EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 juin 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le projet de mutualisation des systèmes de gestion des alertes et des opérations des services d'incendie et de secours ("NexSIS 18-112").

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons ce matin une communication du rapporteur spécial des crédits de la sécurité civile, suite au contrôle budgétaire qu'il a conduit ce semestre.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Le sujet que j'ai retenu pour ma mission de contrôle de cette année concerne donc le projet d'unification des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (les SIS), et de la sécurité civile, appelé NexSIS 18-112. Ce sujet peut paraître très technique, mais ses objectifs sont bien concrets : il vise en effet à améliorer la prise en charge des demandes de secours, réduire les délais d'intervention et permettre des économies - ce qui n'est pas neutre pour la commission au sein de laquelle nous siégeons.

J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer devant vous ce projet lors de l'examen des précédentes lois de finances, car il s'agit du dernier levier par lequel l'État soutient financièrement l'investissement des SIS. Le projet NexSIS est en effet cofinancé à 16 % par l'État et à 84 % par les SIS, pour un montant total de 237 millions d'euros sur 10 ans. Lancé fin 2016, ce projet devrait aboutir en 2026, ce qui correspond à l'année prévue pour la dernière vague de migration dans les SIS. Le programme arrive donc à mi-parcours en cette année 2021, et j'ai donc voulu y consacrer une mission de contrôle, afin de suivre son avancée et l'utilisation des crédits correspondants.

Avant de présenter la façon dont ce projet de mutualisation est mis en oeuvre, j'aimerais revenir rapidement sur le contexte de son lancement.

Son objectif est en fait relativement ancien, car il vise à mettre un terme à une lacune identifiée depuis longtemps, à savoir, l'absence d'interopérabilité entre les systèmes d'informations des SIS, et plus particulièrement leurs systèmes de gestion des alertes (SGA) et de gestion opérationnelle (SGO). Chaque SIS s'est en effet équipé de SGA-SGO de façon unilatérale, auprès de différentes sociétés, avec des besoins spécifiques. Ce morcellement de l'équipement a ainsi conduit à une forte disparité de leurs outils, de niveau technologique très inégal, qui ne permet aucune interconnexion entre les différents départements.

Par ailleurs, si certains systèmes d'information sont partiellement raccordés à ceux des SAMU, aucune possibilité d'échange n'existe avec ceux de la police et de la gendarmerie nationale. Enfin, ils ne sont pas non plus interfacés avec les outils des instances de commandement qui coordonnent la gestion des crises.

Ces lacunes ont hélas des conséquences regrettables sur le traitement de l'alerte et sur le secours à personne, et les attentats de 2015 en ont fait la démonstration : les centres de traitement de l'alerte ont été saturés, plusieurs appels n'ont pas été traités, et les délais de prise en charge étaient trop longs... À cela s'ajoutaient aussi d'importantes pertes d'information dans les échanges réalisés entre le 15, le 17 et le 18, ainsi qu'une capacité de coordination très limitée dans l'engagement des moyens de secours.

Une étude de faisabilité d'un système d'information unifié a ainsi été menée en 2016, à la suite de ce triste bilan. Cette étude a également mis en avant les importants surcoûts générés par l'acquisition et la maintenance des SGA-SGO actuels. Les SIS sont en effet situés dans un marché captif et oligopolistique, depuis plusieurs décennies, ce qui a provoqué une hausse continue de leurs dépenses dans leur SGA-SGO. Ces dépenses auraient ainsi atteint près de 600 millions d'euros en 10 ans pour l'ensemble des SIS !

Enfin, la plupart des SGA-SGO étaient proches de l'obsolescence, et aucun d'entre eux ne répondait aux nouveaux impératifs européens. En effet, depuis la directive de 2018, les centres de réception d'appels d'urgence doivent désormais permettre une géolocalisation précise et automatique de l'appelant, et recevoir toutes les alertes, au-delà des seuls appels, en intégrant aussi les SMS, les courriels, les réseaux sociaux, les objets connectés etc.

