Rapport d'information n° 885 (2021-2022) de Mme Céline BOULAY-ESPÉRONNIER , M. Bernard FIALAIRE , Mmes Laurence HARRIBEY et Muriel JOURDA , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des lois, déposé le 21 septembre 2022

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N° 885

SÉNAT

2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 septembre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (2) sur la délinquance des mineurs ,

Par Mme Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, M. Bernard FIALAIRE,
Mmes Laurence HARRIBEY et Muriel JOURDA,

Sénatrices et Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

(2) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

L'ESSENTIEL

Vingt ans après le rapport de la commission d'enquête sénatoriale Délinquance des mineurs : la République en quête de respect 1 ( * ) , les connaissances sur le sujet continuent à faire défaut tout comme la coordination des multiples acteurs en ce domaine.

La question de la politique menée en matière de délinquance des mineurs se pose d'abord sous l'angle de la prévention, dont la lutte contre le décrochage scolaire est un axe structurant. En effet, dans les parcours des jeunes délinquants, tels qu'ils peuvent imparfaitement être reconstitués, figurent souvent fragilités sociales et rupture scolaire.

Après avoir entendu près de 40 personnes et s'être rendus sur le terrain à Bordeaux, Avignon et Nanterre, les quatre rapporteurs , Céline Boulay-Espéronnier, Bernard Fialaire, Laurence Harribey et Muriel Jourda ont proposé aux commissions de la culture et des lois, qui les ont adoptées, 14 recommandations structurées autour de quatre axes : renforcer la connaissance de la délinquance des mineurs ; rendre plus efficiente la lutte contre le décrochage scolaire ; lutter contre la violence scolaire et, enfin, mieux préparer la réinsertion du mineur délinquant et éviter la récidive par les apprentissages.

I. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS : UNE CONNAISSANCE IMPARFAITE D'UN PHÉNOMÈNE MULTIPLE

A. CE QUE NE DISENT PAS LES CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

• Une perte d'intérêt des pouvoirs publics à retracer l'évolution de la délinquance des mineurs : les rapporteurs ont pu constater que, faute de commande politique, aucune photographie complète et actuelle de ce phénomène n'est disponible . Il n'existe de statistiques fiabilisées des mineurs mis en cause par les forces de sécurité que depuis 2016 , et elles posent toujours plusieurs difficultés 2 ( * ) . Dès lors, il est difficile d'en tirer des conclusions réelles et définitives .

Comment construire une politique publique efficace
sans connaître précisément le phénomène auquel elle est censée apporter des solutions ?

• Des chiffres qui ne peuvent à eux seuls rendre compte de la réalité de la délinquance : à cet égard, « il est erroné de considérer que le nombre de mineurs pris en charge par la police puis la justice illustre la délinquance des mineurs » 3 ( * ) . L'évolution de la délinquance dépend également de l'activité des services de sécurité ou encore de la propension des victimes à porter plainte , ce qui peut expliquer un certain décalage avec la réalité et le ressenti de la population .

• Une absence de prise en compte du rôle des réseaux sociaux : or, l'ensemble des personnes entendues ont admis que ces nouveaux outils numériques pouvaient amplifier la violence, favoriser le passage à l'acte, voire conduire à l'augmentation de certains faits (violence scolaire, infractions à la législation sur les stupéfiants, ou extorsions par exemple).

B. CE QUE DISENT LES CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

• Des chiffres contrastés du ministère de l'intérieur dont aucune réelle conclusion ne peut être tirée

Si le ministère constate, sur la période 2016-2019, une stabilité globale des mineurs mis en cause par les forces de sécurité , celle-ci s'explique par une hausse des atteintes aux personnes, compensée par une baisse des atteintes aux biens . Ainsi, les coups et blessures sur personnes de moins de 15 ans ont augmenté de + 12,4 %, les violences sexuelles sur majeurs de + 42,8 % et sur mineurs de + 28,3 %.

Les infractions à la législation sur les stupéfiants représentent également une part importante des faits délictueux commis par les mineurs . En 2021, les 13-17 ans concentrent 20 % de l'ensemble des mis en cause pour trafic , contre 6 % de la population nationale, en hausse depuis 2016. Leur nombre a en outre augmenté de 35 % sur la même période , alors même que ce phénomène est largement sous-estimé dans les statistiques.

Dès lors, si la proportion des mineurs impliqués dans l'ensemble de la délinquance n'est que de 20 % en moyenne aujourd'hui, ils sont surreprésentés dans la commission de certaines infractions . Ainsi, s'ils représentent jusqu'à 46 % des mis en cause pour violences sexuelles sur mineurs, 40 % des vols violents ou 30 % des coups et blessures volontaires sur moins de 15 ans, ils ne constituent qu'environ 21 % de la population.

De surcroît, une publication récente 4 ( * ) met en évidence une nette augmentation des mineurs mis en cause sur une longue période : ils étaient 98 864 en 1992, 180 129 en 2002 puis 216 221 en 2010 . Leur nombre a ensuite diminué, oscillant entre 190 000 et 200 000 selon les années, pour atteindre 190 127 en 2019. Malgré le caractère officiel de cette publication, le ministère de l'intérieur ne valide pas ces statistiques .

Selon le ministère de l'intérieur, il est impossible de connaître de manière fiable l'évolution globale des mineurs mis en cause sur les trente dernières années.

• Des chiffres du ministère de la justice qui montrent notamment une diminution des condamnations prononcées

Le traitement des affaires mettant en cause des mineurs par les parquets se caractérise par une forte hausse des mesures alternatives aux poursuites : 34,5 % des affaires poursuivables en 2000, contre 55 % en 2019 , des taux de 58 % étant régulièrement atteints.

Sources : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/ Cadres du parquet (2000-2011)
et fichier statistique Cassiopée (2012-2020)

Par comparaison, elles ne concernent que 40 % des affaires poursuivables pour les majeurs en 2019. En conséquence, le taux de poursuites des mineurs - 37 % des affaires poursuivables en 2019 - est globalement inférieur de dix points à celui de l'ensemble des affaires .

Il en résulte une diminution des condamnations prononcées à l'encontre des mineurs : on note une chute de près de 14 375 condamnations de mineurs entre 2007 et 2019 , ce qui ne veut pas dire pour autant que la délinquance diminue .

Un nombre non négligeable de mineurs est d'ailleurs en état de récidive ou de réitération après la majorité : le taux observé dans les 5 années de la première condamnation est supérieur à 50 % pour les mineurs primo condamnés.

II. PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE EN AGISSANT CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

A. UNE CORRÉLATION ENTRE DÉCROCHAGE SCOLAIRE ET DÉLINQUANCE

Si à lui seul, le décrochage scolaire n'explique pas le basculement d'un jeune dans la délinquance - qui est souvent multifactoriel -, il en constitue souvent un élément important.

Lutter contre le décrochage scolaire est un axe majeur
de la prévention de la délinquance des mineurs.

L'éducation nationale et l'ensemble des acteurs de la formation et de l'insertion professionnelles se sont mobilisés depuis la décennie 2010 face à cette problématique :

ü mise en place, dès 2011, d'un système interministériel d'échanges d'informations (SIEI) pour mieux repérer les jeunes sortis de l'institution scolaire sans diplôme ;

ü développement d'outils de « persévérance scolaire » comme le réseau FOQUALE, regroupant l'ensemble des outils existant au sein de l'éducation nationale, ainsi que les plates-formes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD) rassemblant l'ensemble des partenaires de la lutte contre le décrochage scolaire (éducation nationale, centres d'apprentissage, missions locales, école de la seconde chance, points informations jeunes, service civique,...) ;

ü meilleure formation des personnels de l'éducation nationale ;

ü instauration d'une obligation de formation pour les 16-18 ans, contrôlée par les missions locales avec la loi pour une école de la confiance en 2019.

B. L'URGENCE DE RENDRE PLUS EFFICIENTE LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

Malgré les actions menées, 89 000 jeunes continuent de sortir de la formation initiale sans diplôme ou détenant au plus le brevet.

• Un partage d'informations perfectible

Le SIEI connaît de nombreux dysfonctionnements rendant peu probable une transmission d'informations en temps réel pourtant prévue en 2023.

L'interopérabilité entre les systèmes de l'éducation nationale et ceux des missions locales n'est pas totalement opérationnelle. Les données actuelles ne permettent pas de couvrir l'ensemble des situations dans lesquelles peuvent se trouver les jeunes en situation de décrochage.

• Un manque de porosité dans la prise en charge des différents publics

La lutte contre le décrochage scolaire reste marquée par un fonctionnement en silo . Trop peu d'établissements scolaires ont le réflexe de contacter les missions locales afin d'échanger sur un jeune en train de décrocher. Cela permettrait pourtant de lui proposer des échanges complémentaires à l'accompagnement scolaire et de réduire le temps de latence de sa prise en charge par la mission locale en cas de rupture scolaire.

Qu'est-ce qu'un décrocheur scolaire ?

La notion même de décrocheur scolaire interroge : pour être considéré comme décrocheur, le jeune ne doit plus être inscrit dans sa formation. Dans les faits, l'élève qui décroche en cours d'année ne vient plus en cours ou en formation sans démarche formelle « de démission » . Il demeure ainsi sous statut scolaire, empêchant une prise en charge par les missions locales.

• Mieux prendre en charge le décrochage scolaire avant 16 ans

d'élèves absentéistes au collège.

jeunes de moins de 15 ans sont inactifs selon l'INSEE, malgré l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans.

Paradoxalement, l'obligation de scolarité jusque 16 ans rend plus difficile l'accompagnement des décrocheurs précoces. Ils ne peuvent pas être pris en charge avant cet âge par les missions locales. Quant aux parcours aménagés de formation initiale, ceux-ci ne sont pas accessibles aux élèves de moins de 15 ans, alors même qu'ils pourraient permettre un temps de respiration et de remobilisation tout en gardant un lien avec le milieu scolaire.

La prise en charge de la rupture scolaire avant 16 ans est l'angle oublié
des politiques publiques.

C. UNE APPROCHE GLOBALE DE LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE ET LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE : PRENDRE EN COMPTE TOUS LES TEMPS DE L'ENFANT

Les résultats d'une approche globale seront d'autant plus concluants s'ils s'inscrivent dans un travail partenarial entre l'éducation nationale, le temps périscolaire et extrascolaire, permettant une complémentarité d'actions. En 2018-2019, 2,2 millions d'enfants ont été accueillis en dehors des vacances scolaires en temps périscolaire.

Le rattachement des services de la jeunesse et des sports aux services académiques, au niveau déconcentré depuis le 1 er janvier 2022, doit désormais être pleinement utilisé afin de faire émerger un regard commun sur les temps de l'enfant.

Les cités éducatives, lancées en 2018 par le Président de la République, s'inscrivent dans cette volonté de rassembler l'ensemble des acteurs d'un territoire autour de la réussite du jeune. La co-construction du projet, en lien avec l'ensemble des partenaires d'un territoire, est l'une des conditions de leurs réussites.

III. LUTTER CONTRE LES GERMES DE LA DÉLINQUANCE AU SEIN DE L'ÉCOLE

A. LES SIGNALEMENTS DE VIOLENCES SCOLAIRES EN AUGMENTATION

des établissements du second degré ont été confrontés à au moins un incident grave. Le nombre d'incidents par élève est en légère augmentation depuis deux ans.

L'école primaire n'est aujourd'hui plus épargnée par la violence.

des incidents contre les enseignants du primaire sont le fait d'élèves.

des élèves de CM1-CM2 disent avoir déjà eu peur de venir à l'école à cause de la violence.

B. MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES ÉLÈVES VIOLENTS

Entre 70 000 et 81 000 élèves sont exclus, temporairement ou définitivement, chaque année.

• L'exclusion peut constituer un facteur supplémentaire de décrochage scolaire

De nombreuses collectivités territoriales, en lien avec les établissements scolaires concernés et le tissu associatif, ont mis en place un programme d'accueil pendant la période d'exclusion temporaire de l'élève. L'objectif est double : lui permettre de comprendre et d'accepter sa sanction et structurer son temps d'exclusion. Ces dispositifs sont à généraliser.

• Augmenter le nombre de places en internat tremplin face à la problématique des élèves poly-exclus

Alors que la circulaire de 2019 relative au plan de prévention contre les violences scolaires fixait comme objectif de créer d'ici 2022 un internat tremplin dans chaque académie, seuls 8 existent actuellement.

Pour les élèves hautement perturbateurs, les internats tremplins peuvent représenter une opportunité : outre l'éloignement de leurs environnements habituels de scolarisation et de vie, la prise en charge y est plus longue que dans une classe relais ou un atelier relais. L 'encadrement y est renforcé , grâce à la présence d'un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ce qui permet une approche différente de celle de l'éducation nationale.

IV. PRÉPARER LA RÉINSERTION DU MINEUR DÉLINQUANT : ÉVITER LA RÉCIDIVE PAR LES APPRENTISSAGES

A. LA PJJ : ACTEUR INCONTOURNABLE DE LA RÉINSERTION DES MINEURS DÉLINQUANTS

Les près de 30 000 mesures éducatives décidées en matière pénale par le juge et mises en oeuvre chaque année par la PJJ sont le coeur de son activité et la première forme de prise en charge de la délinquance .

S'il est trop tôt pour évaluer l'impact de l'importante rationalisation des mesures à laquelle a procédé le code de la justice pénale des mineurs, les rapporteurs ont pu constater la permanence des difficultés anciennes et peut-être structurelles qui limitent leur efficacité . Le manque d'éducateurs spécialisés et parfois de moyens dédiés que connaissent certains territoires conduisent à des délais de mise en oeuvre des mesures qui peuvent donner le sentiment d'une réponse pénale insuffisante et conduire à une dégradation de la situation des mineurs.

La focalisation trop importante sur les centres éducatifs fermés (CEF) nuit aux autres solutions plus limitées mais parfois plus efficaces et territorialisées : les CEF peuvent être efficaces pour permettre une prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire mais nécessitent une conjonction de facteurs de réussite qui s'avère difficile à réunir. La mise en place d'une méthodologie d'évaluation des résultats des mesures mises en oeuvre et la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux CEF vers les dispositifs existants paraissent plus adaptées aux besoins de terrain.

Surtout, la PJJ souffre encore de difficultés de prise en compte des solutions qu'elle offre tant au sein de l'institution judiciaire qu'avec l'éducation nationale. Des solutions institutionnelles d'amélioration de l'information et de labellisation doivent être mises en place pour faciliter et pérenniser le travail de la PJJ .

B. FAIRE DU TEMPS DE PLACEMENT JUDICIAIRE UN TEMPS D'APPRENTISSAGE

• La construction d'un projet professionnel, clé de la sortie de la délinquance

L'État a, envers le mineur détenu, les mêmes devoirs qu'envers les autres élèves : il est tenu de lui proposer jusqu'à ses 18 ans des modalités effectives de formation. Ces apprentissages reposent sur des temps scolaires , des activités de la PJJ et, le cas échéant, des stages et partenariats avec des entreprises ou des associations de réinsertion.

Trop souvent, l'organisation des enseignements reste calée sur celle
de l'éducation nationale, avec une absence de cours pendant les vacances scolaires .

À la maison d'arrêt de Nanterre, la durée médiane de séjour d'un mineur est de 5 mois. Si cette période inclut l'été, c'est 40 % du temps d'enseignement scolaire qui est amputé.

• Mieux accompagner la sortie du mineur délinquant des centres fermés ou de détention

La sortie de centres fermés et de détention est un moment sensible du parcours du jeune délinquant. Son domicile étant souvent éloigné de son lieu de placement judiciaire , les actions de réinsertion en lien avec les acteurs locaux sont interrompues.

Le passage de diplômes en détention est un élément essentiel pour la réinsertion du détenu, à la fois en termes de valorisation et de remobilisation, et dans la perspective d'un retour dans un processus de formation de droit commun. Cette dimension est pourtant parfois oubliée dans l'application des peines du mineur délinquant et son suivi.

LES RECOMMANDATIONS DE LA
MISSION CONJOINTE DE CONTRÔLE

Recommandation n° 1 : mettre en place un suivi statistique de la délinquance des mineurs sur l'ensemble de la chaîne pénale fiable sur le temps long et publier des indicateurs annuels globaux et détaillés ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

Recommandation n° 2 : développer des enquêtes sociologiques sur les auteurs des faits ainsi que des suivis de cohortes ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

Recommandation n° 3 : améliorer le repérage des infractions liées au numérique et évaluer le rôle des réseaux sociaux sur les phénomènes de délinquance des mineurs ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

Recommandation n° 4 : procéder à des études plus fines de la récidive et de la réitération, prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives, pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants (ministère de la justice) .

Recommandation n° 5 : assurer l'interopérabilité des systèmes d'information de suivi des jeunes décrocheurs, afin de permettre une prise en charge au fil de l'eau et un suivi entre les différents intervenants plus performants ( ministère de l'éducation nationale, ministère de l'agriculture, ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion ).

Recommandation n° 6 : permettre à un élève de moins de 15 ans d'avoir accès au parcours aménagé de formation initiale ( ministère de l'éducation nationale ).

Recommandation n° 7 : instaurer une prise en charge systématique de tout élève exclu temporairement de son établissement scolaire, dans le cadre d'un partenariat associant l'établissement, les collectivités territoriales et les associations du territoire ( collectivités territoriales, ministère de l'éducation nationale, associations ).

