C. CONTRIBUTION DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES CINÉMAS FRANÇAIS (FNCF)

1. Quelle est la situation des cinémas un an après le début de la crise sanitaire ? Avez-vous pu chiffrer l'impact financier de la crise sanitaire sur les cinémas ? Quel est son impact sur l'emploi et sur la filière en général ?

Depuis le mois de mars 2020, les cinémas ont été fermés près de 250 jours dont notamment désormais 5 mois consécutifs au 1 er avril depuis la fermeture de fin octobre.

La fréquentation a chuté en 2020 de 70 % et le chiffre d'affaires des cinémas a perdu 1 milliard d'euros sur une moyenne annuelle d'1,5 milliard.

La perte des recettes des cinémas implique également la perte de la taxe spéciale additionnelle qui est collectée par le CNC et alimente le budget Cinéma de celui-ci pour près de 40 % en temps normal. La fermeture des cinémas affecte donc non seulement les salles mais également l'ensemble de la filière à travers le soutien financier du CNC.

Par ailleurs, dans un geste fort, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté le principe de l'exonération pour les salles de cinéma de la taxe spéciale additionnelle de février et début mars mais également de la période de réouverture des cinémas de fin juin à fin octobre. Ce vote qui a permis aux cinémas de faire face à la perte de leurs recettes mais doit être compensé pour le CNC par le Gouvernement afin que son budget ne soit pas plus atteint pour qu'il puisse être aux côtés des professionnels au moment de la réouverture.

En ce qui concerne les salariés des salles de cinéma qui sont environ 15 000, et dont les organisations représentatives ont travaillé avec la Fédération des cinémas pour l'établissement et l'adoption d'un protocole sanitaire et de ses évolutions, ils sont quasiment tous en activité partielle et souffrent comme tous les salariés des secteurs fermés d'une certaine détresse psychologique qui commence à influer sur des départs de la profession. Le contact avec le public, l'animation des cinémas sont au coeur des métiers de l'exploitation cinématographique.

Enfin, dans le cadre de la crise sanitaire, la profession souhaite lancer un diagnostic de la situation : celui-ci s'inscrit dans le cadre d'un accord conclu entre le ministère du travail, les représentants de la branche professionnelle l'Exploitation cinématographique et l'Afdas visant à proposer un diagnostic de situation rapide et opérationnel.

Ce projet est lancé dans le cadre du plan d'investissement proposé par le ministère du travail dans les compétences dont l'objectif est d'accompagner les démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) des branches professionnelles et des filières afin d'identifier les besoins et accompagner les évolutions en emplois et en compétences.

2. Quel regard portez-vous sur l'aide apportée par l'État et les collectivités territoriales depuis le début de la crise ? Les mesures de soutien permettent-elles de compenser les pertes de recettes ? Sont-elles bien calibrées ?

Les salles de cinéma ont bénéficié de l'ensemble des soutiens économiques transversaux mis en place depuis le début de la crise (principalement le fonds de solidarité depuis le mois de novembre, les prêts garantis par l'État, accompagnement de l'activité partielle...) ainsi que des soutiens financiers sectoriels (fonds de compensation, soutien renforcé mis en place par le CNC).

Ces soutiens ont permis à de nombreux cinémas de faire face à leurs besoins financiers en terme de coûts fixes permanents (fluides, chauffage, abonnement maintenance des équipements, charges d'emprunt et de loyers) mais, plusieurs situations sont moins bien couvertes par ces fonds d'aide.

En premier lieu, les plus grandes entreprises du secteur ont touché un fonds de solidarité extrêmement inférieur à la réalité de leurs besoins financiers alors que ce sont les entreprises qui ont souvent les plus gros investissements et les plus grosses charges (endettement, loyers, etc...). En outre pendant la période de réouverture, elles ont encore plus souffert de l'absence des films américains que les plus petites salles art et essai. Le nouveau plan de soutien aux entreprises pour faire face aux charges fixes est très en dessous des besoins réels de ces entreprises.

En second lieu, les salles publiques ont été exclues de certains mécanismes tels que le Fonds de solidarité ou le fonds de compensation et souffrent tout autant de la crise que les structures commerciales ou associatives.

