B. LE CHAMP DES INVESTIGATIONS DE L'ÉTUDE

1. L'étude de faisabilité du rapport

Les précisions qui suivent sont importantes car le champ des investigations de l'étude a évolué d'un objet initial - la valorisation énergétique des terres agricoles - vers la production d'énergie dans le secteur agricole. Définie par l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe), la valorisation énergétique est « destinée aux déchets qui ne peuvent être recyclés ou valorisés sous forme de matière, la valorisation énergétique consiste à récupérer et valoriser l'énergie produite lors du traitement des déchets par combustion ou méthanisation. L'énergie produite est utilisée sous forme de chaleur ou d'électricité. La valorisation énergétique peut être directe : le déchet est brûlé dans une installation dédiée, construite et opérée selon des critères définis afin de minimiser les impacts environnementaux et sanitaires. C'est le mode le plus utilisé actuellement pour les déchets municipaux. Elle peut aussi être différée - pour les déchets industriels de préférence - soit par la production d'un combustible solide de récupération, soit par la production d'un gaz ou d'un coke dans des procédés de gazéification ou de pyrolyse ». Une telle définition aurait conduit à une étude trop restrictive , il a donc été décidé d'élargir le champ des investigations à la production d'énergie dans le secteur agricole.

Si cette définition stricte avait été utilisée, il aurait donc fallu inclure l'utilisation, à des fins de production d'énergie, des produits agricoles ainsi que des déchets et résidus afférents, ce qui aurait mené à la préparation d'un rapport sur les biocarburants et la valorisation de la seule biomasse, à travers par exemple la combustion - biomasse chaleur - et la méthanisation - biogaz - or élargir le champ de l'étude permet d'inclure non seulement l'utilisation des sols agricoles mais aussi des bâtiments et des sous-sols pour tout type de production d'énergie : l'énergie éolienne , l'énergie photovoltaïque , le solaire thermique , les pompes à chaleur , la petite hydroélectricité , etc.

Au moment où la transition énergétique appelle le développement des énergies renouvelables, un tel élargissement est apparu particulièrement judicieux et justifié.

L'Office a consacré ses travaux à l'énergie ou à l'agriculture à plusieurs reprises, mais il n'a jamais consacré de rapport au sujet des relations entre agriculture et production d'énergie, seul un rapport de 1997 sur les perspectives de développement des productions agricoles à usage non alimentaire , rédigé par notre ancien collègue député Robert Galley, mérite d'être mentionné ici car, sans se concentrer sur les aspects énergétiques, il les évoquait sous l'angle des biocarburants et de la valorisation de la biomasse à travers la combustion 6 ( * ) . Votre rapporteur Roland Courteau avait, de son côté, établi au nom de l'Office en 2016 un rapport tiré d'une audition publique : « De la biomasse à la bioéconomie : une stratégie pour la France » 7 ( * ) .

Le rapport de l'Office de 1997 sur les perspectives de développement
des productions agricoles à usage non alimentaire

Ce rapport, qui traitait aussi de la filière amidon et de la biomasse chaleur, montrait que l'apparition des biocarburants et des plans gouvernementaux idoines s'inscrivait dans un contexte historique précis , les périodes de crise et/ou de surproduction entrainant un regain d'intérêt pour les utilisations non alimentaires des produits agricoles. Les biocarburants et, en particulier, l'éthanol, étaient soutenus dans une logique de « jachère énergétique ».

