II. LES MESURES RELATIVES À L'ACTION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

A. L'ADAPTATION DES DÉLAIS PRÉVUS À PEINE DE DÉCHÉANCE

> Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période

L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures est prise en application de deux habilitations de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 permettant au Gouvernement de prendre toute mesure législative pour adapter les délais 130 ( * ) , en particulier les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives et ceux qui sont prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure.

I. Dispositions générales sur la prorogation des délais et mesures administratives et juridictionnelles

Le titre I er est consacré aux dispositions générales sur la prorogation des délais.

L'ordonnance reporte, de manière générale, le terme de tous les délais prévus par la loi ou le règlement échus entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire : ils sont prorogés à compter de cette date pour la durée totale qui leur était légalement impartie, dans la limite de deux mois (article 2). Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit .

Conformément à l'habilitation conférée par le Parlement à l'article 11 131 ( * ) de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 (article 1 er ), le report de ces délais est strictement encadré dans le temps . À cet égard, le terme des délais échus avant ou fixés après la période « juridiquement protégée » n'est pas reporté.

En outre, comme le précise la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020, les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés par ce moratoire 132 ( * ) . De la même façon, le paiement des obligations contractuelles n'est pas suspendu et les échéances contractuelles doivent être respectées , seul le jeu de certaines clauses est « paralysé » par l'ordonnance (voir infra ). Cependant, « les dispositions de droit commun restent applicables le cas échéant si leurs conditions sont réunies et sous réserve de l'appréciation du juge, par exemple la suspension de la prescription pour impossibilité d'agir en application de l'article 2234 du code civil, ou encore le jeu de la force majeure en matière contractuelle prévue par l'article 1218 du code civil » 133 ( * ) .

L'ordonnance proroge également le terme de certaines mesures administratives et juridictionnelles (article 3) arrivées à échéance dans les mêmes conditions que les autres délais 134 ( * ) ; leur validité est prorogée de plein droit pour deux mois à l'issue de la période juridiquement protégée 135 ( * ) . Le juge ou l'autorité compétente peut en modifier le terme ou y mettre fin lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. Seules les mesures qui devaient arriver à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire sont renouvelées : il n'est pas prévu de proroger la validité des mesures arrivées à leur terme avant ou après cette période « juridiquement protégée ».

Sont concernées :

- les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;

- les mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;

- les autorisations, permis et agréments ;

- les mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

- et les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial 136 ( * ) .

Le moratoire prévu par le titre I er de la présente ordonnance exclut toutefois expressément (article 1 er ) :

- les délais ou mesures de droit pénal et de procédure pénale, qui font l'objet de dispositions spécifiques dans l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale ;

- les délais ou mesures concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

- les délais concernant l'édiction ou la mise en oeuvre de mesures privatives de liberté, ce qui était expressément exclu par l'habilitation ;

- les procédures d'inscription dans un établissement d'enseignement ou les voies d'accès à la fonction publique, qui font l'objet de l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19 ;

- les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

- et, enfin, les délais et mesures faisant l'objet d'adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020.

Le moratoire inclut donc, à titre d'exemple, les délais prévus en matière commerciale qui ne font pas l'objet d'adaptations particulières en application de la loi du 23 mars 2020 par voie d'ordonnance 137 ( * ) .

L'ordonnance rend également ce moratoire applicable aux « mesures restrictives de liberté ou aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantis » sous réserve que la validité de la mesure n'excède pas le 30 juin 2020 (article 1 er ). Cette disposition est strictement encadrée dans le temps et elle est conforme à l'habilitation qui n'excluait que les mesures privatives de liberté et les sanctions. Il semble qu'elle vise les mesures conservatoires, d'interdiction ou de suspension de l'article 3 de l'ordonnance. Son champ d'application n'est toutefois pas parfaitement clair , il serait donc opportun que le Gouvernement précise par voie de circulaire quelles mesures il entend viser .

