N° 569

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mars 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' École nationale d' administration pénitentiaire ( ÉNAP ),

Par M. Antoine LEFÈVRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » a présenté le mercredi 9 mars 2022 devant la commission des finances les conclusions de son contrôle budgétaire relatif à l'École nationale d'administration pénitentiaire (Énap).

I. UNE ÉCOLE STRATÉGIQUE POUR LES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE, ET SOUMISE À DES EXIGENCES DE FORMATION ÉLEVÉES

L'Énap, qui porte ce nom depuis 1977, est l'école historique de formation de l'administration pénitentiaire , placée sous la tutelle de la direction de l'administration pénitentiaire. Elle constitue l'une des quatre écoles de formation du ministère de la justice .

Le budget de l'école repose quasi-intégralement sur la subvention pour charges de service public qui lui est allouée au titre de la mission « Justice » . En 2021, le montant de cette subvention s'est élevé à 32,1 millions d'euros . Si elle représente une part marginale du budget de l'administration pénitentiaire - moins de 1 % des crédits de paiement en 2021 -, le rôle stratégique de l'Énap au sein de cette administration ne doit pas être sous-estimé.

Au-delà de ses missions historiques de formation et de recherche, les missions confiées à l'école se sont élargies, à compter de 2016, à la formation continue de l'ensemble des agents de l'administration pénitentiaire, à la préparation au concours, et au rayonnement international. Elle forme actuellement une douzaine de publics différents , pour des durées de formation allant de 6 mois à 2 ans .

En tant qu'école « tête de pont » de l'administration pénitentiaire, elle doit adapter sa formation aux évolutions de celle-ci, ainsi qu'à celles du milieu carcéral . Par exemple, un département de formation au renseignement pénitentiaire a récemment été créé en son sein, dans le cadre de la mise en oeuvre du service national du renseignement pénitentiaire.

Au cours des dernières années, le rôle pivot de l'Énap s'est renforcé à mesure que les besoins en recrutement de l'administration pénitentiaire se sont accrus.

En effet, les vagues de départs à la retraite des agents recrutés et formés dans les années 1980, l'augmentation du nombre de détenus , et l'élargissement des missions de l'administration pénitentiaire , par exemple avec le transfert des extractions judiciaires, sont autant de facteurs qui justifient l'augmentation du nombre d'agents à recruter pour le bon fonctionnement du service public pénitentiaire. Le plafond d'emploi de l'administration pénitentiaire a d'ailleurs été augmenté de 14 % depuis 2017, pour atteindre 44 000 ETPT environ, dont près de 30 000 ETPT pour les personnels de surveillance.

Évolution des effectifs des personnels de surveillance depuis 2017

Note de lecture : les effectifs sont constatés au 31 décembre de chaque année, à l'exception de l'année 2021 pour laquelle les effectifs ont été constatés en août.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Évolution du nombre d'élèves formés à l'Énap depuis 2017

Formations

2017

2018

2019

2020

2021

Directeur des services pénitentiaires

33

39

47

84

81

Directeur pénitentiaire d'insertion et de probation

34

30

30

110

140

Conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation

-

-

266

734

874

Directeur technique

12

-

22

3

37

Total personnels de catégorie A

79

69

365

931

1 132

Chef des services pénitentiaires

-

-

-

-

246

Lieutenant pénitentiaire

86

73

98

162

845

Technicien

31

0

51

18

90

Conseiller d'insertion et de probation

-

239

-

-

-

Chef de services d'insertion et de probation

-

-

-

-

-

Total personnels de catégorie B

117

312

149

180

1 181

Premier surveillant

138

161

170

170

322

Surveillant

2 000

1 154

2 403

2 062

2 182

Adjoint technique

25

28

13

27

45

Total personnels de catégorie C

2 163

1 343

2 586

2 259

2 556

Total élèves formés

2 359

1 724

3 100

3 370

4 869

Source : Énap

II. SI L'ÉCOLE A OPÉRÉ UNE RÉELLE MONTÉE EN PUISSANCE, DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES DEMEURENT

