N° 535

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le plan de relance de la commission des affaires économiques ,

Tome V : Industrie

« Pour une relance industrielle stratégique »

Par M. Alain CHATILLON, Mme Valérie LÉTARD et M. Martial BOURQUIN*

Sénateurs

* Le mandat de M. Martial BOURQUIN a pris fin le 15 juin 2020.

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard, secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, Guylène Pantel, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, Patricia Schillinger, M. Jean-Claude Tissot.

L'ESSENTIEL

La crise soudaine, mais durable, qui a frappé la France au mois de mars dernier est un rappel à l'ordre : la désindustrialisation progressive du territoire français a fragilisé non seulement son économie, mais aussi sa souveraineté. Le plan de relance de l'État devra donc, au-delà d'un simple choc de demande, traduire une véritable réflexion stratégique sur les capacités nationales et l'avenir des filières .

I. LA CRISE EXACERBE LES DÉFIS DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE

- 24 %
d'activité industrielle au mois de mai 2020 par rapport au mois de mai 2019

L'arrêt soudain de la vie économique lié à la situation sanitaire et aux mesures de confinement s'est traduit en quelques jours par une baisse de moitié de l'activité industrielle française (- 52 % en mars selon l'INSEE). Bien que les entreprises aient désormais, dans leur ensemble, retrouvé un niveau d'activité de 80 % environ, l'avenir n'en est pas moins incertain.

- 11 % d'exportations industrielles au mois de mai 2020

D'abord, la chute vertigineuse de la production française a été bien plus marquée que celle de ses voisins européens, y compris l'Italie et l'Allemagne. Les industriels ont mené un effort important pour permettre une reprise rapide ; mais l'absence de commandes pèsera pour longtemps sur leur résultat, tandis que l'interruption des échanges fragilise leur position sur certains marchés (l'INSEE enregistre déjà - 11 % d'exportations industrielles au 1 er trimestre 2020).

Ensuite, la forte imbrication des chaînes de valeur et des écosystèmes industriels, ainsi que la dépendance des PME industrielles à un nombre réduit de grands donneurs d'ordre, peut provoquer des défaillances en cascade. L'organisation des filières peut s'en trouver durablement bouleversée.

142 milliards d'euros
d'encours de crédit par l'industrie française

30 %
des entreprises industrielles craignent pour
leur survie
à moyen terme

De plus, cette crise vient percuter de plein fouet un secteur industriel déjà confronté à de nombreux défis. Les entreprises industrielles françaises, en particulier les plus petites, restent caractérisées par une faiblesse en fonds propres qui limite leur croissance. Dans plusieurs secteurs, le niveau d'endettement n'a pas baissé depuis plusieurs années, tandis que les marges sont faibles. L'outil industriel français est aussi plus ancien que la moyenne des pays européens.

Les évolutions réglementaires et sociétales font cependant de la transition environnementale l'une des priorités de transformation de l'industrie, ce qui nécessite un effort de recherche et d'investissement considérable, soutenu sur plusieurs décennies. Les défis de l'industrie française se trouvent exacerbés par le creux de trésorerie, les perspectives d'activité réduite, et les prêts contractés lors des dernières semaines : l'INSEE prévoit ainsi une chute de près de 10 points de l'investissement des entreprises industrielles en 2020.

- 10 points
de dépenses d'investissement prévues en 2020

L'industrie française a pourtant plusieurs cartes à jouer. L'attractivité du pays pour les investisseurs s'est redressée, et le déficit de compétitivité du pays vis-à-vis des économies comparables se réduit. L'emploi industriel s'était stabilisé avec de nouvelles ouvertures de sites. Surtout, la France est une terre de recherche et d'innovation, prometteuses pour les entreprises industrielles.

19 ans
d'âge moyen de l'outil industriel français

Pour affronter les grands défis des années à venir, la France doit mettre sur pied, sans attendre, une relance d'ampleur exceptionnelle. En lien avec l'échelon européen et les collectivités territoriales, l'État doit prendre des mesures fortes pour soutenir aussi bien la demande que l'offre.

II. POUR UNE RELANCE INDUSTRIELLE STRATÉGIQUE

La relance que nous appelons de nos voeux doit donc aller plus loin que les précédentes : elle doit être empreinte d'une véritable réflexion stratégique.

Le rôle essentiel de certains secteurs durant la crise sanitaire a apporté la preuve, s'il en était besoin, que l'industrie est la fondation de l'économie et de la résilience de la Nation. C'est le cas bien sûr de la fabrication d'équipements médicaux, de principes actifs et d'équipements de protection sanitaire ; mais aussi de l'industrie agroalimentaire ou encore de la production de pièces détachées et de machines.

Au-delà d'une simple injection de financement et d'une seule relance par la consommation , susceptibles de bénéficier autant aux compétiteurs de pays tiers qu'à l'industrie française, les mesures prises par l'État devront encourager et faciliter la réimplantation d'industries stratégiques sur le sol national , prolongeant et renforçant les efforts entrepris au niveau européen pour mettre sur pied de nouvelles filières, comme celle des batteries automobiles.

Le maintien, voire le développement, d'une capacité nationale minimale de production de certains biens stratégiques ne peut être relégué au second plan d'une relance économique : il doit en être une part intégrante. Les incitations à relocalisation, objectif fréquemment évoqué depuis le mois de mars dernier, doivent s'appuyer sur deux piliers : la poursuite de l'effort d'égalisation des conditions concurrentielles de toutes les entreprises françaises - par le biais de la fiscalité bien sûr, mais aussi de la simplification réglementaire, de la politique de concurrence ou de la politique commerciale - et une politique volontariste visant à garantir la pérennité des activités industrielles les plus stratégiques .

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