AVANT PROPOS

Le décret n° 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l'État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle prévoit en ses articles 2 et 3 que les organismes publics bénéficiant de la contribution à l'audiovisuel public doivent faire établir annuellement par un organisme tiers deux rapports distincts :

- l'un permettant d'attester que ces organismes respectent les conditions normales de marché ;

- l'autre permettant d'attester que le montant des ressources publiques qui leur sont allouées n'excède pas la charge liée à l'exécution de leurs seules missions de service public.

Ces rapports sont adressés aux ministres chargés de la culture et au ministre de l'Économie et des finances ainsi qu'à l'Agence des participations de l'État (APE) et à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture. Il revient ensuite à l'APE et à la DGMIC de transmettre ces rapports à la Commission européenne aux fins d'examen du financement de l'audiovisuel public au titre des aides d'État.

Ces documents sont en principe également transmis à l'Assemblée nationale et au Sénat.

S'agissant de France Télévisions, comme des autres sociétés de l'audiovisuel public, le rapporteur spécial a observé que ces documents n'étaient pas transmis aux commissions parlementaires concernées.

Ces rapports ont finalement été transmis à l'occasion de ce contrôle.

Le rapport relatif au respect des conditions normales de marché pour ses activités commerciales atteste ainsi du respect par France Télévisions de ces conditions, pour l'ensemble de ses activités commerciales. Les chiffres en jeu sont néanmoins protégés par le secret des affaires. Ce même principe limite l'analyse du rapport sur les activités séparées.

En découle, pour le rapporteur spécial, une impression d'opacité qui fragilise une appréciation globale de l'ensemble des activités de l'opérateur et donc de sa stratégie, quand bien même certaines activités ne sont pas financées par la contribution à l'audiovisuel public.

Le rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens n'est pas non plus transmis régulièrement par France Télévisions au Parlement. L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite Loi Léotard, prévoit, en effet, que chaque année, le président de France Télévisions présente, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société. Celui-ci doit rendre compte des mesures de contrôle que ces sociétés mettent en oeuvre dans le cadre de leurs relations avec les entreprises de production.

Là encore, le contrôle a permis au rapporteur spécial de recevoir ces documents.

Toutefois, l'absence de communication systématique des documents renforce une impression de flou s'agissant des activités du groupe France Télévisions et de la stratégie mise en oeuvre. Elle ne permet pas au rapporteur spécial de documenter l'accomplissement, par le groupe, de sa mission de service public et fragilise son appréciation de sa stratégie industrielle, dans un contexte marqué par un bouleversement des pratiques en matière audiovisuelle, une réflexion à venir sur le mode de financement de l'audiovisuel public 1 ( * ) et la question, non tranchée au cours du précédent quinquennat, de son périmètre.

Recommandation n° 1 (France Télévisions) : Transmettre systématiquement aux commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat les rapports relatifs au respect, par France Télévisions, des conditions normales de marché pour ses activités commerciales et à la séparation comptable de ses activités de service public et commerciales, prévus par les articles 2 et 3 du décret n°2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l'État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle et le rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens prévu par l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

C'est à l'aune de cette non-transmission que le rapporteur spécial a souhaité évaluer l'activité des filiales de France Télévisions. L'évolution du paysage audiovisuel avec une éventuelle fusion des groupes TF1 et M6, dont France Télévisions est le partenaire au sein de la plateforme SALTO, l'a conduit à étendre ce contrôle aux prises de participations du groupe au sein d'acteurs du secteur.