A. LA MONTÉE EN CHARGE DE L'ÉCOLE S'EST TRADUITE PAR UNE AUGMENTATION DE SES MOYENS ET UNE ADAPTATION DE SA FORMATION

Premièrement, la scolarité des surveillants pénitentiaires , qui constituent le principal public d'élèves de l'école, a été profondément réorganisée en 2018 , pour une entrée en vigueur en 2019. Outre l'augmentation des élèves formés, cette réorganisation de la scolarité visait également à rendre plus régulier le flux d'élèves , et à « industrialiser » les plannings de formations. Concrètement, la formation des surveillants a été raccourcie, pour passer de huit à six mois , permettant d'accueillir quatre promotions annuelles . Chaque promotion de surveillants peut désormais accueillir jusqu'à 600 élèves, soit un effectif théorique annuel de 2 400 élèves surveillants .

Deuxièmement, les moyens budgétaires alloués à l'école ont progressé. Ainsi, entre 2017 et 2022, le montant de la SCSP, sur laquelle repose l'essentiel des recettes de l'école, a augmenté d'environ 5 % à périmètre courant. L'augmentation des recettes est moins dynamique que celle des dépenses de l'école sur la même période , réduisant ainsi la marge de manoeuvre budgétaire dont elle dispose. Il est étonnant que l'alourdissement du plan de charge de l'école ne soit qu'indirectement pris en considération dans la définition du montant de la subvention . En dépit du raccourcissement de la scolarité des surveillants pénitentiaires, la saturation des capacités d'accueil de l'école se traduit nécessairement par des recrutements supplémentaires et des coûts de fonctionnement plus élevés, ne serait-ce que pour la restauration et les dépenses de maintenance et d'entretien des locaux agrandis et désormais occupés toute l'année. Le plafond d'emplois a été progressivement rehaussé pour atteindre 267 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Les locaux de l'école sont en cours d'agrandissement , avec une opération immobilière d'un budget de 60 millions d'euros environ, pilotée par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ).

Enfin, des évolutions de sa gouvernance ont été mises en oeuvre à compter de 2016 pour renforcer l'autonomie de l'école, notamment en élargissant les missions du directeur et en permettant à l'Énap de réaliser des prestations à titre onéreux. La tutelle reste toutefois très présente dans la gestion de l'établissement, en particulier dans la définition du contenu pédagogique et la gestion des ressources humaines.

B. TOUTEFOIS LA PRESSION SUR SES CAPACITÉS DE FORMATION POSE DES DÉFIS MAJEURS

Tout d'abord, la gestion budgétaire de l'Énap continue de se heurter à des difficultés liées au manque d'attractivité de celle-ci, qu'il s'agisse du recrutement des élèves ou de celui des formateurs de l'école.

S'agissant des élèves, si une première réponse a été apportée avec la réforme du calendrier de leur formation à compter de 2019, des incertitudes sur le plan de charge demeurent . En effet, le plan de charge annuel de l'école est habituellement transmis à celle-ci au dernier trimestre de l'année N-1. Or, comme la direction de l'école l'a indiqué au rapporteur spécial en réponse au questionnaire, les effectifs des promotions mentionnés dans le plan de charge prévisionnel peuvent être très différents des effectifs entrant réellement en formation, en raison de la faible attractivité de certains concours. Au-delà de la question de gestion budgétaire, ce constat est particulièrement inquiétant par rapport à l'exigence de sélectivité de ce concours de la fonction publique. En outre, par le passé, le plan de charge communiqué n'a pas toujours comporté l'intégralité des promotions à former, obligeant l'école à s'adapter dans des délais très contraints.

S'agissant des formateurs, les auditions ont soulevé la question du statut des formateurs, qui ne serait pas suffisamment attractif pour inciter des personnels de l'administration pénitentiaire à franchir le pas. Or, il s'agit d'un enjeu majeur pour garantir la qualité de la formation délivrée.

En outre, des tensions budgétaires pourraient se concrétiser au cours des prochains exercices. Signe avant-coureur, en 2021, la subvention, d'un montant de 32,1 millions d'euros, n'était pas suffisante pour couvrir les dépenses de personnel et de fonctionnement, qui se sont élevées à 33 millions d'euros environ en crédits de paiement.

Enfin, la dynamique haussière des effectifs étant amenée à se poursuivre, il conviendra de s'interroger sur le rôle futur de l'Énap en matière de formation continue des agents pénitentiaires, pour maintenir leur niveau de compétences.

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