C. L'HYDROGÈNE BAS-CARBONE : UN VECTEUR ÉNERGÉTIQUE PROMETTEUR

L'hydrogène bas-carbone est un vecteur énergétique prometteur.

Tout d'abord , il s'agit d'un vecteur activement promu. Cet engagement est palpable en France. Lancée le 8 septembre 2020, la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France 127 ( * ) , prévoit de déployer 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs décarbonés en 2030. Pour y parvenir, 7 Mds€ sont prévus par le cadre de cette stratégie.

Cet engagement est aussi palpable dans l'Union européenne. Présentée le 8 juillet 2020, la Stratégie de l'Union européenne pour l'hydrogène, fixe un objectif de 6 GW en 2024 et 40 GW de capacités d'électrolyseurs renouvelables en 2030. Plus concrètement, une Alliance pour l'hydrogène propre a été proposée auprès de 500 entreprises 128 ( * ) , le 10 mars 2020, puis un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) a été institué entre 23 États membres 129 ( * ) et la Norvège 130 ( * ) , le 17 novembre 2020. Une centaine de projets, dont 15 pour la France, sont en cours de notification auprès de la Commission européenne 131 ( * ) . Quant au Paquet Ajustement à l'objectif 55 , il prévoit un objectif de 50 % d'hydrogène dans l'industrie et de 2,6 % dans les transports d'ici 2030. Ces objectifs pourraient être relevés à 75 et 5 % , pour atteindre une production de 10 Mt et une importation de 10 Mt, dans le cadre du Plan RePowerEU .

Au total, le vecteur hydrogène présente de nombreux usages énergétiques. L'hydrogène peut être utilisé pour remplacer les énergies fossiles utilisées dans l'industrie ou la mobilité, mais aussi pour stocker l'électricité, via le « power-to-hydrogen-to-power ». Selon France Hydrogène, les 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs décarbonés prévus d'ici 2030 pourraient produire 680 000 tonnes d'hydrogène par an. Cette production serait utilisée à hauteur de 70 % pour l'industrie (raffineries, chimie, engrais, carburants), 23,5 % pour la mobilité et 6,5 % pour l'équilibre du réseau électrique.

Dans ce contexte, le vecteur hydrogène fait l'objet d'une vive compétition européenne. Selon le rapport Faire de la France une économie de rupture technologique 132 ( * ) , la France est en situation de rattrapage non rédhibitoire, avec de surcroît un bon positionnement sur plusieurs secteurs ( supply chain , liquéfaction, distribution, stations de recharge, véhicules utilitaires). Pour France Hydrogène, la filière française de l'hydrogène pourrait représenter 50 000 à 150 000 emplois d'ici 2030. Pour autant, le coût des électrolyseurs demeure élevé, autour de 1 300 € / kW aujourd'hui avec un objectif de 500 € / kW d'ici 2030. Certains des voisins de la France sont très impliqués dans l'hydrogène, l'Allemagne anticipant une consommation de 2 à 4 Mt d'ici 2030, dont 50 à 75 % serait importée ( voir encadré ci-après ).

L'Allemagne : le choix d'une importation massive d'hydrogène faute d'un parc nucléaire opérationnel et de capacités renouvelables suffisantes

Lors de l'audition de l'Ambassade d'Allemagne, les rapporteurs ont pris connaissance de la politique allemande s'agissant de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène bas-carbone.

Si l'Allemagne disposait de 35 réacteurs nucléaires, la loi atomique 2002 a prévu l'abandon progressif de l'énergie nucléaire puis la loi atomique 2010 leur prolongation de 12 ans en moyenne. À la suite de l'accident de Fukushima, le Gouvernement allemand a pris la décision en 2011 d'une fermeture, d'abord partielle puis complète, du parc nucléaire. Le Gouvernement actuel vise une sortie du nucléaire d'ici 2022, du charbon, d'ici 2030 et du gaz d'ici 2040.

En 2021, 6 réacteurs étaient encore actifs, pour une capacité de 8 GW, et 3 le sont encore cette année, pour une capacité de 4 GW, selon la SFEN. Pour autant, dans le contexte de la guerre en Ukraine, le chancelier allemand Olaf Scholz a indiqué que le maintien des réacteurs nucléaires subsistant pourrait « être pertinent », le 3 août 2022 133 ( * ) .

L'Allemagne est en train de développer l'hydrogène renouvelable dans le secteur de la chimie ainsi que les technologies « power-to-X », qui permettent de transformer l'électricité issue des énergies renouvelables en chaleur ou en produits chimiques, dont l'hydrogène renouvelable, dans les transports aérien et maritime.

Au total, « au cours des prochaines années, il faudra en conséquence accroître massivement les capacités de production pour les combustibles PtX “verts” et pour les matières premières “vertes” générées à partir d'hydrogène vert pour le secteur de la chimie ».

Dans ce contexte, l'Allemagne est opposée à l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la « taxonomie verte européenne », de même qu'à la neutralité technologique entre l'hydrogène bas-carbone et celui renouvelable.


* 127 Ministère de l'économie, des finances et de la relance, Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France , 8 septembre 2020 :

https://www.economie.gouv.fr/presentation-strategie-nationale-developpement-hydrogene-decarbone-france .

* 128 Commission européenne, Alliance pour l'hydrogène propre en Europe, 8 juillet 2020 :

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/fs_20_1297 .

* 129 Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède.

* 130 Ministère allemand des Affaires économiques et de l'Énergie, Manifeste pour une chaîne de valeur européenne « Technologies et Systèmes de l'hydrogène », 17 décembre 2020 :

https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/manifesto-for-development-of-european-hydrogen-technologies-systems-value-chain.pdf ?__blob=publicationFile&v=10 .

* 131 Ministère de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire annonce les 15 projets français sélectionnés pour le PIIEC hydrogène dans le cadre d'un déplacement sur le site d'Air Liquide, 8 mars 2022 :

https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/03/3018_-_bruno_le_maire_annonce_les_15_projets_franc.pdf .

* 132 Rapport au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Faire de la France une économique de rupture technologique. Soutenir les marchés émergents à forts enjeux de compétitivité, 7 février 2020, pp. 41 et 80.

* 133 Le Monde, « Le chancelier allemand Olaf Scholz ouvre la voie au maintien de l'exploitation des centrales nucléaires », 3 août 2022 .

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