I. UNE FILIALISATION POUR PARTIE JUSTIFIÉE MAIS INABOUTIE

Publié en application de l'article 2 du décret n° 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l'État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, le rapport sur les comptes séparés établis par France Télévisions permet de distinguer :

- d'une part, les entités de service public : les chaînes du groupe (France 2, France 3, France 4, France 5 et franceinfo), mais aussi les deux filiales cinéma et les deux sociétés de diffusion technique GR1 et ROM1 ;

- d'autre part, les entités commerciales : france.tv publicité, france.tv studio, france.tv distribution, France Télévisions SVOD, dédiée à l'édition vidéo, Salto et Salto Gestion dédiées à la gestion de la plateforme commune avec TF1 et M6, des participations dans les chaînes privées thématiques (Euronews, Planète + Crime) et les filiales immobilières (SCI FTV, FTVI, SCI Valin et Papangue Immo). Les résultats de ces entités commerciales concourent au financement des activités de service public.

Le groupe public est ainsi en adéquation avec le cadre européen concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État. Le protocole d'Amsterdam, annexé au Traité d'Amsterdam, a réaffirmé en 1997 le droit pour chaque État de définir et organiser librement la mission de service public assignée aux services publics de radiodiffusion. Ces services peuvent être financés aux fins d'accomplissement de cette mission de service public, à la condition que ces dotations n'altèrent pas les conditions d'échange et de concurrence. Dans sa communication du 27 octobre 2009, la Commission européenne précise qu'il y aurait « erreur manifeste dans la définition de la mission de service public si celle-ci comprenait des activités dont on ne pourrait pas raisonnablement considérer qu'elles satisfont -- pour reprendre les termes du protocole d'Amsterdam -- les «besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société». Ce serait par exemple le cas de la publicité, du commerce électronique, de l'utilisation de numéros de téléphone spéciaux dans le cadre de jeux dotés d'un prix, de parrainage ou de marchandisage. Une erreur manifeste pourrait en outre se produire si les aides d'État étaient utilisées pour financer des activités qui n'apportent aucune valeur ajoutée en termes de satisfaction des besoins sociaux, démocratiques et culturels de la société » 2 ( * ) . Ainsi, si les organismes publics de radiodiffusion peuvent exercer des activités commerciales, à l'instar de la vente d'espaces publicitaires en vue de diversifier leurs revenus, ces activités ne peuvent pas être considérées comme faisant partie intégrante de la mission de service public. La filialisation des activités, de vente d'espaces publicitaires (france.tv publicité), de distribution (France.tv distribution) voire de production (France.tv studio) suppose donc un financement autonome.

Il n'en demeure pas moins que les activités de ces entités contribuent directement à la réalisation des missions de service public de France Télévisions. C'est à l'aune de cette évidence que le rapporteur spécial a souhaité évaluer l'activité de france.tv studio, de france.tv distribution ainsi que des deux filiales cinéma et nourrir de la sorte une réflexion plus globale sur le périmètre du groupe. France Télévisions a d'ailleurs indiqué au rapporteur spécial que les relations d'affaires entre France Télévisions et france.tv studio ou france.tv distribution ne constituent pas des opérations de « filialisation » mais des opérations commerciales d'usage contrôlées. Les filiales visent, avant tout, à répondre à des problématiques qui ne font pas partie du coeur de métier du groupe public.

Par ailleurs, même s'ils ne sont pas abondés par une part de contribution à l'audiovisuel public, les résultats financiers de ces filiales sont intégrés dans les comptes consolidés de l'opérateur, sur lesquels le rapporteur spécial de la commission des finances doit exercer son contrôle.

L'activité de france.tv publicité n'appelle pas, quant à elle, d'observation majeure 3 ( * ) . Le rapporteur spécial relève simplement qu'elle réalise 9 % de son chiffre d'affaires avec des acteurs externes : chaînes thématiques et médias interactifs pour l'essentiel 4 ( * ) . Il convient de rappeler à ce stade que les recettes de publicité et de parrainage ont atteint 331 millions d'euros en 2020, dans un contexte marqué par la crise sanitaire, le chiffre d'affaires publicitaire baissant ainsi de 5 % par rapport à 2019.

