C. DURCIR LES CONDITIONS D'ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE EN GUYANE

À plus long terme, réduire l'immigration irrégulière en Guyane nécessite de restreindre les conditions d'acquisition de la nationalité française sur ce territoire .

L'accès à la nationalité constitue en effet l'une des principales motivations de mères étrangères venant mettre au monde leur enfant en France 58 ( * ) . Aux termes des articles 21-7 et 21-11 du code civil en effet, tout enfant né en France de parents étrangers peut acquérir la nationalité française, soit de plein droit à partir de ses dix-huit ans, soit sur réclamation à partir de treize ou seize ans, à condition d'avoir sa résidence en France et d'y avoir eu sa résidence habituelle pendant une période d'au moins cinq ans depuis, selon le cas, l'âge de huit ou onze ans

En 2016, pour la première fois, le nombre d'enfants nés d'une mère étrangère en Guyane était supérieur au nombre d'enfants nés d'une mère française 59 ( * ) . Cette année-là, 44% des bébés avaient des parents de nationalité française, 29 % un père français et une mère étrangère, et 27 % deux parents étrangers 60 ( * ) . Cette proportion est à mettre en relation avec le nombre de naissances sur le sol guyanais, qui s'envole depuis 2010 61 ( * ) .

Cette situation conduit à des situations parfois difficiles pour les forces de sécurité intérieure . Le chef de services de la police aux frontières de Saint-Laurent-du-Maroni a ainsi expliqué à la délégation de la commission des lois qu'il demandait désormais des kits d'accouchement pour ses agents , car ceux-ci sont souvent confrontés à des situations d'urgence lorsqu'ils interpellent des pirogues transportant des personnes sans visa vers la France.

Plusieurs acteurs rencontrés sur le territoire guyanais ont plaidé pour une adaptation des conditions d'acquisition de la nationalité française . Il a été ainsi soutenu l'extension à la Guyane du dispositif instauré à Mayotte à l'initiative du Sénat lors de l'examen en 2018 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie . Une telle modification ne semble pas poser de question d'ordre constitutionnel : le Conseil constitutionnel a admis que les circonstances rencontrées en Guyane « constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des

caractéristiques et contraintes particulières" de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière en Guyane, d'y adapter, dans une certaine mesure, les lois applicables sur l'ensemble du territoire national . » 62 ( * ) .

Le régime spécifique du droit du sol à Mayotte

Pour l'acquisition de la nationalité française, l'article 2493 du code civil impose à la personne née à Mayotte de parents étrangers de justifier en outre que l'un de ses parents résidait en France à la date de sa naissance, de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois . La loi ménage également un régime transitoire pour les enfants mineurs déjà nés et présents sur le territoire mahorais avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions.

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution 63 ( * ) et sont entrées en vigueur le 1 er mars 2019.

La commission considère que la pression migratoire exceptionnelle en Guyane justifie une adaptation similaire à celle prévue pour Mayotte. Symboliquement très forte, cette adaptation devra être discutée avec les représentants de Guyane qui l'avaient refusée en 2018 .

Proposition n° 23 :  Adapter les conditions d'acquisition de la nationalité française en Guyane en introduisant une condition de régularité du séjour des parents lors de la naissance de l'enfant sur le sol français.

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* 58 La seconde motivation principale est l'accès à un système de soins plus développé que dans les pays voisins.

* 59 INSEE Analyse , Recensement de la population en Guyane : la démographie guyanaise toujours aussi dynamique , n° 27, janvier 2018.

* 60 Les naissances de mères haïtiennes sont presque aussi nombreuses que celles de mères surinamaises. Les naissances de mères brésiliennes sont un peu en-deçà et restent stables.

* 61 Entre 2010 et 2016, le nombre de naissances a augmenté de 19,5 %.

* 62 Décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, Loi de finances pour 2019 .

* 63 Décision du Conseil constitutionnel n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie .

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