La première manifestation de ce phénomène est apparue en France à partir de 1923 avec l'accumulation des stocks d'alcool suite à la Première Guerre mondiale. Les importateurs de pétrole ont alors été contraints d'acheter au Service des alcools des quantités d'alcool représentant 10 % du volume des produits pétroliers importés. La période de l'Occupation, où les approvisionnements en pétrole ont été naturellement très difficiles, a vu resurgir l'éthanol comme carburant. Ce dernier, produit à partir du topinambour comme matière première, a représenté jusqu'à la moitié des carburants consommés. Après-guerre, le pétrole étant revenu, l'écart de son prix et de celui de l'alcool se creusant, le Gouvernement a décidé en 1956 de supprimer la fabrication de carburants à base d'alcool et notamment du super carburant ternaire composé de 15 % d'éthanol, 10 % de benzol et 75 % d'essence, principalement réservé aux transports publics. Seule la R.A.T.P a continué à utiliser ce carburant jusqu'en 1970. En janvier 1981 était présenté le programme Carburols par le ministère de l'industrie, dans le but de diminuer la vulnérabilité stratégique des approvisionnements pétroliers. Les carburants prioritaires de ce plan étaient d'abord le méthanol et l'acétone-butanol et ensuite l'éthanol. Le méthanol devait être issu de produits agricoles alors que l'acétone-butanol devait être produit à partir de plantes saccharifères ou de sous-produits agricoles ligno-cellulosiques, paille, tiges et rafles de maïs. Quant à l'éthanol, il devait être produit à partir du topinambour et surtout des betteraves à sucre. Le contexte financier et la détente sur le marché du pétrole ont eu raison de ce programme après quelques réalisations. Il faut cependant noter que ce sont les crises affectant un produit extérieur à l'agriculture, le pétrole, qui ont entraîné des renouveaux épisodiques d'intérêt pour une utilisation non alimentaire des produits agricoles.

Ce rapport décrivait également les politiques publiques de soutien aux biocarburants , en précisant que les exonérations fiscales ne constituaient pas une perte sèche pour l'État - puisque l'émergence des biocarburants contribuait à utiliser des terres gelées et à maintenir des emplois en milieu rural - mais posaient des difficultés au regard du droit européen (discrimination entre produits nationaux et importés, aides directes et indirectes...) : les lois de finances pour 1992 et 1993 ont ainsi prévu des exonérations de taxes touchant les produits pétroliers, notamment les esters d'huile de colza et de tournesol et pour l'alcool éthylique et ses dérivés, la loi de finances rectificative pour 1993 a ajouté des garanties d'État pour l'amortissement des unités pilotes de production de biocarburants. Cette dernière disposition était fondée sur une directive européenne du 19 octobre 1992 prévoyant la possibilité pour les États membres d'appliquer des exonérations de taux d'accises dans le cadre de projets pilotes visant au développement de produits moins polluants d'origine renouvelable.

Outre les effets sur l'emploi et les revenus, les biocarburants permettaient de diminuer la dépendance extérieure aux produits pétroliers et les importations de produits fossiles.

Source : OPECST.

L'Office n'ayant jamais travaillé directement et globalement sur le sujet de la production d'énergie dans le secteur agricole, il est apparu pertinent d'approfondir ce thème à travers une étude intégrée et approfondie .

2. Un ciblage sur certaines pistes d'investigation

Vos rapporteurs ont entendu dresser un tableau des énergies renouvelables issues du monde agricole en France métropolitaine , en mettant l'accent sur les enjeux d' opinion , de revenu pour les agriculteurs, de cadre juridique , d' incitations , de freins et, surtout, de rendement et d' impact environnemental, ces deux derniers points correspondant particulièrement bien à la mission de l'Office d'informer le Parlement des conséquences des choix scientifiques et technologiques 8 ( * ) .

L'Office ayant en effet pour vocation d' anticiper les questions complexes d'ordre scientifique et technologique qui pourraient se poser au législateur, il doit pouvoir lui fournir des explications circonstanciées sur des enjeux dont les risques et les opportunités auraient été difficiles à identifier sans son éclairage.


* 6 Cf. le rapport du 19 février 1997 « Les perspectives de développement des productions agricoles à usage non alimentaire » (n° 223 Sénat 1996-1997 et n° 3345 AN) de Robert Galley, député, https://www.senat.fr/rap/r96-223/r96-2231.pdf

et http://www.assemblee-nationale.fr/10/dossiers/973345.asp

* 7 Cf. le rapport du 10 février 2016 « De la biomasse à la bioéconomie : une stratégie pour la France » (n° 380 Sénat 2015-2016 et n° 3489 AN) de Roland Courteau, sénateur, http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-380-notice.html

et http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-off/i3489.asp

* 8 Cf. la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 qui dispose que l'Office doit informer le Parlement des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique, afin, notamment, d'éclairer ses décisions.

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