Enfin, ces dispositions sont rendues applicables à Wallis et Futuna ainsi qu'en Polynésie française 138 ( * ) et en Nouvelle Calédonie, sauf pour les matières qui relèvent de la compétence de ces collectivités (article 14).

Outre ces mesures prises par ordonnance, le Gouvernement peut aussi reporter tout délai prévu par des dispositions réglementaires en raison de la crise sanitaire comme, par exemple, le délai d'inhumation ou de crémation . Fixé dans le droit commun à six jours, il est désormais possible d'y déroger jusqu'à 21 jours 139 ( * ) , sans accord préalable du préfet et de manière proportionnée aux circonstances 140 ( * ) , pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire et le mois suivant sa cessation 141 ( * ) .

II. Privation d'effet des astreintes et de certaines clauses contractuelles

L'ordonnance comprend deux mesures permettant, d'une part, de paralyser les dispositifs sanctionnant l'inexécution d'un débiteur , pour tenir compte des difficultés inhérentes à la période d'urgence sanitaire, et, d'autre part, de sauvegarder les possibilités de mettre fin à un contrat .

L'article 4 tend à priver d'effet les astreintes prononcées par une juridiction ou une autorité administrative ainsi que les clauses contractuelles
- clauses pénales, clauses résolutoires, clauses prévoyant une déchéance - qui ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé. Cette disposition produit les mêmes effets que la cause étrangère, qui, lorsqu'elle est reconnue par un juge, permet la suppression d'une astreinte en application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ou que la force majeure qui suspend l'exécution d'une obligation en application de l'article 1218 du code civil. Elle évite le contentieux qui aurait pu naître de ces situations.

Ces astreintes et clauses sont réputées ne pas avoir pris cours ou produit d'effet , si ce délai a expiré pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire. Leur effet est alors reporté d'un mois après cette période protégée , si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont quant à eux suspendus pendant la période protégée, puis reprennent effet à son issue.

L'article 5 règle la situation des contrats qui ne peuvent être résiliés qu'à une certaine période ou ceux qui comportent une clause de tacite reconduction. Craignant que la situation de crise sanitaire empêche certains cocontractants d'user de leur faculté de mettre fin aux contrats, le Gouvernement a choisi d'accorder un délai supplémentaire de deux mois à l'issue de la période protégée pour accomplir la formalité nécessaire (résiliation ou opposition) lorsque celle-ci devait avoir lieu pendant cette période. Cette solution, protectrice de la liberté contractuelle, permet là encore d'éviter l'engagement de procédures.

Ces deux articles sont rendues applicables à Wallis et Futuna et, sauf pour les matières qui relèvent de sa compétence, en Nouvelle Calédonie. S'agissant de la Polynésie française, les articles 4 et 5 sont applicables sauf en matière civile ou commerciale (article 14).

III. Prolongation généralisée des délais administratifs

1. La règle générale du report des délais

Le titre II de l'ordonnance porte sur les délais que l'administration doit respecter ainsi que ceux qu'elle impose aux usagers dans le cadre de son activité. La définition de l'administration est ici 142 ( * ) la même que celle prévue par le code des relations entre le public et l'administration 143 ( * ) . Elle comprend « les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale » .

L'article 7 de l'ordonnance prévoit un gel global des délais opposables à ces administrations concernant les décisions, accords ou avis qu'elles sont amenées à produire explicitement ou implicitement . Les mêmes règles s'appliquent aux administrations lorsqu'elles ont à « vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande » ainsi qu'aux « délais prévus pour la consultation ou la participation du public » . Ainsi :

- les délais échus postérieurement au 12 mars 2020 sont prorogés jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ;

- les points de départ de délais intervenant dans ce délai sont reportés à la fin de cette même période.