Enfin, les fonds sectoriels obtenus ne concernent que la période, de septembre à décembre 2020, les fonds sectoriels complémentaires nécessaires pour 2021 ne sont toujours pas arbitrés.

3. Quelles sont vos relations avec le ministère de la culture depuis le début de la crise ?

La Fédération des cinémas a travaillé depuis le début de la crise avec le ministère de la culture et le Centre national du cinéma et de l'image animée qui ont accompagné les professionnels de manière forte et constante. Le protocole sanitaire des cinémas et ses nombreuses adaptations a été construit en concertation avec l'administration de la culture de même que la définition des besoins et des soutiens sectoriels adaptés.

4. Des adaptations législatives ou réglementaires vous paraîtraient-elles souhaitables pour surmonter les difficultés que vous pourriez encore rencontrer ?

D'un point de vue général, les questions qui n'ont jamais trouvé de solution pendant toute la crise comme celles des loyers commerciaux, des assurances ou des frais bancaires peuvent difficilement être régulées par des évolutions législatives dans l'ordre juridique français et européen.

Il est en revanche important que des problématiques particulières telles que les mesures d'accompagnement fiscal des entreprises (par exemple l'exemption de taxe foncière ou le statut fiscal des soutiens accordés) ou des mesures sociales telles que la gestion des congés payés pendant la période d'activité partielle fassent l'objet d'un accompagnement réglementaire.

D'un point de vue strictement sectoriel et réglementaire, la Fédération des cinémas a demandé depuis des mois, comme d'ailleurs le ministère de la culture, l'adaptation du décret du 29 octobre 2020 pour permettre l'accueil des publics scolaires et périscolaires dans les salles de cinéma pour des projections dans le cadre de l'éducation à l'image alors que ces mêmes publics peuvent être actuellement accueillis dans des salles polyvalentes qui ne présentent pourtant pas les garanties sanitaires qu'offrent les cinémas.

Par ailleurs, parallèlement à cette crise, il est très important que la réouverture des cinémas se fasse dans un contexte serein pour les cinémas.

D'une part, des mesures soient prises pour lutter efficacement contre le piratage des films en responsabilisant les internautes qui piratent les films, au moyen de la transaction pénale. Le piratage a beaucoup augmenté du fait de la crise sanitaire avec les internautes confinés chez eux.

D'autre part, suite à un contentieux devant le Conseil d'État, le financement de la création de nouveaux cinémas par les collectivités territoriales est gravement menacé. La loi portée en 1992 par Jean-Pierre Sueur et intégrée dans le code général des collectivités territoriales a été considérée par la haute juridiction comme ne permettant pas le financement de nouveaux cinémas. Or il s'agit d'une possibilité dans l'esprit de cette loi ouverte et pratiquée par les collectivités locales depuis trente ans, essentielle à la politique d'aménagement culturelle des collectivités locales et pour la création des cinémas. Nous avons demandé au ministère de la culture, à celui de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et au Centre national du cinéma de porter une réforme de ce texte de manière urgente et qui pourrait être intégrée dans le projet de loi 4D.

Enfin, dans le cadre des négociations en cours sur la chronologie des médias, et principalement destinées à mieux intégrer les plateformes dans les différentes fenêtres d'exploitation des films, il est très important que la fenêtre d'exploitation exclusives des films en salles soit préservée.

5. Des études ont-elles été réalisées pour évaluer l'impact sanitaire de la réouverture des cinémas l'été dernier ?

Dès mai 2020, la Fédération des cinémas a élaboré un protocole sanitaire, toujours adapté depuis à l'évolution des contraintes sanitaires, qui a été constamment validé par les autorités publiques qui l'ont à plusieurs reprises cité en exemple. Les études françaises (Étude Pasteur ComCor) ou européennes (Hermann-Rietschel Institute Berlin, Technische Universität Berlin) ont toutes conclu qu'il n'était pas plus risqué de se rendre au cinéma que de prendre les transports en commun ou de faire ses courses. De nombreux médecins virologues, épidémiologistes, urgentistes déclarent régulièrement que rouvrir les cinémas avec les protocoles validés ne poserait aucun problème sanitaire.

6. Les cinémas sont-ils prêts à rouvrir ? À quelle échéance ? Sous quelles conditions ? Le plan en trois étapes annoncé par le Gouvernement a-t-il été négocié avec la profession ? Vous paraît-il satisfaisant ? Quel est le taux de remplissage permettant de rentabiliser une séance ?

