EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juin 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur les filiales et les prises de participations de France Télévisions.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons maintenant entendre une communication de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », sur les filiales et participations de France Télévisions.

Nous poursuivrons l'analyse de cette question par une mission de contrôle conjointe avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. A ce titre, je salue la présence parmi nous de M. Jean-Raymond Hugonet, que je remercie d'assister à nos travaux.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Je serai relativement bref, puisque, comme notre président vient de l'annoncer, nous reviendrons sur le financement de l'audiovisuel, avec Jean-Raymond Hugonet, dans le cadre de la mission de contrôle conjointe menée avec la commission de la culture.

Mon rapport de contrôle porte non sur le financement global de l'audiovisuel, mais sur la tentative de France Télévisions de créer des filiales ou des sociétés commerciales pour déconcentrer un certain nombre d'activités et, en principe, dégager des ressources supplémentaires.

France Télévisions a ainsi constitué progressivement un certain nombre de sociétés, à l'image de france.tv studio, qui regroupe la production audiovisuelle, le sous-titrage et l'audiodescription, et france.tv distribution, qui gère notamment la distribution internationale des programmes, les parts producteurs et la vente des licences.

Ces créations sont-elles un moyen de dissimuler des transferts de personnel et répondre ainsi à l'objectif de 160 millions d'euros d'économies demandés par la tutelle à France Télévisions entre 2018 et 2022 ? Pas vraiment, même s'il convient de nuancer s'agissant de france.tv studio. J'y reviendrai.

Le rapport traite également des prises de participation du groupe France Télévisions. La plus importante d'entre elles concerne la plateforme SALTO. J'avais annoncé, dès le début, que SALTO serait un échec pathétique. France Télévisions nous a assuré que nous nous trompions, que l'accord avec TF1 et M6 serait redoutable... On a vu France Télévisions investir mais SALTO est bien un échec en nombre d'abonnés, en diffusion et, sincèrement, en intérêt.

Résultat des courses : en mars dernier, France Télévisons a indiqué que, en cas de fusion TF1-M6, elle se retirerait de SALTO. Je considère, au vu de l'échec de SALTO, que, même sans la fusion, il n'y pas d'intérêt pour le service public à continuer. Il faut arrêter cette expérience malheureuse, qui a coûté cher depuis trois ans.

Revenons aux filiales et abordons celles dédiées au financement du cinéma. France 2 Cinéma et France 3 Cinéma représentent chacune six emplois à temps plein ; ce n'est donc pas ça qui coûte le plus cher... On peut néanmoins s'interroger sur l'intérêt de disposer de deux entités. Les personnels concernés, certainement passionnés, nous expliquent que les choix opérés par chacune d'entre elles sont très différents : des films un peu plus grand public pour France 2 Cinéma, un peu plus culturels et territorialisés pour France 3 Cinéma. En gros, La Grande Caravane , c'est sur France 2, et Jacquou le Croquant s ur France 3...

Votre rapporteur spécial a la faiblesse de penser qu'il n'y a pas vraiment deux filiales : ceux dont le projet n'a pas été retenu par France 2 Cinéma le proposent à France 3 Cinéma. Les films financés ne se retrouvent par ailleurs pas forcément sur l'antenne du financeur. Je relève que France Télévisions a placé au-dessus des deux entités un directeur cinéma et un comité de sélection qui chapeautent l'ensemble.

Les deux structures pourraient donc parfaitement être fusionnées. La situation actuelle paraît illogique, même si, je le répète, les économies liées au regroupement seraient modestes.

Les deux autres filiale étudiées dans le rapport, france.tv studio et france.tv distribution se développent, pas de manière considérable mais tout de même.

La première est passée de 677 heures en 2019 à 1 812 heures en 2020, à la faveur aussi de la pandémie. Le chiffre d'affaires global est de 113 millions d'euros, en forte progression, mais seulement 3 à 4 millions d'euros par an remontent à France Télévisions. france.tv studio représente-t-elle un apport financier supplémentaire ? Pour le moment, ce n'est pas très convaincant, même si cela contribue à gérer la participation de France Télévisions à la production audiovisuelle française, avec des chefs-d'oeuvre qui ne vous ont pas échappé.

Par rapport à la BBC, qui a l'avantage du large marché anglophone, il est clair qu'il n'y a pas de comparaison possible.

France.tv Studio a-t-elle été un moyen de réduire le personnel de France Télévisions ? Pas pour le moment, à l'exception de deux équivalents temps plein, mais des discussions sont en cours avec les syndicats sur des transferts. France Télévisions envisage de transférer 75 emplois , ce qui ferait une économie pour elle, mais pas forcément pour les deniers publics. Je relève que les personnels de france.tv studio sont, essentiellement, des intermittents du spectacle, dont les indemnités de chômage sont prises en charge par l'Unedic. La réduction de la masse salariale de France Télévisions permise par le transfert de personnels vers france.tv studio serait donc artificielle en matière de finances publiques.