À titre d'exemple, si une administration était initialement tenue de communiquer une réponse à un usager le 13 mars 2020 et que l'état d'urgence sanitaire prend fin le 1 er mai 2020, elle aura jusqu'au 1 er juin 2020 pour produire sa réponse. Si cette administration avait reçu une demande le 13 mars 2020 et qu'elle était initialement tenue d'y répondre dans les deux mois, elle aura alors jusqu'au 1 er août 2020 pour répondre.

Par symétrie, ces règles de report s'appliquent également aux délais imposés par l'administration à « à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » 144 ( * ) . L'utilisation du terme « toute personne » semble indiquer que cette règle peut bénéficier à une administration au sens du code des relations entre le public et l'administration ( cf. supra ) - telle qu'une collectivité territoriale - lorsqu'un délai lui est imposé par une autre administration.

Ces règles de report sont néanmoins soumises à certaines exceptions . L'administration ne peut pas en bénéficier lorsqu'elles conduiraient à méconnaître des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne 145 ( * ) . Un certain nombre d'actes et de catégories d'actes listés par décret échappent également à cette règle « pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse » 146 ( * ) .

Les exceptions prévues par décret peuvent aussi s'appliquer à certains délais imposés par l'administration aux usagers, pour les mêmes motifs. En outre, les exceptions prévues en faveur des usagers sont écartées lorsque les contrôles et les travaux qu'ils doivent mettre en oeuvre ou les prescriptions qu'ils doivent observer résultent d'une décision de justice 147 ( * ) .

2. Les adaptions spécifiques à certains délais

a) En matière fiscale

L'article 10 de l'ordonnance précise les règles spécifiques à la prescription du délai de reprise de l'administration fiscale. Comme l'indique le rapport au Président de la République sur l'ordonnance, « le 1° du I suspend les délais de prescription du droit de reprise qui arrivent à terme le 31 décembre 2020 pour une durée égale à celle de la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire » 148 ( * ) . L'article 10 suspend également, « pendant la même période, tant pour le contribuable que pour les services de l'administration fiscale, l'ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale, sans qu'une décision en ce sens de l'autorité administrative ne soit nécessaire » 149 ( * ) .

b) En matière de comptabilité publique

Pour l'ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics, l'article 11 prévoit que les délais de recouvrement et de contestation sont suspendus pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire augmentée de trois mois.

c) En matière de consultation du public

L'article 12 de l'ordonnance s'applique à toutes les enquêtes publiques en cours à partir du 12 mars ou devant débuter pendant la période de l'état d'urgence sanitaire . Il prévoit un régime dérogatoire dans tous les cas où « le retard résultant de l'interruption de l'enquête publique ou de l'impossibilité de l'accomplir en raison de l'état d'urgence sanitaire est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent » .

Ce régime autorise l'autorité en charge de l'enquête à adapter la durée de l'enquête ou à ne recourir qu'à des moyens électroniques dématérialisés pour sa conduite. Ces moyens électroniques peuvent être mis en oeuvre d'emblée ou pour des enquêtes en cours. Cette mise en oeuvre est réversible puisque l'autorité « dispose de la faculté de revenir, une fois achevée [la période d'état d'urgence sanitaire] et pour la durée de l'enquête restant à courir, aux modalités d'organisation de droit commun » .

Enfin, l'article 12 pose le principe selon lequel « dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article » .

IV. Dispense des consultations préalables pour les textes réglementaires visant à lutter contre l'épidémie

L'article 13 de l'ordonnance lève toutes les obligations législatives ou réglementaires prévoyant une consultation obligatoire préalable pour les projets de textes réglementaires « ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du Covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l'état d'urgence sanitaire » . Cette dispense n'est toutefois pas formellement bornée dans le temps. Elle maintient néanmoins expressément la consultation du Conseil d'État et des autorités saisies pour délivrer un avis conforme sur des projets de texte.