Comme l'ont révélé les évaluations préalables réalisées, ces différentes attentes ne pouvaient être satisfaites par les technologies existantes. L'État et les collectivités territoriales ont donc décidé d'en développer une nouvelle, dans une logique de co-construction.

Je m'attarde sur ce point important, car il montre que les rapports et les recommandations que nous produisons ne restent pas lettre morte. Certains d'entre vous se souviendront peut-être de mon premier rapport d'information, consacré à ANTARES, le projet de radio numérique des SIS. J'y avais notamment critiqué la gouvernance du projet, qui n'associait que très imparfaitement les futurs utilisateurs.

Les responsables du projet NexSIS se sont montrés attentifs à cette observation, et ont ainsi choisi un mode innovant de gouvernance, avec la création de l'Agence du numérique de la sécurité civile (l'ANSC).

Cette agence est un nouvel établissement public spécifiquement mis en place pour porter le projet, qui garantit une gouvernance partagée entre l'État et les élus locaux. L'ANSC est en outre présidée par un président de conseil d'administration de SIS, et j'aimerais, à cet égard, saluer la présence parmi nous de sa première présidente, Françoise Dumont.

En revanche, depuis qu'elle nous a rejoints ici au Sénat, en septembre dernier, la présidence de cet établissement a été confiée au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, dans l'attente des prochaines élections départementales. L'une de mes recommandations vise donc à garantir une nomination d'un nouveau président le plus tôt possible après les élections, tant il me semble important que cette agence soit placée sous la supervision d'un élu local.

Mes autres recommandations portent aussi sur le renforcement de l'organisation interne de cette jeune agence, dont la taille paraît très modeste aux yeux de plusieurs personnes entendues. En effet, avec un plafond d'emploi de 12 salariés, et 8 sapeurs-pompiers mis à disposition, l'agence externalise en grande partie l'activité de développement du produit.

Une hausse du plafond d'emploi doit dès lors être envisagée, d'une part pour internaliser davantage la réalisation du produit, et d'autre part, pour ajuster les ressources à la hauteur des besoins que représenteront les phases de déploiement.

L'ANSC finance également la réalisation du projet, qui représente donc 237 millions d'euros sur 10 ans. Ce coût total, pour important qu'il soit, doit être mis en rapport avec les 600 millions d'euros qu'ont payé les SIS sur la même durée. Par ailleurs, sur ces 237 millions d'euros, 37 millions d'euros sont pris en charge par l'État. Cela peut sembler très faible par rapport au reste, qui est donc supporté par les SIS.

Certes, le financement des SGA-SGO relève en principe de la compétence de ces derniers. Toutefois, la contribution de l'État n'est pas non plus qu'un pur soutien pour les SIS. Le ministère de l'intérieur et les préfectures bénéficieront en effet eux aussi de NexSIS, grâce à son module d'hyper-vision, qui permettra une remontée plus rapide des informations et une meilleure coordination en cas de grandes crises.

200 millions d'euros restent donc à la charge des SIS, qui peuvent verser leurs contributions selon un système bien conçu. En premier lieu, une fois le produit livré, ils devront s'acquitter d'une redevance d'exploitation. Cette redevance est calculée à partir de la somme d'une part « globalisée », assise sur des critères démographiques, et d'une part variable, dépendante des spécificités de chaque SIS. En second lieu, les SIS peuvent d'ores et déjà verser à l'agence une subvention volontaire de préinvestissement, qui sera ensuite déduite de leur redevance.

À terme, la redevance versée par chaque SIS se traduira par un gain financier non négligeable, puisqu'au lieu de payer entre 230 000 euros et 1 million d'euros chaque année, leur redevance annuelle s'élèvera entre 100 000 et 430 000 euros.

