B. RENFORCER LA CAPACITÉ D'ACTION DE LA FUTURE SOCIÉTÉ UNIQUE

1. Un mode de nomination à revoir dans le cadre d'une réforme globale

Les deux premiers alinéas de l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoient que : « Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l'objet d'une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d'expérience. Les candidatures sont présentées à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et évaluées par ce dernier sur la base d'un projet stratégique. »

Les modalités de nomination des dirigeants de ces trois sociétés n'ont cessé de faire débat. Le dispositif actuel qui est issu de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public visait à transférer à l'Arcom la nomination de ces dirigeants afin de renforcer leur indépendance. Or cet objectif n'a été qu'imparfaitement atteint si l'on se souvient des polémiques qui ont accompagné les nominations à la présidence de France Télévisions.

Deux objections plus techniques relativisent par ailleurs l'intérêt du processus actuel de nomination. Tout d'abord, l'Arcom cumulant le pouvoir de nommer les dirigeants et celui de réguler le secteur, le dirigeant nommé se retrouve très dépendant du régulateur dans la perspective de son renouvellement. Il lui sera difficile de s'opposer aux souhaits du régulateur s'il estime que ces derniers vont à l'encontre des intérêts de l'entreprise publique. Ensuite, et c'est le second inconvénient du dispositif actuel, le deuxième alinéa de l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les candidatures à la présidence de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde sont accompagnées d'un projet stratégique ; or les candidats n'ont pas tous un égal accès aux données stratégiques des entreprises et par ailleurs l'État actionnaire reste libre d'accorder ou non les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du projet stratégique du candidat retenu. Le processus de nomination apparaît donc significativement biaisé.

Dans leur rapport 36 ( * ) de 2015, nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin proposaient que : « la direction du nouvel ensemble "France Médias" soit confiée à un président directeur général agissant sous le contrôle étroit d'un puissant conseil, constitué sur le modèle du trust de la BBC, afin de renforcer la légitimité de la stratégie mise en oeuvre. Dans cet esprit, la nomination du président directeur général de ce nouveau groupe deviendrait une prérogative du "trust", le CSA pouvant être consulté pour avis pour garantir la qualité du profil du candidat retenu et les commissions chargées de la culture et des finances des deux assemblées pouvant être amenées à avaliser la nomination par un vote » . Les rapporteurs de la mission conjointe considèrent qu'un tel mode de nomination conserve aujourd'hui toute sa pertinence afin de se rapprocher du droit commun des entreprises, le dirigeant de la société unique étant nommé par l'instance de direction collégiale de l'entreprise dont la composition serait repensée pour réduire le nombre des représentants des ministères de tutelle.

Enfin, comme cela a été rappelé précédemment, il est essentiel que le mode de nomination des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public ainsi que les modalités permettant d'écourter le mandat d'un dirigeant garantissent le fait que ceux-ci exercent leur mission conformément aux choix de l'actionnaire et n'utilisent pas, au contraire, leur position pour empêcher les évolutions indispensables, en jouant des différences entre les tutelles.

2. Des modalités de répartition de la ressource publique à repenser

La répartition du produit de la contribution à l'audiovisuel public est aujourd'hui opérée dans le cadre du projet de loi de finances. Le compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » prévoyant ainsi autant de programmes qu'il y a d'entreprises.

Cette répartition est dans les faits opérée à l'issue de réunions d'arbitrages interministérielles associant les ministères de la culture et des finances organisées dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances. Depuis 2018, cette répartition suit la trajectoire quadriennale 2018-2022 décidée par le Gouvernement et reprise par les contrats d'objectifs et de moyens adoptés en 2020 pour la période 2019-2022.

Cette répartition des moyens répond donc aux objectifs fixés par le Gouvernement à chacune des entreprises dans un cadre pluriannuel. Mais elle ne tient pas véritablement compte des résultats de ces entreprises en termes d'audience, d'innovation et de mutualisations . Il n'y a pas, par exemple, de ligne de crédits dédiée à des projets communs ou transversaux. Par ailleurs, il n'y a pas non plus de transferts de crédits d'une année sur l'autre entre entreprises pour tenir compte de résultats insuffisants, de la nécessité de réduire le périmètre d'une entreprise et au contraire de favoriser le développement d'une autre entreprise ou d'accompagner un projet particulier. En fait, la répartition des moyens relève davantage de la reconduction des moyens alloués année après année que d'un pilotage fin au plus près des réalités et des projets .

Avec la création d'une société unique réunissant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA, la direction du nouvel ensemble aura toute latitude pour répartir les moyens entre les différents services et les différentes directions . Cette souplesse nouvelle permettra de faire des choix afin, en particulier, d'investir plus dans les nouvelles technologies au service des nouveaux usages en réduisant les investissements dans les technologies et les programmes qui ont perdu de leur attrait. À cet égard, la création d'une société unique devrait permettre de rapprocher la gestion de l'entreprise des standards en vigueur dans le secteur privé.

Dans le nouveau cadre envisagé, la mission budgétaire nouvellement créée prévoirait ainsi des programmes dédiés pour la société unique France Médias, Arte France et TV5 Monde, ces crédits ayant vocation à s'inscrire dans un cadre pluriannuel déterminé en lien étroit avec la nouvelle Autorité supérieure de l'audiovisuel public chargée d'évaluer les besoins de ces entreprises.


* 36 https://www.senat.fr/rap/r14-709/r14-70913.html#toc324

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