Comme l'a indiqué la Fédération des cinémas au ministère de la culture dans le cadre de la présentation du plan de réouverture en trois étapes des lieux culturels, les cinémas sont prêts à rouvrir quelles que soient les conditions : fermetures régionales, couvre-feu et jauge réduite. La question la plus importante est que cette progressivité se fasse sur un temps relativement réduit et déterminé à l'avance. Les cinémas considèrent qu'il est fondamental que le public retrouve le plus tôt possible les salles et leur convivialité même dans le contexte des protocoles sanitaires et des précautions nécessaires.

La réduction de la jauge des salles était déjà prévue dans le protocole sanitaire des cinémas et ses adaptions systématiquement validées par le Comité Interministériel de Crise. La non réouverture des cinémas le 15 décembre n'était d'ailleurs pas motivée par des doutes sur la validité de ce protocole sanitaire mais uniquement par la volonté du Gouvernement de réduire les raisons qui peuvent pousser les français à sortir de chez eux.

7. La bonne ventilation des salles est souvent évoquée comme l'une des conditions pour réduire le risque de contamination ? Des adaptations des salles sont-elles prévues à cet effet ?

Le protocole sanitaire des cinémas, validé par le Comité interministériel de crise à chaque étape, comportait un volet mettant en avant le dynamisme de l'aération des cinémas qui est depuis de longues années un des atouts des salles dans l'accueil du public. La climatisation des salles, la sécurité incendie ont depuis longtemps doté les cinémas d'équipements très performants dans ce domaine et d'ailleurs, les études sanitaires ont toujours conclu à l'absence de risque supérieur dans les salles de cinéma par rapport aux commerces ou aux transports en matière de propagation du virus.

8. Quid en cas de réduction des aides publiques d'ici la fin de l'année ? Combien de temps faudrait-il encore maintenir les aides ? Quel type d'aides ?

Il est très important que les soutiens économiques transversaux et sectoriels continuent à parvenir aux cinémas pendant la période de réouverture des salles alors que la fréquentation sera réduite en raison des mesures sanitaires persistantes, de l'offre de films ou de la lente reprise de la fréquentation des spectateurs avant qu'ils reprennent le chemin des salles, après un an passé devant la télévision et les plateformes.

9. Craignez-vous une évolution des habitudes des Français qui pourrait se traduire par une évolution de la fréquentation des établissements ? Y a-t-il des mesures que vous comptez prendre pour restaurer la confiance et l'envie du public ?

La période de réouverture des cinémas pendant de juillet à octobre 2020 a démontré l'attachement des français à leurs cinémas. Les salles françaises sont des lieux de convivialité, de culture et de voyage intérieur auxquels les français sont attachés et dont ils ont tout particulièrement besoin depuis un an. La Fédération des cinémas organise habituellement chaque année deux grandes opérations nationales de promotion du cinéma en salles, le Printemps du Cinéma et la Fête du Cinéma. La réouverture des cinémas, quand elle interviendra, sera accompagnée d'opérations destinées à inciter le public à retrouver ses cinémas.

10. Quelle est votre position quant à la proposition d'un « pass sanitaire » et d'un renforcement du traçage des spectateurs ?

La Fédération recommandera l'application de toute mesure nationale et qui s'appliquerait également à l'ensemble des autres secteurs économiques du territoire. En revanche, il paraitrait discriminatoire que les cinémas ou les lieux de culture fassent partie d'un petit groupe d'établissements recevant du public contraints d'appliquer ces mesures si elles ne s'appliquent pas de la même façon à l'ensemble des secteurs de l'économie. Nos lieux ne font pas porter plus de risque à nos concitoyens que le reste des ERP et des transports.

11. Quel a été le traitement assurantiel réservé à la fermeture des salles de cinéma ? Les primes et polices d'assurance ont-elles connu une évolution dans votre secteur ?

Dans leur grande majorité, les salles de cinéma ne disposent pas de polices d'assurance prévoyant une indemnisation pour pertes d'exploitation sauf dans le cas de dommages matériels. Comme les autres secteurs économiques, elles n'ont pu que constater le manque d'accompagnement de la crise par le secteur de l'assurance.

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