Ces explications sur le financement du programme étant faites, il me reste maintenant à vous présenter la trajectoire de déploiement de NexSIS. Ce déploiement sera réalisé progressivement jusqu'en 2026, en fonction des SIS qui se sont portés candidats pour en être équipés. Il faut en effet rappeler que l'adhésion au nouveau système reste libre. Cela dit, si les SIS veulent disposer d'un SGA-SGO interopérable, ils seront obligés d'être équipés de NexSIS. Dans l'ensemble, les SIS sont plutôt très favorables à la migration vers le nouveau système.

Cependant, certains ne se sont pas encore positionnés pour des raisons compréhensibles. Ils attendent en effet que le produit soit plus abouti, pour avoir la garantie qu'il soit égal ou supérieur au niveau de leur technologie actuelle. J'ai ainsi rencontré le cas d'un SIS qui a investi tout récemment dans un système très performant, au moment même où NexSIS venait d'être lancé. Ce SIS préfère donc être intégré dans la dernière vague de migration, afin d'amortir son investissement.

Par ailleurs, si NexSIS ne rencontre pas d'opposition de principe, quelques inquiétudes émanent de certains SIS qui veulent éviter toute régression dans la transition. Cet impératif semble être bien pris en compte par l'ANSC, mais elle doit pour cela poursuivre le dialogue avec les éditeurs des technologies actuelles, lesquels sont dans une position ambivalente. En effet, certains se sont positionnés sur les différents marchés passés par l'agence, tandis que d'autres ont pu vouloir freiner la réalisation du projet par des actions contentieuses.

Il me semble également qu'une meilleure valorisation des nouvelles économies permises par NexSIS soit susceptible de rendre plus attractif ce nouveau système. En effet, NexSIS entraine avec lui de nouvelles mutualisations, dont les gains financiers sont aujourd'hui peu visibles pour les SIS.

Toujours est-il que le projet rencontre un véritable engouement, puisque le nombre de candidats s'est avéré supérieur aux capacités de déploiement de l'agence. Des critères de priorisation ont donc dû être établis, pour assurer une livraison échelonnée sur la période 2021-2026. Ces critères répondent notamment aux préoccupations des SIS qui font face à des systèmes en voie d'obsolescence, ou de difficultés contractuelles avec leur fournisseur. Mais ces critères tiennent également compte de la tenue prochaine d'événements de grande ampleur, tels que les Jeux olympiques de 2024.

Selon ces critères, le déploiement de l'agence se fera selon un rythme de 15 à 20 SIS par an, et la moitié du territoire sera ainsi équipée de NexSIS d'ici fin 2023.

Ce calendrier ne devrait pas connaître de retards particuliers, bien que la crise sanitaire ait freiné l'activité de l'agence et la conception du produit. L'exécution de la programmation budgétaire semble également avoir rattrapé les retards constatés en début de période, notamment grâce à des contributions de préinvestissement plus élevées que prévues. Si cette trajectoire financière demeure construite sur des hypothèses prudentes, elle ne s'écarte pas des prévisions initiales, et elle devrait donc bien accompagner les phases de déploiement.

Enfin, il faut rappeler que ce calendrier de livraison est conçu de façon relativement indépendante de celui du programme SI-SAMU. J'avais déjà regretté que ce programme d'unification des systèmes d'information des SAMU ait été lancé en l'absence d'une étroite concertation entre le ministère de la santé et le ministère de l'intérieur. Le programme SI-SAMU connaît depuis d'importants retards, et a fait l'objet de plusieurs critiques de la direction interministérielle du numérique. Face à ces retards, il est donc possible que l'interfaçage entre NexSIS et SI-SAMU ne soit pas synchronisé selon les départements. Il importe alors que l'ANSC, en lien avec les représentants du ministère de la santé, traite cette difficulté, pour que l'objectif d'interopérabilité entre les technologies des SIS et des SAMU soit bien réalisé dès les premières phases de migration.