A. FRANCE.TV STUDIO : UN SI GRAND DÉFI

1. Une filiale aux activités multiples

France.tv studio est une filiale commerciale à 100 % du groupe France Télévisions. Créée initialement en 1986 sous le nom de Méditerranée Film production, elle a été intégrée au groupe France Télévisions en 2001 , sous le nom de Multimédia France Productions (MFP), avant de prendre sa dénomination actuelle en 2018. Son statut est celui d'une société anonyme.

Elle regroupe une société de production audiovisuelle, un laboratoire de sous-titrage (france.tv access), des activités de doublage, audiodescription et sous-titrage (label France Doublage) et un label - Histodio - dédié à la création d'oeuvres sonores originales à partir d'oeuvres littéraires.

La société de production audiovisuelle abrite trois labels de productions (Dalva productions, Salsa productions, et Epeios productions) et couvre tous les champs :

- fiction : unitaire, série, feuilleton quotidien, coproductions internationales ;

- documentaire ;

- magazines culturels, de société, d'éducation et de débats ;

- programmes courts ;

- événements en direct.

La filiale produit ainsi plusieurs émissions évènementielles, tels que « la Fête de la musique », le Téléthon, les concours français de l'Eurovision, ou la nuit du Ramadan, des programmes récurrents - émissions religieuses, pastille Vu -, les débats des cases documentaires (« Le Monde en face » et fictions « Soirées continues »), ou les programmes ludo-éducatifs « (C'est Toujours Pas Sorcier », « C' Jamy » ou « Le Monde de Jamy »).

France.tv studio s'est, en outre, dotée, en février 2021, d'une agence de presse, france.tv presse, chargée de produire des sujets pour les journaux du week-end de France 2, les magazines Envoyé spécial, Passage des arts, Complément d'enquête et Chasseurs de fake, la série documentaire « Affaires sensibles » mais aussi pour la chaîne LCP - Assemblée nationale. Son activité a débuté en septembre 2021.

Le volume d'heures produites par france.tv studio est ainsi passé de 677 heures en 2019 à près de 1 500 heures en 2021, avec une pointe à 1 812 heures en 2020 : 1 400 heures de magazines étant dédiées à la production de programmes éducatifs spécifiques à la période de confinement. France.tv studio était ainsi en 2020 et en 2021 le deuxième producteur français de flux. La filiale alimente principalement les chaînes du groupe.

Chiffre d'affaires avec France Télévisions des principaux fournisseurs
de contenus en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une progression indéniable du chiffre d'affaires

Le chiffre d'affaires global de france.tv studio s'est élevé à 113 millions d'euros en 2021 contre 99,6 millions d'euros lors de l'exercice précédent, soit une progression de 13%.

Progression du chiffre d'affaires par activité de france.tv studio entre 2018 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv studio au rapporteur spécial

4 % du chiffre d'affaires annuel a été réalisé hors groupe France Télévisions en 2021 (5 % en moyenne sur les quatre derniers exercices). Il s'agit pour l'essentiel des activités liées au doublage (72 % du chiffre d'affaires réalisé en 2021, soit 1,6 million d'euros).

Répartition du chiffre d'affaires 2021
en fonction de l'activité et des clients

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv studio au rapporteur spécial

Le chiffre d'affaires a par ailleurs doublé par rapport à 2018. Cette augmentation est principalement portée par l'activité de production, avec la mise en production du feuilleton quotidien de France 2 « Un Si Grand Soleil » à partir de 2018 et la reprise par france.tv studio, de la production d'émissions de flux, à l'image de Télématin en 2019. La crise sanitaire a conduit France.tv studio à développer ces activités de flux avec la mise en production en 2020 et 2021 des programmes quotidien LUMNI et Culturebox.

Le chiffre d'affaires attendu pour 2022 devrait, quant à lui, bénéficier de l'apport de france.tv presse, dont il s'agira du premier exercice en année pleine. 4,5 millions d'euros sont ainsi attendus.

France.tv studio se finance au travers de l'ensemble de ses activités et ne perçoit aucun apport annuel financier de France Télévisions. La filiale n'a, pas, non plus, été destinataire d'une partie des crédits du Plan de relance affectés à France Télévisions en faveur de la création (45 millions d'euros). Société de production, elle est éligible aux aides versées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). France.tv studio a ainsi perçu 8,23 millions d'euros à ce titre en 2021.