Recommandation n° 8 : prévoir dans chaque académie au moins un internat tremplin ou des places dédiées dans des internats classiques pour la prise en charge des élèves poly-exclus ( ministère de l'éducation nationale, ministère de la justice, collectivités territoriales ).

Recommandation n° 9 : mettre en place un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives dont les centres éducatifs fermés ( ministère de la justice ).

Recommandation n° 10 : réorienter les moyens destinés à la création de nouveaux centres éducatifs fermés vers le financement de la mise en oeuvre des mesures existantes (ministère de la justice) .

Recommandation n° 11 : attribuer une labellisation par l'Éducation nationale pour une durée minimale de deux ans à toutes les structures éducatives mises en place par la protection judiciaire de jeunesse dans le cadre d'un dialogue avec le Rectorat ( ministère de l'éducation nationale, ministère de la justice ).

Recommandation n° 12 : renforcer les partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale, afin d'apporter une réponse à des jeunes aux parcours atypiques ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

Recommandation n° 13 : aligner le nombre d'heures d'enseignement des détenus en quartier pour mineurs sur celui des établissements pour mineurs et assurer une continuité des enseignements y compris pendant les vacances scolaires ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

Recommandation n° 14 : mieux prendre en compte les conséquences de la libération du mineur délinquant sur son insertion, du fait de la rupture des activités d'insertion (éloignement géographique empêchant la poursuite du stage, opportunité du passage d'un examen ou diplôme) ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

AVANT-PROPOS

Peu de sujets semblent aussi présents dans l'actualité que la délinquance des mineurs. Pourtant, vingt ans après le rapport de la commission d'enquête sénatoriale Délinquance des mineurs : la République en quête de respect 5 ( * ) , les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle créée par les commissions de la culture et des lois n'ont pu que constater que les connaissances sur le sujet font défaut et qu'il manque une impulsion pour coordonner les multiples acteurs intervenant en ce domaine .

La délinquance des mineurs relève d'une définition légale , elle recouvre l'ensemble des personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans et ayant commis une infraction . Le traitement de la délinquance implique plusieurs acteurs , les forces de sécurité intérieure et les magistrats, la protection judiciaire de la jeunesse et le monde associatif pour la mise en oeuvre des mesures éducatives, mais aussi l'ensemble des acteurs de l'éducation, de la formation et de l'insertion comme les missions locales et, surtout, l'Éducation nationale. En effet, depuis l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, dont les principes ont été repris par le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) entré en vigueur le 1 er octobre 2021, la mission de la justice s'agissant des mineurs coupables d'infraction est moins la répression ou la protection de la société que la prévention de la récidive et la réinsertion . L'importance de la première réponse à la délinquance, y compris hors cadre judiciaire, est depuis longtemps connue. Le rappel à la loi par les maires est ainsi une mesure unanimement saluée par les forces de sécurité intérieure et les magistrats pour sa solennité et son impact sur les mineurs.

La question de la délinquance des mineurs ne se limite pas à celle du sort des mineurs délinquants . Les différents acteurs énumérés jouent également un rôle dans la prévention de la délinquance . La détection des fragilités sociales des enfants et surtout leur traitement sont depuis longtemps considérés comme un moyen de prévenir l'entrée dans la délinquance et les mineurs délinquants sont le plus souvent déscolarisés . Ceci ne signifie évidemment pas que toutes les fragilités sociales mènent à la délinquance, ni, à l'inverse, que tous les délinquants soient déscolarisés. Mais dans le parcours des jeunes délinquants tel qu'il peut, imparfaitement, être reconstitué, figurent effectivement le plus souvent fragilités sociales et échec scolaire.

Dès lors, la question de la politique menée en matière de délinquance des mineurs se pose d'abord sous l'angle de la prévention . Prévention de l'entrée dans la délinquance puis prévention de l'aggravation de la situation de délinquance mais aussi remédiation en vue de la réinsertion. La délinquance est ainsi à la croisée de plusieurs politiques publiques : la lutte contre les violences intra familiales, la prévention du décrochage scolaire, la réduction de la pauvreté, la politique de la ville, la prise en charge des mineurs non accompagnés et des jeunes en errance, notamment.

Or les moyens nécessairement limités dont disposent les différents acteurs conduisent à restreindre leur champ d'intervention aux enjeux définis comme prioritaires par les pouvoirs publics, et la mise en cohérence des différentes actions est insuffisante . Les acteurs déploient, chacun pour leur part, des initiatives de lutte contre la délinquance ou de prise en charge des mineurs délinquants dont la coordination dépend d'instances dont l'efficacité paraît parfois limitée . Un acteur a été particulièrement critiqué pour le manque de mise en cohérence de son action avec celle des autres acteurs : l'Éducation nationale . Ceci est d'autant plus regrettable que ce ministère met en place des dispositifs intéressants, susceptibles de permettre de lutter contre la délinquance et étroitement dépendants de la coopération des acteurs de la politique de la ville, du monde associatif, des forces de sécurité intérieure et de la justice.

La coordination des politiques et leur orientation sont rendues plus difficiles par l'absence d'évaluation des politiques menées . Contrairement à la pratique anglo-saxonne d'évaluation des politiques menées en matière pénale et sociale, qui s'est développée depuis les années 1990 et dont les résultats constituent d'ailleurs le fondement de la plupart des travaux de sociologie menés en France sur la question de la délinquance, il n'existe pas de pratique générale d'évaluation des mesures mises en place par les différents acteurs. Cette absence de prise en compte des résultats s'abrite parfois derrière une minimisation du phénomène de délinquance. Puisque, selon des études de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) déjà présentées en 2002, plus des deux tiers des délinquants mineurs ne récidivent pas, il s'agirait d'abord de gérer une période de la vie de « conflit avec la loi » avant que jeunesse ne se passe et que l'adulte assagi ne s'insère dans la société. Plus légitimement, les acteurs craignent qu'une volonté d'évaluation ne mobilise des moyens déjà rares et ne soit destinée qu'à réduire le champ des possibilités de prise en charge.

Incontestablement, la réponse à la délinquance des mineurs nécessite des dispositifs multiples correspondant à la diversité des territoires et des parcours de vie et il serait contraire à l'objectif poursuivi de vouloir en réduire arithmétiquement le nombre. L'évaluation des mesures permettrait au contraire de prendre en compte la diversité des moyens nécessaires et d'éviter la focalisation sur des solutions trop coûteuses au regard de leur efficacité .

Dans leur examen de la question de la délinquance des mineurs, les rapporteurs ont été confrontés à plusieurs difficultés qu'ils n'avaient pas nécessairement anticipées :

- l'absence d'une description claire du phénomène et de ce fait, l'impossibilité d'évaluer précisément l'efficacité des dispositifs mis en place ;

- l'intervention de multiples acteurs dans la prévention de la délinquance et la réinsertion, ce qui empêche une coordination utile de leurs actions, en partie en raison du mode de fonctionnement de l'Éducation nationale, moins adaptée à ces publics et mal outillée pour les prendre en charge ;

- en conséquence, l'absence d'un continuum de prise en charge des mineurs face à la délinquance .

Après avoir dressé le constat le plus objectif possible de la situation de la délinquance, ils ont donc concentré leurs travaux sur les modalités de l'intervention des différents acteurs et sur les mécanismes de prévention de la délinquance tels que les met en place l'un des premiers acteurs concernés, l'Éducation nationale.

À ce titre, des expériences intéressantes et des aventures humaines passionnantes reposant sur l'engagement d'équipes très fortement mobilisées se heurtent trop souvent à des logiques institutionnelles en décalage par rapport aux besoins, mais dépendantes de moyens trop faibles pour traiter utilement et dans un temps qui fasse sens tous les cas de souffrance sociale et de délinquance.

PREMIÈRE PARTIE

LA DÉLINQUANCE DES MINEURS : UNE CONNAISSANCE IMPARFAITE D'UN PHÉNOMÈNE MULTIPLE

I. CE QUE NE DISENT PAS LES CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

A. UNE PERTE D'INTÉRÊT DES POUVOIRS PUBLICS À RETRACER L'ÉVOLUTION DE CETTE DÉLINQUANCE

Les rapporteurs ont été surpris de constater lors de leurs travaux une perte d'intérêt des pouvoirs publics à retracer l'évolution de la délinquance des mineurs .

Il semble en effet que, faute de commande politique, il n'existe pas de photographie complète et actuelle de ce phénomène sur l'ensemble de la chaîne pénale, ce qui est particulièrement regrettable. Dans le contexte de hausse des violences intrafamiliales ou sexuelles sur mineurs, c'est le suivi de ce type de délinquance qui aurait été privilégié.

Lors de son audition, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), créé en 2014 dans l'objectif de fiabiliser les statistiques de la délinquance, a expliqué avoir des difficultés à suivre dans le temps la délinquance des mineurs, en raison des failles de l'outil statistique 6 ( * ) . L'outil de comptage toujours utilisé, appelé « État 4001 », recense en effet 107 catégories hétérogènes qui ne correspondent pas toujours à la définition des infractions, dont seules 46 ont fait l'objet d'une expertise et d'une fiabilisation.

Comme l'ont indiqué les représentants de ce service aux rapporteurs, il n'existe donc pas de série longue fiabilisée sur l'ensemble des mineurs mis en cause qui serait susceptible d'écarter le risque d'interprétations erronées. Les travaux qui ont pu être publiés 7 ( * ) récemment peuvent tout au plus donner un « aperçu » de l'évolution des faits constatés par les forces de l'ordre, qui appelle certaines réserves.

Les pouvoirs publics ne disposent de statistiques fiabilisées et détaillées des mineurs mis en cause par les forces de l'ordre que depuis 2016 seulement . L'outil permet désormais de distinguer les crimes et délits, de connaître les caractéristiques des auteurs (âge et sexe notamment), et prend en compte les infractions secondaires et les contraventions, seulement pour la police toutefois.

Les rapporteurs estiment cependant que les statistiques sur la période 2016-2021 qui leur ont été transmises posent toujours plusieurs difficultés : elles ne couvrent pas toutes les infractions (manquaient par exemple dans un premier temps les infractions à la législation sur les stupéfiants, finalement transmises aux rapporteurs, ce qui est loin d'être négligeable compte tenu de la récurrence de ce type d'infraction dans la population générale, et les homicides), ni ne distinguent les crimes des délits ; enfin, il n'est pas possible de les cumuler, faute de pouvoir distinguer les infractions principales et secondaires.

Dès lors, ces statistiques ne permettent pas de tirer des conclusions réelles et définitives sur l'évolution de la délinquance des mineurs.

Les représentants du ministère de l'intérieur ont annoncé que les travaux dans ce domaine étaient devenus prioritaires , une publication sur les victimes et mineurs mis en cause étant prévue en 2023 . Les travaux de la mission d'information semblent avoir eu le mérite d'accélérer ce processus.

Des travaux communs avec la Chancellerie sont également en cours pour explorer le rapprochement des deux types de données statistiques et disposer d'un suivi complet de la chaîne pénale . La mise en place de la procédure pénale numérique (PPN) et les nouveaux logiciels de rédaction de procédure, sous réserve qu'ils soient harmonisés entre la police et la gendarmerie, devraient d'ailleurs y aider.

Les rapporteurs estiment indispensable de disposer chaque année d'indicateurs publics globaux et détaillés de la délinquance des mineurs , dont les données sources seraient disponibles en open data . Comment en effet construire une politique publique efficace sans connaître précisément le phénomène auquel elle est censée apporter des solutions ?

Recommandation n° 1 : mettre en place un suivi statistique de la délinquance des mineurs sur l'ensemble de la chaîne pénale fiable sur le temps long et publier des indicateurs annuels globaux et détaillés ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

B. DES CHIFFRES QUI NE PEUVENT À EUX SEULS RENDRE COMPTE DE LA RÉALITÉ DE LA DÉLINQUANCE

Comme l'a rappelé la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), « il est erroné de considérer que le nombre de mineurs pris en charge par la police puis la justice illustre la délinquance des mineurs ».

Les chiffres de la police, de la gendarmerie ou de la justice ne peuvent rendre compte, à eux seuls, de l'ampleur du phénomène, ce qui peut expliquer un certain décalage avec la réalité et le ressenti de la population .

En effet, l'évolution de la délinquance relevée par la police et la gendarmerie nationales se base sur les individus « mis en cause » dans le cadre d'une enquête, et non les faits délictueux , dont les auteurs peuvent rester inconnus. De surcroît, une personne est considérée comme « mise en cause » dès lors qu'il existe une procédure comportant notamment son audition par procès-verbal ainsi que des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer à la commission de l'infraction comme auteur ou complice, et qu'elle soit ensuite signalée à la justice. Cette notion est donc plus restrictive que l'usage courant, qui désigne toute personne soupçonnée à un moment donné d'avoir participé à la commission d'une infraction 8 ( * ) .

Entendus par les rapporteurs, les représentants du SSMSI ont indiqué que « l'évolution réelle de la délinquance des mineurs ou de toute autre population de délinquants ne peut être réellement observée à partir de l'évolution du nombre de mis en cause enregistrés par les services de sécurité car cette dernière reflète non seulement l'évolution de la délinquance réellement commise mais aussi celle de la propension des victimes à porter plainte, de la tolérance de la société vis-à-vis de certains phénomènes ou encore des moyens mis en oeuvre pour lutter plus spécifiquement contre certaines formes de délinquance ».

Le rapport annuel « Insécurité et délinquance en 2021 » publié par le ministère de l'intérieur en 2022 confirme donc logiquement que : « la comptabilisation des infractions enregistrées peut fournir une indication du volume réel des infractions commises, et donc de l'insécurité qui en découle, dans les domaines où la part des délits qui arrivent à la connaissance des services est élevée » 9 ( * ) . Il s'agit donc d'une simple « indication » du volume réel de la délinquance des mineurs , de la même manière que pour la délinquance en général.

À cet égard, le niveau de délinquance enregistré par les forces de sécurité dépend largement des pratiques de terrain et des consignes de gestion des affaires ou de saisie des données. Pour certaines infractions comme les infractions à la législation sur les stupéfiants , qui ne font pas toujours de victime directe ou dont les victimes sont peu enclines à porter plainte, les statistiques dépendent quasi exclusivement de l'activité des forces de sécurité et, comme le reconnaît le SSMSI, « sous-estiment parfois lourdement le nombre d'actes de délinquance » 10 ( * ) .

À l'inverse, une personne mise en cause qui a été entendue, qu'elle soit mineure ou majeure, n'est pas forcément, in fine , condamnée par la justice .

De plus, la minorité repose sur l'âge du mis en cause tel qu'enregistré ou déclaré . Selon la direction générale de la police nationale (DGPN), les mineurs non accompagnés peuvent fausser les statistiques car nombre d'entre eux sont majeurs, dans une proportion impossible à quantifier.

Par ailleurs, d'après le SSMSI, les enquêtes de victimation telles que « Cadre de vie et de sécurité » (CVS), qui ont pour objet de mesurer la délinquance réellement subie par la population sur un échantillon de victimes 11 ( * ) , ne donnent que très peu d'informations sur les auteurs hors sphère familiale. Cette enquête qui comptabilise notamment des atteintes non qualifiées pénalement par la loi 12 ( * ) pose d'ailleurs une difficulté puisque ne relèvent de la délinquance que les infractions (crimes, délits ou contraventions) pénalement réprimables. Elle ne concerne en outre que certaines infractions et peu de victimes mineures.

De la même manière, l'évolution du nombre de condamnations par la justice ne peut être un indicateur, à lui seul, d'une augmentation ou d'une diminution de la délinquance : cette donnée doit notamment être interprétée à la lumière du taux de poursuites engagées par les parquets, et du recours aux mesures alternatives aux poursuites, majoritaires pour les mineurs 13 ( * ) .

Comme le résume le Conseil national des barreaux, « les statistiques de la délinquance nécessitent d'avoir beaucoup de prudence dans leur interprétation , que l'on regarde la délinquance constatée par les forces de l'ordre, les condamnations par la justice, ou les enquêtes de victimation et de délinquance déclarée qui s'appuient plus sur des sentiments voire des ressentis que sur des réalités tangibles ».

Regrettant le manque de données scientifiques solides, Sébastian Roché, sociologue et directeur de recherche au centre national de recherche scientifique (CNRS), a présenté aux rapporteurs les résultats d'enquêtes alternatives sur la délinquance des jeunes fondées sur leurs propres déclarations, conduites notamment à Lyon et Grenoble . Ce type d'enquêtes dites « auto-déclarées » pourrait utilement compléter le panel d'outils à disposition des pouvoirs publics pour mieux connaître la délinquance des mineurs.

Recommandation n° 2 : développer des enquêtes sociologiques sur les auteurs des faits ainsi que des suivis de cohortes 14 ( * ) ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

C. UNE ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DU RÔLE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Les travaux conduits par les rapporteurs montrent, de manière empirique, un effet indéniable des réseaux sociaux et, plus largement, du numérique et d'Internet, sur la délinquance des mineurs .

L'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) et la conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) reconnaissent que les réseaux sociaux ont un impact sur la délinquance des mineurs, sans qu'il soit mesurable. Ils permettraient une facilitation du passage à l'acte , davantage que la commission de nouvelles infractions.

