état, les variables de marché qui viabilisent un projet agricole qui vise à développer des biens et services jusqu'alors peu valorisés par le fonctionnement des marchés dont ils dépendent.

En bref, l'internalisation des externalités positives de l'agriculture biologique repose à ce jour sur des modifications des courbes de demande et d'offre des consommateurs et des producteurs de la chaîne agricole.

La viabilité économique de l'agriculture biologique pour les exploitations engagées dans ce mode de production repose essentiellement sur des conditions particulières de valorisation, dont il est justifié, au-delà du seul cadre des exploitations agricoles elles-mêmes, d'apprécier la cohérence avec les objectifs généraux de la politique agricole et des objectifs poursuivis dans le cadre du développement de la production biologique , mais aussi la robustesse puisqu'aussi bien la soutenabilité de la politique mise en oeuvre pour développer l'agriculture biologique en dépend étroitement.

Cet examen est crucial pour évaluer la qualité du programme Ambition Bio 2022 annoncé dans la foulée des « États généraux de l'alimentation », qui est censé structuré la politique publique mise en oeuvre en faveur du développement de l'agriculture biologique.

A. LA DYNAMIQUE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE REPOSE PRINCIPALEMENT D'UN POINT DE VUE ÉCONOMIQUE, SUR LE CONSENTEMENT À PAYER DES CONSOMMATEURS...

La forte augmentation des exploitations agricoles adoptant le mode de production biologique constitue a priori un paradoxe compte tenu des contraintes supérieures à celles rencontrées en agriculture conventionnelle qu'il suppose.

Elle peut correspondre à des motivations personnelles aux exploitants, qui, pour être difficilement mesurables, ne doivent pas être perdues de vue. D'un point de vue plus strictement économique, le constat qu'il est possible de faire à ce jour invite à conclure que, malgré une productivité physique généralement reconnue comme plus faible que celle de l'agriculture conventionnelle, la productivité monétaire de la ferme française bio est assez comparable, sinon supérieure , à celle de l'agriculture conventionnelle et se trouve confortée par une croissance des débouchés qui réduit l'exposition des productions bio à des aléas économiques qui frappent beaucoup plus durement l'agriculture conventionnelle.

Dans son équation économique actuelle, le bio bénéficie de prix qui rémunèrent les efforts de production des producteurs.

On pourrait s'en féliciter, mais ce serait négliger un grand nombre d'incertitudes quant à la pérennité d'un tel modèle, voire même quant à sa justification.

Il y a lieu, en effet, d'envisager que ce qui fait à ce jour la force relative du bio, le consentement à payer des consommateurs, puisse s'inscrire dans une trajectoire qui n'est pas sans limite et pourrait même ne pas être irréversible.

1. Les rendements des surfaces passées à l'agriculture biologique semblent globalement très inférieurs à ceux des surfaces en production conventionnelle

Malgré certaines inconnues, les rendements en agriculture biologique semblent nettement plus faibles qu'en agriculture conventionnelle.

Les études réalisées sur ce point, à l'échelle internationale, convergent pour estimer que les rendements de l'agriculture biologique sont inférieurs pour les végétaux de l'ordre de 20 à 25 % , moyennant une distribution qui comprend des situations, fréquentes, de plus forts écarts à la baisse et, plus rares, d'écarts positifs .

Distribution des ratios de rendement entre l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle à l'échelle internationale selon deux études

Source : Ponti et al, 2012

Source : Seufert et al, 2012

Les déficits de rendement de l'agriculture biologique sont encore plus forts dans les pays disposant d'une agriculture conventionnelle très productive, comme c'est le cas dans la plupart des pays occidentaux, comme en France.

Ratios entre les rendements de l'agriculture biologique et de l'agriculture conventionnelle pour quelques productions végétales en France

Source : FranceAgriMer

Le déficit de rendement ressort comme particulièrement élevé pour le blé tendre (entre - 50 % et - 60 % selon les études), l'orge et le colza (ainsi que le maïs avec de forts écarts d'estimation cependant).