Pour rappel, la loi du 23 mars prévoyait déjà une telle dispense pour l'ensemble des projets d'ordonnances prises sur l'habilitation donnée par son article 11 150 ( * ) . Ces dispenses ont pour objet de raccourcir le processus d'adoption des textes concernés afin de faire plus efficacement face à l'urgence de la crise sanitaire actuelle.

> Ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour

L'article 16 de loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 habilite, pour un mois, le Gouvernement à prolonger par ordonnance la durée de validité des documents de séjour qui seraient arrivés à expiration entre le 16 mars 2020 et le 15 mai 2020.

Cette habilitation a été mise en oeuvre en à peine deux jours, avec la publication de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour.

I. Les objectifs de l'habilitation : sécuriser le droit au séjour des étrangers en situation régulière

La demande d'habilitation avait pour but de répondre rapidement aux difficultés auxquelles se trouvent confrontés les ressortissants étrangers (pour déposer leurs demandes de renouvellement de titres) et les services des préfectures (pour instruire lesdites demandes et délivrer lesdits titres), en raison des mesures destinées à lutter contre l'épidémie.

Une disposition à valeur législative était nécessaire afin de déroger aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui fixent la durée maximale de validité des différents documents de séjour. D'une très grande diversité formelle (visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour, attestations de demande d'asile), ces documents sont délivrés par l'administration en fonction des motifs avancés (tourisme, travail, études, vie privée et familiale, soins d'une maladie, réfugié, etc. ) et sont valables pour des durées variables (1, 3, 4 ou 10 ans, voire pour une durée permanente).

Comme le relève le rapport au Président de la République accompagnant l'ordonnance publiée, celle-ci « a pour objet de sécuriser la situation au regard du droit au séjour des étrangers réguliers dont le titre de séjour devrait arriver à expiration dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines et d'éviter, ainsi, les ruptures de droits. Ainsi, elle permettra aux étrangers concernés de se maintenir régulièrement sur le territoire après la fin de validité de leur titre de séjour (...) en attendant que la demande de renouvellement de leur titre puisse être instruite par les préfets ».

II. Une ordonnance respectueuse du champ de l'habilitation

Le champ de l'habilitation a été respecté et les choix opérés sont conformes aux annonces du Gouvernement lors de la discussion du projet de loi.

Concernant la durée de validité supplémentaire des titres , l'ordonnance procède à une prolongation de 90 jours seulement , alors que l'habilitation autorise une prolongation maximale de 180 jours. Ce choix avait été annoncé explicitement au Parlement dès la présentation de l'étude d'impact. Il préserve en tout état de cause la possibilité d'une nouvelle prolongation par le Gouvernement (pendant la durée de l'habilitation et dans la limite dudit plafond de 180 jours).

Concernant les différents documents de séjour concernés, alors que l'étude d'impact du projet de loi d'habilitation ne mentionnait que les « documents de séjour délivrés sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA )», la rédaction étend la prolongation de validité aux titres délivrés sur le fondement d'un accord bilatéral . Cette extension est conforme à la lettre de l'habilitation et répond aux exigences de respect de nos engagements internationaux. En particulier, la situation des ressortissants algériens déroge aux règles du CESEDA et reste entièrement régie par l'accord franco-algérien de 1968.

> Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale

L'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale a été prise en application du e) du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

Elle s'imposait dans la mesure où la fin de la période hivernale, fixée au 31 mars de l'année, aurait entraîné la reprise de l'exécution des expulsions locatives ou autorisé l'arrêt de fournitures de prestations essentielles aux résidences principales pour défaut de paiement de factures, alors même que le Gouvernement a décrété le confinement de la population.

En conséquence, l'ordonnance reporte en premier lieu du 31 mars 2020 au 31 mai 2020 la fin de la période durant laquelle il est sursis à toute mesure d'expulsion locative non exécutée (article 1 er ).

Le régime spécial de l'expulsion applicable durant la période hivernale régi par l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas modifié pendant cette prorogation . Il ne profitera donc qu'aux occupants des locaux d'habitation et professionnels de bonne foi qui ne disposent pas de solutions de relogement conformes à leurs besoins. Ce sursis ne s'appliquera donc pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voie de fait.

