B. UN MORAL EN BERNE

Si plus de 80 % des directeurs d'école trouvent du sens et de l'intérêt dans leur travail, 60 % estiment que leurs travails ne bénéficient pas d'une reconnaissance suffisante - ils sont même près de 90 % à déclarer ne pas être satisfaits de la reconnaissance sociale de leur métier -, et 40 % jugent non motivantes les caractéristiques de leur métier. Les directeurs d'école, en première ligne dans les relations avec les partenaires de l'école, subissent ainsi de plein fouet le manque de reconnaissance sociale croissant envers l'ensemble du corps enseignant. Les conditions de rémunération participent à ce sentiment d'absence de reconnaissance.

Les rapporteurs notent qu'au moment de la réalisation de cette étude, près des deux tiers des directeurs d'école déclaraient avoir un moral moyen voire mauvais . D'ailleurs, 45 % des répondants indiquaient penser souvent à quitter leurs tâches de directeur. Ces réponses sont à mettre en relation avec deux données :

- Lors de son audition, le SNUIPP-FSU a indiqué que chaque année, après les demandes et avis de mobilité, près de 4 000 postes de directeurs sont vacants sur environ 44 000 écoles. Les petites écoles sont davantage touchées, mais phénomène nouveau, certaines écoles de grande taille, jusqu'alors encore épargnées, commencent à avoir des difficultés pour pourvoir le poste de directeur. Ces chiffres sont loin d'être négligeables : près de 9 % des écoles sont concernées ;

- L'enquête du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse de janvier 2020 montre la faible ancienneté dans cette fonction d'un certain nombre de directeurs d'école, voire même dans l'éducation nationale. En outre, 13 % des répondants indiquent ne pas avoir demandé à devenir directeur d'école.

Les propos des représentants du GDiD 9 ( * ) lors de leur audition font écho à ces deux constats : « aujourd'hui dans certaines écoles, personne n'est volontaire pour devenir directeurs d'école. Ce sont alors des jeunes professeurs d'école qui sont nommés à cette fonction. Leur faible expérience dans l'éducation nationale n'est pas sans leur poser des difficultés par rapport à des collègues plus expérimentés. En outre, de plus en plus de directeurs d'école sont désignés d'office ou « par non-choix » - c'est la condition pour obtenir un poste dans l'école qu'ils souhaitent ou sur un territoire défini » 10 ( * ) . En cas de vacance, l'IEN peut solliciter un enseignant d'une autre école, voire d'une autre circonscription pour assurer, à titre provisoire la direction. Le recrutement est plus difficile en milieu rural, au regard de l'isolement de certains territoires.

De « jeunes » directeurs d'école

Ancienneté dans l'éducation nationale

Ancienneté en tant que directeur d'école

Moins de 2 ans

1 %

11 %

De 2 à 5 ans

5 %

20 %

Source : Le métier de directrice et de directeur d'école aujourd'hui, Décembre 2019,
nombre de répondants : 29 007

Plusieurs témoignages de directeurs d'école lors de la table ronde du 26 février corroborent ce constat.

Témoignages de directeurs d'école - extraits de la table ronde du 26 février

Mélanie Guichaoua, directrice d'école à Bazoges-en-Pareds : « Je suis directrice depuis trois ans, et enseignante depuis quatre ans. Auparavant, j'étais juriste. À la sortie de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), l'IEN m'a dit que ce serait bien si je prenais une direction. Le directeur de l'ÉSPÉ a tenu le même discours. Je l'ai fait car cela me plaisait. Néanmoins, on sent bien qu'il existe un manque d'envie pour ce métier ».

Caroline Pirocchi, directrice d'école au Havre : « Avant d'être directrice [de l'école dans laquelle j'exerce actuellement] , je faisais fonction de directrice dans une autre école. Le poste de directrice n'est pas très attractif. Je le découvre. Lorsque j'étais remplaçante, l'inspecteur m'avait surtout présenté les aspects très positifs d'un poste dont personne ne voulait ».

L'ensemble de ces témoignages donne ainsi l'impression que « la hiérarchie est en position de sergent-recruteur pour continuer à trouver des professeurs qui acceptent d'occuper le métier de directeur d'école » , comme le soulignait l'un des rapporteurs à l'occasion de cette table ronde.


* 9 Groupement de Défense des idées des Directeurs d'école. Cette association a été créée il y a vingt ans afin de défendre et faire reconnaitre le métier de directeurs d'école. Dans la mesure, où les directeurs d'école ne forment pas un corps institutionnel, il n'existe pas de syndicat dédié. Les directeurs d'école sont représentés par les syndicats du premier degré.

* 10 Audition du 29 janvier 2020.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page