Or, la surface agricole française cultivée en céréales mobilise 11 millions d'hectares ( la moitié des terres arables ) exploités par 260 000 exploitations agricoles (plus de la moitié des unités de production).

Le graphique ci-dessous, qui récapitule les données relatives aux principales productions céréalières, illustre l'ampleur du problème que pose le déficit de rendement des grandes cultures dans la perspective d'une progression de la part de la surface agricole exploitée en mode de production biologique .

Données relatives aux principales productions céréalières en France
en 2017

Source : Passion céréales, « Des chiffres et des céréales », Edition 2018

Pour les 6,9 millions d'hectares cultivés en blé tendre et en orge, qui occupent près d'un tiers de la surface agricole utile, le passage au bio expose les exploitations à des pertes de rendement évaluées, en moyenne, à 50 %.

À supposer que ce risque se matérialise, la perte de production atteindrait 18 millions de tonnes en blé tendre et 6 millions de tonnes pour l'orge.

Sur la base d'un cours de ces deux céréales de l'ordre de 200 euros par tonne, le risque en recettes pour les producteurs peut être évalué à 3,6 milliards d'euros pour le blé tendre et à 1,2 milliard d'euros pour l'orge 34 ( * ) .

Pour les productions animales , le constat est comparable, avec une ampleur différenciée selon les espèces.

Les données relatives aux rendements de l'agriculture biologique sont toutefois tributaires de conventions qui peuvent conduire à une surestimation de l'écart des rendements entre les deux compartiments de la production agricole.

Selon certaines observations, il pourrait être, de ce point de vue, judicieux d' analyser plus finement la localisation des céréales en agriculture biologique aujourd'hui , qui pourraient en moyenne se situer dans des zones à moindre potentiel agricole , circonstance susceptible de susciter un biais de comparaison entre les performances de l'un et l'autre mode d'agriculture.

Cette observation doit cependant être relativisée dans la mesure où elle suggère un biais dans le choix du passage à l'agriculture biologique pour les cultures considérées qui serait plutôt le choix des exploitations les moins productives en agriculture conventionnelle, choix qui, alors, devient la variable à expliquer.

Deux autres nuances, probablement plus pertinentes, peuvent être mentionnées.

En bovins lait, si, en agriculture biologique, la production par hectare ressort comme inférieure de 40 % en moyenne du fait d'un chargement à l'hectare de surface fourragère plus bas de 20 % et d'un rendement laitier par vache inférieur de 20 %, il faudrait tenir compte des surfaces mobilisées pour la fourniture de concentrés, en quantités plus importantes en agriculture conventionnelle pour disposer de données totalement comparables.

Par ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles l'agriculture biologique extériorise des rendements plus faibles par type de produit réside dans des rotations de cultures plus longues qui offrent une place importante aux légumineuses (fourragères en particulier) dont la production n'est généralement pas prise en compte dans les comparaisons réalisées. Certaines études suggèrent que si ces productions étaient intégrées aux termes des comparaisons de rendements productifs alors l'agriculture biologique pourrait se rapprocher de l'agriculture conventionnelle sous l'angle des rendements avec un déficit réduit de 20 % à 8 à 9 %.

Surtout, au-delà de ces nuances, qui portent sur l'estimation des seuls rendements physiques des surfaces, il faut tenir compte des caractéristiques de la fonction de production biologique et des conditions de valorisation des productions.

Sous cet angle, les constats appellent des appréciations nécessairement fortement nuancées.

2. Des revenus beaucoup plus comparables en raison de conditions particulières reposant largement sur un consentement à payer supérieur

Les études consacrées à l'économie des exploitations en agriculture biologique font apparaître que les exploitations concernées ne subissent pas les handicaps prévisibles au vu de leurs seuls rendements physiques.