Nonobstant cette remarque, le programme NexSIS semble plutôt engagé sur la bonne voie. C'est du moins l'impression que partagent l'ensemble des personnes que j'ai entendues, et notamment les responsables du SIS de Seine-et-Marne, dans lequel je me suis rendu. Ce SIS préfigurateur sera en effet le premier à être équipé de NexSIS, d'ici la fin de l'année. Il dispose déjà d'une version de secours, qui répond aux exigences minimales, et qui a permis de compenser les défaillances de son SGA-SGO actuel.

Les démonstrations réalisées m'ont également permis de constater que l'interopérabilité avec les autres systèmes d'information est bien intégrée dès l'origine dans le produit, et permettra des échanges plus rapides dans toute la chaîne de secours.

En conclusion, mes chers collègues, je souhaite vivement que ce projet aboutisse, tout en gardant un oeil attentif sur la suite de sa mise en oeuvre. L'examen des prochaines lois de finances sera justement l'occasion de constater la performance de ce nouvel outil, sous réserve que les indicateurs dont nous disposons nous permettent de bien l'évaluer. Or, le projet d'indicateur se borne à renseigner l'évolution du taux d'adhésion des SIS au nouveau système. Il s'agit certes d'une information pertinente pour le Parlement, mais qui traduit mal la performance intrinsèque de NexSIS. Dès lors SDIS, il me paraît nécessaire que les annexes au projet de loi de finances intègrent un indicateur de performance qui rende mieux compte des gains apportés par NexSIS, en termes de prise en charge des alertes notamment.

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie pour ce rapport qui fait le lien avec vos rapports précédents, notamment sur d'autres projets numériques. Vous présentez aujourd'hui un nouveau projet informatique national, et à cet égard, je ne peux m'empêcher d'avoir quelques inquiétudes, en pensant notamment à de précédents projets lancés par l'État qui n'ont pas fonctionné, comme Louvois.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je salue Jean Pierre Vogel à la fois pour sa grande connaissance de la sécurité civile et sa continuité dans l'action en ce domaine. Je note d'ailleurs que certaines des recommandations de ses rapports sont suivies d'effets. Hormis un manque de synchronisation avec le SAMU, nous pouvons nous réjouir de l'aboutissement de ce projet important, partagé entre l'État et les collectivités. Au-delà des pompiers, j'aimerais aussi saluer le travail des associations agréées de sécurité civile qui comptent 200 000 bénévoles et irriguent tous les territoires. À tout moment de l'année, de jour comme de nuit, ils effectuent partout des interventions multiples et variées.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis . - Le projet NexSIS est important mais a souffert à ses débuts des stigmates d'autres projets d'État, au premier rang desquels ANTARES, qui ont grandement marqué nos sapeurs-pompiers et présidents de SDIS. Lorsque nous avons présenté le projet NexSIS, basé sur une méthode agile et de co-construction, la première réaction a été le scepticisme vis-à-vis d'un système d'État imposé de l'extérieur et qui va coûter des millions d'euros. Nous avons donc eu un important travail de pédagogie à faire, aidé par la méthode de la co-construction qui a beaucoup rassuré. C'est en effet un outil conçu par les sapeurs-pompiers, pour les sapeurs-pompiers. Il y a ainsi plus de vingt SDIS qui envoient chaque semaine des sapeurs-pompiers au siège de l'agence pour participer à la construction de l'outil. L'adhésion des SDIS est donc grande et ces derniers ont été nombreux à participer par des subventions d'investissement. Et si la part de l'État n'est que de 37 millions d'euros, elle a néanmoins été essentielle car elle a permis de lancer le développement du projet. Ainsi, en dépit de la crise sanitaire, le projet n'a que quelques mois de retard, cela aurait pu être bien plus.