Aides versées par le CNC à France.tv distribution
entre 2018 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv studio au rapporteur spécial

Le montant perçu par la filiale est à mettre en perspective avec celui versé par le groupe France Télévisions au CNC via la taxe sur les services de télévision - volet éditeur 5 ( * ) : 117,4 millions d'euros en 2021.

La filiale réalise un résultat net moyen de 4,8 millions d'euros annuel , qui lui permet de remonter des revenus au groupe France Télévisions. Sur les quatre dernières années, france.tv studio a ainsi versé à France Télévisions des dividendes d'un montant moyen de 3,9 millions d'euros annuels .

3. Une montée en puissance affichée mais insuffisamment ambitieuse

L'investissement total de France Télévisions dans la création audiovisuelle atteint aujourd'hui 440 millions d'euros.

L'accord interprofessionnel conclu par France télévisions le 9 juillet 2019 permet à france.tv studio de produire ou coproduire des oeuvres financées par France Télévisions à hauteur d'environ 75 millions d'euros (part dépendante). Cet accord porter en effet à 82,5 % la part de contribution de France Télévisions consacrée au développement de la production indépendante au sens de l'article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 (contre 75 % aux termes de l'accord précédent datant de 2015) et à 17,5 % la part réalisée par sa filiale de production (contre 12,5 % précédemment).

L'ambition affichée est désormais de faire de france.tv studio le premier producteur de contenus pour le service public 6 ( * ) , qu'il s'agisse d'oeuvres patrimoniales de fictions et de documentaires mais aussi de production de programmes de flux. France Télévisions souhaite notamment regrouper l'ensemble des activités de production interne (hors information et sport) au sein de sa filiale : seraient ainsi concernées des émissions comme « Thalassa », « Faut Pas Rêver », « Des Racines et Des Ailes » ou « Des Chiffres et des Lettres ». Elle est louable dans un contexte marqué par l'émergence des plateformes mondiales, qui disposent tout à la fois d'une capacité de production en propre et des droits sur les contenus qu'elles produisent. La montée en puissance d'une agence de production dépendante va, à ce titre, dans le bon sens s'agissant de l'exploitation des programmes sur tous les supports et permet de clarifier la question des droits (cf i nfra ).

Le rapporteur spécial s'interroge simplement sur l'écart constaté entre le discours volontariste et la réalité. Le seuil de 17,5 % de production dépendante n'est ainsi à l'heure actuelle pas atteint. France Télévisions a indiqué, lors de son audition, que la part dépendante devait représenter actuellement 13 % de son investissement, la moitié de ces financements étant fléchés vers la production du feuilleton « Un si grand soleil » , dont le potentiel en matière d'exploitation sur d'autres supports que le linéaire (diffusion en direct) ou d'exportation apparaît très limité (cf infra ), sans parler de son adéquation plus que ténue avec les missions assignées au service public.

Il convient de rappeler à ce stade que le décret du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, dit décret TNT 7 ( * ) prévoit un abaissement de l'obligation indépendante des éditeurs, désormais fixée par défaut à deux tiers par le décret. Ce qui suppose que la part de production dépendante peut être portée, depuis le 1 er janvier 2022, à 33 %. L'obligation d'investissement dans la production indépendante de France Télévisions est toutefois fixée dans son cahier des charges à un niveau supérieur (82,5%), afin de tenir compte de l'accord interprofessionnel conclu avec les organisations de producteurs en décembre 2018. Cet accord devrait expirer à la fin 2022. France Télévisions a indiqué au rapporteur spécial que l'objectif du prochain accord n'était pas tant de parvenir à majorer le taux de production dépendante que de procéder à une révision des clauses de cessions de droits attachés aux programmes produits par les groupes indépendants.

