E. QUEL AVENIR POUR LES JARDINS D'ENFANTS ?

À l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, la commission avait exprimé, de manière consensuelle, sa volonté de pérenniser les jardins d'enfants et souhaité que l'instruction obligatoire puisse être dispensée à titre dérogatoire dans les jardins d'enfants. Au final, cette dérogation n'a été accordée que jusqu'à l'année scolaire 2023-2024.

Les rapporteurs regrettent cette dérogation temporaire. Il existe au 1 er juin 2020, 260 jardins d'enfants représentant 8 200 places concentrées dans quelques départements, notamment à Paris (25 % du nombre de places), ainsi que dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin (14 % des places en Alsace) 12 ( * ) .

Trois scénarii d'évolution sont envisagés par l'IGÉSR pour ces structures, mais tous présentent des défis importants à relever :

- le maintien des jardins d'enfants comme établissements accueillant des jeunes enfants, avant 3 ans, complété par des activités péri ou extrascolaires pour des enfants plus âgés. La reconversion en crèche multi-accueil pour les enfants de moins de 3 ans est également possible mais pour un coût financier plus important ;

- la transformation en école maternelle hors contrat. Si cette solution permet à l'établissement de conserver son autonomie, elle exclut tout financement public. En outre, de nombreux établissements pourraient devoir rembourser les subventions d'investissement dont ils ont bénéficié au titre de la CAF, la destination sociale de l'établissement ne pouvant être modifiée pendant une période de dix ans à compter de la fin des travaux ayant bénéficié de la subvention. Enfin, les conditions d'ouverture et de contrôle d'une école hors contrat ont été renforcées par la loi Gatel et par la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 ;

- la transformation en école publique est une possibilité pour les jardins d'enfants publics, mais risque de remettre en cause la spécificité et le projet d'établissement de ces structures.

Très difficiles à mettre en oeuvre, les rapporteurs estiment que ces scénarii s'apparentent davantage à de fausses solutions .

Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, le ministère de l'éducation nationale avait semblé découvrir l'existence des jardins d'enfants : les dispositions relatives à ceux-ci ont été ajoutées au cours de la navette par amendement parlementaire. Comme cela l'a été dénoncé de manière transpartisane lors de l'examen de cette disposition au Sénat, les rapporteurs regrettent la mise en difficulté d'un réseau historique qui fonctionnait bien, alors qu'il aurait suffi que le ministère accepte la fréquentation de ces établissements comme satisfaisant le respect de l'obligation d'instruction - prenant ainsi acte des actions d'éveil, d'éducation et d'accompagnement des enfants mises en place par ces structures.

Les rapporteurs appellent à une meilleure coordination, à l'échelle locale, de l'ensemble des acteurs publics, associant la CAF, le département, les services déconcentrés de l'éducation nationale, les services déconcentrés de la cohésion sociale, en lien avec les structures, pour les accompagner dans leur transition. Ce travail de coordination est d'autant plus nécessaire que le secteur de la petite enfance et l'éducation nationale n'ont pas l'habitude de travailler ensemble . Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, au Sénat, le ministre s'était engagé à un accompagnement des services de l'État dans les démarches de reconversion des jardins d'enfant ainsi que la conservation de leurs spécificités pédagogiques dans le cadre de cette transformation . Or, des constats à l'échelle locale indiquent que cet accompagnement n'a pas lieu - les services déconcentrés académiques donnant même parfois l'impression de ne pas être au courant de cet engagement d'accompagnement de leur ministre.

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Présenté comme une réforme historique, dans la lignée des lois fondatrices du service public de l'éducation nationale, l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire à trois ans est au final principalement symbolique. La quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans était dans les faits déjà scolarisés avant même l'entrée en vigueur de la loi. Celle-ci n'a fait que suivre un mouvement ancien de la société.

La portée de cette loi concernait plus particulièrement deux départements où les taux de scolarisation des élèves en maternelle étaient significativement inférieurs à la moyenne nationale : Mayotte et la Guyane. En raison de difficultés intrinsèques à ces territoires, la scolarisation de tous les enfants de maternelle ne sera possible qu'en 2025, au plus tôt .

Ce sera - si les objectifs que s'est fixé le ministère sont atteints - plus de six ans après le vote de la loi, qui ne prévoyait pourtant pas d'entrée en vigueur différée de ces dispositions pour ces deux départements. C'est autant de temps d'apprentissage de perdu pour six générations d'enfants .

Enfin, le ministère ne semble pas avoir tiré les conséquences de cette réforme. Cette politique publique est peu accompagnée sur le terrain, notamment par des formations spécifiques à destination des enseignants de maternelle .

Quant au réseau des jardins d'enfants, qui fonctionnait bien et dont l'avenir est désormais incertain, les scenarii imaginés par l'IGESR, sont difficiles à mettre en oeuvre et s'apparentent davantage à de fausses solutions .


* 12 S'il existe au moins un jardin d'enfants dans 53 départements, la moitié des jardins d'enfants est concentrée sur huit départements : Paris, le Rhône, le Nord, le Bas-Rhin, les Bouches-du-Rhône, la Loire, La Réunion et le Haut-Rhin. Ces mêmes départements représentent en outre plus de 60 % des places totales (source : IGÉSR n° 2020-109, mission d'expertise sur l'avenir des jardins d'enfants, juillet 2020).

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