En ce qui concerne les recommandations du rapport, il faut effectivement, dès le lendemain des élections départementales, nommer un nouveau président car c'est la condition sine qua non pour garantir la représentation des SDIS au conseil d'administration de l'agence, dont la gouvernance est assurée à parité par des élus et des représentants de l'État. C'est un outil qui est essentiel, car bon nombre de SDIS ont des systèmes de SGA/SGO quasi-obsolètes, et construit de façon intelligente. Par ailleurs, il faut monter le plafond d'emploi, en parallèle de l'engagement financier et humain croissant de la part des SDIS. C'est donc un outil qui permettra une mutualisation des moyens et des matériels, et qui mérite toute confiance.

M. Philippe Dallier . - Merci à notre rapporteur, pour une fois qu'on nous présente un projet informatique d'envergure qui ne se traduit pas par un naufrage cela nous donne un peu d'espoir. J'aimerais néanmoins avoir plus de détails sur la répartition des rôles entre l'agence qui a été créée et un prestataire de service chargé du développement.

Dans le rapport il est écrit que "les activités de l'agence sont ainsi très peu internalisées à seulement 6 % ce qui est très en -dessous du ratio préconisé par la direction interministérielle du numérique », mais j'imagine que le travail de conception est effectué par l'agence et le prestataire de service met en musique. Est-on bien dans ce schéma classique ? Ou est-ce qu'en matière de développement il y a des parties conçues en interne et d'autres externalisées ?

M. Michel Canévet . - Je voudrais moi aussi remercier le rapporteur spécial pour la qualité de son rapport. Tout d'abord, est-ce que le prestataire de service est français ou étranger ? Ensuite, au niveau des moyens de l'agence, a-t-on bien identifié dans les SDIS les moyens dédiés à ce logiciel et qui pourraient donc être mutualisés ? Par ailleurs, si je regarde la carte de déploiement, il y a un peu moins de la moitié des SDIS qui semblent volontaires, est-ce bien le cas ? Dernière question, il y a des articles médiatiques sur le regroupement des différents moyens d'appel, le 15, le 17 etc. Que peut-on attendre dans les années à venir de cette évolution ?

M. Christian Bilhac . - Ce rapport est très complet. Dans une vie antérieure j'étais cadre dans les services d'incendie de l'Hérault, j'ai vécu en direct le naufrage d'ANTARES, qu'on avait installé et qui n'a jamais fonctionné. Or, c'est une nécessité d'interconnecter tous les acteurs de la sécurité. Vous l'avez rappelé mais il faut le souligner, le SDIS, c'est le seul service public dans les territoires qui est présent, 365 jours par an, sept jours sur sept, 24 heures sur 24, même dans le hameau le plus éloigné. C'est donc un projet qui me paraît nécessaire, malgré une petite réticence de ma part compte tenu de mon expérience précédente, mais le projet pourra s'appuyer sur l'expérience de l'échec d'ANTARES.

M. Jean-Marie Mizzon. - Dans ce domaine, notre pays est loin d'être le meilleur en Europe, nous avons pris du retard, car les conclusions ne valent que ce que valent les hypothèses, et nous sommes partis sur des hypothèses très éclatées.

J'ai l'impression que nous reproduisons les mêmes erreurs aujourd'hui, car il n'y a pas d'accords entre les différents intervenants, notamment sur la question du numéro unique d'appel d'urgence qu'évoquait Michel Canévet. Le président du Samu de France affirme que le premier à décrocher un appel de santé doit être un professionnel de santé. Ceci sera-t-il toujours possible ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Je m'inscris à la suite des questions évoquées par mes collègues. La commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, dont je fus la rapporteure, avait notamment entendu le colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Son intervention avait clairement - et peut-être durement pour certains - fait état d'une mise à l'écart des sapeurs-pompiers dans la gestion de la crise, il y a maintenant un an de cela. Cette absence de synergie me semble inadmissible. Les investigations que vous avez réalisées en tant que rapporteur spécial ont-elles été l'occasion de constater une meilleure adéquation des ressources, en vue des prochaines crises ?