L'analyse de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) va un peu plus loin : dans sa réponse écrite aux rapporteurs, elle indique que « l'usage exponentiel des réseaux sociaux a eu un impact fort sur la délinquance des mineurs ». En tout état de cause, la DGGN estime, conjointement avec la direction générale de la police nationale (DGPN), que les réseaux sociaux peuvent contribuer à l'évolution voire à l'augmentation de certains faits tels que :

- la violence scolaire , qui ne s'arrête plus à l'école, le cyberharcèlement se poursuivant dans l'intimité de la victime, via les réseaux sociaux, qui peuvent aussi servir à orchestrer des affrontements entre bandes aux abords des établissements ;

- les infractions à la législation sur les stupéfiants , les produits étant proposés sur Internet et pouvant facilement être acquis, voire revendus, par des mineurs ;

- les extorsions , notamment les chantages sexuels après avoir obtenu des photos ou vidéos intimes de la victime, qui peuvent s'accompagner de harcèlement ;

- le « happy slapping » ou vidéolynchage consistant à filmer ou photographier l'agression physique d'une personne et diffuser ensuite les images sur un réseau social.

Les réseaux sociaux permettent d' amplifier la violence , notamment psychologique. Avec Internet, le harceleur a un sentiment d'impunité, lié à l'anonymat mais aussi à l'effet de nombre.

Les représentants du Conseil national des barreaux (CNB) vont dans le même sens, relevant que « les réseaux sociaux sont un lieu de plus en plus important où se commettent en toute impunité toute sorte de délits », dont « les mineurs ne sont pas épargnés » car « ils sont les premiers à [les] utiliser très majoritairement ». Le CNB note en outre que « les jeunes ont souvent le sentiment de ne pas commettre une infraction lorsque cela touche au numérique ; il y a une forme de banalisation ou de déresponsabilisation ».

Malgré ce constat unanime, les pouvoirs publics manquent cruellement de connaissances sur les effets des réseaux sociaux sur la délinquance . Les données relatives aux réseaux sociaux et à la cybercriminalité en général semblent largement minorées dans les statistiques et évaluations de la délinquance , des mineurs comme des majeurs.

D'après les éléments transmis par la DGGN, le service central de renseignement criminel estime que pour deux cents faits commis par le biais d'un vecteur numérique, seule une plainte est déposée , l'usage d'un outil numérique n'étant par ailleurs pas toujours renseigné par les enquêteurs lors de l'enregistrement de la procédure.

Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) est toutefois bien conscient de cette problématique , et mène des travaux pour améliorer le repérage des infractions enregistrées ayant un lien avec le numérique (cyber-délinquance et recours à Internet pour faciliter certaines infractions), et conduire des études sur le sujet ensuite. L'aboutissement de ces travaux semble en effet indispensable.

Recommandation n° 3 : améliorer le repérage des infractions liées au numérique et évaluer le rôle des réseaux sociaux sur les phénomènes de délinquance des mineurs ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

II. CE QUE DISENT LES CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

A. DES CHIFFRES CONTRASTÉS DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR DONT AUCUNE RÉELLE CONCLUSION NE PEUT ÊTRE TIRÉE

1. Sur la période récente 2016-201915 ( * ), le constat d'une stabilité globale des mineurs mis en cause mais des chiffres contrastés selon les infractions
a) Une stabilité globale selon le ministère de l'intérieur, mais une hausse des atteintes aux personnes

D'après les représentants des directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale (DGPN et DGGN), si le volume total des mineurs délinquants apparaît relativement stable depuis 2010 , les faits de délinquance ont évolué avec le temps .

Le premier constat d'une relative stabilité apparaît toutefois difficile à démontrer : les données portées à la connaissance des rapporteurs ne permettent pas de connaître le cumul annuel des mis en cause mineurs enregistrés par les forces de l'ordre.

Comme déjà indiqué, depuis 2016, le ministère de l'intérieur dispose de statistiques fiabilisées par infraction. D'une part, elles présentent une diminution des atteintes aux biens, qui s'expliquerait notamment par un renforcement de la sécurité et le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, d'après la DGGN.

D'autre part, elles montrent une augmentation importante des atteintes aux personnes , notamment les actes de violence physique ou sexuelle sur mineurs. Les coups et blessures volontaires sur personne de moins de 15 ans ont par exemple augmenté de 12,4 % entre 2016 et 2019.

Nombre de mineurs mis en cause entre 2016 et 2021 pour certaines infractions 16 ( * )

(France entière)

Type d'infraction

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution
2016-2019
en %

Évolution
2016-2021

en %

Coups et blessures volontaires sur personne de 15 ans et plus

20 797

21 735

22 267

20 827

18 126

19 536

0,1 %

-6,1 %

Coups et blessures volontaires sur personne de moins de 15 ans

10 923

12 079

13 066

12 275

9 644

11 657

+ 12,4 %

+ 6,7 %

Violences sexuelles sur majeurs

446

480

576

637

593

706

+ 42,8 %

+ 58,3 %

Violences sexuelles sur mineurs

6 408

6 748

7 366

8 222

7 756

10 232

+ 28,3 %

+ 59,7 %

Vols violents

8 307

8 197

8 220

7 998

7 454

7 073

-3,7 %

-14,9 %

Vols sans violence contre les personnes

20 093

19 724

19 867

19 066

14 951

14 396

-5,1 %

-28,4 %

Cambriolages logements

7 742

8 130

7 625

7 026

6 220

5 665

-9,2 %

-26,8 %

Vols de (ou dans) véhicules

12 707

12 281

11 604

10 810

9 273

8 846

-14,9 %

-30,4 %

Autre vol, recel

37 019

37 728

37 263

33 920

27 019

24 355

-8,4 %

-34,2 %

Source : données transmises par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI),
base des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, années 2016 à 2021

L'augmentation est encore plus frappante pour les violences sexuelles : + 42,8 % pour les actes commis sur majeurs et + 28,3 % pour ceux commis sur mineurs. Ces chiffres se sont encore aggravés en 2020 et 2021 pendant les confinements, comme le montre le tableau ci-dessus. Cette évolution reflète, d'après le ministère de l'intérieur, les conséquences de la libération de la parole des victimes et l'amélioration de leurs conditions d'accueil par la police et la gendarmerie . Tenir ces deux évolutions pour seule cause de la hausse des infractions sexuelles peut toutefois apparaître trop simpliste.

Par ailleurs, les chiffres publiés par le ministère montrent une importante hausse des mineurs mis en cause pour homicide entre 2017 et 2018 (respectivement 34 et 92), puis une diminution en 2019 et 2020. La comparaison avec 2021, qui montre de nouveau une augmentation, n'est toutefois pas possible en raison d'une modification de périmètre du suivi statistique , symptomatique des difficultés déjà évoquées .

Mineurs mis en cause pour homicide

2017

2018

2019

2020

2021

Nombre de mineurs mis en cause

34

92

76

62

99

% sur l'ensemble des mis en cause

3 %

9 %

7 %

7 %

8 %

Source : rapports « Insécurité et délinquance » des années 2016 à 2021, service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) 17 ( * )

b) Des infractions à la législation sur les stupéfiants notables malgré une diminution en trompe-l'oeil de l'usage

Les infractions à la législation sur les stupéfiants représentent une part importante des faits délictueux commis par les mineurs : les déplacements des rapporteurs en Gironde, à Avignon et Nanterre, tout comme les auditions, l'ont attesté.

L'Office anti-stupéfiants (OFAST) 18 ( * ) constate ainsi que dans les territoires marginalisés, les trafiquants tirent profit de la misère sociale en mobilisant une population précaire dans l'économie parallèle de la drogue qui devient une économie de survie . Les guetteurs, revendeurs et livreurs sont principalement des jeunes issus de familles aux revenus précaires, des mineurs désinsérés, mais aussi des migrants sans papiers ou des mineurs non accompagnés. La proximité spatiale de ces recrues avec les points de deal présente un avantage important.

La conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) pointe l' appât du gain comme principale motivation : face à l'attrait financier des points de deal, dont certains rapportent trente mille euros jour et permettent de rémunérer les guetteurs jusqu'à cent euros par jour, il est compliqué de rivaliser.

Les rapporteurs en ont eu confirmation lors de leur déplacement au tribunal judiciaire d'Avignon, ville particulièrement impactée par le trafic de stupéfiants, où les guetteurs et revendeurs sont fréquemment âgés de 13 ans au lieu de 15 ans il y a une dizaine d'années.

Les mis en cause pour trafic de stupéfiants sont d'ailleurs en moyenne plus jeunes que ceux mis en cause pour usage . En 2021, les 13-17 ans concentrent 20 % de l'ensemble des mis en cause pour trafic 19 ( * ) , contre 6 % de la population nationale 20 ( * ) , en augmentation depuis 2016 21 ( * ) . Cette même tranche d'âge est légèrement surreprésentée parmi les mis en cause en matière d'usage de stupéfiants, à hauteur de 9 % contre 6 % la population, alors qu'elle s'élève à 15 % en moyenne entre 2016 et 2019 22 ( * ) .

Cette évolution reflète la diminution de 37 % des mineurs interpellés entre 2016 et 2021 pour usage de stupéfiants , et de leur part dans la totalité des mis en cause pour ce type d'infractions, qui passe de 16 à 9 %, comme le montre le tableau ci-dessous. Ce décalage avec la réalité résulte d'une évolution des pratiques des forces de sécurité suite à l'entrée en vigueur de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour usage de stupéfiants 23 ( * ) , qui ne peut être relevée qu'à l'encontre des majeurs. L'étude du service statistique ministériel de la sécurité intérieure qui met ce fait en évidence conclut en indiquant que : « malgré l'importance que recouvre la consommation des mineurs dans le débat public et dans la littérature académique, qui en font le sujet prioritaire concernant la lutte actuelle contre les stupéfiants, cette population non éligible aux AFD est moins appréhendée par les services de sécurité depuis l'introduction du dispositif , à la fois en proportion et en nombre brut » 24 ( * ) .

À l'inverse, le ministère de l'intérieur constate sur la même période 2016-2021 une augmentation des mineurs mis en cause pour trafic de stupéfiants de 35 % , étant précisé que ces faits délictueux sont uniquement révélés par l'activité des services de sécurité et donc largement sous-estimés 25 ( * ) .

Mis en cause mineurs pour usage et trafic de stupéfiants de 2016 à 2021 - (France entière)

Usage de stupéfiants

Trafic de stupéfiants

Année d'élucidation

Nombre
de mineurs mis en cause

Part
sur l'ensemble des mis en cause

Nombre
de mineurs mis en cause

Part
sur l'ensemble des mis en cause

2016

30 660

16,8 %

6 800

16,7 %

2017

31 050

16,4 %

8 140

18,5 %

2018

31 220

16,7 %

9 010

19,8 %

2019

28 280

15,9 %

9 970

21,2 %

2020

20 210

12,6 %

8 030

19,5 %

2021

19 350

8,8 %

9 190

19,7 %

Évolution 2016-2019 en %
puis en points de %

-7,8 %

- 0,90

46,62 %

+ 4,5

Évolution 2016-2021 en %
puis en points de %

-36,9 %

- 8,00

35,15 %

+ 3

Source : SSMSI, base des mis en cause pour crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie de 2016 à 2021

c) Une baisse relative de la proportion des mineurs impliqués sur l'ensemble de la délinquance

La DGPN estime à 20 % de la délinquance générale la part commise par des mineurs (35 % pour la délinquance sur la voie publique). Le ministère de l'intérieur constate une baisse de la part des mineurs mis en cause par rapport à l'ensemble de la délinquance tant pour les atteintes aux biens que les atteintes aux personnes, qui s'explique par une augmentation très importante de faits commis par des majeurs sur la période concernée 26 ( * ) .

Proportion des mineurs par rapport à l'ensemble des mis en cause entre 2016 et 2021
pour certaines infractions -
(France entière)

Type d'infraction

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution

2016-2019 en point de %

Coups et blessures volontaires sur personne de 15 ans et plus

12,6

12,9

12,5

11,3

9,5

9,1

-1,3

Coups et blessures volontaires sur personne de moins de 15 ans

33,7

33,9

33,9

30,8

25,1

25,6

-2,9

Violences sexuelles sur majeurs

4,9

4,7

4,6

4,6

4,0

3,8

-0,2

Violences sexuelles sur mineurs

44,9

45,4

45,3

46,1

44,3

44,5

1,2

Vols violents

41,2

40,7

41,6

40,7

41,3

39,4

-0,5

Vols sans violence contre les personnes

30,6

29,3

29,0

28,1

25,6

24,7

-2,6

Cambriolages logements

32,2

33,4

32,2

30,7

30,1

28,9

-1,5

Vols de (ou dans) véhicules

35,7

34,9

33,5

32,4

31,2

31,6

-3,3

Autre vol, recel

24,5

25,2

24,9

23,6

22,8

21,8

-0,8

Source : données transmises par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI),
base des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, années 2016 à 2021

Pour autant, la DGPN a estimé qu'il fallait remettre ces chiffres en perspective . Les mineurs représentent une délinquance commise entre environ 13 et 17 ans, soit quatre ou cinq ans d'une vie, alors que la délinquance générale comprend les majeurs de 18 à 77 ans... Cet indicateur n'est donc pas forcément le plus pertinent.

Il faut donc plutôt comparer la part des mineurs par rapport à la population de leur classe d'âge . Selon les infractions, les mineurs représentent alors une part très importante des mis en cause . Ainsi, les 13 à 17 ans représentent aujourd'hui environ 6 % de la population totale 27 ( * ) - les mineurs dans leur ensemble environ 21 % - alors qu'ils représentent jusqu'à 46 % des mis en cause en matière de violences sexuelles sur mineurs, 40 % des vols violents, 32 % des vols de véhicules ou 30 % des coups et blessures volontaires sur moins de 15 ans. Ces chiffres donnent un éclairage différent sur la délinquance et témoignent d'une surreprésentation des mineurs pour certaines infractions.

d) Une répartition par âge et sexe plutôt stable

La répartition par âge et sexe disponible pour certaines infractions sur la période 2016-2019 montre, en moyenne, une relative stabilité, à l'exception d'une légère hausse de la proportion des 15-17 ans .

Ainsi, ces derniers sont les plus nombreux pour les atteintes aux biens et aux personnes , à l'exception des coups et blessures volontaires sur personne de moins de quinze ans , majoritairement commis par des 13-14 ans. Les moins de 13 ans représentent même, pour cette infraction, le tiers des mis en cause. Le constat est tout aussi inquiétant pour les violences sexuelles sur mineurs : les 15-17 sont majoritaires, mais les 13-14 ans et les moins de 13 ans représentent, selon les années, chacun environ un tiers des mis en cause.

Répartition des mineurs mis en cause par âge
pour certaines infractions hors violences intrafamiliales -
(France entière)

Type d'infraction

% par tranche d'âge

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution

2016-2019
en points de %

Coups et blessures volontaires sur personne de 15 ans et plus

< 10

1,9

1,5

1,5

1,3

1,3

1,1

-0,6

11-12

5,9

5,6

5,2

5,1

4,7

5,4

-0,8

13-14

21,3

20,3

19,5

19,2

18,6

20,4

-2,1

15-17

70,9

72,6

73,8

74,4

75,4

73,1

3,5

Coups et blessures volontaires sur personne
de moins de 15 ans

< 10

7,8

7,8

7,1

7,0

6,3

6,5

-0,8

11-12

25,1

26,4

26,7

26,2

25,5

27,0

1,1

13-14

41,6

41,1

41,5

42,1

42,7

41,3

0,4

15-17

25,4

24,8

24,7

24,7

25,5

25,3

-0,7

Violences sexuelles
sur mineurs

< 10

11,7

11,9

11,4

10,8

12,3

11,1

-0,9

11-12

18,4

17,7

16,7

17,1

16,0

16,1

-1,2

13-14

32,2

32,7

31,9

31,5

30,1

29,6

-0,7

15-17

37,7

37,7

40,0

40,5

41,6

43,2

2,8

Vols violents

< 10

0,3

0,4

0,7

0,4

0,3

0,1

0,1

11-12

2,9

2,9

2,7

1,9

1,6

2,0

-1,1

13-14

19,5

20,2

19,1

17,5

15,9

15,2

-2,1

15-17

77,3

76,5

77,5

80,3

82,2

82,7

3

Vols sans violence
contre les personnes

< 10

1,2

1,4

1,4

1,0

1,0

1,0

-0,2

11-12

9,0

7,0

6,6

6,2

5,2

6,0

-2,8

13-14

26,6

25,6

23,9

21,8

20,1

19,8

-4,8

15-17

63,1

66,0

68,1

70,9

73,7

73,2

7,8

Cambriolages logements

< 10

0,6

1,1

1,0

0,7

0,8

0,4

0,1

11-12

3,1

4,3

3,5

4,0

2,9

3,0

0,1

13-14

19,7

20,3

18,8

18,9

16,6

16,3

-0,7

15-17

76,7

74,4

76,7

76,3

79,7

80,3

-0,3

Vols de (ou dans) véhicules

< 10

0,3

0,5

0,4

0,3

0,3

0,3

-0

11-12

2,0

2,4

2,1

2,1

1,8

1,7

0,1

13-14

18,3

18,3

17,3

17,6

15,6

15,4

-0,8

15-17

79,3

78,8

80,1

80,0

82,3

82,5

0,7

Autre vol, recel

< 10

1,0

1,0

1,0

0,8

0,6

0,7

-0,2

11-12

4,1

4,3

4,0

3,8

3,3

3,2

-0,3

13-14

20,9

20,8

19,7

19,7

19,2

17,6

-1,2

15-17

74,0

73,9

75,3

75,7

76,9

78,5

1,8

Répartition en moyenne

< 10

3,1

3,2

3,1

2,8

2,9

2,6

-0,3

11-12

8,8

8,8

8,4

8,3

7,6

8,1

-0,5

13-14

25,0

24,9

24,0

23,5

22,3

22,0

-1,5

15-17

63,1

63,1

64,5

65,4

67,2

67,3

2,3

Source : données transmises par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI),
base des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, années 2016 à 2021

La DGPN relève toutefois à cet égard que les mineurs non accompagnés peuvent fausser partiellement les statistiques - notamment la part des 15-17 ans - car nombre d'entre eux sont majeurs et peuvent représenter jusqu'à 9 % de la délinquance sur la voie publique dans certaines agglomérations.

