2. Alors qu'elle doit être appréhendée comme un investissement et évaluée en mesurant son impact économique, écologique et social

a) Penser la valorisation comme un investissement de long terme appelant une programmation pluriannuelle

La mission d'information considère qu'il est indispensable de changer de paradigme pour la mise en oeuvre des dispositifs de soutien à la valorisation de la recherche, qui ne doit plus être considérée comme un moyen de soutenir la recherche publique à court terme ou comme une source de revenus décorrélée du temps des entreprises, mais qui doit au contraire être pensée comme une politique d'investissement de long terme.

Comme le résume Bruno Sportisse, président-directeur général de l'Inria, « la politique de transfert et d'innovation doit d'abord être considérée comme un investissement public au même titre que la recherche. Elle va coûter aux établissements publics qui la mettent en oeuvre ; c'est un poste de dépenses, non de recettes » 1 .

Pour entamer ce changement de paradigme, la mission d'information propose une mesure radicale : modifier le modèle économique des SATT et abandonner la chimère de la rentabilité, afin de leur permettre de mieux accomplir leur politique de maturation.

1 Audition de l'Inria du 16 février 2022.

Supprimer l'objectif de rentabilité assigné aux SATT .

Conditionner le soutien financier aux start-up à des obligations en matière d'implantation industrielle, y compris en cas de rachat par une société étrangère .

Si la politique de transfert et d'innovation est un investissement, celui-ci doit, pour être mené à bien, faire l'objet d'une planification pluriannuelle visant à définir des priorités, à garantir une stabilité dans les choix opérés et à apporter de la visibilité pour les chercheurs, les entrepreneurs et les investisseurs.

Les auditions menées par la mission d'information ont mis en évidence un « besoin de temps long » . Il a en effet été question du temps long de la recherche fondamentale, de l'innovation technologique de rupture, de la rentabilité industrielle et du soutien des pouvoirs publics. Ces

« temps longs » doivent désormais être alignés.

Au niveau de l'État, une réponse à ce « besoin de temps long » doit s'inscrire au niveau budgétaire, avec l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle de l'innovation , appelée de leurs voeux par plusieurs acteurs majeurs de la recherche, de l'innovation et de l'enseignement supérieur dans le cadre de cette mission d'information, mais également lors de l'examen de la loi de programmation pour la recherche (LPR).

Les parlementaires ont souligné déjà, en 2020, l'articulation peu lisible de la loi de programmation de la recherche (LPR) avec le plan de relance et le quatrième plan d'investissement d'avenir (PIA 4), alors même que les montants de ces derniers sont considérables. La commission des finances du Sénat les a estimés, sur le périmètre stricto sensu de la LPR, à 459 millions d'euros en 2021 puis 314 millions d'euros en 2022 et, avec le PIA 4, à 1,47 milliard d'euros en 2021 puis 1,3 milliard d'euros en 2022 1 .

La commission des affaires économiques déplorait également l'absence de stratégie globale et cohérente permettant d'appréhender le

« continuum » entre la recherche et l'innovation 2 .

Aujourd'hui, les crédits alloués aux politiques d'innovation sont plus dispersés que jamais (plan de relance, PIA 3, PIA 4, France 2030, lois de finances annuelles, etc.) figurant dans divers textes budgétaires, sans

1 Avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

2 Avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

véritable visibilité, compliquant d'autant plus les travaux de contrôle parlementaires.

Si une telle démarche a commencé à être engagée par la loi de finances pour 2022 avec l'intégration du PIA 4 dans le plan France 2030 sous l'égide du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), afin de faciliter « la cohérence de la gestion, de l'allocation et du pilotage des moyens de soutien à l'investissement dans les domaines de l'innovation et de l'industrie » 1 , cette démarche n'est que partielle et seule une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation permettra d'assurer une démarche globale, lisible et cohérente de planification budgétaire .

Élaborer une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation pour les années 2022 à 2030 .

b) Mesurer l'efficacité de la valorisation de la recherche à l'aune des critères d'impact économique, écologique, social et de souveraineté

Ce changement de paradigme implique également d'adopter une évaluation systématique de l'impact économique et social des projets de recherche faisant l'objet d'une valorisation . En effet, la mission d'information considère que les critères d'évaluation utilisés, en premier lieu les recettes issues de la valorisation de la recherche, ne permettent pas d'avoir une approche juste, efficace et souveraine des politiques de transfert de technologies.

Selon Bruno Sportisse, président-directeur général de l'Inria, le rapport budgétaire de la mission interministérielle sur la recherche et l'enseignement supérieur (MIRES) témoigne de cette vision selon laquelle

« la politique de transfert et d'innovation n'est pas considérée comme visant, en premier lieu, un impact économique, mais comme une source de financement de la recherche [...] Ce rapport comprend deux indicateurs : l'impact du crédit impôt recherche (CIR) et le financement des opérateurs publics par le secteur privé. Tout est dit... » 2 .

Plus précisément, le deuxième objectif « promouvoir le transfert et l'innovation » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la MIRES comprend seulement ces deux indicateurs, alors que selon une logique plus orientée vers l'évaluation socio-économique des politiques de transfert et de valorisation, d'autres critères pourraient être fixés, par exemple :

- le nombre d'entreprises créées , ce qui permettrait de valoriser la création de start-up comme mode d'organisation des transferts d'innovation ;

1 Contribution écrite de la direction générale des entreprises (DGE).

2 Audition de l'Inria du 16 février 2022.

- le nombre d'emplois directs et indirects créés , ce qui permettrait d'apprécier les effets des politiques de valorisation sur l'emploi national ;

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