N° 757

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur le bilan de l'application, dix ans après son adoption, de la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d' administration et de surveillance et à l' égalité professionnelle ,

Par Mmes Martine FILLEUL, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM et Dominique VÉRIEN,

Sénatrices

(1) Cette délégation est composée de : Mme Annick Billon, présidente ; M. Max Brisson, Mmes Laurence Cohen, Laure Darcos, Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam, Nadège Havet, MM. Marc Laménie, Pierre Médevielle, Mmes Marie-Pierre Monier, Guylène Pantel, Raymonde Poncet Monge, Dominique Vérien, vice-présidents ; Mmes Claudine Lepage, Viviane Malet, Sylviane Noël, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Bruno Belin, Mmes Alexandra Borchio Fontimp, Valérie Boyer, Isabelle Briquet, M. Jean-Pierre Corbisez, Mme Patricia Demas, M. Loïc Hervé, Mmes Annick Jacquemet, Micheline Jacques, Victoire Jasmin, Else Joseph, M. François Patriat, Mmes Kristina Pluchet, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, Laura Tetuani, Sabine Van Heghe, Marie-Claude Varaillas.

AVANT-PROPOS

Dix ans après l'adoption de la loi 1 ( * ) dite « Copé-Zimmermann », relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, quel bilan peut-on dresser de la féminisation des instances de gouvernance des entreprises françaises ? La politique de quotas de femmes dans ces instances a-t-elle porté ses fruits et l'effet de ruissellement attendu de cette féminisation sur l'ensemble de la direction opérationnelle des entreprises a-t-il eu lieu ?

Pour répondre à ces questions, la délégation aux droits des femmes a organisé le 21 janvier 2021 une table ronde 2 ( * ) consacrée au bilan d'application de cette loi, à l'occasion de son dixième anniversaire , réunissant, outre notre ancienne collègue députée Marie-Jo Zimmermann , co-auteure de la proposition de loi, des spécialistes réputées de la gouvernance des entreprises, parmi lesquelles notamment Laurence Parisot , ancienne présidente du MEDEF entre 2005 et 2013, Chiara Corazza , directrice générale du Women's Forum for the economy and society , Catherine Ladousse , co-fondatrice et présidente honoraire du Cercle InterElles , ou encore Françoise Savés , présidente de l' Association des femmes experts-comptables (AFEC).

Il y a dix ans déjà, notre délégation publiait un rapport d'information 3 ( * ) intitulé Vers la parité pour la gouvernance des entreprises qui analysait les dispositions de la proposition de loi cosignée par Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann visant à favoriser l'entrée des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises du secteur privé et public afin qu'elles représentent 40 % des membres de ces conseils en 2017. Notre délégation constatait alors qu'« à compétence et à investissement égal, l'accès aux sphères supérieures du pouvoir de l'entreprise reste, encore, réservé aux hommes » et en concluait que, « pour remédier à ce regrettable gâchis de talents et de compétences », il était « urgent de légiférer ».

N'oublions pas que la loi de 2011 s'inscrit dans une continuité historique qui a, au fil du temps, enrichi notre législation pour favoriser l'accès des femmes aux responsabilités.

Ces responsabilités ont tout d'abord concerné le champ politique, dans la dynamique permise par la révision constitutionnelle de 1999, qui a posé le principe d'« égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». La révision constitutionnelle de 2008 a, par la suite, étendu ce champ aux « responsabilités professionnelles et sociales », ouvrant ainsi la voie à la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011.

En dix ans le chemin parcouru est immense !

La France se situe aujourd'hui au premier rang mondial en termes de féminisation des conseils d'administration des grandes entreprises cotées, avec une proportion de plus de 46 % de femmes en 2021, loin devant la Norvège, l'Italie, la Suède, la Finlande, l'Allemagne ou les États-Unis. En outre, en dix ans, cette proportion a plus que triplé en France.

Cet excellent bilan résulte évidemment de l'exigence de quotas imposés par la loi, qui ont fait voler en éclat l'inertie en matière de parité économique qui prévalait dans les instances de gouvernance des grandes entreprises françaises avant 2011. Cette féminisation a également entraîné une évolution des modalités de la gouvernance économique : ce qui était à l'origine une contrainte s'est muée en atout pour les acteurs économiques en termes d'amélioration de la gouvernance des entreprises mais aussi, plus prosaïquement, de performance économique et de valorisation productive et financière des entreprises.

Si la loi Copé-Zimmermann a produit ses effets et prouvé son efficacité, elle n'a toutefois pas eu l'effet de ruissellement attendu sur la mixité des organes de direction des entreprises ni entraîné, dans son sillage, de réelle féminisation de leur direction opérationnelle.

La loi de 2011 a donc aujourd'hui atteint ses limites : hors grandes capitalisations boursières, la parité au sein des instances de gouvernance des entreprises (petites capitalisations boursières ou sociétés non cotées) reste limitée. La loi de 2011 ne s'applique pas de la même façon dans toutes les entreprises françaises. En outre, malgré la dynamique créée par cette loi, le plafond de verre persiste au sein des instances de direction des entreprises : les comités de direction et les comités exécutifs notamment, qui n'entrent pas dans le champ d'application de la loi, sont encore trop peu féminisés (les femmes occupent moins d'un quart des postes dans les Comex et les Codir du SBF 120 en 2021). Il en va de même pour l'ensemble des postes à responsabilités (cadres et cadres dirigeants).

Pour lever les résistances à l'entrée des femmes dans les cercles du pouvoir économique, une nouvelle étape s'impose donc afin, comme le formulait notre collègue députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, de construire un « escalier intérieur » au sein des entreprises françaises, après l'escalier extérieur créé par la loi Copé-Zimmermann ayant permis le recrutement de femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance.

Dans cette perspective, Marie-Pierre Rixain a déposé le 23 mars 2021 une proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle , adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 mai 2021. Une disposition de cette proposition de loi vise notamment à étendre l'objectif de représentation équilibrée des sexes aux cadres dirigeants et cadres membres des instances dirigeantes des entreprises de plus de 1 000 salariés et fixe, pour ces postes, un objectif de mixité d'au moins 30 % de femmes d'ici cinq ans et 40 % d'ici huit ans, sous peine de sanctions financières.

La délégation aux droits des femmes souscrit à cette démarche tout en partageant l'avis de Laurence Parisot qui, lors de la table ronde précitée du 21 janvier 2021, avait estimé que l'introduction, dans un outil législatif, de quotas dans les comités exécutifs et comités de direction était la prochaine étape naturelle et que la nécessité de cette étape ne faisait pas l'ombre d'un doute.

Plus globalement, la délégation considère que l'affirmation de la place des femmes dans les instances de gouvernance et de direction doit avant tout être considérée comme un puissant vecteur d'accompagnement des dispositions législatives prescrivant l'égalité professionnelle et salariale.

C'est pourquoi elle appelle notamment à appliquer l'ensemble des lois relatives à l'égalité professionnelle aujourd'hui en vigueur en France et préconise une plus grande transparence s'agissant de la publication par les entreprises des données relatives au respect de cette égalité professionnelle et salariale.

Dans cet esprit, la délégation formule huit recommandations de nature à renforcer la place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises en développant leurs obligations de mixité, à mieux contrôler et publiciser , pour l'ensemble des entreprises concernées, la répartition genrée au sein des instances de gouvernance, enfin à appliquer pleinement les dispositions législatives existantes en matière d' égalité professionnelle au sens large .


* 1 Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011.

* 2 Voir le compte rendu en annexe du présent rapport.

* 3 Rapport d'information n° 45 (2010-2011) sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises, fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

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