Enfin, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) constate que les filles demeurent largement minoritaires parmi les mineurs mis en cause , représentant tout au plus 20 % pour les coups et blessures sur moins de 15 ans et les vols sans violence. Pour le reste, elles sont moins de 10 %.

2. Sur une longue période, une dynamique d'augmentation non fiabilisée mais une confirmation des tendances de fond

Des données récemment publiées par le ministère de la justice 28 ( * ) , mettent en évidence une nette augmentation du total des mineurs mis en cause par les services de police et gendarmerie pour des crimes et délits sur les trente dernières années 29 ( * ) : ils étaient 98 864 en 1992, 180 129 en 2002 puis 216 221 en 2010. Leur nombre a ensuite diminué, oscillant entre 190 000 et 200 000 selon les années, pour atteindre 190 127 en 2019. Ces chiffres montrent un accroissement de près de 92 % entre 1992 et 2019 et de 6 % entre 2002 et 2019.

Selon ces données, la proportion des mineurs parmi la totalité des mis en cause (majeurs et mineurs) a également suivi une dynamique similaire sur la même durée , passant de 14 % à 20 % entre 1992 et 2002, pour ensuite se stabiliser autour de 18 % jusqu'en 2019, dans un contexte où la population des mineurs de 10 à 17 ans a légèrement augmenté sur la période (+ 6 % entre 1992 et 2019) 30 ( * ) et où les majeurs mis en cause augmentent également de manière notable : de 51 % entre 1992 et 2019 et de 28 % entre 2002 et 2019.

Ces chiffres avaient également été rendus publics par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), comme l'a relevé Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, dans ses réponses aux rapporteurs.

Interrogé par les rapporteurs à propos de ces évolutions observées sur une longue durée, le SSMSI a précisé ne pas valider ces statistiques qu'il considère comme des « données brutes non fiabilisées » 31 ( * ) , ce qui est pour le moins étonnant. Il semble donc impossible d'en tirer des conclusions fiables . Cette situation illustre à nouveau les difficultés statistiques rencontrées par les pouvoirs publics qui nuisent à la connaissance précise de la délinquance des mineurs .

Par ailleurs, les séries longues fiabilisées par le ministère de l'intérieur ne couvrent pas toutes les infractions mais permettent tout de même de corroborer des tendances de fond . Elles montrent en effet une dynamique similaire à celle constatée depuis 2016 : hausse des atteintes aux personnes et diminution des atteintes aux biens . Ainsi, entre 2002 et 2019, les mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur personne de moins de quinze ans ont augmenté de 350 %, les violences sexuelles sur mineurs de 70 % et celles sur majeurs de 16 %. En revanche, les vols de véhicules diminuent de 65 % et les vols violents de 31 % 32 ( * ) .

B. DES CHIFFRES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE QUI MONTRENT NOTAMMENT UNE DIMINUTION DES CONDAMNATIONS PRONONCÉES

1. Des mesures alternatives aux poursuites majoritairement retenues par les parquets...

Selon les informations transmises par le ministère de la justice, le nombre d'affaires mettant en cause des mineurs concerne de manière inchangée depuis 2000 entre 3 et 4 % du total des affaires traitées par les parquets. Leur nombre a augmenté entre 2000 et 2008 , passant de 152 000 affaires à 180 000, puis oscillant depuis entre 170 000 et 180 000 33 ( * ) . Le nombre d'affaires pénales impliquant des mineurs est au plus bas en 2019 (169 648 affaires) depuis 2006. La proportion des affaires poursuivables a connu une diminution depuis 2000 , passant de 87 % à 79 % en 2019.

Surtout, le taux de réponse pénale a fortement progressé, passant de 78 % en 2000 à 94 % en 2010, restant stable ensuite . Par comparaison, il est de 87 % pour l'ensemble des affaires. Cette augmentation cache toutefois des disparités importantes . Ainsi, comme l'ont indiqué la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et la conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), les mesures alternatives aux poursuites ont fortement augmenté sur une longue période : elles ne représentaient que 34,5 % des affaires poursuivables en 2000, contre 55 % en 2019 , des taux de 58 % étant régulièrement atteints. Par comparaison ces mesures ne concernent que 40 % des affaires poursuivables pour les majeurs en 2019. Les rappels à la loi sont en outre majoritaires : ils représentent en 2019 près de 62 % des mesures alternatives prononcées.

Évolution de la répartition des affaires poursuivables mettant en cause
des mineurs entre 2000 et 2019 -
(France entière)

2000

2002

2007

2010

2012

2016

2017

2018

2019

Nombre de poursuites engagées

57 280

58 842

59 936

56 707

50 337

49 522

50 091

51 414

49 697

Nombre d'affaires classées sans suite pour inopportunité des poursuites

29 510

29 736

15 781

8 790

8 746

10 853

9 141

10 298

9 883

Nombre de mesures alternatives aux poursuites et de compositions pénales

45 326

50 017

74 134

78 424

82 343

84 116

77 196

82 234

74 132

Sources : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/Cadres du parquet (2000-2011)
et fichier statistique Cassiopée (2012-2020)

En conséquence, le taux de poursuites des mineurs - équivalent en 2019 à 37 % des affaires poursuivables - est globalement inférieur de dix points à celui de l'ensemble des affaires 34 ( * ) .

Au final, le nombre de mineurs poursuivis 35 ( * ) entre 2012 et 2019 ne diminue que de 2,4 % . Cette relative stabilité masque toutefois des disparités importantes .

Mineurs poursuivis entre 2012 et 2020

(France entière)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Évolution 2012-2019

en %

Total

65 822

64 961

62 798

62 839

64 757

64 997

66 937

64 264

48 053

-2,4 %

Âge du mineur au moment des faits

Moins de 13 ans

2 668

2 454

2 176

2 095

2 120

2 168

2 122

1 928

1 360

-27,7 %

13-17 ans

62 881

62 325

60 445

60 585

62 441

62 621

64 578

62 039

46 470

-1,3 %

Âge inconnu

273

182

177

159

196

208

237

297

223

8,8 %

Sexe du mineur

Garçon

59 379

58 766

56 989

57 184

59 375

59 719

61 904

59 744

45 018

0,6 %

Fille

6 443

6 195

5 809

5 655

5 382

5 278

5 033

4 520

3 035

-29,8 %

Qualification de l'infraction principale

Crime

887

909

845

888

900

1 039

1 245

1 502

1 445

69,3 %

Délit

63 668

62 953

61 033

61 052

62 990

63 141

64 913

62 105

46 191

-2,5 %

Contravention

1 267

1 099

920

899

867

817

779

657

417

-48,1 %

Catégorie de l'infraction principale

Atteinte à la personne humaine

15 923

15 028

14 388

14 250

14 730

14 904

16 207

14 879

11 706

-6,6 %

Atteinte aux biens

38 290

37 345

35 624

35 108

35 644

34 701

34 037

32 521

23 693

-15,1 %

Circulation et transport

2 376

2 298

2 359

2 373

2 644

2 686

2 783

2 812

2 176

18,4 %

Atteinte à l'autorité de l'État

3 465

3 391

3 139

3 401

3 439

3 484

3 920

3 636

2 818

4,9 %

Infraction à la législation
des stupéfiants

5 490

6 638

7 091

7 477

8 114

9 034

9 797

10 250

7 536

86,7 %

Atteintes économiques, financières et sociales

206

194

173

183

164

149

163

143

94

-30,6 %

Atteinte à l'environnement

72

67

24

47

22

39

30

23

30

-68,1 %

Source : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/ fichier statistique Cassiopée

De manière assez étonnante, le nombre de mineurs poursuivis entre 2012 et 2019 diminue en matière d'atteinte aux personnes (- 6,6 %) alors que le nombre de mineurs mis en cause par les forces de l'ordre augmente , dans une moindre mesure toutefois que les atteintes aux biens (- 15 %) . Dans les augmentations les plus notables, il faut noter les mineurs poursuivis pour crime (+ 69 %) et pour infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 87 %) quand ceux poursuivis pour contraventions , infractions les moins graves, diminuent de près de 48 %. Le nombre de mineurs de moins de 13 ans diminue en revanche de 28 % sur la même période.

2. ...dont il résulte une diminution lente mais continue des condamnations prononcées

L'augmentation du nombre de mesures alternatives aux poursuites a pour conséquence logique une diminution des condamnations prononcées à l'encontre de mineurs , même si, comme l'indique Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, cela ne veut pas dire pour autant que la délinquance diminue.

Si le nombre de condamnations 36 ( * ) de mineurs était en augmentation chaque année entre 2002 (29 438) et 2007 où leur nombre avait culminé à 57 366 , depuis 2008 ce nombre a décru chaque année et s'élève à 42 911 en 2019. Ainsi, ce sont près de 14 375 condamnations de mineurs de moins qui ont été enregistrées entre 2007 et 2019 . Sur la même période, la proportion de condamnations prononcées contre des mineurs stagne entre 8 % et 9 % de l'ensemble des condamnations .

Évolution des condamnations de mineurs entre 2000 et 2019

(France entière)

2000

2002

2007

2010

2012

2016

2017

2018

2019

Nombre de condamnations de mineurs prononcées

38 146

29 438

57 366

52 752

50 562

46 422

46 671

41 708

42 991

Évolution de la réponse pénale mineurs entre 2010 et 2019

(France hexagonale et Outre-mer)

Source : Ministère de la justice / SG / SEM / SDSE / fichier statistique du Casier judiciaire national des personnes physiques

Les peines et mesures éducatives 37 ( * ) sont prononcées dans des proportions similaires depuis 2007 , oscillant entre 45 et 48 % (taux respectifs pour 2019). Les sanctions éducatives sont en revanche peu prononcées par les tribunaux pour enfants (entre 3 et 4 %). Parmi les peines prononcées , 22 % sont des peines d'emprisonnement comprenant une partie ferme en 2019, mais la majorité (56 % en 2019) sont des peines d'emprisonnement avec sursis total . Ces composantes sont assez stables sur longue période : les premières n'ont pas évolué entre 2000 et 2019 et les secondes ont augmenté de 7 %. L'évolution la plus marquante concerne les peines de travail d'intérêt général , qui ont augmenté de 155 % sur la même période , témoignant de l'importance accordée par les pouvoirs publics à ce type de peine, et les peines d' amendes, en augmentation de 55 % .

Sur longue période, il est intéressant de constater que seules les condamnations pour atteintes aux biens diminuent entre 2000 et 2019 (- 14 %) ce qui est cohérent avec les constats des forces de l'ordre, même si elles sont toujours majoritaires (51 % des condamnations prononcées en 2019), quand celles pour d'autres infractions augmentent , notamment les atteintes à la personne (+ 33 %) qui diminuent toutefois depuis 2011 ou, surtout, les infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 253 %), en hausse continue.

La DACG relève en outre que la diminution du nombre de mineurs condamnés par les cours d'assises ne permet pas de révéler une aggravation de passages à l'acte depuis 2014 38 ( * ) , ce qui semble toutefois incohérent avec l'augmentation du nombre de poursuites engagées pour crimes. La répartition par âge (40 % de 13-15 ans entre 2005 et 2019) et sexe (90 % de garçons) est également relativement stable.

3. Un nombre non négligeable de mineurs en état de récidive ou de réitération après la majorité

Selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), 65 % des mineurs qui ont eu un premier contact avec la justice, n'en auront plus au cours de leur minorité , ce qui permettrait d'évaluer l'efficacité de son intervention. Ce chiffre est corroboré par les données de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en matière de réitération ou de récidive qui a indiqué aux rapporteurs que la part des mineurs condamnés en réitération ou en récidive parmi les mineurs condamnés est d'environ 20 % sur la période de 2000 au début des années 2010 . Elle semble diminuer ensuite sensiblement, autour de 17 % .

Toutefois, il convient de relativiser cette statistique dans la mesure où elle ne prend en compte que les mineurs ayant commis une première infraction lorsqu'ils étaient mineurs et ayant réitéré alors qu'ils étaient encore mineurs après la première condamnation .

Sont ainsi exclus tous les mineurs ayant fait l'objet de leur première condamnation qu'après leur majorité. Surtout, tous les mineurs ayant réitéré majeurs ne sont pas pris en compte : le parcours délinquant du jeune n'est donc pas retracé dans son intégralité.

Il est donc plus pertinent d'observer le taux de « récidive » au sens large 39 ( * ) des personnes condamnées une première fois pour une infraction commise lors de leur minorité. Selon la DACG, ce taux de réitération observé dans les 5 années de la première condamnation est supérieur à 50 % pour les mineurs primo-condamnés (à comparer avec un taux de 45 % tout âge confondu 40 ( * ) ). Ainsi, ce taux parmi les mineurs primo-condamnés en 2012 s'élève à 54 % et 70 % des récidivistes l'ont fait dans les deux ans de la première condamnation 41 ( * ) .

Cependant, là encore il existe un biais car ces études qui mettent en exergue le fait que « les taux de récidives sont [...] maximum entre 16 et 21 ans, puis diminuent » sont menées à partir des condamnations au casier judiciaire et ne concernent donc que les mineurs les plus engagés dans la délinquance , ce qui ne représenterait qu'une petite partie des mineurs pris en charge par la justice et interdit de fait toute généralisation à l'ensemble des mineurs suivis en justice 42 ( * ) .

Il conviendrait de procéder à des études plus fines , prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives , pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants.

Recommandation n° 4 : procéder à des études plus fines de la récidive et de la réitération, prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives, pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants (ministère de la justice) .

C. MALGRÉ DES LACUNES, QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS SE DESSINENT

Comme le relève le Conseil national des barreaux, « il n'y a pas de profil type. On rencontre autant de profils défavorisés que de jeunes relativement bien insérés dans la société ou à l'école ».

Toutefois, malgré une connaissance du phénomène qui reste imparfaite , il est possible, en analysant conjointement les chiffres disponibles qui viennent d'être présentés et les constats empiriques dressés par les acteurs de terrain lors des auditions et déplacements, de dresser les caractéristiques principales de la délinquance des mineurs d'aujourd'hui .

Ces caractéristiques semblent être les suivantes :

• une cellule familiale fragile et une déscolarisation de plus en plus jeune 43 ( * ) : selon l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, 55 % des mineurs délinquants sont suivis en protection de l'enfance car eux-mêmes victimes d'une maltraitance ou d'une carence éducative familiale ; par ailleurs, l'absentéisme scolaire ou la déscolarisation est souvent un trait commun de mineurs tentés de prendre part à des trafics et des actes de délinquance ;

• une narco-criminalité qui s'accroît et favorise une entrée de plus en plus jeune dans la délinquance, notamment dans les centres urbains dans un contexte de « territorialisation » des trafics : les déplacements des rapporteurs l'ont confirmé, même si cette problématique dépend des territoires ;

• une délinquance violente de jeunes mineurs : l'augmentation des mineurs mis en cause, âgés d'à peine 13 ou 14 ans, pour des atteintes aux personnes, notamment des violences sur mineurs de moins de 15 ans et des violences sexuelles sur mineurs, semble être un phénomène de fond, malgré une diminution des condamnations de mineurs pour atteintes aux personnes ces dix dernières années ;

• Un rôle à évaluer des réseaux sociaux et de la cybercriminalité : ils sont utilisés pour organiser des trafics ou ont pour conséquence de faciliter le passage à l'acte ou d'amplifier les violences. Aucune étude scientifique ne vient toutefois étayer ce constat empirique et partagé.

Focus sur la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Ile-de-France et Outre-mer

Dans les Outre-mer, la Guyane et Mayotte connaissent une délinquance des mineurs nettement plus importante que dans l'hexagone, notamment du fait de la jeunesse de la population (à Mayotte, 50 % de la population a moins de dix-huit ans).

1 ère tendance : une augmentation des procédures criminelles en Ile-de-France et en Outre-mer : davantage de jeunes sont incarcérés, et davantage pour des faits criminels dont une forte proportion de viols ;

2 ème tendance : les addictions aux stupéfiants, problématique partagée par d'autres régions et notamment tous les centres urbains ;

3 ème tendance : les affrontements entre bandes qui sont spécifiques à l'Ile-de-France et concernent souvent des primo-délinquants, qui peuvent être insérés socialement et scolairement. Ce phénomène connaît une ampleur particulière outre-mer, notamment en Guyane et à Mayotte où le phénomène de bandes, souvent composées de mineurs, est particulièrement prégnant. Dans ces territoires, les bandes prennent le relais de l'autorité parentale et conduisent à la commission de vols avec violences, de vols à main armée voire d'homicides ou tentatives.

