LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Axe n° 1 : renforcer l'attractivité de l'Énap et, plus largement, concourir à celle de l'administration pénitentiaire

Recommandation n° 1 : afin de garantir une formation initiale au plus proche du terrain, appliquer le décret n° 2016-547 du 3 mai 2016 limitant à sept ans la durée maximale d'affectation d'un formateur à l'Énap ( direction de l'administration pénitentiaire et Énap ).

Recommandation n° 2 : renforcer l'attractivité du statut de formateur à l'Énap en valorisant ces fonctions ultérieurement dans le parcours professionnel de celui-ci, notamment en habilitant l'Énap à certifier ses compétences acquises en tant que formateur, lui permettant ainsi de les faire valoir dans le cadre d'une mobilité ultérieure, y compris au sein d'une autre direction du ministère de la justice, ou d'un autre ministère en lien avec des missions de sécurité ( direction de l'administration pénitentiaire ).

Recommandation n° 3 : améliorer les conditions de prise de poste des agents pénitentiaires, en généralisant le déploiement d'un « référent local logement », en partenariat avec le secrétariat général du ministère de la justice ( direction de l'administration pénitentiaire et secrétariat général du ministère de la justice ).

Axe n° 2 : poursuivre les efforts d'amélioration de la gestion budgétaire de l'école

Recommandation n° 4 : afin de mieux prendre en compte l'évolution du plan de charge de l'école pour l'élaboration de son budget, poursuivre les travaux visant à élaborer une méthodologie permettant de définir le coût complet de la formation d'un agent pénitentiaire, pour chaque catégorie ( Énap) .

Recommandation n° 5 : améliorer la gestion prévisionnelle des effectifs à former en élaborant une planification pluriannuelle des besoins en recrutement, en instaurant un dialogue régulier entre l'école et sa tutelle et en transmettant à l'Énap des plans de charge exhaustif, c'est-à-dire intégrant toutes les formations ( direction de l'administration pénitentiaire et Énap ).

Recommandation n° 6 : consolider et améliorer les outils de dialogue avec la tutelle, en signant sans tarder un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP), et en renouant avec la pratique de la lettre de mission pour le directeur ( direction de l'administration pénitentiaire ).

I. I. UNE ÉCOLE STRATÉGIQUE POUR LES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE, SOUMISE À DES EXIGENCES DE FORMATION ÉLEVÉES

A. UNE ÉCOLE « TÊTE DE PONT » DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE...

1. L'école historique de formation de l'ensemble des métiers de l'administration pénitentiaire

Auparavant nommée « École de formation des personnels de l'administration pénitentiaire » (EFPAP), puis « École d'administration pénitentiaire » (EAP) à partir de 1965, l'actuelle École nationale d'administration pénitentiaire (Énap) est baptisée ainsi depuis 1977.

Initialement située en Alsace, les locaux de l'école sont installés en 1965 dans un centre de jeunes détenus à Fleury-Mérogis. En 1994, le comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIAT) décide de sa délocalisation à Agen , qui était alors en concurrence avec Amiens et Angoulême pour l'accueil de cet établissement. Cette mutation géographique s'inscrit dans un contexte marqué, d'une part, par une politique de relocalisation de services publics et d'écoles de la fonction publique hors de l'Île-de-France et, d'autre part, par la réorganisation structurelle et pédagogique de l'ensemble de la formation des agents du service public pénitentiaire . Cette délocalisation, dont le budget était alors estimé à 350 millions de francs 1 ( * ) , s'est traduite au préalable par l'organisation d'un concours d'urbanisme, dans l'objectif de créer un vaste campus tourné vers l'extérieur. Le campus a été inauguré à la rentrée de septembre 2000.

Le décret du 26 décembre 2000 2 ( * ) érige l'Énap comme établissement public de l'État à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Elle est placée sous la tutelle du ministère de la justice, assurée par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Le directeur est nommé par décret, sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Aux termes de l'article 2 du décret, modifié en 2016 3 ( * ) , ses missions sont les suivantes :

- la formation professionnelle initiale et tout au long de la vie des fonctionnaires et agents publics occupant un emploi dans l'administration pénitentiaire, ainsi que la formation professionnelle continue des partenaires du service public pénitentiaire ;

- la préparation à des concours de la fonction publique ;

- la réalisation de travaux de recherches et d'études et leur diffusion ;

- le développement et la mise en oeuvre d'actions de partenariat avec des institutions d'enseignement et de recherche, ainsi que d'actions de coopération internationale , notamment en matière de formation et de recherche.

L'école peut également assurer des prestations de service à titre onéreux , telles que la location de structures pédagogiques et d'hébergement, une offre de formations auprès d'acteurs institutionnels, et des coopérations bilatérales de formation avec des pays partenaires.

Sa mission de formation s'adresse donc à l'ensemble des agents de l'administration pénitentiaire . Par conséquent, l'Énap forme, au titre de la formation initiale, une douzaine de publics différents , avec une formation au contenu et à la durée différente pour chacun d'entre eux, allant de six mois pour les surveillants, jusqu'à deux ans pour les directeurs des services pénitentiaires.

Les différentes formations initiales dispensées à l'Énap

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

- directeur des services pénitentiaires ;

- directeur pénitentiaire d'insertion et de probation ;

- conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ;

- directeur technique.

- lieutenant pénitentiaire ;

- technicien.

- premier surveillant ;

- surveillant;

- adjoint technique.

Source : réponse de l'Énap au questionnaire du rapporteur

Des missions historiques de formation et de recherche, les missions confiées à l'école se sont élargies , à compter de 2016, à la formation continue de l'ensemble du public d'administration pénitentiaire, à la préparation au concours, et au rayonnement international, témoignant ainsi de l'importance croissante de son rôle au sein de la DAP .