Il y a lieu, dès lors, de s'interroger sur les ambitions assignées à la filiale de production. S'il apparaît illusoire de faire de France Télévisions un concurrent de la BBC en matière de production - BBC Studios a réalisé 1,2 milliard d'euros de livres de chiffres d'affaires en 2021, remontant 151 millions de livres de profit à la BBC -, compte tenu à la fois des différences de moyens, de l'avantage linguistique que constitue l'anglais ou de la différence réglementaire (cf infra), force est de constater que la montée en puissance du service public dans la production apparaît plus que relative.

La politique en matière de création audiovisuelle et donc de production semble manquer, à des degrés divers, de sens de la prospective alors même que la direction de France Télévisions a insisté, devant le rapporteur spécial, sur la nécessité de faire émerger, « grâce à la diversité inégalée de son offre de création », de nouveaux talents. Ce discours volontariste est pourtant à mettre en perspective avec les propos de la scénariste Fanny Herrero, créatrice de la série « Dix pour cent, », grand succès exportable pour le service public : « Le simple fait [que Netflix] soit venu me chercher en dit long. Ça paraît anodin, mais personne ne fait ça en France, attirer les auteurs, les talents locaux ! Chez nous on attend gentiment. France 2 ne m'a pas fait signe pour voir ce que j'avais envie de faire après Dix pour cent » 8 ( * ) .

Ce manque d'ambition patrimoniale rejoint, par ailleurs, une difficulté à produire des contenus de flux innovants. Le rachat récent du format « MasterChef », ancien concours culinaire diffusé sur TF1, traduit là encore un manque de sens de l'innovation tout en interrogeant sur la pertinence d'un tel programme sur le service public.

France Télévisions a indiqué au rapporteur spécial avoir pour projet de faire entrer dans le métier 130 nouveaux scénaristes, représentant une diversité à la fois sociale et géographique. France.tv studio a également conclu en 2021 un partenariat avec le collectif « Les Parasites » visant à faire émerger et professionnaliser de futurs jeunes auteurs français, et développer les talents de demain. Il s'agit désormais de concrétiser cette ambition.

Recommandation n° 2 (France Télévisions, france.tv studio) : Conférer à france.tv studio des moyens en matière de recherche et développement, afin d'en faire un laboratoire d'idées pour la production de programmes innovants et répondant aux missions du service public et donner un sens à la notion de production dépendante.

4. Une filiale qui reste dépendante des moyens de production de France Télévisions

France.tv studio a la possibilité d'utiliser les moyens de fabrication internes de La Fabrique, la filiale de production interne de France Télévisions, pour ses productions, tant en matière de fiction que de flux. Une relation commerciale classique est alors établie, dans laquelle La Fabrique est prestataire en industrie (flux) ou producteur exécutif de france.tv studio (fiction).

Réformée en 2020, La Fabrique conserve ainsi un rôle majeur en matière d'investissement , à l'image de ceux réalisé à Vendargues (Hérault), site où est tournée la principale production de france.tv studio : le feuilleton quotidien de France 2 « Un si grand soleil ». Présenté par France Télévisions comme un « hub de production ECOPROD », disposant d'une menuiserie pour la fabrication de décors, d'un lieu de stockage pour ceux-ci et d'un accueil pour cars de videomobile, le lieu est appelé à permettre la réalisation d'autres productions. Le rapporteur spécial constate néanmoins que le site est pour l'instant exclusivement dédié au feuilleton quotidien de la deuxième chaîne du groupe. France Télévisions a indiqué au rapporteur spécial que le transfert de La Fabrique vers la filiale n'était pas envisagé.

Ce rôle clé de La Fabrique ne doit cependant pas occulter les investissements de france.tv studio, à l'image de ceux réalisés dans la société Les Tontons Truqueurs en 2021, spécialisée dans les effets visuels (prévisualisation des effets spéciaux en temps réel sur le plateau, intégration en temps réel et réalisation de séquences intégralement en virtuel). « Un si grand soleil » semble, là encore, le principal bénéficiaire de ces investissements.