4 ème tendance : la radicalisation, djihadiste ou politique, phénomène plutôt spécifique à l'Ile-de-France ;

5 ème tendance : le proxénétisme chez les filles mais aussi les garçons, spécifique à l'Ile-de-France ;

6 ème tendance : les mineurs non accompagnés, phénomène commun aux grands centres urbains.

Source : audition du directeur interrégional de la protection judiciaire
de la jeunesse d'Ile-de-France et d'Outre-mer

DEUXIÈME PARTIE

PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE EN AGISSANT
CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

S'il n'existe pas de chiffres consolidés, il ressort des propos des personnes auditionnées, ainsi que de plusieurs études sur des groupes restreints de mineurs délinquants, une corrélation entre échec scolaire et délinquance des mineurs. Pour Catherine Blatier, professeur de psychologie à l'université de Grenoble-Alpes, « il existe un lien évident entre décrochage scolaire et délinquance » , indiquant que le risque de délinquance est multiplié par huit en cas d'absentéisme scolaire. Les travaux de 2016 44 ( * ) menés auprès de 500 jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse à Marseille - l'une des études récentes les plus exhaustives sur le sujet - mettent d'ailleurs en exergue cette relation entre délinquance et rupture avec l'institution scolaire. 82,5 % de ces jeunes ont posé des problèmes durant leur scolarité, que ce soit des problèmes dans la compréhension, l'apprentissage, l'assiduité ou le comportement en classe. Pour les auteurs de cette étude, « il apparaît évident que la déscolarisation favorise l'oisiveté des jeunes et peut engendrer de fait un passage au délit et/ou un maintien dans la délinquance » .

Le lien entre délinquance et décrochage scolaire
à travers l'exemple de mineurs délinquants à Marseille

L'étude menée sur près de 500 jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à Marseille en 2014 permet de constater ce lien entre délinquance et décrochage scolaire.

« Les jeunes de notre échantillon sont nombreux à avoir connu une scolarité difficile. En effet, 65 % d'entre eux ont déjà redoublé une fois au cours de leurs cursus scolaires. Parmi ceux ayant redoublé, 80,7 % ont redoublé durant l'école primaire : 61 % la classe de cours préparatoire et 20 % le CM1 ou le CM2. Cette forte proportion de redoublants est à rapprocher avec les 80 % de jeunes de notre échantillon qui ont des lacunes scolaires (par lacunes nous entendons des problèmes d'apprentissage, de compréhension, d'expression et de réflexion). »

« Près de 76 % de ces jeunes ont de fait un mauvais rapport à l'école, c'est-à-dire qu'ils ne s'y sentent pas à leur place, cherchent à y aller le moins possible, posent des problèmes d'attention et/ou de comportement ».

« 72 % des jeunes suivis par la PJJ en 2014 à Marseille sont ou ont été déscolarisés. La plupart du temps, ils le sont pour des durées relativement longues, puisque l'on retrouve 64 % des jeunes déscolarisés qui l'ont été entre une et trois années scolaires et 18 % entre trois et quatre années ».

Les travaux de Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS - auditionné par les rapporteurs - établissent également un lien entre la commission de différents délits et l'absentéisme scolaire.

Liens entre différents délits et absentéisme scolaire

Source : Extrait des résultats recueillis dans le cadre du projet UPYC en 2015,
présentés par Sébastian Roché aux rapporteurs.

En 2002, la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs indiquait : « Précurseur ou générateur de délinquance, il est impossible d'affirmer que l'échec scolaire, pas plus que les difficultés familiales, fabrique à lui seul la délinquance. Pour autant, plusieurs indicateurs mettent en évidence le rôle qu'il joue dans le basculement. En effet, si tous les jeunes en échec scolaire ne sont pas des délinquants, une immense majorité de ces derniers n'a pas réussi à l'école » .

Vingt ans plus tard, le constat reste le même. La lutte contre le décrochage scolaire est ainsi un axe majeur de la prévention de la délinquance des mineurs .

I. UNE MOBILISATION INSTITUTIONNELLE FORTE DEPUIS 2002

Depuis 2002, date du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, qui avait souligné les insuffisances de la lutte contre le décrochage scolaire, l'éducation nationale et les acteurs de l'insertion professionnelle se sont mobilisés pour renforcer la lutte contre ce phénomène. Celle-ci a connu une forte accélération à partir de la décennie 2010 face à la double impulsion du plan national « agir pour la jeunesse » en 2009 et de la stratégie Europe 2020, adoptée par le Conseil européen en juin 2010, dont l'un des objectifs visait la réduction du taux de décrochage scolaire à moins de 10 %.

Outre les mesures prises pour agir en amont de la rupture scolaire, afin d'accompagner les élèves les plus en difficulté dans l'acquisition des savoirs fondamentaux 45 ( * ) , l'État a souhaité, au-delà des alternances politiques, se donner les moyens de renforcer le suivi des élèves en situation de décrochage scolaire ou sortant du système scolaire sans qualification.

A. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTÈME INTERMINISTÉRIEL DE SUIVI D'INFORMATION POUR LES DÉCROCHEURS SCOLAIRES

Diminuer la part des jeunes sortant du système scolaire sans qualification ou diplôme nécessite de les identifier afin de les accompagner . Pour cela, en 2011, un système interministériel d'échanges d'informations (SIEI) a été initié, afin de croiser des informations . Il doit permettre d'établir une liste de jeunes sortis prématurément du cycle de formation initiale et non inscrits dans un autre cursus.

Jusqu'en octobre 2020, deux campagnes de repérage et de transmission de la liste des décrocheurs par an (octobre et mars) étaient réalisées. Depuis cette date, dans un contexte marqué par la mise en place de l'obligation de formation pour les 16-18 ans ainsi que par la crise sanitaire faisant craindre un nombre important de décrochages à la suite de la fermeture des établissements scolaires pendant plusieurs semaines, le rythme des campagnes a été intensifié pour passer à quatre par an .

Malgré cela, ce fonctionnement par campagne pluri-mensuelle présente l'inconvénient d'être en décalage important par rapport à la situation du jeune au moment où il est effectivement contacté. Ainsi, pour l'académie de Créteil, sur les dernières campagnes de repérage, en moyenne, 40 % des jeunes présents sur les listes ont déjà trouvé une solution de poursuite de formation, 38 % sont injoignables car leurs coordonnées ne sont pas à jour, 13 % refusent le rendez-vous. Au final, seulement 8 % acceptent le rendez-vous . C'est la raison pour laquelle, depuis février 2022, une transmission mensuelle des listes de décrocheurs est prévue . Cette communication plus rapide répond à une demande récurrente des missions locales , chargées par la loi du suivi des jeunes décrocheurs âgés de 16 à 18 ans. Néanmoins, de nombreuses difficultés techniques entravent cette transmission plus régulière (cf. ci-après).

B. LE DÉVELOPPEMENT D'OUTILS EN FAVEUR DE LA « PERSÉVÉRANCE SCOLAIRE »

Des actions en faveur de la « persévérance scolaire » ont été mises en place afin de proposer aux jeunes en situation de décrochage scolaire un accompagnement.

Dès 2011, les plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD) ont été créées pour rassembler l'ensemble des acteurs locaux de la formation, de l'insertion et de l'emploi, mais également tous ceux susceptibles de contribuer à la prise en charge des jeunes concernés - points ou bureaux jeunesse, école de la deuxième chance, centres de formation des apprentis, associations, service militaire volontaire, centre EPIDE (établissement pour l'insertion dans l'emploi) par exemple.

L' éducation nationale a également cherché à mieux s'organiser en interne à travers la création des réseaux Formation qualification emploi (FOQUALE) , qui visent à coordonner, au sein des PSAD, l'ensemble des solutions existant dans l'éducation nationale. Ces réseaux regroupent les établissements et dispositifs relevant de ce ministère, notamment les structures de retour à l'école (SRE) - par exemple les micro-lycées.

Les structures de retour à l'école (SRE)

Le développement des dispositifs de « structures de retour à l'école » (SRE) tels que le « micro-lycée » ou le lycée de la « seconde chance » s'est accéléré, avec l'ouverture, chaque année, de 5 à 10 nouvelles structures. Selon les chiffres transmis par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), à la rentrée 2021, on dénombre 78 structures de retour à l'école, accueillant près de 3 000 jeunes. Le taux de réussite à l'examen des jeunes préparés dans ces structures est chaque année proche de 80 %.

L'exemple des micro-lycées de la région Nouvelle-Aquitaine a été porté à la connaissance des rapporteurs lors du déplacement à Bordeaux. Il s'agit de jeunes qui ont en moyenne une vingtaine d'années, en reprise d'études. Pour l'équipe pédagogique, le premier travail est de les réconcilier avec leurs parcours. Les résultats sont très bons : l'année dernière, tous les élèves ont obtenu le baccalauréat, et la moitié d'entre eux s'est engagée dans des études supérieures. Pour l'équipe éducative, leur action ne se limite pas à l'apprentissage des savoirs, mais également à la transmission de compétences psycho-sociales, et à l'apprentissage de l'autonomie. Le bac est certes un objectif, mais il s'agit également de « les rendre insérables dans la société et les responsabiliser ». Enfin, les responsables du micro-lycée ont souligné un problème financier auquel pouvaient être confrontés plusieurs de ces jeunes : en revenant sous statut scolaire, ils perdent leurs indemnités chômage.

Chaque établissement du second degré doit disposer d'un groupe de prévention du décrochage scolaire. Celui-ci associe les acteurs de la communauté éducative (enseignants, conseiller principal d'éducation, psychologue de l'éducation nationale, assistante sociale, médecin,...) autour du chef d'établissement pour analyser la situation des jeunes présentant les premiers signes de décrochage et leur proposer une solution.

L'activité des missions de lutte contre le décrochage scolaire

Dans chaque académie, des missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) ont été créées. Elles sont notamment chargées de mobiliser l'ensemble des acteurs d'un territoire et d'accompagner les jeunes en situation de décrochage.

En 2019-2020, 80 961 entretiens de situation ont été menés auprès des jeunes repérés en situation ou en risque de « décrochage scolaire ». 40 % de ces jeunes sont issus de la voie professionnelle.

La prise en charge de ces jeunes s'est répartie de la manière suivante :

- 61,3 % des jeunes (49 614) ont été pris en charge à l'issue des entretiens de situation dans les établissements scolaires, les réseaux FOQUALE et les PSAD ;

- des « modules » de soutien spécifiques et des « parcours personnalisés » ont été proposés à une majorité de ces jeunes (34 062), soit 68,7 % de l'effectif total, avec pour objectif prioritaire la poursuite d'études en formation initiale ;

- 38,7 % des jeunes (31 347) ont été pris en charge dans des actions menées au titre de la MLDS.

Le volume global de jeunes accueillis dans les actions MLDS est stable par rapport à l'année précédente.

À l'issue des actions courtes MLDS de sensibilisation et d'information, 67,6 % de ces jeunes ont intégré ou réintégré un parcours de formation sous statut scolaire (formation initiale, MLDS) et 17,8 % hors statut scolaire (formation par alternance, PSAD), soit environ 85,4 % de jeunes ayant repris le chemin de la formation.

À l'issue des actions longues MLDS de remobilisation et de remise à niveau, 8 674 jeunes (60 %) ont intégré ou réintégré une poursuite d'études en formation initiale et 23 % (3 322 jeunes) un parcours de formation hors statut scolaire (formation par alternance - 1 516 jeunes) et PSAD (1 806 jeunes) soit 83 % de jeunes ayant repris le chemin de la formation. Ces résultats sont en augmentation de 6 points par rapport à ceux de l'année précédente (77 %).

Les élèves allophones nouvellement arrivés représentent 7 % de l'ensemble des jeunes reçus en « entretiens de situation », en diminution de 3 points par rapport à l'année 2018-2019 (10 %).

Dans l'académie de Créteil, 2 240 actions ont été menées par la MLDS - un élève pouvant bénéficier d'un ou plusieurs dispositifs dans son parcours. Un tiers de ces actions sont des actions de sensibilisation, 57 % des actions de remédiation et 8 % des actions de repréparation à un examen. 39 ETP sont attribués à la MLDS : un coordonnateur académique, un chargé de mission académique, 3 coordonnateurs départementaux et 34 coordonnateurs dans les établissements.

Dans l'académie de Nouvelle-Aquitaine, 67 ETP sont dédiés à la lutte contre le décrochage scolaire, 5 encadrants et 62 personnels dans les établissements.

Source : DGESCO et auditions

C. UNE MEILLEURE FORMATION DES PERSONNELS DE L'ÉDUCATION NATIONALE SUR LES QUESTIONS DE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

La professionnalisation des personnels de l'éducation nationale sur les questions de prise en charge du décrochage scolaire a été renforcée. Ainsi, depuis la rentrée 2017, un certificat de qualification pour les personnels d'enseignement participant aux missions visant à prévenir le décrochage scolaire et à accompagner des jeunes bénéficiant d'un droit au retour en formation initiale a été instauré.

La formation conduisant à cette certification - d'une durée de 190 heures - comprend notamment des mises en situations professionnelles, tant au sein des missions de lutte contre le décrochage académique (observation et co-animation de séquences de formation) qu'au sein des établissements par des mises en situation dans l'animation d'un « groupe de prévention » du décrochage scolaire. Les personnels en formation bénéficient également d'un accompagnement par un tuteur.

D. L'INSTAURATION D'UNE OBLIGATION DE FORMATION POUR LES 16-18 ANS

L'article L. 122-2 du code de l'éducation reconnaissait le droit pour tout mineur non émancipé de poursuivre sa scolarité au-delà de seize ans, l'opposition de ses responsables légaux pouvant conduire à une mesure éducative. À l'initiative du Gouvernement, la loi pour une école de la confiance de juillet 2019 a souhaité aller plus loin en instaurant une obligation de formation pour les 16-18 ans . Cette obligation reprend l'une des mesures de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée par le Président de la République en septembre 2018.

Le jeune est considéré comme respectant cette obligation lorsqu'il « poursuit sa scolarité dans un établissement d'enseignement public ou privé, lorsqu'il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle, lorsqu'il occupe un emploi ou effectue un service civique, ou lorsqu'il bénéficie d'un dispositif d'accompagnement ou d'insertion sociale et professionnelle ». Il revient aux missions locales de contrôler le respect de l'obligation de formation. Pour cela, elles « bénéficient d'un dispositif de collecte et de transmission des données placé sous la responsabilité de l'État » 46 ( * ) . Le dispositif actuel connaît néanmoins des dysfonctionnements portant préjudice à la fiabilité des informations transmises (cf. ci-après).

II. UN NOMBRE DE JEUNES EN RUPTURE SCOLAIRE QUI DEMEURE ÉLEVÉ

La stratégie Europe 2020 fixe pour cette date un taux maximal de 10 % de jeunes de 18 à 24 ans qui quittent le système scolaire sans diplôme et sans suivre de formation. Dans le cadre de cette stratégie, la France s'est engagée à abaisser le taux de jeunes en dehors de tout système de formation et sans diplôme du second cycle d'enseignement secondaire 47 ( * ) à 9,5 % en 2020. Il était de 12,6 % en 2010. En 2020, ce taux d'abandon scolaire a diminué pour atteindre 8,2 %.

La part des sortants de formation initiale sans diplôme ou détenant au plus le brevet était de 12 % en moyenne de 2017 à 2019, soit environ 89 000 jeunes par an . Si le flux des sortants sans diplôme a baissé depuis 2010 - il était alors de 140 00 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans diplôme ou détenant au plus le brevet - il stagne ces dernières années.

En 2018, 963 000 jeunes de 15 à 24 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (soit 12,9 % de ces classes d'âge) 48 ( * ) .

Enfin, en ce qui concerne la nouvelle obligation de formation pour les 16-18 ans, environ 95 000 jeunes sont concernés , avec des fluctuations en fonction de la période : davantage de jeunes sont sans solution durant l'été, et moins sur le premier trimestre du fait de la rentrée scolaire. Selon les chiffres transmis par la DGESCO, 70 000 jeunes relevant de l'obligation de formation ont bénéficié d'un retour à l'école depuis septembre 2020. Dans l'académie de Bordeaux, de septembre à décembre 2021, 890 jeunes ont été pris en charge au titre de l'obligation de formation des 16-18 ans.

III. LA NÉCESSITÉ DE RENDRE PLUS EFFICIENTE LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

A. UNE MULTITUDE D'ACTEURS QUI CONTINUENT DE FONCTIONNER EN SILO

1. Une organisation complexe

La multiplicité des acteurs et les compétences qui se recoupent rendent plus que nécessaires le partage de l'information et la bonne coordination de l'ensemble des acteurs.

En effet, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a confié aux régions, en lien avec les rectorats , la coordination des actions en faveur des jeunes sortant sans qualification de formation initiale. Cette compétence doit s'articuler avec le nouveau rôle confié aux missions locales , chargées du respect de l'obligation de formation entre 16 et 18 ans depuis la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019.

