LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : Supprimer la réserve de précaution pour le programme 177, ou la fixer au même taux que pour les dépenses de guichet.

Recommandation n° 2 : Compte tenu du prévisible manque de crédits en 2021, prévoir l'ouverture de crédits supplémentaires pour l'hébergement dans une loi de finances rectificative avant l'été.

Recommandation n° 3 : Verser les crédits aux associations et organismes gestionnaires de centres d'hébergement dès le premier semestre afin de leur offrir une visibilité sur leur financement.

Recommandation n° 4 : Établir le budget de l'hébergement sur des bases plus réalistes par la conduite d'un nouvel exercice de rebasage des crédits, qui devrait inclure des règles d'évolution des coûts pour les années suivantes.

Recommandation n° 5 : Afin de mettre à jour les connaissances sur les personnes sans abri, conduire le plus rapidement possible une nouvelle enquête « Sans domicile » de l'INSEE.

Recommandation n° 6 : Étudier les conditions de mise en place d'un service intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO) unique au niveau de la Métropole du Grand Paris.

Recommandation n° 7 : Résoudre le plus rapidement possible les dysfonctionnements du système d'information des SIAO et doter l'administration de réelles capacités de pilotage des projets informatiques.

Recommandation n° 8 : Poursuivre et achever le processus d'élaboration et de signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

Recommandation n° 9 : Dans le prolongement de la crise sanitaire, poursuivre le rapprochement entre les acteurs de l'hébergement et ceux du sanitaire et du social afin de mieux traiter l'ensemble des problématiques des personnes sans abri. Prendre en compte notamment les spécificités des personnes sans abri dans la politique de vaccination contre le Covid.

Recommandation n° 10 : Mieux identifier le partage des responsabilités entre les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et 303 « Immigration, asile et intégration » et dresser un bilan précis des dépenses supportées par un programme alors qu'elles auraient dû relever de l'autre, notamment pendant la crise sanitaire.

I. LA CRISE SANITAIRE A ACCENTUÉ LES LIMITES DÉJÀ EXISTANTES DE LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT

A. L'ANNÉE 2020 A MOBILISÉ LE SECTEUR DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE À UN NIVEAU INÉDIT

1. La crise sanitaire a nécessité un engagement inédit de l'ensemble des acteurs

Le 16 mars 2020 au soir, le président de la République a annoncé l'obligation pour l'ensemble des Français de rester à leur domicile pendant deux semaines au moins, sauf pour un ensemble limité d'exceptions. Prenant effet le lendemain à midi, ce confinement a été maintenu par des décisions ultérieures jusqu'au 11 mai.

Les conséquences ont été immédiates pour les personnes en situation de précarité . Le manque de protections individuelles (masques) ou l'impossibilité dans certains lieux de respecter les gestes barrières a entraîné l'arrêt ou la limitation des activités de veille sociale et de distribution alimentaire, ainsi que des accueils de jour. La réouverture des accueils de jour n'a été que progressive, afin d'adapter les locaux au respect des consignes sanitaires.

L'accès à l'eau, la distribution de l'aide alimentaire ont posé des difficultés majeures pendant plusieurs semaines pour les personnes sans abri ou occupant des espaces informels (campements, bidonvilles, squats). En outre, selon des responsables d'associations, de nombreuses personnes sans abri ont été verbalisées par les forces de l'ordre au motif du non-respect du confinement, alors que cela leur était évidemment matériellement impossible ; une instruction interministérielle du 27 mars 4 ( * ) a demandé aux forces de l'ordre de faire preuve de « discernement » à cet égard.

Les structures collectives, quant à elles, sont parvenues à maintenir leur fonctionnement sans interruption, malgré l'absence d'une partie de leurs salariés et la pénurie de matériel de protection . Notons que les personnels ne bénéficiaient pas de priorité pour bénéficier des dispositifs de garde d'enfant.

Les gestionnaires de centres ont toutefois dû faire face à des surcoûts de tous ordres : les centres d'hébergement ont dû organiser l'aide alimentaire, alors que cela ne fait pas toujours partie de leurs missions, et acheter des produits d'hygiène et de sécurité. Ils ont dû modifier leurs horaires d'ouverture, réorganiser l'agencement des locaux afin d'assurer le respect des règles sanitaires et du confinement, parfois en louant des locaux externes.

Dans le même temps, les personnes hébergées faisaient face à une perte de ressources, ce qui réduisait leur capacité à participer aux frais d'hébergement et d'alimentation.

À cela se sont ajoutées, pour les organismes, les contraintes connues par toutes les entreprises et administrations : mise en place du télétravail, gestion des ressources humaines, reste à charge pour la rémunération des salariés en chômage partiel...

2. La puissance publique a mis en oeuvre des moyens importants

La Cour des comptes a mis en cause, dans son rapport public annuel, l'impréparation de l'administration , qui n'avait pas prévu de plan pour une crise de cette nature. Les représentants des associations ont également indiqué au rapporteur spécial que les services déconcentrés de l'État et les agences régionales de santé (ARS) ne disposaient pas des équipements et de la formation pour ce type de crise.

Il faut toutefois faire observer que, dans une situation aussi inédite, cette impréparation a concerné l'ensemble de la société française.