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Je comprends les inquiétudes qu'il peut y avoir quand il s'agit de projets numériques d'une telle ampleur piloté par l'État. J'ai été plutôt rassuré pour NexSIS, car comme l'a souligné Françoise Dumont et les autres personnes entendues, c'est un projet pour les sapeurs-pompiers fabriqué par les sapeurs-pompiers. Cela apporte une garantie sur le bon aboutissement de ce projet, qui marque un saut technologique important : on passe de l'ère téléphonique à l'ère du numérique. Je me suis déplacé à l'Agence du numérique de la sécurité civile et j'y ai constaté la forte implication des techniciens dans la réalisation du projet. Il fait l'objet d'un contrôle régulier et a également été soumis à de nombreuses évaluations préalables. La co-construction entre les élus locaux et l'État est également de nature à fiabiliser sa réussite.

En ce qui concerne le dialogue avec le ministère de la santé et le projet SI-SAMU, il y a en effet quelques complications. SI-SAMU a été lancé plusieurs années avant NexSIS, en 2012, et a pris beaucoup de retard. Mais le dialogue semble s'être amélioré, le ministère de la santé est en effet représenté au sein du conseil d'administration de l'agence du numérique.

Le projet de numéro d'appel commun est distinct du projet NexSIS. Une tribune de 200 signataires récemment publiée plaide pour conserver un numéro propre au SAMU. Le numéro unique est pourtant un projet sur lequel s'est engagé le président de la République qui date en 2017. Dans l'attente de précisions sur la réalisation de ce projet, j'estime qu'il faut encourager le développement des plateformes communes de traitement des alertes reçues au 15 et au 18. Les quelques plateformes communes qui existent à ce jour semblent bien fonctionner.

En réponse à la question de Philippe Dallier, l'Agence a passé trois principaux marchés, un premier sur la réalisation du produit, un deuxième sur l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, un troisième sur l'assistance au déploiement. Ma collègue Françoise Dumont pourra vous donner son avis, mais je pense que si l'agence a davantage de ressources internes, elle pourrait mieux exercer les activités de pilotage de la réalisation du produit.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis . - Des ressources internes supplémentaires seraient en effet les bienvenues, mais il faut relativiser le constat d'une trop grande externalisation. L'agence achète en fait des prestations de temps-hommes à des sociétés extérieures, mais leurs ingénieurs doivent travailler sur site. Il s'agit même d'une exigence prévue dans les marchés de l'agence. Cela permet des échanges plus fluides entre les décideurs, les utilisateurs et les développeurs.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Je reviens aux questions de Michel Canévet. Le marché de développement du produit a été confié au consortium Octo - Camp-to-camp, qui est essentiellement français. La carte de déploiement de NexSIS dont nous disposons montre en effet qu'une petite moitié des SIS seront équipés de NexSIS, mais d'ici fin 2023, et non d'ici fin 2026. Il est en effet difficile d'avoir une visibilité sur le déploiement qui sera réalisé au-delà de 2023, car l'agence a reçu un nombre de candidatures qui dépasse ses capacités, et elle a donc retenu par priorité, selon les critères que j'ai évoqués, les SIS identifiés sur la présente carte pour une livraison d'ici 2023. Ainsi, le SDIS de la Sarthe ne figure pas sur la carte, mais il compte bien adhérer à NexSIS, et a versé pour cela une contribution de préinvestissement de 200 000 euros pour cette année. Cet exemple n'est pas isolé, l'engouement des SIS pour NexSIS est réel. Le ressenti des présidents de conseil d'administration et des directeurs de départementaux de SIS contraste nettement avec celui qu'ils avaient eu vis-à-vis du projet ANTARES.

La commission des finances a autorisé la publication de la communication du rapporteur spécial sous la forme d'un rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page