Toutefois, ces constructions financières, si elles sont acceptables pour des entreprises déjà établies, peuvent pénaliser le développement des start-up.

Le chiffre d'affaires est un élément clé dans la décision d'investir ou non dans une entreprise. Par conséquent, comme l'a fait remarquer Matthieu Masselin, président-directeur général de la société française Wandercraft,

« Une boîte qui vient de se monter est évidemment dans l'impossibilité d'assurer la rentabilité d'une SATT, laquelle construit pourtant son KPI (indicateur clef de performance) sur cette perspective... Un entrepreneur qui se lance n'a pas envie d'être amputé de 5 % de son chiffre d'affaires ! » 2

De même, la demande par les SATT de commissions convertibles en parts de capital peut dissuader des investisseurs d'entrer dans le capital de la start-up, dans la mesure où les perspectives de valorisation de l'entreprise seront amoindries par la créance de la SATT sur la start-up. Comme le rappelle François Jamet dans un rapport récent 3 , « Les SATT justifient souvent le montant d' up-front demandé par le coût de la maturation et de la PI. Cette pratique peut donner l'illusion d'une valeur objective de ce montant mais elle n'est pas économiquement fondée : si on se place dans une logique de remboursement, pourquoi s'intéresser aux seules dépenses de maturation et de PI et non aux coûts de la recherche qui est à l'origine de la technologie ? » Ce rapport conclut ainsi :

« Les SATT doivent se placer dans un dialogue avec l'entreprise sur son plan d'affaires et sur la valeur apportée réellement par la PI transférée, et non, par facilité, dans une approche de remboursement de dépenses ».

Par ailleurs, les universités, notamment les plus intensives en recherche et celles qui ont développé leurs propres centres de valorisation, restent assez critiques sur le principe de structures de valorisation créées en

1 Audition de l'Inrae du 15 février 2022.

2 Audition de Wandercraft du 30 mars 2022.

3 François Jamet, Rapport remis à la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation, Le transfert de technologie aux start-ups , mars 2019.

dehors de leur périmètre, dans la mesure où le modèle économique des SATT les pénalise. En effet, les revenus récupérés auprès des start-up dans le cadre de la valorisation leur permettent d'embaucher de nouveaux doctorants et de faire du ressourcement. Toutefois, tant que la SATT n'a pas récupéré l'ensemble des coûts directs et indirects qu'elle a engagés dans le processus de maturation, la répartition des revenus entre SATT et organismes de recherche dont le laboratoire de recherche est à l'origine du transfert de technologie est très inégale : 35 % pour le laboratoire et 65 % au profit de la SATT de Saclay par exemple. Par conséquent, le retour sur investissement pour les laboratoires à l'origine de la valorisation est décalé dans le temps.

Globalement, le modèle économique et les exigences de rentabilité fixées aux principaux dispositifs français de valorisation de la recherche tendent à décourager la prise de risque, à dissuader les entrepreneurs de recourir à ces structures et à favoriser l'investissement dans des projets aux perspectives de rentabilité de court ou moyen terme. Par conséquent, l'investissement dans les projets de rupture technologique à dimension industrielle est insuffisant, car leurs perspectives de rentabilité sont plus lointaines, mais aussi plus incertaines, alors que ce sont ces projets qui permettront à la France de devenir un « leader de l'innovation » et qui seront les plus pourvoyeurs d'emplois sur nos territoires .

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