Les actions de développement international de l'Énap

L'Énap est membre du groupement d'intérêt public « Justice Coopération internationale » (GIP-JCI) depuis 2012 . Sa mission est de contribuer au développement de la coopération juridique et judiciaire dans le cadre de programmes multilatéraux de coopération lancés par les bailleurs de fonds internationaux (Union européenne, Agence française de développement, Banque mondiale, etc.). Par ailleurs, l'école peut répondre à des appels d'offres européens, ou être sollicitée directement par des pays tiers , afin de les accompagner dans une démarche spécifique. Ainsi, l'Énap a participé à un projet d'appui à l'école du personnel pénitentiaire en Côte d'Ivoire, financé par le fonds européen de développement, entre 2012 et 2015. Elle a également participé à un jumelage avec la direction générale des prisons et de la rééducation et l'École nationale des prisons et de la rééducation de Tunisie, dans le cadre d'un consortium franco-allemand financé par le programme d'appui à la réforme de la justice (PARJ) de l'Union européenne, entre 2015 et 2018. Enfin, l'Énap est également membre fondateur du Réseau européen des centres de formation des personnels pénitentiaires , qui rassemble les écoles pénitentiaires européennes et favorise l'échange de bonnes pratiques.

Source : réponse de l'Énap au questionnaire du rapporteur

Alors que l'Énap constitue le maillon essentiel de la formation des agents de l'ensemble du service public pénitentiaire, la subvention qui lui est allouée représente une part marginale du budget total de l'administration pénitentiaire (environ 1 % des crédits de paiement en 2021).

2. Une formation qui se diversifie pour intégrer les évolutions récentes de l'administration pénitentiaire

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, le rapporteur spécial avait déjà souligné les profondes mutations que connaît la direction de l'administration pénitentiaire depuis plusieurs années . En effet, du fait des missions croissantes de celle-ci, les métiers des agents de l'administration pénitentiaire se sont progressivement diversifiés , et ne se résument plus désormais à un parcours linéaire en tant que surveillant, ce qui doit nécessairement être pris en compte au cours de leur formation initiale, puis de leur formation continue.

Lors des déplacements que le rapporteur spécial a effectués à Agen, sur le site de l'Énap, et à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, l'ensemble des interlocuteurs rencontrés ont témoigné de la grande variété des métiers de l'administration pénitentiaire, ce qui contribue à l'attractivité de ces parcours professionnels, et à la fierté de ceux qui exercent ces fonctions .

Ainsi, les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), la montée en charge du renseignement pénitentiaire et la prise en charge des extractions judiciaires, constituent autant de débouchés désormais accessibles aux agents de l'administration pénitentiaire, loin de l'image du surveillant cantonné à un rôle de « porte-clés ».

L'adaptation de la formation délivrée par l'Énap aux évolutions de l'administration pénitentiaire constitue d'ailleurs l'un des objectifs du contrat d'objectifs et de performance de l'Énap pour les années 2019 à 2021. Cette adaptation peut être illustrée, par exemple, par la création début 2020, d'un département de formation au renseignement pénitentiaire (DFRP), après la mise en place du service national de renseignement pénitentiaire (SNRP) 4 ( * ) au sein de la DAP. En effet, la structuration récente du SNRP s'est accompagnée d'un plan de formation visant à harmoniser le niveau de compétence de ses agents. Or, « compte tenu des exigences inhérentes au fonctionnement d'un service de renseignement, l'organisation précédente de la formation atteignait ses limites opérationnelles » 5 ( * ) . Ainsi, le DFRP, accueilli au sein de l'école, a été constitué sous la forme d'une entité du SNRP, supervisée par celui-ci.

En outre, la formation délivrée par l'école dépasse désormais le seul champ de la sécurité en détention. Comme l'explique le directeur de l'école, Christophe Millescamps, « l'administration pénitentiaire exerce une double mission de réinsertion et de sécurité. Elle doit donc s'intéresser à la manière dont les détenus réintègrent la société. Cela pose la question de la participation de la prison à la prévention de la récidive (..). Il est indispensable de continuer à déployer les pratiques opérationnelles liées à la méthodologie de prise en charge des personnes placées sous la justice (...). Pour assurer une prise en charge de qualité, il est indispensable de savoir à qui l'on s'adresse » 6 ( * ) .

Dans cette perspective, l'Énap souhaite faire de la criminologie un axe important de son offre de formation, notamment grâce à la création d'un pôle aquitain d'excellence en criminologie appliquée , qui sera hébergé dans l'une des extensions prochaines des locaux ( cf. infra ). Il convient de relever toutefois que ce nouvel axe de la formation des personnels soulève quelques interrogations chez ceux-ci, notamment sur son articulation avec les enjeux de sécurité et d'insertion des détenus.


* 1 Article intitulé « Un véritable campus à l'américaine », publié le 9 décembre 2020 dans le journal « Le Petit Bleu d'Agen ».

* 2 Décret n° 2000-1328 du 26 décembre 2000 relatif à l'École nationale d'administration pénitentiaire.

* 3 Décret n° 2016-547 du 3 mai 2016 modifiant le décret n° 2000-1328 du 26 décembre 2000 relatif à l'École nationale d'administration pénitentiaire.

* 4 Il s'agit d'un service à compétence nationale organisé en trois échelons (central, interrégional et local).

* 5 Réponse écrite transmise par la direction de l'administration pénitentiaire.

* 6 Compte-rendu de l'audition de M. Christophe Millescamps par la commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française de l'Assemblée nationale, en date du 16 septembre 2021.

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