Dès le mois de mars 2020, des moyens importants ont été mis en oeuvre . La trêve hivernale a été reportée au 31 mai, puis au 10 juillet. Une instruction aux préfets du 19 mars 2020 5 ( * ) a prévu l'ouverture de centres d'hébergement spécialisés (CHS) pour les personnes hébergées malades non graves, la continuité des activités des centres d'hébergement et la prise en charge du plus grand nombre possible de personnes en détresse à la rue, ainsi que la distribution de denrées alimentaires dont l'expérience de confinement en Italie, quelques jours plus tôt, avait déjà montré la nécessité.

L'instruction précitée du 27 mars a posé le principe selon lequel « dans le contexte de crise sanitaire actuelle, l'hébergement des personnes à la rue, quel que soit leur statut, est la première priorité ».

40 000 places environ ont été ouvertes , principalement dans des hôtels, avec l'obligation de ne pas remettre les personnes à la rue par la suite. Les demandes d'hébergement formulées par les personnes à la rue au numéro 115 ont ainsi pu être satisfaites à un taux beaucoup plus élevé que d'habitude. Les associations indiquent que cette « mise à l'abri » d'un caractère massif a permis d'accueillir et d'accompagner des personnes qui n'avaient plus recours au 115. Des modalités d'accompagnement conjuguant l'action sanitaire et l'action sociale ont pu voir le jour, susceptibles d'être pérennisées avec le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt « Grands marginaux » en septembre 2020 6 ( * ) .

De même à l'automne, la campagne hivernale a été avancée de deux semaines. Une instruction du 3 novembre 2020 7 ( * ) a demandé aux préfets d'amplifier l'effort de création de places, en évitant les gymnases et autres lieux collectifs où le respect des mesures barrières est particulièrement difficile.

3. Le parc d'hébergement atteint un niveau record

En raison du choix fort de mettre à l'abri les personnes à la rue et de maintenir les places ouvertes, le parc d'hébergement a atteint une dimension inédite.

Le parc pérenne en centres d'hébergement comprenait, au 30 juin 2020, 103 365 places, dont 45 262 places (43,8 %) en CHRS. Le parc d'hébergement temporaire comprenait, au mois de mars 2021, 15 375 places en centres d'hébergement et 3 197 places exceptionnelles.

Le nombre des places d'hôtel était, au début du mois de mars 2021, de 74 162 8 ( * ) , contre 46 565 9 ( * ) au début de la période hivernale 2019-2020, soit une hausse considérable de 37,2 %. Son évolution marque clairement, au printemps, le pic de la crise sanitaire et, plus traditionnellement, l'ouverture de la campagne hivernale en fin d'année.

Évolution du parc hôtelier et du parc temporaire d'hébergement

(en nombre de places)

Source : commission des finances, à partir de données DGCS

Enfin, des centres d'hébergement spécialisés (CHS) ont été créés afin d'accueillir des personnes malades du Covid mais sans une gravité nécessitant leur hospitalisation.

Au total, le nombre de places temporaires créées atteignait 30 000 le 10 juillet 2020 et 43 000 à la fin de l'année, de sorte que la capacité totale du parc d'hébergement généraliste, pérenne et temporaire, dépassait les 200 000 places à la fin décembre 2020.

Ce nombre record de places ouvertes pose bien sûr la question de la gestion de la sortie de crise.

4. La sortie de crise est enfin espérée pour 2021

Une instruction du 1 er mars 2021 10 ( * ) fixe un cadre de sortie de la période hivernale dans le secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion (AHI). La trêve hivernale est prolongée jusqu'au 31 mai 2021 et les places d'hébergement ouvertes à titre exceptionnel sont maintenues jusqu'à ce terme. L'effort mené depuis l'automne doit donc se poursuivre.

La DGCS a indiqué au rapporteur spécial que des comités régionaux, coordonnés par le préfet, sont chargés de déterminer les places d'hébergement nécessaires et de préparer des solutions alternatives afin de proposer des solutions aux personnes concernées au 1 er juin par la fin de la trêve hivernale.


* 4 Instruction interministérielle sur la prise en charge et le soutien des personnes précaires face à l'épidémie du Covid-19, 27 mars 2020, NOR : INTK2000179J.

* 5 Instruction n° D20004663 du ministre chargé de la ville et du logement, « Covid-19 / Hébergement d'urgence », 19 mars 2020.

* 6 Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) et Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP), Appel à manifestation d'intérêt pour la mise en place de projets d'accompagnement de personnes en situation de grande marginalité dans le cadre d'un lieu de vie innovant à dimension collective , 23 septembre 2020.

* 7 Instruction interministérielle sur la prise en charge et le soutien aux populations précaires face à l'épidémie du Covid-19, 3 novembre 2020.

* 8 Nombre de places en moyenne par jour observé sur la semaine du 1 er au 7 mars 2021.

* 9 Nombre de places en moyenne par jour observé sur la semaine du 4 au 10 novembre 2019.

* 10 Instruction de la ministre chargée du logement relative à la préparation de la fin de la période hivernale et fixant les objectifs annuels pour le Logement d'abord, NOR : TERI2106539C.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page