C. DÉVELOPPER UNE VÉRITABLE STRATÉGIE NUMÉRIQUE UNIFIÉE POUR UTILISER AU MIEUX LES RESSOURCES

1. Unir les forces numériques de l'audiovisuel public

Les entreprises de l'audiovisuel public ont connu des fortunes diverses dans le cadre de leurs stratégies numériques. Certaines constituent de véritables succès comme la plateforme numérique de France Info et l'application numérique d'ARTE. D'autres ont été des échecs retentissants comme l'incapacité pour France Télévisions à créer sa propre plateforme SVOD et son retrait annoncé de la plateforme SALTO dont les résultats sont eux-mêmes peu convaincants.

Si les stratégies poursuivies n'ont donc pas toutes donné satisfaction, l'augmentation des moyens consacrés au numérique est indéniable. Depuis 2012, France Télévisions a ainsi fait passer ses investissements annuels dans le numérique de 57 millions d'euros à 197 millions d'euros en 2022 ce qui représente une augmentation de 140 millions d'euros en niveau et une multiplication par 3,5 des moyens. Le principal problème concerne donc moins le niveau des investissements dans le numérique que les stratégies poursuivies, les modalités de la transition vers le numérique et la capacité à développer des offres multi-supports.

La mission de contrôle considère que les sociétés de l'audiovisuel public auraient tout intérêt à unir leurs moyens dans le numérique au lieu de considérer cet univers comme un nouveau terrain d'affrontement où chacun y déplace ses griefs . La longue gestation de l'offre numérique commune à France 3 et France Bleu a démontré les limites des projets initiés « par le bas ». La nouvelle offre numérique « ICI » lancée au printemps dernier ne semble par exemple pas pleinement aboutie. La proportion d'informations locales reste limitée et l'ergonomie de l'application ne marque pas par son originalité ni sa praticité.

La création d'une société unique doit permettre de repenser intégralement l'offre numérique des sociétés de l'audiovisuel public en fonction d'objectifs communs et des compétences respectives de chaque entité .

Les rapporteurs ne se prononcent pas sur le fait de savoir si le regroupement des moyens doit déboucher sur la création d'une plateforme commune. Cette décision relèvera des dirigeants de l'entreprise unique. Parmi les avantages d'une telle solution, on peut mentionner l'intérêt qu'il y aurait à massifier les contenus, à améliorer le référencement et à augmenter la fréquentation tout en partageant des technologies coûteuses. A contrario , la réalisation d'une plateforme commune devrait préserver les spécificités respectives du son et de l'image ainsi que la capacité de répondre aux attentes de publics variés. En tout état de cause, les rapporteurs sont attachés à la préservation de la plateforme numérique d'Arte qui doit développer sa dimension européenne et préserver son originalité.

Au final, il n'est pas établi que le regroupement des moyens doit nécessairement aboutir à une offre unique, d'autres schémas sont possibles, l'essentiel étant, en s'appuyant sur l'expertise des personnels, de pouvoir proposer à chaque public des offres adaptées évitant les doublons et privilégiant un haut niveau de qualité. Le regroupement des moyens permettrait par exemple de mettre en oeuvre une relance éditoriale de la chaîne France Info et d'approfondir l'ancrage local de la nouvelle plateforme ICI lancée au printemps 2022 par France 3 et France Bleu.

Dans le même esprit, une offre numérique unique consacrée à l'international pourrait sans doute être envisagée en regroupant les moyens de France 24 et RFI sur le numérique 37 ( * ) .

Recommandation n° 7 (France Télévisions, Radio France, Institut national de l'audiovisuel, France Médias Monde, Arte) : Développer une véritable stratégie numérique unifiée pour l'ensemble de l'audiovisuel public afin de permettre aux Français d'accéder plus facilement à l'ensemble des programmes proposés par chaque société sur tous les supports.

2. Une meilleure visibilité des offres publiques face à la multitude des offres privées

Dans les années à venir, le service public de l'audiovisuel risque d'être de plus en plus confronté au risque de perdre en visibilité sur les interfaces des box internet des opérateurs de télécommunications, sur les télécommandes des constructeurs de télévisions, sur les enceintes connectées et sur les écrans des voitures. L'accès direct aux programmes étant devenu un avantage concurrentiel décisif, les grandes plateformes américaines n'hésitent pas à monnayer leurs places pour être directement accessibles sur les interfaces et les télécommandes.

Dans ces conditions, il apparaît indispensable non seulement de mieux structurer l'offre de programmes publics en clarifiant les lignes éditoriales des différents services mais également de favoriser leur accès à travers des points d'entrée communs.

La mission de contrôle propose que la loi oblige les fabricants de téléviseurs et les opérateurs de télécommunication à faire figurer sur leurs interfaces et leurs télécommandes un « bouton » unique permettant d'accéder à l'univers des offres de programmes de France Télévisions, de l'INA et d'Arte ainsi que des captations de programmes de Radio France .

La question de l'accès aux programmes concerne également la radio et donc Radio France et les antennes de France Médias Monde. En effet, le développement des enceintes connectées favorise de nouvelles pratiques de consommation du son et des programmes radio indépendantes de la diffusion hertzienne. Les constructeurs de ces enceintes (Amazon, Apple...) ont donc toute latitude pour proposer des programmes soit linéaires soit délinéarisés (podcasts) à leurs conditions. Pour le service public, l'accès à ces enceintes n'est donc pas garanti d'autant plus si les créateurs de ces écosystèmes entendent commercialiser cet accès ou, au contraire, le réserver à leurs propres services de manière exclusive.

Un autre défi pour les radios concerne la profonde transformation en cours dans l'industrie automobile . La transition engagée vers des véhicules électriques s'accompagne le plus souvent d'une transformation de l'habitacle qui fait la part belle aux nouvelles technologies à la fois en termes de navigation, de sécurité et de divertissement. Les véhicules les plus innovants intègrent dès leur conception des écrans de plus en plus importants et les services comme les programmes sont considérés comme partie intégrante de l'identité de l'offre de chaque constructeur. Dans ces conditions, le risque existe pour les radios - et notamment le groupe Radio France - de voir l'accès à ses antennes réduit ou même supprimé à mesure que les postes de radio FM céderont la place dans les voitures à d'autres technologies moins « ouvertes ».

Recommandation n° 8 (direction générale des entreprises) : Obliger les fabricants de téléviseurs et les opérateurs de télécommunication à permettre à leurs clients d'accéder directement à l'univers des programmes de l'audiovisuel public à travers une touche dédiée sur les télécommandes et un espace réservé sur la page d'accueil des interfaces TV des boxes.


* 37 Bien que les maquettes des sites internet de France 24 et RFI soient semblables et que les publics visés soient similaires, les informations mises en ligne sur ces sites par des rédactions distinctes demeurent différentes.

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