Lors de leurs auditions et déplacements, les rapporteurs ont constaté l'existence de nombreux acteurs et structures, dont le rôle de chacun n'est pas forcément connu . L'utilisation de la semaine de la persévérance scolaire dans l'académie de Bordeaux témoigne de cette nécessité qu'ont les acteurs de mieux se connaître . Alors qu'elle a été initialement conçue pour valoriser auprès des parents et des partenaires externes les actions menées en matière de lutte contre le décrochage scolaire, Émilie Dupont, coordinatrice académique de la mission de lutte contre le décrochage scolaire de l'académie de Bordeaux, souligne qu'« elle n'est plus tournée ces dernières années dans l'académie de Bordeaux vers le grand public, mais elle s'adresse à l'écosystème de la lutte contre le décrochage scolaire ». En 2022, cette semaine a mis l'accent sur le rôle des référents décrochage scolaire au sein des établissements scolaires.

Le rapport sur l'obligation de formation des 16-18 ans de Sylvie Charrière et Patrick Roger de janvier 2020 49 ( * ) soulignait que « la mise en synergie des ressources des missions locales et des MLDS (mission de lutte contre le décrochage scolaire) dépend souvent de la bonne volonté des acteurs. Elle ne s'inscrit pas dans une démarche de coopération généralisée qui serait susceptible de renforcer la connaissance mutuelle et les liens de confiance ». À cet égard, lors de leurs auditions, les rapporteurs ont entendu les problèmes rencontrés par certains réseaux FOQUALE pour tisser des liens avec d'autres établissements scolaires, ou encore avec les autres acteurs au sein des PSAD. Aussi, les rapporteurs saluent l'initiative prise par les acteurs du territoire de Bayonne pour mieux se connaître et être plus réactifs face à des décrocheurs potentiels . Un premier séminaire a réuni 80 à 100 personnes venant du centre d'information et d'orientation (CIO), de la mission locale, des établissements scolaires du territoire, des collectivités territoriales et du centre de formation d'apprentis. Il a notamment porté sur la présentation de la nouvelle obligation de formation pour les 16-18 ans.

2. Un partage d'informations perfectible pour permettre une prise en charge plus rapide

S'il existe depuis dix ans un système de croisement d'informations afin d'établir des listes de jeunes « décrochés », son fonctionnement demeure fortement perfectible .

Certes, depuis début 2022, les informations doivent être transmises mensuellement, afin de permettre une meilleure réactivité dans la prise de contact des jeunes décrocheurs. Une transmission au fil de l'eau est prévue courant 2023. Néanmoins, l'application utilisée pour la transmission d'informations - « RIO SUIVI » - connaît actuellement des dysfonctionnements , à tel point que Régions de France se dit « dubitatif sur les effets du passage au repérage en temps réel » prévu en 2023. Dans le même temps, chaque ministère dont sont susceptibles de relever des jeunes en situation de décrochage (ministère de l'agriculture au titre de l'enseignement agricole, ministère du travail pour les apprentis et les jeunes suivis par la mission locale) a des priorités propres en matière d'évolution de leurs systèmes informatiques qui ne sont pas nécessairement le suivi de l'obligation de formation . Cette dernière peut alors passer en second plan, rallongeant d'autant les délais de mise en place de bases communes ou a minima de dialogues entre les bases.

L'interopérabilité entre RIO SUIVI, utilisée par l'éducation nationale, et I-Milo, le système informatique de suivi des missions locales géré par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail, n'est toujours pas complètement effective . Malgré des annonces d'amélioration au niveau ministériel, sur le terrain peu de progrès sont constatés. Aussi par courrier en date du 21 mars 2022, Régions de France a demandé au ministre de l'éducation nationale de « bien vouloir prendre au plus vite les mesures nécessaires pour la fiabilité de ce service commun à l'État et aux Régions ».

De son côté, la direction générale de l'enseignement scolaire reconnaît que les données actuelles ne permettent pas de couvrir l'ensemble des situations dans lesquelles peuvent se trouver les jeunes de 16 à 18 ans ayant interrompu leurs parcours initial de formation : par exemple, les données liées à l'apprentissage restent à être consolidées et connues en temps réel.

Recommandation n° 5 : assurer l'interopérabilité des systèmes d'information de suivi des jeunes décrocheurs, afin de permettre une prise en charge au fil de l'eau et un suivi entre les différents intervenants plus performants ( ministère de l'éducation nationale, ministère de l'agriculture, ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion ).

3. Un manque de porosité dans la prise en charge des différents publics de jeunes

Plusieurs personnes auditionnées ont regretté la perception encore trop binaire des jeunes décrocheurs par l'éducation nationale . « Pour celle-ci, soit l'enfant est scolarisé, et relève alors de la compétence de l'éducation nationale, soit il ne l'est pas - et relève alors des missions locales », selon Ahmed El-Khadiri, délégué général adjoint de l'Union nationale des missions locales .

Certes, l'éducation nationale s'est fortement mobilisée ces dernières années afin d'accompagner les élèves en échec scolaire ou en voie de décrochage. Néanmoins, les rapporteurs regrettent cette vision de l'éducation nationale en silo : trop peu d'établissements scolaires ont le réflexe de contacter les missions locales afin d'échanger sur un jeune âgé de 16 à 18 ans qui est en train de décrocher et dont un accompagnement par la mission locale pourrait lui être bénéfique. Cela permettrait pourtant de limiter le temps de latence avant la prise en charge du jeune lorsque celui-ci a effectivement décroché. Par ailleurs, les jeunes qui fréquentent les micro-collèges ou micro-lycées et ceux suivis par la PJJ sont souvent les mêmes, sans qu'il existe de partage d'informations institutionnalisées entre les deux institutions .

La notion même de décrocheur scolaire, au sens de l'éducation nationale, interroge : à l'occasion de l'audition de l'union nationale des missions locales, il a été indiqué aux rapporteurs que pour qu'un jeune de 16 à 18 ans scolarisé apparaisse sur les listes de décrocheurs scolaires transmises aux missions locales, il doit avoir souhaité « démissionner de sa formation par une lettre signée par ses représentants légaux ». En effet, en application de l'article L. 313-7 du code de l'éducation, les établissements scolaires transmettent « à des personnes et organismes désignés par le président du conseil régional ainsi qu'à la mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes visée à l'article L. 5314-1 du code du travail compétente ou, à défaut, à l'institution visée à l'article L. 5312-1 du même code, les coordonnées de ses anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation et qui n'ont pas atteint un niveau de qualification fixé par voie réglementaire ».

Or, dans de nombreux cas, l'élève - notamment lorsqu'il décroche en cours d'année scolaire - ne vient plus en cours sans pour autant qu'il n'y ait de démarche formelle de désinscription de sa formation . Il est donc toujours considéré officiellement en situation scolaire, empêchant ainsi toute contractualisation avec la mission locale. Il en ressort ainsi l'impression que l'éducation nationale « ne veut pas laisser partir ses élèves alors même qu'elle n'est pas toujours la mieux placée pour les prendre en charge » et leur permettre de trouver leurs voies, comme l'a regretté Agnès Canayer, sénateur et présidente de l'association régionale des missions locales de Normandie.

B. MIEUX PRENDRE EN CHARGE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE AVANT 16 ANS

1. La rupture scolaire avant 16 ans : angle oublié des politiques publiques de lutte contre le décrochage scolaire

L'action de lutte contre le décrochage scolaire s'est concentrée sur les élèves sortant du système scolaire sans qualification ou avec au plus le brevet .

Or, comme l'a souligné le recteur de l'académie de Créteil, le décrochage invisible en maternelle ou en élémentaire - un élève qui accumule les retards et difficultés 50 ( * ) - s'exprime à partir du collège, et notamment de la classe en fin de 5 ème et en classe de 4 ème . Ainsi, en janvier 2020, on dénombre 4,4 % d'élèves absentéistes au collège. Ce taux moyen cache des disparités importantes entre les collèges : la moitié des collèges présente moins de 2 % d'élèves absentéistes, mais les 10 % des collèges les plus touchés par l'absentéisme ont plus de 10,4 % de leurs élèves absentéistes. 2 % des jeunes de 15 ans seraient inactifs selon les chiffres de l'INSEE 51 ( * ) . Cela représente environ 15 500 jeunes, pourtant soumis à l'obligation scolaire .

À titre d'exemple, les jeunes accueillis par l'école numérique des apprentissages à Avignon qu'ont pu visiter les rapporteurs ont, en moyenne, arrêté l'école pendant un an, alors même que certains ont moins de 16 ans. De même, les échanges qu'ont pu avoir les rapporteurs avec les responsables de centres fermés et lieux de détention et leurs équipes éducatives témoignent de l'existence d'un décrochage scolaire bien avant 16 ans pour certains mineurs : selon Sylvie Paré, responsable de l'unité locale d'enseignement de la maison d'arrêt de Nanterre, « lors du premier entretien, certains mineurs [enfermés] me disent être déscolarisés depuis le CE2, ce qui peut paraître inconcevable mais est pourtant une réalité », ou encore pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse des Hauts-de-Seine, « en milieu ouvert, nous avons très régulièrement des jeunes déscolarisés depuis leurs 11 ou 12 ans ».

Paradoxalement, l'obligation scolaire s'imposant à tout mineur de moins de 16 ans rend plus difficile la prise en charge de jeunes en rupture avec l'école . En effet, les missions locales ne sont pas compétentes pour accueillir des jeunes de moins de 16 ans. Quant aux parcours aménagés de formation initiale (PAFI), ils ne sont pas accessibles aux élèves de moins de 15 ans. Ceux-ci peuvent pourtant constituer un dispositif pertinent pour certains élèves plus jeunes, en leur permettant de suivre d'autres activités moins scolaires et qui pourraient leur convenir et le remotiver. L'élève conserve son statut scolaire et un lien avec son établissement d'origine. Ce « temps de respiration et de découverte » est encadré et fait l'objet de bilans réguliers entre l'équipe pédagogique, le jeune et ses représentants légaux. Ahmed Messaoudi, principal du collège Chambéry à Villenave d'Ornon, rencontré lors du déplacement à Bordeaux, regrettait de ne pas pouvoir proposer ce dispositif avant 15 ans 52 ( * ) .

Les rapporteurs tiennent à le souligner : un abaissement de l'âge d'accès au PAFI a vocation à concerner un nombre très limité d'élèves . Néanmoins, pour ceux-ci, le fait de devoir actuellement attendre quelques mois voire un an avant de pouvoir en bénéficier - et donc de rester jusqu'à cette échéance dans un parcours classique qui ne leur convient pas - risque d'entraîner une rupture avec l'institution scolaire, qu'il serait ensuite plus difficile à réparer .

Le parcours aménagé de formation initiale (PAFI)

Expérimenté dans quatre académies en 2016 avant d'être généralisé, le PAFI permet d'encadrer et de formaliser la possibilité pour un élève âgé de 15 à 18 ans, en risque de décrochage ou en décrochage scolaire, de pouvoir sortir temporairement d'un établissement et plus largement du milieu scolaire afin de « respirer » et de prendre du recul, tout en intégrant des activités encadrées (de nature associative, culturelle, professionnelle, sportive...), proposées par l'établissement ou bien par le jeune lui-même.

Cette parenthèse a pour objectif principal d'éviter l'interruption sèche et définitive de la scolarité et la sortie sans solution. L'élève demeure sous statut scolaire pendant toute la durée du PAFI.

Dans le cadre de son PAFI, l'élève peut par exemple valider de façon modulaire et progressive les diplômes du CAP et du baccalauréat.

Recommandation n° 6 : permettre à un élève de moins de 15 ans d'avoir accès au parcours aménagé de formation initiale ( ministère de l'éducation nationale ).

2. Les classes relais : une parenthèse « enchantée » ?

Créées par la circulaire n° 98-120 du 12 juin 1998, les classes relais ont pour but d'accueillir « des élèves, faisant parfois l'objet d'une mesure judiciaire d'assistance éducative, qui sont entrés dans un processus évident de rejet de l'institution scolaire et qui ont même souvent perdu le sens des règles de base qui organisent leur présence et leur activité au collège. La plupart du temps, ce rejet prend la forme de manquements graves et répétés au règlement intérieur, d'un comportement marqué par une forte agressivité vis-à-vis des autres élèves ou des adultes de la communauté scolaire, d'un absentéisme chronique non justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou définitives d'établissements successifs. Mais ce désintérêt profond vis-à-vis du travail scolaire peut également se manifester par une extrême passivité, une attitude de repli et d'autodépréciation systématique, un refus de tout investissement réel et durable ».

Les élèves peuvent être accueillis dans ces classes à effectifs réduits - au maximum de douze élèves - pour une période allant de quelques semaines à plusieurs mois - pour les élèves poly-exclus. Ce dispositif a été complété par les ateliers relais - qui accueillent les élèves pour une durée de quatre à six semaines renouvelables trois fois et font appel à des associations -, et les internats tremplins, destinés à « accueillir des élèves en rupture profonde avec les exigences de la vie des établissements ou en incapacité de faire évoluer leur comportement au sein d'un établissement sans un accompagnement spécifique 53 ( * ) ». On dénombre en 2020-2021, 404 dispositifs relais - 265 classes relais, 131 ateliers et 8 internats tremplins.

La PJJ et les services du département (notamment l'ASE) participent à la commission départementale qui se réunit sous l'autorité du DASEN afin d'examiner les dossiers des élèves proposés pour l'admission en dispositif relais ou en dispositifs de sortie.

Profil des élèves accueillis en dispositif relais

En 2019-2020, environ 7 270 élèves ont effectué au moins un séjour dans un dispositif relais.

Les élèves de quatrième, les plus nombreux, représentent 38 % des effectifs de ces dispositifs relais. Les élèves de sixième sont les moins nombreux (4 %) et leur part est en baisse.

Les élèves accueillis en dispositifs relais présentent de nombreuses difficultés : 32 % d'entre eux ont un retard scolaire d'au moins un an, 38 % ont une scolarisation intermittente ou sont absents depuis plus de deux mois, 25 % au moins sont sous mesure éducative, sachant que le taux de non-réponse à cette question est particulièrement élevé (15 %). Les filles représentent un quart des effectifs des dispositifs relais, et y sont en moyenne orientées plus tardivement que les garçons.

Source : Les élèves des dispositifs relais en collège , RERS 2021

Les rapporteurs ont entendu les doutes exprimés sur l'efficacité de ces dispositifs pour permettre le « réancrage scolaire » . Selon Daniel Auverlot, recteur de l'académie de Créteil, les classes relais « sont un dispositif merveilleux » , mais dont « l'efficacité interroge » . Elles fonctionneraient « trop bien » : le jeune accueilli s'y trouve souvent bien, en raison des effectifs extrêmement réduits, de la présence d'enseignants spécifiquement formés, d'activités autour de la citoyenneté, de projets artistiques et des enseignements scolaires avec une « pédagogie très bienveillante ». Le retour dans sa classe d'origine - ou dans une classe « classique » d'un autre établissement en cas d'exclusion - peut être très brutal , remettant l'enfant face à ses difficultés scolaires : il n'est en effet pas possible de corriger ses retards dans les apprentissages en quelques semaines ou quelques mois. Le risque d'un nouveau décrochage est élevé . D'ailleurs, il arrive régulièrement qu'un même élève effectue plusieurs séjours dans un dispositif relais au cours d'une année. Des doutes similaires ont également été entendus à l'occasion du déplacement à Avignon.

Les rapporteurs constatent que le nombre d'élèves accueillis a baissé de 16 % entre les années scolaires 2017-2018 et 2020-2021. Cette baisse est particulièrement significative pour les élèves en classe relais (- 32 % sur quatre années scolaires), conséquence notamment de la fermeture par le ministère de l'éducation nationale de plusieurs classes relais.

Nombre d'élèves accueillis en dispositifs relais ces quatre dernières années

Nombre de séjours

Nombre d'élèves ayant effectué au moins un séjour

Âge : 14 ans et plus

2017/2018

Classes relais

6 400

5 900

47 %

Ateliers

2 900

2 600

41 %

Internats relais

100

-

76 %

Total

9 400

8 500

2018/2019

Classes relais

6 200

5 700

46 %

Ateliers

3 200

2 800

34 %

Internats relais

100

100

59 %

Total

9 500

8 600

2019/2020

Classes relais

4 406

4 129

50 %

Ateliers

3 257

3 041

38 %

Internats relais

108

100

54 %

Total

7 771

7 270

2020/2021

Classes relais

4 305

4 040

47 %

Ateliers

3 233

3 017

34 %

Internats relais

105

96

54 %

Total

7 643

7 153

42 %

Source : DGESCO

La circulaire du 19 février 2021 relative aux dispositifs relais prévoit « un suivi des dispositifs relais par la DGESCO, à partir notamment des données recueillies par le biais de l'enquête renseignée au fur et à mesure de l'entrée des élèves dans le dispositif » .

Ce suivi reste aujourd'hui très partiel : selon les chiffres transmis par la DGESCO, la situation de 63 % des élèves de sixième, 43 % pour ceux de cinquième, 31 % pour ceux de quatrième, 42 % pour ceux de troisième ou 30 % pour ceux dans une autre situation au moment de leur intégration du dispositif relais lors de l'année scolaire 2019-2020 n'est pas connue en juin 2021.

L'efficacité du dispositif devrait également être mesurée à l'aune de la capacité du jeune à faire évoluer son comportement, pour respecter les règles de vie de l'établissement scolaire. À cet effet, l'un des indicateurs de suivi recense le nombre de jeunes pour lesquels un conseil de discipline a dû être convoqué dans les six mois suivant son passage dans un dispositif relais. Or, le renseignement de cet indicateur est lacunaire pour 40 % des jeunes.

