CONCLUSION

Les principaux dangers qui guettent aujourd'hui les fonds marins sont le changement climatique et le déclin de la biodiversité , dans un environnement où les processus biologiques sont très lents, entraînant un risque important de destructions irréversibles. Les effets de la pression anthropique peuvent rester dissimulés pendant un temps assez long, avant de se révéler subitement, suite au dépassement d'un seuil qui n'est pas connu a priori. Tous les chercheurs entendus par la mission, en France et en Norvège, ont souligné les lacunes immenses existant encore dans la connaissance des grands fonds et des connexions et interactions entre écosystèmes. Tous ont également souligné le risque de pertes d'opportunités qui seraient inhérentes à la destruction de milieux particulièrement riches et dont toutes les potentialités n'ont probablement pas été identifiées.

Dans ce contexte, la prudence s'impose. Mais prudence ne signifie pas immobilisme. La diplomatie a un rôle important à jouer pour promouvoir une approche durable des grands fonds marins au niveau mondial. Mais la diplomatie seule sera insuffisante , sans une connaissance approfondie de ce milieu, et sans moyens de surveillance et d'action dans les grands fonds, de nature à crédibiliser la parole de la France.

Une démarche scientifique étayée est nécessaire afin d'évaluer l'intérêt de nos ressources minérales marines , compte tenu de l'urgence de la transition énergétique, de l'exigence d'autonomie stratégique, mais aussi de l'existence de solutions alternatives.

La stratégie française pour les grands fonds marins doit, par ailleurs, être l'une des composantes d'une politique océanique redynamisée . Alors que le « One Ocean Summit » a été l'occasion d'affirmer des ambitions fortes, la transformation du ministère de la mer, recréé en 2020, en secrétariat d'État, envoie un signal contradictoire. Grande puissance, présente dans tous les océans, la France n'assume pas suffisamment le rôle que la géographie lui permettrait de jouer , notamment grâce à ses outre-mer, à l'heure où la mondialisation entraîne une maritimisation de l'économie, et alors que l'espace maritime est un espace commun de plus en plus contesté et revendiqué, au plan international, par des puissances grandes et moyennes.

Le sujet des grands fonds marins apporte également un éclairage sur le manque de moyens de la recherche française , qui entraîne un risque de décrochage scientifique, et donc technologique et économique. La France consacre 2,3 % de son PIB à la recherche, c'est-à-dire moins que la moyenne de l'OCDE, et loin de l'objectif de 3 %, atteint par plusieurs pays européens dont l'Allemagne, mais aussi par les États-Unis (3,4 %). La recherche marine est particulièrement cruciale et nécessite d'importants moyens, dont ceux de la Flotte océanographique française, patrimoine historique et scientifique qui doit être préservé, renouvelé et modernisé.

En définitive, il s'agit pour la France de préserver son rang historique de grande puissance maritime et de grande puissance scientifique, au niveau mondial, ce qui passera aussi nécessairement par une relance des coopérations internationales et une implication accrue de l'Union européenne.

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