Le sursis aux mesures d'expulsion fait l'objet de mesures spécifiques dans les collectivités de Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte ainsi qu'à Wallis et Futuna (article 2). Le droit commun prévoit en effet que les périodes de ce sursis sont fixées localement par les représentants de l'État, dans la limite de durées maximales fixées par la loi aux articles L. 611-1 et L. 641-8 du code des procédures civiles d'exécution. La présente ordonnance prolonge donc ces durées de deux mois.

Comme l'indique le rapport au président de la République sur cette ordonnance 151 ( * ) , l'extension de ces dispositions aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon , interviendra dans une seconde ordonnance après consultation des collectivités concernées, conformément aux lois organiques qui leur sont applicables 152 ( * ) .

L'ordonnance prévoit en second lieu que, pour la même période, les fournisseurs ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles (article 1 er ). Dès lors, conformément à l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il leur est interdit jusqu'au 31 mai 2020 d'interrompre tout contrat régissant la distribution d'électricité, de chaleur ou de gaz quelle que soit la situation des titulaires dudit contrat.

Ces dispositions sont conformes à l'habilitation conférée par le Parlement .

Sur le fond, le prolongement de deux mois de la « trêve hivernale » est adapté et proportionné aux circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire .

Ces dispositions, qui assurent une conciliation équilibrée entre le droit de propriété, la liberté contractuelle et l'objectif de valeur constitutionnelle du droit de disposer d'un logement décent, visent également à garantir la bonne administration de justice , alors que les tribunaux sont actuellement tenus de traiter les seuls contentieux essentiels 153 ( * ) .


* 130 Article 11, I. 2° a) et b).

* 131 I. 2° b).

* 132 Circulaire de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Elle est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/bo/2020/20200327/JUSC2008608C.pdf

* 133 Ibid supra .

* 134 Entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

* 135 La computation du nouveau délai est la suivante : point de départ du nouveau délai : cessation de l'état d'urgence sanitaire + un mois + deux mois = mesure prorogée pour trois mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire sauf si son terme est modifié ou qu'il y est mis fin.

* 136 Voir commentaire de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

* 137 Voir commentaires des ordonnances n° 2020-318 sur les comptes des personnes morales, n° 2020-321 sur les assemblées et organes dirigeants et n° 2020-341 sur les difficultés des entreprises.

* 138 Parmi les mesures administratives ou juridictionnelles reportées, seules les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation font l'objet du moratoire en Polynésie française. Les autres mesures limitativement énumérées aux 2° à 4° de l'article 3 sont expressément exclues d'application dans ce territoire, puisqu'elles relèvent de sa compétence.

* 139 Le préfet peut fixer un délai supérieur dans tout ou partie du département.

* 140 Décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'épidémie de Covid-19.

* 141 Conformément à l'article 13 de la présente ordonnance, le conseil national des opérations funéraires n'a pas été consulté sur ce décret.

* 142 Article 6 de l'ordonnance.

* 143 Article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration.

* 144 Article 8 de l'ordonnance.

* 145 Article 7 de l'ordonnance.

* 146 Article 9 de l'ordonnance.

* 147 Article 8 de l'ordonnance.

* 148 Rapport au Président de la République, JORP lois et décrets du 26 mars 2020, texte 8/112.

* 149 Ibidem .

* 150 II de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 151 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, consultable à l'adresse suivante :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=EC6A58275CBF28C4A6FDB2C0761EC99F.tplgfr30s_3?cidTexte=JORFTEXT000041756143&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041755510

* 152 Logiquement, l'article 11 de la loi d'urgence dispense le Gouvernement des consultations préalables en matière de loi ordinaire et non organique.

* 153 Circulaire de la garde des sceaux du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie Covid-19.

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