C. DES INITIATIVES RÉUSSIES, TRÈS PONCTUELLES ET À ÉVALUER SUR LE LONG TERME

Les rapporteurs partagent ce constat dressé par plusieurs personnes auditionnées : certains jeunes ne trouvent pas leurs places dans le système scolaire classique . Pour ceux qui se retrouvent alors en échec et finissent par ne plus venir en cours, il est nécessaire de trouver des moyens alternatifs de remobilisation et d'enseignement .

L'apprentissage par le « faire » et la pédagogie de projet permettant d'aborder autrement des notions de type scolaire peuvent présenter des solutions intéressantes. À l'occasion de leurs travaux, les rapporteurs ont pris connaissance d'initiatives innovantes, redonnant le goût d'apprendre à des jeunes en rupture scolaire depuis parfois plusieurs mois, et ouvrant la voie à leur insertion professionnelle. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs lancées en partenariat avec les régions, ou encore avec la PJJ .

Un outil innovant de remobilisation de jeunes en situation de décrochage : l'école de production de la métropole havraise

La métropole havraise a mis en place une école de production partant d'un double constat : trouver une solution pour des jeunes de 15-16 ans en difficulté avec le système éducatif traditionnel, mais qui ne sont pas aptes (manque de maturité, manque de connaissances) pour démarrer une formation professionnelle ou un apprentissage, et prendre en compte le contexte de pénurie de spécialistes en chaudronnerie constatée par les entreprises au Havre et dans les environs.

« Faire pour apprendre » est le principe de cette formation. Les élèves passent ainsi 23 heures par semaine en atelier avec un maître professionnel et fabriquent des pièces chaudronnées pour les entreprises partenaires. Ils suivent par ailleurs 11 heures de formations théoriques en classe (français, anglais, mathématiques, sciences, arts appliqués, prévention sécurité environnement, enseignement moral et civique et sport) réalisées par des enseignants vacataires de l'éducation nationale.

À l'issue de la formation, 50 % des élèves choisissent de poursuivre leurs études (CAP chaudronnerie, bac pro en partenariat avec l'union des métiers de la métallurgie), tandis que d'autres font le choix d'entrer dans la vie professionnelle avec un taux d'embauche qui avoisine les 100 %.

L'école de production est agréée par l'éducation nationale. Elle est financée par les entreprises partenaires, ainsi que par l'État et par la région.

De tels projets sont à encourager. Leur évaluation doit prendre en compte la particularité du public accueilli - souvent très difficile et en rupture scolaire depuis plusieurs années - qui impose de faire preuve d'innovation dans les projets proposés. Elle doit donc se faire à moyen terme . Aussi, les rapporteurs regrettent que l'éducation nationale ait retiré son soutien à l'école numérique des apprentissages d'Avignon 54 ( * ) , un an à peine après son lancement, alors même que le précédent directeur des services départementaux de l'éducation nationale a participé à sa création.

IV. LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE EN COMPTE TOUS LES TEMPS DE L'ENFANT POUR PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE

A. LE DÉPLOIEMENT D'ACTIONS COMPLÉMENTAIRES AU MILIEU SCOLAIRE ET LE RÔLE DES ACTIVITÉS CULTURELLES ET DE LOISIRS DANS LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 préconise, pour réinvestir dans la prévention primaire, des « actions d'accompagnement complétant des actions déployées en milieu scolaire » , ainsi que « des activités culturelles et de loisirs ».

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont pu mesurer à l'aune d'expériences réussies, l'importance d'une prise en compte de tous les temps du jeune, afin de prévenir la délinquance et d'agir sur ses racines . En effet, l'institution scolaire ne peut pas agir seule. Elle ne prend d'ailleurs en charge l'enfant que pendant un temps limité . Plusieurs personnes auditionnées l'ont souligné : pour Daniel Auverlot, recteur de l'académie de Créteil, « l'institution scolaire est consciente de son rôle, mais il faut aussi rester très modeste. Le temps scolaire ne représente pas la majorité de la vie de l'enfant. Au collège, il est accueilli 4,5 jours pendant 36 semaines - 4 jours en primaire » . Ces propos rejoignent ceux de Frédéric Paquet, secrétaire général de l'école des XV : « [notre association] apporte un regard différent : nous travaillons en moyenne 12 heures par semaine avec les enfants. Au collège, un enseignant est au maximum quatre heures avec lui. Certains professeurs nous demandent de travailler telle notion avec l'élève, mais aussi de prendre contact avec la famille pour un rendez-vous avec un orthophoniste ».

Cette action est d'autant plus efficace qu'elle s'appuie sur un travail partenarial entre l'ensemble des acteurs de terrain, incluant la participation de l'éducation nationale. Les rapporteurs saluent ces collaborations , à l'image de celles existant localement entre les antennes de l'école des XV et les établissements scolaires qui permettent une complémentarité d'action entre temps scolaire et temps périscolaire .

L'école des XV

Cette école de rugby de la deuxième chance a été lancée il y a 8 ans. Elle dispose actuellement de 3 antennes (Aix-en-Provence, Marseille, et Givors), une quatrième antenne doit ouvrir à la rentrée 2022 à Saint-Étienne. Les élèves accueillis sont en classe allant du CM2 à la 3 ème . Ces élèves, en situation de fragilité scolaire, sont pré-sélectionnés par les établissements scolaires. Le but est de permettre à ces enfants de devenir plus autonomes, de comprendre pourquoi il est important d'apprendre et d'accepter les règles de l'institution scolaire. Le programme s'appuie sur trois outils :

- un temps scolaire : aide aux devoirs et soutiens scolaires, réalisés par des enseignants ;

- un temps social : repas, échanges ;

- un temps sportif, à travers la pratique du rugby. Ces activités permettent de travailler certaines compétences dans un autre contexte : compréhension des consignes, concentration, effort, travail collectif.

Les responsables d'antennes travaillent en relations étroites avec les établissements d'origine des élèves et participent aux conseils de classes des jeunes qu'ils suivent. Ceux-ci sont regroupés dans des classes spécifiques dont les emplois du temps scolaires sont aménagés pour permettre une prise en charge en fin de journée par l'école des XV. Les enfants sont accueillis par l'association tout au long de l'année, trois jours par semaine. Ils y sont suivis en moyenne trois ans.

L'action de l'association permet une évolution des comportements des jeunes en classe : plus sereins, moins perturbateurs. Les relations avec leurs enseignants et vis-à-vis des apprentissages s'améliorent. Comme l'a indiqué le secrétaire général de l'école des XV, « nous ne courrons pas après les notes. Notre objectif est que ces jeunes restent dans le système scolaire, et qu'à la fin de la troisième ils suivent une orientation qui leur convient ».

L'éducation populaire joue également un rôle essentiel. Régulièrement, le Sénat rappelle qu'elle constitue, aux côtés de l'éducation scolaire et de l'éducation familiale, la troisième branche de la construction de l'enfant en devenir 55 ( * ) . Tout accueil collectif de mineurs doit d'ailleurs présenter en préfecture un projet éducatif 56 ( * ) au moment de la déclaration de l'accueil précisant la nature des activités proposées, la répartition des temps respectifs d'activité et de repos, les modalités de participation des mineurs. Les accueils collectifs de mineurs sont des outils importants de découverte et de promotion du vivre ensemble . En 2018-2019, ce sont ainsi près de 2,2 millions d'enfants qui en bénéficient tout au long de l'année pendant le temps périscolaire, auxquels s'ajoutent les 5 millions de places ouvertes pendant les vacances scolaires 57 ( * ) pour des accueils sans hébergement.

Le rattachement des services de la jeunesse et des sports aux services académiques au niveau déconcentré depuis le 1 er janvier 2022 est à saluer et doit désormais être pleinement utilisé afin de faire émerger un regard commun sur les temps de l'enfant , qu'il soit à l'école, dans son club sportif, une association ou dans le cadre de l'aide aux devoirs. Une culture administrative partagée est à développer, qui fait - de l'avis de plusieurs personnes auditionnées - encore trop souvent défaut à l'éducation nationale. La conférence nationale des procureurs de la République a ainsi regretté les difficultés à mobiliser l'éducation nationale pour participer aux commissions de prévention de la délinquance, notamment les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Il s'agit pourtant de la mesure 9 de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui préconise d'encourager les relations entre les élus locaux et l'éducation nationale pour prévenir le risque de basculement dans la délinquance des décrocheurs scolaires.

Un accueil collectif de mineurs particulier :
les centres de loisirs des jeunes (CLJ) de la police nationale

À l'occasion de leurs auditions, les rapporteurs ont pris connaissance de l'existence de centres de loisirs gérés par la police nationale dans lesquels les actions de prévention (délinquance, conduites addictives, danger d'Internet) et de citoyenneté occupent une place renforcée.

Créés à l'initiative des directions départementales de la sécurité publique, avec le soutien des collectivités territoriales, les centres de loisirs des jeunes (CLJ) accueillent des jeunes âgés de 8 à 18 ans. Souvent situés dans des quartiers prioritaires de la ville, ils sensibilisent à la citoyenneté et au vivre-ensemble, en plus d'activités de loisirs plus « classiques ». Ils ont également vocation à favoriser le rapprochement entre la police et les habitants de ces quartiers. Certains CLJ prennent en charge des élèves exclus temporairement de leurs établissements. Par ailleurs, dans le cadre d'un partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse, des éducateurs et des jeunes participent aux activités proposées par les CLJ.

On recense 22 CLJ permanents et 5 CLJ saisonniers. Trois sont actuellement en attente de création (Lyon, Toulon et Roubaix-Tourcoing). En 2021, 82 496 enfants y ont été accueillis.

B. LES CITÉS ÉDUCATIVES : LA VOLONTÉ DE RASSEMBLER L'ENSEMBLE DES ACTEURS D'UN TERRITOIRE AUTOUR DE LA RÉUSSITE DU JEUNE

Lancé en juillet 2018 par le Président de la République dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, le label « cités éducatives » vise à lutter contre les inégalités sociales en mobilisant tous les acteurs intervenant auprès des enfants et des jeunes de 0 à 25 ans dans le champ éducatif et la sécurisation de tous les parcours.

La cité éducative doit « permettre la mobilisation de tous les acteurs de terrain (services de l'État, collectivités locales, associations et habitants du quartier) autour de l'enjeu éducatif, assurer une meilleure coordination et un renforcement des dispositifs existants, mettre en commun les moyens et ressources existants et contribuer à l'émergence d'une culture collaborative pour offrir aux jeunes les conditions les plus favorables à leur émancipation et la réalisation de leur projet de vie de la maternelle au supérieur ».

En janvier 2022, 200 cités éducatives ont été labellisées. Le programme est doté de 130 millions d'euros en 2022. Chaque cité éducative fait l'objet d'une convention-cadre triennale entre le préfet, le recteur et la collectivité locale. Le chef de projet opérationnel est placé auprès du principal de collège chef de file.

Source : DGESCO

Lors de leur déplacement à Bordeaux, les rapporteurs ont rencontré les responsables de la cité éducative du Grand Parc, ainsi que plusieurs associations intervenant au sein de celle-ci.

Il ressort de ce dispositif une amplification des dispositifs de droit commun et une plus grande fluidité constatée dans les actions menées. Pour Emmanuelle Colangeli, principale adjointe du collège « Grand Parc » et cheffe de projet de la cité éducative, « celle-ci a permis de renforcer les liens entre l'éducation nationale et les quartiers : souvent, du fait des financements, les projets étaient très cloisonnés. Désormais, il s'agit de projets communs qui sont déclinés ensuite dans le cadre scolaire, périscolaire et extrascolaire » . Le dialogue entre les différents acteurs est facilité . Comme a pu le décrire un responsable d'association intervenant au collège « Grand Parc » devant les rapporteurs, « parfois nous ne pouvions pas entrer dans les collèges, car ceux-ci nous refusaient notre action. Celle-ci dépendait ainsi de liens personnels que nous avions pu tisser. La cité éducative a permis en formalisant les rencontres de faciliter les « faire ensemble » - dans le respect des compétences de chacun. Par ailleurs, elle nous a ouvert de nouvelles portes en lien dans le cadre de projets communs avec les centres d'animation. Nous avons ainsi pu développer des projets que nous souhaitions porter depuis longtemps mais dont la mise en oeuvre était difficile [du fait du cloisonnement des acteurs] ».

Exemples de projets développés dans le cadre de la cité éducative de Bordeaux

Les vacances curieuses : ce programme, mêlant soutien scolaire et découverte culturelle, a été lancé pour la première fois en juillet et août 2020, avant la création de la cité éducative de Bordeaux. Alors qu'une forte participation a été constatée en juillet, celle-ci a chuté en août. Le dispositif a été repris et renforcé dans le cadre de la cité éducative, afin de permettre un accueil pendant toutes les vacances scolaires pour créer de la régularité, pour un groupe de 80 élèves signalés par le médiateur de l'éducation nationale. Alors que les moyens de l'éducation nationale ne permettent un accueil que pendant les vacances de printemps et d'été, le label cité éducative a permis de prendre en charge ces enfants en proposant un programme culturel pendant les vacances de la Toussaint et de Noël.

Ikigai - l'école du samedi : portée par une association, l'école du samedi est un dispositif d'accrochage scolaire. C'est le même groupe de jeunes, issus de REP et REP +, qui participent aux différentes sessions organisées tout au long de l'année. Cette association leur permet d'une part de découvrir des métiers sous la forme de jeux : points de suture sur une banane avec un chirurgien, construction d'un petit mur avec un maçon, ... D'autre part, ces ateliers aident les élèves à prendre conscience de l'importance des apprentissages, par exemple des liens qui existent entre mathématiques et architecture,....

Association Unisphère : elle a développé un projet sur-mesure pour deux cités éducatives, l'une à Bordeaux, l'autre à Cenon, basé sur le numérique comme outil de lien social et d'émancipation. Elle propose des formations, de la création culturelle, la visite de « fab lab », et a créé un projet « touche pas à mon profil » sur les dangers du net. L'association intervient également dans des établissements en quartier prioritaire de la ville, hors cité éducative, « mais le portage du projet et sa portée ne sont pas les mêmes ».

Association Cap'sciences : elle propose aux élèves d'enquêter sur une fausse scène de crime recréée dans leur collège, encadrés par des policiers. Cela permet une entrée moins classique sur les apprentissages de sciences et de modifier le regard des jeunes sur l'image qu'ils ont de la police. En effet, à cette occasion, les différents métiers de la police sont présentés.

Pour les rapporteurs, la définition d'objectifs issus de réflexions communes associant l'ensemble des partenaires est l'une des conditions de réussite des cités éducatives. Cela nécessite du temps - et donc des moyens -, ainsi qu'une co-construction du projet : chaque cité éducative doit prendre en compte la spécificité du territoire, et le tissu de partenaires sur lequel elle se déploie.

TROISIÈME PARTIE

LUTTER CONTRE LES GERMES DE LA DÉLINQUANCE
AU SEIN DE L'ÉCOLE

I. LA VIOLENCE AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES : UN PHÉNOMÈNE QUI DEMEURE ET TOUCHE DÉSORMAIS L'ÉCOLE PRIMAIRE

Pour la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs de 2002 58 ( * ) , l'image de l'école comme « îlot préservé de toute délinquance » avait vécu : elle dressait le constat d'une « entrée en force de la délinquance à l'école » .

Vingt ans plus tard, la violence demeure dans les établissements. Fait nouveau, elle concerne aussi le primaire . Or, un climat scolaire 59 ( * ) serein est une condition importante pour la réussite des élèves.

A. LES DEUX TIERS DES ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ CONFRONTÉS À UN INCIDENT GRAVE

Sur les six premiers mois de l'année 2019-2020 60 ( * ) , les chefs d'établissement du second degré public et privé sous contrat ont déclaré en moyenne 7,9 incidents pour 1 000 élèves. Ce chiffre est en légère augmentation par rapport aux années précédentes . En 2020-2021, au moins un incident grave a été déclaré dans les deux tiers des établissements du second degré.

Taux moyen d'incidents graves pour 1 000 élèves et répartition des incidents graves au cours des six premiers mois de l'année scolaire

Le taux moyen d'incidents graves pour 1 000 élèves (en %o)

Répartition des incidents
(en %)

2017-2018

2018-2019

2019-2020

2017-2018

2018-2019

2019-2020

Ensemble

6,7

7,5

7,9

100

100

100

Collèges

7,1

7,9

8,6

64

66

69

LEGT

3,2

3,0

3,0

22

18

17

Lycées professionnels

11,1

14,8

13,8

14

16

13

Résultats de l'enquête SIVIS 2019-2020 auprès des établissements publics et privés
du second degré, note 21.09, DEPP, février 2021.

La violence scolaire se manifeste principalement par des atteintes aux personnes : près de 8 incidents sur 10. Les violences physiques, qui représentent environ un incident grave sur trois, sont un peu plus présentes dans les collèges que dans les lycées.