Elles indiquent, au contraire, que, pour être variable en fonction d'une série de paramètres, la rentabilité des exploitations en agriculture biologique est supérieure à celle de leurs homologues de l'agriculture conventionnelle.

Ces constats conduisent à mettre en évidence la contribution aux résultats économiques des exploitations en bio des économies réalisées sur les consommations intermédiaires d'intrants mais, surtout, d'un consentement à payer des consommateurs supérieur à celui qui prévaut dans le domaine des produits plus conventionnels.

a) Les économies réalisées sur les intrants réduisent, sans l'annuler, l'impact du déficit en rendement sur les revenus des exploitations

L'agriculture biologique suppose d'appliquer un cahier des charges économisant un certain nombre d'intrants qui, s'ils permettent d'améliorer les rendements physiques, entraînent des coûts venant réduire le revenu net des exploitations agricoles.

Par exemple, les engrais et produits phytopharmaceutiques représentent 44 000 euros par ferme en grandes cultures, soit 141 % du résultat courant avant impôts en moyenne sur les cinq dernières années.

Le tableau ci-dessous indique que les consommations intermédiaires associées aux engrais et amendements et aux pesticides, deux postes que les modes de production biologique permettent d'alléger très largement, ont réduit de 6,6 milliards d'euros en 2017 les revenus de la branche agricole dans son ensemble.

Les consommations intermédiaires de la branche agricole en 2017

* Y compris les services bancaires non facturés ou services d'intermédiation financière indirectement mesurés (Sifim).

** Aliments pour animaux achetés aux industries agroalimentaires (aliments composés, tourteaux, pulpes de betterave...), hors produits agricoles intraconsommés, tels les fourrages.

Source : Insee, comptes provisoires de l'agriculture, données arrêtées en mai 2018

b) Les surprix apportent une contribution primordiale à l'économie du bio

La connaissance et le suivi des prix des produits de l'agriculture biologique sont encore très insuffisants, déficit d'information d'autant plus préoccupant que les prix jouent un rôle majeur dans l'économie actuelle du bio, que vos rapporteurs spéciaux recommandent de combler au plus vite par la constitution d'un indice des prix spécifique aux produits issus de l'agriculture biologique, et plus largement, par le suivi attentif des prix des différents productions sous label bio.

Cependant, les études disponibles convergent pour révéler le rôle primordial des surprix payés par les consommateurs des produits bio.

Ainsi, une évaluation réalisée par FranceAgriMer fait apparaître des prix de certains produits nettement supérieurs lorsqu'ils proviennent de l'agriculture biologique.

Les effets des déficits de rendement sur les revenus des exploitations passées au bio sont ainsi largement compensés par des surprix, dont l'ampleur, et, par conséquent la portée sur le rattrapage des revenus, varie toutefois selon le produit considéré.

Écarts de prix pour certaines productions agricoles entre l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle

Agriculture biologique

Agriculture conventionnelle

Écart

Campagne 2015-2016 (euros/t)

Blé tendre

373

142

+ 163 %

Maïs

284

137

+ 107 %

Tournesol

474

355

+ 33 %

Lait en €/l en 2017

0.5

Entre 0.32 et 0.34

+ 47 %

Évaluation RNM (FAM) cité par UFC (*/kg)

Carotte

1.24

0.38

+ 226 %

Fraise

6.24

10.43

+ 67 %

Salade

2.92

2.16

+ 35 %

Source : FranceAgriMer

De son côté, une étude publiée par l'INSEE 35 ( * ) relève qu'en 2013, les exploitations en agriculture biologique spécialisées en viticulture, en maraîchage ou dans la production de lait de vache ont enregistré une meilleure rentabilité par unité physique de production et par capitaux engagés.

Les facteurs de surperformance de l'agriculture biologique diffèrent selon la spécialisation considérée, mais le rôle des surprix des productions biologiques ressort comme fondamental.