5. La filiale au service d'une réduction des effectifs de la maison-mère ?

France.tv studio comptait en 2021 555,4 équivalents temps plein (ETP) dont 134,9 permanents. Les effectifs ont ainsi quasiment doublé depuis 2018. 80,6 % des salariés sont affectés à l'activité de production. Ces emplois ne sont pas comptabilisés dans ceux du groupe.

Afin de répondre aux objectifs de la trajectoire d'économies élaborée par le Gouvernement pour la période 2018-2022 (160 millions d'euros sur la période) , France Télévisions a élaboré en 2019 un projet stratégique, intégrant notamment un plan de transformation des effectifs et la fin de la gestion directe des émissions produites en interne au profit de france.tv studio. Ce transfert supposait des déplacements de personnels du groupe vers sa filiale de production.

À ce jour, seul le transfert de la production exécutive de Télématin a été réalisé en 2019, induisant le départ de 2 ETP vers france.tv studio. Une nouvelle étape est en cours de négociations afin de transférer de nouveaux programmes (cf supra ). 75 salariés seraient concernés. Leur départ s'effectuerait sur la base du volontariat.

Le transfert de ces émissions apparaît logique au regard des objectifs poursuivis.

La création de france.tv presse n'est, quant à elle, pas présentée comme le prélude à un éventuel transfert d'une partie de la rédaction vers la filiale. L'agence ne produit, par ailleurs, que des reportages longs et non des formats courts requis pour les journaux. La direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture a néanmoins indiqué au rapporteur spécial que la création de l'agence de presse pourrait, en cas d'évolution des besoins de l'antenne, voir son activité croître dans un contexte marqué par la réduction des effectifs de la rédaction interne.

Près de 76 % des effectifs sont donc constitués d'emplois non permanents, parmi lesquels sont comptabilisés 335 intermittents du spectacle et 30 journalistes pigistes (6 journalistes disposent d'un emploi permanent au sein de la filiale). Le recours à des emplois précaires, pour partie financés par la solidarité nationale, peut interroger s'agissant d'une entreprise publique. Le rapporteur spécial n'ignore pas, cependant, que cette pratique est également le fait des producteurs indépendants. En vue de la nécessaire poursuite des transferts de programmes de flux vers france.tv studio, il conviendra cependant de clarifier la nature des économies engendrées par ces transferts et vérifier ainsi que celles-ci ne sont pas in fine supportées par l'assurance-chômage.

Répartition des emplois au sein de france.tv studio

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv studio au rapporteur spécial

Recommandation n° 3 (Ministère de la culture, France Télévisions, france.tv studio) : Afin de respecter les mesures d'économies décidées pour France Télévisions, mener à bien le transfert de l'ensemble de l'activité de production des émissions en gestion directe vers france.tv studio, en veillant à ce que les économies réalisées ne soient pas indirectement financées par l'UNEDIC, au titre du régime des intermittents du spectacle,, composante importante des effectifs de la filiale.


* 1 L'avenir du financement de l'audiovisuel public fait l'objet d'une mission commune de contrôle menée avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 2 Communication de la Commission concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État, 27 octobre 2009, C 257/1.

* 3 La question des ressources publicitaires sera abordée par la mission commune de contrôle sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public menée par la commission des finances et celle de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 4 13ème Rue, Boing, Boomerang, Boomerang +1, Cartoon Network, E ! Entertainment, France 24 (hors signal Afrique), La Chaine Météo, Melody, My Zen TV, National Geographic, Nat Geo Wild, Syfy, Toonami, Trace Urban, TV5Monde (hors TV5Monde Afrique), Voyage et WarnerTV.

* 5 Articles 115-6 du code général des impôts et suivants.

* 6 Cette position est aujourd'hui contestée par Bainay, Mediawan ou Newen qui regroupent plusieurs producteurs travaillant avec le service public. .

* 7 Décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

* 8 Télérama, 15 mars 2022.

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