PREMIÈRE PARTIE
UNE TECHNOLOGIE AUX MULTIPLES FACETTES SOULEVANT DE NOMBREUX ENJEUX DE LIBERTÉ ET DE SOUVERAINETÉ

I. LA RECONNAISSANCE FACIALE : UNE TECHNOLOGIE AUX MULTIPLES FACETTES

A. DÉFINITION : UNE TECHNOLOGIE BIOMÉTRIQUE PROBABILISTE DESTINÉE À L'AUTHENTIFICATION OU À L'IDENTIFICATION DES INDIVIDUS

1. La reconnaissance faciale : une technologie biométrique informatique et probabiliste de reconnaissance des visages

Au cours des dernières années, le déploiement de dispositifs biométriques s'est fortement accéléré en France et en Europe. Cette accélération est principalement due aux avancées des algorithmes d'apprentissage sur lesquels s'appuient ces technologies, dont la puissance de calcul permet désormais une exploitation massive de grands ensembles de données .

Parmi les techniques biométriques, qui regroupent l'ensemble des procédés automatisés permettant de reconnaître un individu à partir de la quantification de ses caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales (empreintes digitales, iris, etc .) 1 ( * ) , la reconnaissance faciale vise à reconnaître une personne sur la base des données caractéristiques de son visage . Depuis son invention dans les années 1970, la reconnaissance faciale a énormément progressé et s'impose aujourd'hui comme une technologie mature permettant d'identifier ou de reconnaître une personne en s'appuyant sur les spécificités biométriques de son visage.

Données biométriques

Le règlement général sur la protection des données qualifie, dans son article 4-14, les données biométriques comme les « données à caractère personnel résultant d'un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d'une personne physique, qui permettent ou confirment son identification unique, telles que des images faciales ou des données dactyloscopiques ».

Ces données sont considérées comme des données sensibles au sens de l'article 9 du RGPD.

La reconnaissance faciale - ou reconnaissance à partir de la biométrie du visage - s'opère en deux étapes :

- d'abord, la collecte du visage et sa transformation en un gabarit : sur la base d'une image du visage de la personne, qui peut être recueillie à partir d'une photographie ou d'une vidéo, le logiciel de biométrie du visage extrait un modèle représentant d'un point de vue informatique certaines caractéristiques de ce visage. Ce modèle, dénommé « gabarit », est considéré comme unique et propre à chaque personne et est en principe permanent dans le temps ;

- ensuite, la reconnaissance de ce visage par comparaison du gabarit correspondant avec un ou plusieurs autres gabarits , préalablement réalisés ou calculés en direct à partir d'une image, photographie ou vidéo. Cette comparaison permet de déterminer si les gabarits concernés correspondent à une même personne.

La reconnaissance d'une personne à partir de la biométrie du visage est une technique probabiliste , car les résultats de comparaison entre les gabarits sont exprimés en pourcentage de correspondance. Si ce pourcentage dépasse un seuil déterminé par le système, celui-ci va considérer qu'il y a correspondance.

Source : Commission des lois du Sénat

2. Deux finalités : l'authentification et l'identification d'une personne

Comme toute technique biométrique, la reconnaissance faciale peut remplir deux fonctions distinctes.

L'authentification (ou la vérification) tout d'abord, qui consiste à vérifier qu'une personne est bien celle qu'elle prétend être . Le système compare alors un gabarit biométrique préenregistré avec celui extrait du visage de la personne concernée au moment du besoin d'identification, afin de vérifier que les deux gabarits correspondent. Il s'agit donc d'une comparaison « 1 contre 1 » . Cet usage vise à répondre à la question : « la personne qui se présente est-elle bien M. Untel ? ». C'est par exemple la technique utilisée lorsqu'un usager déverrouille son smartphone à partir de son visage.

L'identification ensuite, qui vise à retrouver une donnée biométrique parmi celles extraites de plusieurs personnes au sein d'une base de données . La comparaison effectuée est une comparaison « 1 contre N » , un gabarit avec une base de données de gabarits. Le système restitue alors un ensemble de correspondances candidates. Cet usage vise à répondre à la question : « qui est cette personne ? ». L'objectif poursuivi est de retrouver une personne au sein d'un groupe d'individus filmés dans un lieu, figurant sur une image ou dont la photographie est présente dans une base de données. Il permet par exemple de lier un état civil à un visage ou de suivre la trajectoire d'une personne dans une foule.