En ce qui concerne la viticulture , l'écart de prix joue le rôle principal en permettant de dégager un chiffre d'affaires par hectare supérieur de 5 000 euros en bio. En revanche, de façon inhabituelle, les consommations intermédiaires jouent négativement, de sorte que l'écart entre la valeur de la production en bio et en agriculture conventionnelle se trouve réduit au stade de la valeur ajoutée. La part des salaires dans la valeur ajoutée en bio est également supérieure à celle observée en agriculture conventionnelle, réduisant encore un peu la différence de performance économique au niveau de l'excédent brut d'exploitation.

L'excédent brut d'exploitation par hectare n'en reste pas moins plus élevé de 2 700 euros en bio (6 400 euros contre 3 700 euros en agriculture conventionnelle), soit un résultat supérieur de près de 74 %.

Données économiques comparatives entre la viticulture biologique
et la viticulture conventionnelle

Source : INSEE Références, 2017

Les régions viticoles ne sont toutefois pas toutes dans la même situation. C'est en Alsace que l'écart de performance est le plus élevé tandis que, dans le Bordelais, il est très faible.

Excédent brut d'exploitation par hectare en viticulture bio et conventionnelle
par région viticole

Source : INSEE Références, 2017

Les différences entre les régions viticoles ne sont pas explicitées par l'étude de l'INSEE. Cependant, les spécificités régionales ressortent comme très discriminantes, en particulier pour le Bordelais pour lequel les résultats à l'hectare sont parmi les plus faibles pour les vins conventionnels, situation que le passage au bio ne paraît guère modifier. Ceci révèle des difficultés spécifiques pour valoriser les conversions en bio dans un contexte où les consommations intermédiaires nécessaires à la production sont peut-être également en cause, en raison notamment des caractéristiques climatiques de la région.

En ce qui concerne les productions maraîchères , le supplément d'excédent brut d'exploitation par hectare en bio se constate également mais moins nettement (+ 800 euros et + 32 %).

En outre, les ressorts de cette surperformance diffèrent de ceux relevés plus haut. La production par hectare est inférieure en bio (- 1 600 euros, soit - 12,8 %) malgré des prix d'expédition très supérieurs pour la quasi-totalité des produits , les rendements pesant sur le chiffre d'affaires des producteurs. En revanche, les producteurs en bio supportent de moindres coûts des consommations intermédiaires (- 1 800 euros) si bien qu'au total, la valeur ajoutée est supérieure en bio. Cette situation se prolonge au niveau de l'excédent brut d'exploitation par hectare de maraîchage, qui est supérieur de l'ordre de 800 euros (en comptant les subventions d'exploitation), soit + 32 %.

Données économiques comparatives entre le maraîchage biologique
et conventionnel

Source : INSEE Références, 2017

L'étude ne fait pas apparaître de surcoûts du travail en bio, ce qui constitue une surprise dans la mesure où l'un des obstacles au développement du bio en maraîchage est la charge particulière de travail que suppose ce mode de culture. Sur ce point, il convient de souligner que l'étude ne compare pas le maraîchage conventionnel avec le maraîchage bio, mais la composante du maraîchage conventionnel réalisé en plein air, qui nécessite une main d'oeuvre plus nombreuse. Il convient de se rappeler que le maraîchage conventionnel est majoritairement un maraîchage sous serres (52 %) de sorte qu'une comparaison plus significative donnerait sans doute des résultats moins favorables au bio, les productions maraîchères sous serres étant nettement plus productives par unité de travail que les productions de plein champ.

En outre, force est de souligner que les résultats des unités de maraîchage sont très disparates, en bio comme en conventionnel (les différences accusées en conventionnel tenant d'ailleurs sans doute à la coexistence de productions de plein air et de productions sous serres).

On relève que le maraîchage conventionnel le plus performant dégage nettement plus d'excédent brut d'exploitation que son homologue en bio (un peu plus de 1 000 euros de plus par hectare).

