II. DES ENTORSES À L'ÉTAT DE DROIT QUI APPELLENT À LA VIGILANCE SELON DIVERS OBSERVATEURS

Le respect de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'Homme en Hongrie suscite des inquiétudes depuis plusieurs années.

Ces inquiétudes émanent tant des organisations paneuropéennes que des institutions de l'Union européenne.

A. LE SUIVI DE LA HONGRIE PAR LE CONSEIL DE L'EUROPE ET L'OSCE

Dès 2013, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) avait demandé l'ouverture, au titre de la Hongrie, d'une procédure de suivi des engagements pris par un État membre lors de son adhésion 18 ( * ) . Si elle y avait finalement renoncé, elle avait néanmoins noté que les révisions incessantes de la Constitution - qui ont fait l'objet de critiques de la part de la Commission de Venise, à la fois parce qu'elles se sont écartées de certaines normes de droit constitutionnel et d'État de droit et parce qu'elles ne faisaient pas consensus entre les partis politiques et au sein de la société - « ne se justifiaient que par de simples intérêts politiques partisans, soulignant les tentatives de la coalition au pouvoir d'utiliser sa majorité historique des deux tiers afin de faire passer des réformes qui sont contraires aux principes démocratiques ». Elle avait également souligné que « l'accumulation de réformes visant à établir un contrôle politique sur la plupart des institutions essentielles tout en affaiblissant le système d'équilibre des pouvoirs était frappante ».

En 2017, l'APCE 19 ( * ) était convenue que les évolutions récentes en Hongrie méritaient une attention particulière ainsi que la mobilisation de l'expertise du Conseil de l'Europe afin d'aider les autorités hongroises à faire respecter les normes internationales et du Conseil de l'Europe correspondantes dans le domaine de la liberté d'association et d'expression, et a décidé de continuer de suivre de près l'évolution de la situation dans ce pays.

La mission d'observation des élections législatives de 2018, menée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), avait relevé que « les électeurs avaient un large éventail d'options politiques, mais la rhétorique intimidante et xénophobe, les parti-pris médiatiques et le financement opaque des campagnes ont réduit l'espace pour un véritable débat politique », estimant que cette situation a « empêché les électeurs de faire un choix en toute connaissance de cause ». L'organisation avait notamment noté que « l'accès à l'information, tout comme la liberté des médias et des associations ont été restreints », constatant le « chevauchement généralisé entre les ressources de l'État et celles du parti au pouvoir ».

Dans un rapport de 2018 20 ( * ) , l'APCE analyse de nombreux sujets au titre des engagements de la Hongrie en tant qu'État membre du Conseil de l'Europe, tels que la situation des centres de détention, la prévention de la torture, la lutte contre le racisme et les discriminations, la situation des migrants, demandeurs d'asile et réfugiés, les droits des femmes et des enfants ou encore la lutte contre le terrorisme et contre la corruption.

Des inquiétudes existent en particulier en matière de xénophobie et d'intolérance, notamment envers les Roms. Selon l'APCE, ces derniers sont victimes de discriminations dans de nombreux domaines : discours haineux, y compris de la part de responsables politiques, logement - environ 130 000 Roms vivent dans des ghettos aux infrastructures de base souvent inexistantes -, emploi, accès à la santé, participation à la vie politique et sociale ou encore éducation. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'Homme (Cour EDH) a mis en évidence une surreprésentation et une ségrégation dans les écoles spéciales des enfants roms auxquels est systématiquement diagnostiqué un handicap mental 21 ( * ) . En 2016, la Commission européenne avait d'ailleurs engagé une procédure d'infraction à l'encontre de la Hongrie pour discrimination à l'égard des Roms dans l'éducation. Le 12 mai dernier, la Cour suprême hongroise ( Kuria ) a confirmé la décision d'une cour d'appel qui condamnait la municipalité de Gyöngyöspata et le rectorat d'académie à verser une indemnisation à 60 Roms victimes pendant 14 ans de ségrégation scolaire, décision qui avait été vivement critiquée par Viktor Orban au motif que les tribunaux devraient plutôt proposer une compensation en nature (formations) 22 ( * ) .

Les institutions de l'Union européenne, quant à elles, cherchent à affermir l'État de droit en Hongrie au moyen de la procédure dite « de l'article 7 » et de la procédure en manquement.


* 18 Résolution 1941 (2013).

* 19 Résolution 2162 (2017).

* 20 Rapport du 8 janvier 2018 relatif à l'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée et à l'examen périodique du respect des obligations de la Hongrie, établi par M. Cezar Florin Preda (Roumanie - PPE/DC), au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe.

* 21 Arrêt Horvath et Kiss c. Hongrie du 29 janvier 2013.

* 22 Le gouvernement hongrois avait envisagé l'organisation d'une « consultation nationale » (sondage d'opinion dépourvu de valeur juridique) sur ce sujet dans l'objectif de légitimer une nouvelle réforme de la justice comprenant la remise en cause, au moins partielle, du principe de dommages et intérêts pour préjudice moral. La crise sanitaire l'a contraint à renoncer.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page