En matière de distribution internationale, il faut reconnaître que nous avons du mal à vendre. Nous avons vendu Un si grand soleil à la Grèce et à la Turquie, soit... Mais c'est sans commune mesure avec les ventes de la BBC. Nos séries coûtent cher et sont peu exportables, même si nous avons un peu mieux vendu Dix pour cent et Derby Girl.

Pouvons-nous développer la distribution ? Oui, si nous laissons un peu plus de marge de manoeuvre aux acteurs. Le décret du 30 décembre 2021 a ménagé quelques souplesses, mais il faut probablement négocier de nouveaux accords avec les producteurs pour renforcer la capacité à exporter de la filiale. Je note en outre que france.tv distribution a connu quatre présidents en cinq ans... La capacité d'action étant faible, pour ne pas dire nulle, les présidents nommés préfèrent peut-être faire autre chose.

Je me résume : on peut, par cohérence, fusionner France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, même si cela ne rapportera pas grand-chose ; il faut sortir de SALTO, que la fusion TF1-M6 ait lieu ou non, car c'est un échec commercial et financier, comme nous l'avions prévu - il eût été préférable que France Télévisions fasse une plateforme avec Arte ou l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ; s'agissant de france.tv studio et de france.tv distribution, il faudra surveiller qu'il n'y ait pas de transfert d'un trop grand nombre de personnels vers l'Unedic ; enfin, il faut renégocier le cadre de la distribution des coproductions financées par France Télévisions.

Nous avons des faiblesses par rapport à la BBC, mais nous avons aussi des séries, des films et des documentaires qui peuvent se vendre. Arte réussit plutôt dans ce domaine.

France Télévisions a fait des efforts, en particulier pour réduire ses coûts, mais n'a pas de politique ambitieuse en matière de production ou de distribution. Je ne dis pas que nous pouvons égaler la BBC, mais nous pouvons faire des progrès.

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis de la commission de la culture . - Je souscris sans réserve aux propos de M. Karoutchi.

M. Philippe Dominati . - Quel est le marché à l'export du catalogue de films en langue française ?

La présidente de France Télévisions a récemment critiqué la Fédération française de tennis au sujet des droits liés à Roland-Garros. Il est étonnant qu'elle mette en cause directement la gestion passée de la nouvelle ministre des sports... Plus largement, peut-être y a-t-il matière à trouver du chiffre d'affaires sur les droits sportifs.

M. Vincent Segouin . - Je constate qu'aucun jeune ne regarde plus la télévision. Comment France Télévisions envisage-t-elle son avenir dans ce contexte ? Songez que le match Nadal-Djokovic n'a pas été retransmis sur une chaîne française !

J'ai peur de connaître la réponse : incapables que nous sommes de changer quoi que ce soit, nous aurons recours à la dette pour maintenir le système en place, sans s'interroger sur les nouvelles orientations à prendre...

M. Antoine Lefèvre . - Le rapporteur spécial a parlé d' Un si grand soleil ... Peut-il nous dire si, au vu de ses investigations, france.tv studio n'est pas plutôt un si grand gâchis ?

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Nous aborderons l'avenir de France Télévisions et du financement de l'audiovisuel public dans quelques instants, dans le cadre de notre réunion conjointe avec la commission de la culture.

france.tv studio est-elle un gâchis ? Attendons un an ou deux pour le dire. Il faut surveiller les mesures qui seront décidées en matière de personnel et leurs conséquences sur les finances publiques. Quand on l'interroge sur cette question, la présidente de France Télévisions se défausse assez vite, en disant : ne nous mettez pas en contradiction avec les syndicats pour le moment. Les syndicats ont bien compris qu'un transfert permettrait d'employer plus de gens, en captant des financements Unedic, mais ce n'est pas le bon système. Il faut trouver un équilibre.

Nos capacité d'exportation sont quasi nulles. Dix pour cent est la seule série que nous ayons à peu près réussi à exporter en zone francophone. Indépendamment du problème de la langue, il n'y a pas d'effort et pas assez de liberté pour france.tv distribution. Ne faudrait-il pas créer une vraie société de distribution internationale, qui ne fasse que cela, avec l'obsession de la vente ? france.tv distribution ne distribue pratiquement que la production interne, qui n'est pas facilement exportable.

S'agissant du sport, nous y reviendrons dans quelques instants, avec Jean-Raymond Hugonet.

Au total, la filialisation n'a pas produit beaucoup de résultats ; tout garder en interne n'aurait pas changé la donne. Je ne dis pas que c'est un échec, mais, tant qu'à filialiser, autant donner aux nouvelles entités plus de liberté et d'autonomie d'action !

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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