Dispersion de l'excédent brut d'exploitation par hectare en maraîchage bio
et conventionnel

Source : INSEE Références, 2017

Les facteurs des écarts de revenu net d'exploitation succinctement envisagés dans l'étude de l'INSEE, qui évoque « la diversité des légumes produits et de la localisation des productions » mériteraient, au-delà du constat complémentaire d'une très grande diversité des prix de vente au kilo des différents légumes, une analyse approfondie dans la mesure où la capacité d'une unité de production de dégager suffisamment de revenu est un critère évident de viabilité des entreprises agricoles, mais aussi pour résoudre un problème d'adéquation entre les instruments de soutien au bio, marqués par une faible modulation, et la réalité d'une forte diversité économique des entrepreneurs du bio.

Enfin, en ce qui concerne la production biologique de lait de vache , si en 2013 le surprix du lait bio (18 %) par rapport au lait ordinaire ne permettait pas de compenser le déficit de rendement par vache (inférieur en bio de 20 % à 25 %), les économies réalisées sur les consommations intermédiaires avaient, de leur côté, permis de combler le déficit de revenu (- 10 % par vache soit - 3 400 euros en moyenne) au niveau de la valeur ajoutée. Cette dernière se trouvait supérieure en bio, de l'ordre de 150 euros.

Données économiques comparatives entre la production laitière biologique
et conventionnelle

Source : INSEE Références, 2017

Les subventions d'exploitation supérieures en bio ajoutaient à ce supplément de revenu de sorte que l'excédent brut d'exploitation (plus élevé que la valeur ajoutée dans les deux modes de production) dégageait in fine un avantage plus important pour le bio, l'excédent brut d'exploitation par vache élevée en bio étant alors supérieur de 20 % à celle d'une vache élevée en mode conventionnel.

Ces résultats sont compatibles avec une dispersion certaine de l'excédent brut d'exploitation par vache laitière tant en bio qu'en agriculture conventionnelle.

Dispersion de l'excédent brut d'exploitation par vache en production laitière bio et conventionnelle

Source : INSEE Références, 2017

C'est pour les entreprises appartenant aux quantiles les plus élevés sous l'angle de l'excédent brut par vache que la surperformance de la production laitière en bio se vérifie le plus.

Données économiques pour les exploitations laitières

Source : Jérôme Pavie, Institut de l'élevage, « Contributions environnementales et durabilité socioéconomique des systèmes bovins biologiques », résultats du projet CasDar CedaBIO, septembre 2013

Données économiques pour les exploitations de viande bovine

Source : Jérôme Pavie, Institut de l'élevage, « Contributions environnementales et durabilité socioéconomique des systèmes bovins biologiques », résultats du projet CasDar CedaBIO, septembre 2013

Une étude récente d'UFC-Que Choisir ?, confirme l'existence de surprix plus ou moins importants dans le domaine des fruits et légumes.

Les prix à l'expédition des produits bio observés sont supérieurs aux prix des produits de l'agriculture conventionnelle dans des proportions variables allant de près de 20 % à un peu moins de quatre fois, avec une moyenne de 111 % de plus.

Écarts entre les prix à l'expédition de fruits et légumes en bio
et en agriculture conventionnelle

Produits

En euro/ kg

En %

Pêche

2,15

138

Nectarine

2,04

123

Poireau

0,98

94

Pomme

0,94

106

Abricot

1,58

89

Courgette

1,12

151

Carotte

0,86

226

Tomate

0,81

52

Concombre

2,17

128

Pomme de terre

0,71

118

Prune

0,97

44

Oignon

1,01

273

Melon

1,29

121

Salade

0,76

35

Ail

1,73

51

Chou-fleur

0,86

226

Source : commission des finances du sénat à partir des données de l'étude d'UFC-Que choisir ?

Les surprix des produits bio au sortir des unités de production primaire vont, par kilogramme, de 76 centimes (pour les salades) à 2,17 euros pour les concombres.