Le stockage des gabarits biométriques :
un élément distinctif des technologies de reconnaissance faciale

Un autre élément à prendre en compte lors de l'étude des systèmes utilisant la biométrie du visage est constitué par les modalités de stockage des données biométriques. Trois modalités de stockage se distinguent :

- le gabarit biométrique de la personne est stocké sur un support dont elle a la maîtrise exclusive (passeport, badge, carte à puce, smartphone) - dit « gabarit de type 1 » ;

- le gabarit biométrique est sous maîtrise partagée : il est stocké au sein d'une base de données locale mais nécessite pour être exploité l'utilisation d'un « secret » détenu par la personne concernée (code personnel, par exemple) - dit « gabarit de type 2 » ;

- le gabarit biométrique non maîtrisé par la personne concernée est stocké sur une base de données et ne nécessite pas l'utilisation d'un « secret » par la personne concernée pour être exploité - dit « gabarit de type 3 ».

Source : Commission des lois du Sénat

3. Un sous-ensemble des systèmes de traitement d'images par intelligence artificielle

La reconnaissance faciale ne doit pas être confondue avec les systèmes de traitements d'images grâce à l'intelligence artificielle . Quatre niveaux de technologie permettent d'apporter une aide algorithmique au traitement d'une image ou d'une succession d'images, la reconnaissance biométrique n'en constituant que le quatrième niveau.

Un premier niveau permet de détecter la présence d'un objet ou d'une personne dans une image sans en déterminer sa nature , par comparaison avec une image de référence ou une image immédiatement antérieure. À titre d'exemple, la gendarmerie nationale utilise depuis 2017 un outil permettant d'exploiter a posteriori une vidéo de longue durée en filtrant les séquences au cours desquelles l'image est fixe.

Un deuxième niveau permet de reconnaître des catégories , par exemple la détection de types d'objets ou de piétons. Aucun élément supplémentaire sur les caractéristiques ou l'identité des personnes n'est alors rendu disponible. À titre d'exemple, le tournoi de tennis de Roland-Garros en 2020 a été l'occasion d'expérimenter le comptage de personnes présentes dans une file d'attente sur une voie privatisée ou dans une tribune et la détection de mouvements anormaux de foule. Un second exemple est constitué par l'expérimentation menée par la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris permettant de détecter des types de véhicules circulant sans autorisation dans les couloirs de bus : ce système constitue une aide à la décision, dans lequel l'ensemble des opérations conduisant à une verbalisation reste décidé et réalisé par un agent de circulation. Peuvent également être cités la détection de comportements suspects, d'intrusions, de vols ou d'objets spécifiques.

Un troisième niveau permet d'identifier une personne ou un objet à partir de ses caractéristiques non biométriques , sans attacher à la personne une identité. Ces technologies permettent par exemple de suivre un individu dans une foule à partir de son habillement, comme a pu le faire par exemple la SNCF dans le cadre d'une expérimentation d'aide au suivi des personnes non-biométrique (projet PREVIENS).

Un quatrième niveau , qui inclut la reconnaissance faciale, vise à reconnaître un individu à partir de ses caractéristiques biométriques , qu'il s'agisse de son visage, son iris, sa démarche ou sa voix.

La reconnaissance faciale se distingue également des technologies d'analyse faciale , qui se rapportent au visage mais ne visent pas à en extraire le gabarit afin d'identifier ou d'authentifier la personne. Les technologies d'analyse faciale ou de reconnaissance des émotions ont ainsi pour objet de déterminer certaines caractéristiques des personnes présentes sur une image, comme leur âge, leur sexe, leur origine ou leurs émotions, mais pas leur identité. Ces technologies peuvent par exemple être utilisées pour assurer le suivi des personnes atteintes de troubles neurocognitifs, notamment pour analyser leurs interactions sociales et leurs gestes fins 2 ( * ) .


* 1 Ces caractéristiques sont qualifiées de données biométriques par le règlement général sur la protection des données (RGPD) - Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE), car elles permettent ou confirment l'identification unique d'une personne .

* 2 Reconnaissance de gestes et des expressions faciales.

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