Exprimés en %, les surprix suivent une hiérarchie un peu différente de celle qui se dessine à partir de la considération des valeurs nominales. Les surprix en % vont de 35 % pour les salades à 273 % pour les oignons (226 % pour les choux fleurs et les carottes).

On peut encore illustrer le rôle des surprix des productions biologiques par les freins que représentent pour leur développement en bio les difficultés de valorisation de certaines productions animales .

L'exemple des porcs est, à cet égard, emblématique du fait des difficultés de segmentation des achats de viande et des perspectives très inégales de valorisation de la production correspondante auprès des consommateurs 36 ( * ) .

c) Des surprix justifiés par la théorie économique

L'analyse économique fournit quelques outils pour apprécier la coexistence de prix différents relativement à des quantités de produits paraissant combler un même besoin.

La théorie des prix hédoniques , qui lie le consentement à payer avec la perception d'une différenciation qualitative des produits et fait d'un prix supérieur non plus un repoussoir, mais, au contraire, un attracteur pour la demande, paraît pouvoir trouver avec l'agriculture biologique une application pertinente.

Elle suppose que la demande ne soit pas linéairement élastique aux prix des produits, ici les produits alimentaires. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que les produits offerts à la demande ne soient pas jugés pleinement substituables.

Dans ces conditions, un producteur efficient au regard des conditions théoriques du marché 37 ( * ) , en l'espèce, l'agriculture conventionnelle, ne peut plus faire pleinement valoir son avantage comparatif , à travers sa compétitivité-prix, pour défendre ses parts de marché.

Ces dernières sont menacées par la compétitivité hors-prix de concurrents moins efficients sous l'angle de leurs fonctions de productions mais capables de faire valoir la singularité de leurs produits .

Les éventuelles barrières à l'entrée sur son marché opposables par l'agriculture conventionnelle ont ainsi perdu de leur efficacité du fait d'une scission du marché des produits agricoles (essentiellement les produits alimentaires, mais également, dans des conditions plus précaires- voir infra- certains produits agricoles non destinés à la consommation alimentaire).

Les ressorts de cette scission doivent être pleinement analysés comme le résultat d'une politique publique dont c'est l'objet même .

À cet égard, une étude exposée par le centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation confirme que l'agriculture biologique bénéficie d'une prime.

Les responsables marketing et les dirigeants interrogés par les auteurs affectent à chacune des modalités que prennent les projets agro-écologiques une prime différente en termes de prix de vente avec une distribution qui fait ressortir l'avantage comparatif de l'agriculture biologique sous cet angle.

Hiérarchie des primes de prix selon différents segments de l'agro-écologie

Source : Analyse n° 121 du Centre d'études et de prospective du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


* 34 Cette estimation ne doit pas être considérée autrement que comme une illustration d'une contrainte limitant a priori le développement de l'agriculture biologique. Elle repose sur de fortes simplifications dans la mesure où une baisse de la production de l'ampleur imaginée ne serait pas sans effet sur les cours des produits considérés. Cependant, ces effets étant difficiles à anticipe, ainsi que l'impact en retour sur la demande adressée aux producteurs nationaux, l'impact de la baisse des rendements sur les producteurs et les consommateurs ne peut être décrit avec précision.

* 35 Marie-Sophie Dedieu, Alice Lorge, Olivier Louveau, Vincent Marcus, »Les exploitations en agriculture biologique : quelles performances économiques ? », INSEE Références, édition 2017

* 36 La mise à disposition de viande porcine suppose, contrairement à ce qui se produit pour d'autres viandes, l'achat de la totalité de l'animal avec des prix de vente au kilo très supérieurs en bio à ce qu'ils sont dans l'agriculture conventionnelle - 3,2 euros par kilo contre 1,3 euro par kilo par exemple-. Or, le potentiel de valorisation des produits issus de ces achats est caractérisé par de très fortes hétérogénéités, qui altèrent la viabilité économique de la production et de la distribution de procs bio.

* 37 C'est-à-dire celui dont les coûts unitaires de production sont les plus bas.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page