Nature des incidents dans les établissements scolaires entre 2018 et 2020

Types d'incidents graves

Ensemble

Collèges

LEGT

Lycées professionnels

2018
2019

2019
2020

2018
2019

2019
2020

2018
2019

2019
2020

2018
2019

2019
2020

Atteintes aux personnes

78,3

79,6

82,8

81,9

68,3

76,1

71,5

71,8

Violence verbale (orale ou écrite)

41,1

39,3

42,5

40,2

36,6

36,0

40,5

39,1

Violence physique

29,6

31,3

32,6

33,1

23,6

29,6

24,2

23,9

Autres atteintes aux personnes

7,6

9,0

7,7

8,6

8,1

10,5

6,8

8,8

Atteinte à la vie privée
(
via les réseaux sociaux notamment)

2,5

3,8

2,4

3,0

2,9

7,4

2,7

3,2

Violence sexuelle

2,7

2,9

3,6

3,4

0,5

0,6

1,4

3,3

Racket

1,4

1,1

0,9

1,1

3,6

1,5

1,1

0,8

Bizutage et "Happy slapping"

1,0

1,2

0,8

1,1

1,1

1,0

1,6

1,5

Atteintes aux biens

7,7

6,7

6,2

6,3

12,8

7,9

8,2

7,3

Vol

3,2

3,3

2,8

3,2

4,0

2,2

4,2

5,0

Dommage aux locaux ou au matériel

4,1

3,2

3,1

2,9

8,0

5,7

3,6

2,0

Dommage aux biens personnels

0,4

0,2

0,3

0,2

0,8

0,4

0,3

Autres types d'atteinte

14,0

13,7

11,0

11,8

18,9

16,0

20,3

20,9

Consommation d'alcool/stupéfiants
ou trafic de stupéfiants

5,1

3,7

2,5

2,1

8,5

5,0

11,8

10,6

Consommation et/ou trafic de stupéfiants

3,5

2,4

1,5

1,5

6,8

3,5

8,0

5,6

Port et/ou consommation d'alcool

1,6

1,3

1,0

0,6

1,7

1,5

3,8

5,0

Autres atteintes

8,9

10,0

8,5

9,7

10,4

11,0

8,5

10,3

Port d'arme blanche ou objet dangereux

4,4

4,1

4,7

4,5

2,9

3,0

4,9

4,0

Intrusion sans violence

1,4

1,7

1,0

1,2

2,5

4,1

1,7

1,4

Suicide ou tentative de suicide

0,4

0,7

0,3

0,4

1,3

1,7

0,5

Port d'arme à feu (sans violence)

0,3

0,3

0,3

0,2

0,4

0,8

0,5

0,2

Atteinte à la laïcité

0,9

0,5

0,7

0,5

2,3

0,4

0,2

0,2

Autre fait de violence

1,5

2,7

1,5

2,9

1,0

1,0

1,2

4,0

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Repères et références statistiques 2021, éducation nationale

B. UNE VIOLENCE SCOLAIRE QUI TOUCHE DÉSORMAIS L'ÉCOLE PRIMAIRE

L'école primaire, bien que moins sujette à la violence, n'est aujourd'hui plus épargnée . Au cours de l'année scolaire 2020-2021, les inspecteurs de l'éducation nationale ont déclaré 2,8 incidents graves pour 1 000 écoliers, soit un niveau en légère augmentation par rapport à l'année scolaire 2018-2019 (2,4). Si les incidents graves envers les enseignants du primaire commis par un ou plusieurs membres de la famille sont proportionnellement nombreux 61 ( * ) , il n'en demeure pas moins que la moitié de ces actes sont désormais commis par des élèves ou groupes d'élèves .

En complément de ces remontées d'incidents, les enquêtes de victimation apportent des éléments importants sur la perception par les élèves du climat scolaire . Pour la première fois, en 2020-2021, une telle enquête a eu lieu auprès des élèves de CM1-CM2. Si 92,4 % de ces élèves déclarent se sentir « bien » ou « très bien » dans leur école, quatre élèves sur dix signalent avoir été victimes au moins une fois de violences verbales, d'ostracisme ou de vol et 23,1 % ont déjà eu peur de venir à l'école à cause de la violence (27,5 % des filles) .

Proportion d'élèves déclarant avoir été victimes au moins une fois en 2020-2021 de violences à l'école ou sur le chemin pour s'y rendre, selon le type de violence, le sexe et le type d'école (en %)

Ensemble

Sexe

Type d'école

Taille de l'école

Filles

Garçons

REP+

Rurale hors REP+

Urbaine hors REP+

Petite (25 %
les plus petites)

Moyenne

Grande

Très grande (25 %
les plus grandes)

Atteintes psychologiques

Insulte
ou moquerie

41,9

38,9

44,8

46,3

42,7

41,4

42,4

40,6

42,0

42,3

Mise à l'écart

41,1

44,5

37,8

34,2

43,9

40,9

41,1

42,7

41,3

40,4

Surnom méchant

35,7

33,8

37,6

36,8

36,4

35,5

37,0

34,4

35,6

36,0

Menace

18,4

16,4

20,3

23,0

17,9

18,1

18,1

16,2

19,8

18,6

Voyeurisme
dans les toilettes

14,8

13,7

15,8

18,4

15,0

14,5

13,4

13,6

14,6

15,6

Atteintes physiques

Bagarre

36,5

22,3

50,4

43,6

38,4

35,5

37,1

35,5

38,3

36,0

Dommage volontaire

33,1

27,8

38,2

34,8

33,5

32,8

31,2

32,8

34,0

33,1

Bousculade

32,0

28,0

35,9

35,3

32,5

31,6

33,3

30,7

32,3

32,1

Coup

28,2

20,6

35,6

34,0

28,8

27,6

26,9

27,1

29,2

28,4

Cible de lancers d'objets

12,3

10,7

13,9

16,4

11,9

12,1

12,8

11,3

12,1

12,7

Embrassade forcée

8,4

8,6

8,3

11,0

7,4

8,5

6,8

7,9

8,6

8,8

Atteintes aux biens

Vol

40,2

42,4

38,1

51,4

36,2

40,3

35,6

35,2

39,5

43,2

Racket

8,1

7,4

8,8

10,6

5,9

8,4

5,4

6,7

8,9

8,7

Jeux dangereux

A participé à un jeu ou plusieurs jeux qui semblent dangereux

22,4

15,1

29,4

24,5

23,3

22,0

22,2

25,9

22,9

20,9

Être obligé(e) de participer à un jeu dangereux

5,2

4,1

6,2

5,5

5,4

5,1

4,1

5,1

5,4

5,2

Source : Enquête nationale de climat scolaire et de victimation auprès des élèves de CM1-CM2, note d'information 22.08, DEPP, mars 2022

Certes, toutes ces violences ne relèvent pas d'une infraction pénale. Mais ces chiffres ainsi que le ressenti des élèves sur l'insécurité à l'école rejoignent des témoignages entendus lors des auditions, relatifs à des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes .

II. MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES ÉLÈVES VIOLENTS

Chaque année, ce sont entre 70 000 et 81 000 élèves qui sont exclus, temporairement ou définitivement, de leurs établissements du second degré.

Nombre d'élèves exclus temporairement ou définitivement de leurs établissements scolaires ces cinq dernières années

Année scolaire

Exclusion temporaire

Exclusion définitive

Total

2016-2017

47 225

23 732

70 957

2017-2018

55 868

25 230

81 098

2018-2019

44 762

26 249

71 011

2019-2020

Enquête suspendue en raison du confinement

2020-2021

54 335

21 663

75 998

Source : DGESCO

Les principaux motifs de ces exclusions sont les insultes, agressions verbales contre l'équipe pédagogique ; les agressions physiques envers élève(s) ; les agressions physiques envers l'équipe éducative ; les incivilités, vols, rackets, destructions de biens.

L'exclusion d'un élève de son établissement scolaire peut constituer un facteur supplémentaire de décrochage . Il ne s'agit pas pour les rapporteurs de remettre en cause cette sanction, qui s'inscrit dans une échelle graduée prévue par le code de l'éducation, respecte une procédure stricte et constitue la réponse appropriée à des faits graves ou répétés par un même élève au sein d'un même établissement. Toutefois, il est nécessaire de mieux prendre en charge l'élève exclu , afin que cette sanction soit d'une part comprise par l'élève, et d'autre part, ne participe pas à la rupture du jeune avec le milieu scolaire.

A. METTRE EN PLACE, EN LIEN AVEC LES ACTEURS DU TERRITOIRE, UN PARCOURS POUR LE JEUNE EXCLU TEMPORAIREMENT DE SON ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE

En ce qui concerne les exclusions temporaires, dont la durée ne peut pas excéder huit jours, les rapporteurs soulignent les initiatives prises par de nombreuses collectivités , en collaboration avec les établissements concernés, pour prendre en charge l'élève pendant sa période d'exclusion temporaire.

L'objectif est double : permettre à l'élève de comprendre et d'accepter la sanction prononcée et lui proposer un rythme structurant pendant cette période. Les activités varient en fonction des programmes existants : participation à des activités d'entraide, ateliers de valorisation et d'estime de soi, bilan de comportement, co-éducation en associant les parents, suivi scolaire, sens et compréhension de la sanction à travers un travail sur les notions de droits, de devoirs et de citoyenneté, mais aussi activités de découverte (sport, culture).

La prise en charge des collégiens exclus temporairement : l'exemple de l'association PEP 75 pour des collèges situés dans les 18 ème et 19 ème arrondissements de Paris

Depuis 2006, l'association PEP 75, en partenariat avec la mairie de Paris et l'éducation nationale, accueille des collégiens exclus temporairement de leurs établissements. L'équipe est composée d'un responsable, d'un moniteur éducateur, de deux assistants pédagogiques, ainsi que d'enseignants et de bénévoles.

Chaque année, entre 130 et 150 jeunes sont accueillis, à raison de 5 à 7 élèves par semaine. Les collèges partenaires - une quinzaine d'établissements - sollicitent l'association une semaine avant la demande d'accueil en expliquant les raisons de l'exclusion du jeune. L'élève est accueilli pour une semaine. Il doit être accompagné par ses parents le lundi matin. Pendant sa semaine d'exclusion, il doit participer à des cours et des sorties éducatives collectives. Le vendredi, un bilan est effectué en présence de la famille, qui est ensuite transmis au collège. L'objectif est de revenir sur la sanction posée dans l'établissement et le comportement de l'enfant, et d'inclure la famille dans l'amélioration du comportement de l'élève.

Dans chaque établissement partenaire, l'association dispose d'un référent. Il peut s'agir du chef d'établissement, du CPE ou d'un professeur principal. Les relations sont qualifiées de très bonnes par l'association.

Le but de cet accueil est multiple : travailler avec le jeune sur le sens et l'utilité des règles de vie collective ; accompagner le jeune dans sa réflexion sur son comportement, la sanction qui a été prise, le rôle de l'école, son projet personnel ; proposer des activités à portée éducative ; proposer une rencontre avec les référents de parcours de la réussite pour un accompagnement si besoin.

Les matinées sont consacrées à des ateliers sur le travail scolaire (méthodologie, travail sur la posture d'élève notamment) ; les après-midis, le jeune participe notamment à des ateliers de découverte pour favoriser l'expression et revaloriser l'estime de soi.

Source : Pep75

La réussite de ces partenariats repose sur une triple condition : une prise en charge rapide du jeune (dès la décision de sanction), des partenaires efficaces et mobilisés sur cette problématique et la collaboration des parents.

Recommandation n° 7 : instaurer une prise en charge systématique de tout élève exclu temporairement de son établissement scolaire, dans le cadre d'un partenariat associant l'établissement, les collectivités territoriales et les associations du territoire ( collectivités territoriales, ministère de l'éducation nationale, associations ).

Enfin, les rapporteurs souhaitent rappeler l'existence de la mesure de responsabilisation , qui peut, dans certains cas, représenter une alternative intéressante à l'exclusion temporaire, à condition d'être bien expliquée à la fois à l'auteur des faits, à l'équipe pédagogique et le cas échéant à la victime. Cette sanction doit permettre de réaffirmer le respect des règles, faire comprendre à l'élève les conséquences de ses actes, et limiter les exclusions, temporaires ou définitives, qui participent au décrochage scolaire.

La mesure de responsabilisation

La mesure de responsabilisation consiste pour l'élève à participer, en dehors des heures d'enseignement, à des activités de solidarité, culturelles, de formation, ou à l'exécution d'une tâche à des fins éducatives. Elle est prononcée par le chef d'établissement ou par le conseil de discipline. D'une durée maximale de 20 heures, elle ne peut représenter plus de trois heures d'activités par jour ni requérir la présence de l'élève plus de quatre jours par semaine. Pendant la durée de la mesure de responsabilisation, l'élève reste sous statut scolaire.

Elle peut se dérouler au sein de l'établissement, d'une association, d'une collectivité territoriale, d'un groupement rassemblant des personnes publiques, d'une administration de l'État. L'élève doit s'engager à réaliser les activités prévues. Par exemple, l'élève accompagne pendant plusieurs heures les agents de service dans leur travail d'entretien et de réparation (dans le cas d'une dégradation de biens), ou encore rencontre le SDIS s'il a déclenché sans raison un signal d'alarme.

Les rapporteurs soulignent qu'il s'agit d'une sanction éducative, distincte de tout contexte judiciaire et notamment des travaux d'intérêts généraux. Cette confusion explique la réticence de certaines équipes pédagogiques ou partenaires de terrain susceptibles d'accueillir le jeune, à participer à la mise en oeuvre de cette sanction, ce qui en limite son recours.

B. FAIRE FACE À LA PROBLÉMATIQUE DES ÉLÈVES POLY-EXCLUS

En cas d'exclusion définitive, la continuité pédagogique doit être assurée . Aussi, le conseil de discipline doit formuler une proposition d'accueil, élaborée en concertation avec l'établissement d'accueil pressenti. Lors de son audition, le recteur de l'académie de Créteil a insisté sur la nécessité d'une réaffectation très rapide - dès le lendemain si possible. L'ensemble des facteurs pour une réaffectation réussie doit être pris en compte : facilité d'accès au nouvel établissement, mais aussi prise en compte des établissements de scolarisation de jeunes appartenant à des bandes rivales . Cela nécessite une connaissance fine des dynamiques du territoire au sein du rectorat, pour identifier les établissements compatibles.

Le décret n° 2019-909 du 30 août 2019 permet à l'autorité académique d'inscrire un élève exclu définitivement de son établissement dans une classe relais, sans le consentement préalable de ses représentants légaux. L'élève est également inscrit dans un établissement scolaire qu'il intégrera à l'issue de son passage dans le dispositif relais.

La circulaire n° 2019-122 du 3 septembre 2019 relative au plan de lutte contre les violences scolaires rappelle que « le placement en internat tremplin peut intervenir dans plusieurs situations :

- si l'accueil en classe relais n'est pas jugé suffisamment efficace au regard de l'évaluation de la situation de l'élève ;

- si l'élève relève d'une mesure de protection de l'enfance et si son maintien dans sa famille n'est plus possible ; dans ce cas le juge pour enfants pourra, après évaluation pluridisciplinaire, décider d'un placement en internat tremplin ;

- ou s'il est prononcé par le juge dans le cadre d'une procédure pénale ».

En 2019-2020, plus d'un élève sur trois en internat tremplin est concerné par une mesure éducative.

Cette même circulaire fixe l'objectif de disposer dans chaque académie d'au moins un internat tremplin à l'horizon 2022. Or, depuis 2019, le nombre d'internats tremplins a diminué, passant de 9 à 8 .

Nombre d'élèves accueillis en internats tremplins ces quatre dernières années

Année scolaire

Nombre
de séjours

Nombre d'élèves ayant effectué au moins un séjour

Âge : 14 ans
et plus

2017/2018

100

-

76 %

2018/2019

100

100

59 %

2019/2020

108

100

54 %

2020/2021

105

96

54 %

Source : DGESCO

Interrogée, la direction générale de l'enseignement scolaire a indiqué que de nouvelles ouvertures n'étaient pas prévues à la rentrée 2022, au motif qu'elles « ont des incidences financières et impliquent les collectivités locales ». Elle réfléchit actuellement à l'opportunité de réserver des places pour ces jeunes dans des internats « classiques » déjà existants, avec l'accord de l'établissement volontaire. « En fonction du contexte local, deux ou trois chambres (soit une dizaine de lits) pourraient être destinées à ce type d'élèves. En revanche, cela aurait un impact sur les ETP PJJ ».

Pour les élèves hautement perturbateurs ou poly-exclus, les internats tremplins peuvent représenter un dispositif intéressant. Outre l'éloignement de leurs environnements habituels de scolarisation et de vie, la prise en charge y est plus longue que dans une classe ou un atelier relais. En outre, l'encadrement y est renforcé , grâce à la présence d'un éducateur de la PJJ, ce qui permet une approche différente de celle de l'éducation nationale.

Aussi, les rapporteurs préconisent la mise en place d'au moins un internat par académie - ou l'existence de places dédiées dans des internats classiques déjà existants - susceptible d'accueillir des élèves poly-exclus.

Recommandation n° 8 : prévoir dans chaque académie au moins un internat tremplin ou des places dédiées dans des internats classiques pour la prise en charge des élèves poly-exclus ( ministère de l'éducation nationale, ministère de la justice, collectivités territoriales ).

QUATRIÈME PARTIE

PRÉPARER LA RÉINSERTION DU MINEUR DÉLINQUANT : ÉVITER LA RÉCIDIVE PAR LES APPRENTISSAGES

I. UN POSITIONNEMENT PARFOIS DIFFICILE DE LA PJJ

A. LA PJJ EST PAR NATURE CHARGÉE DE LA RÉINSERTION DES MINEURS DÉLINQUANTS

1. Malgré la perte de ses compétences en matière civile, la PJJ reste impliquée dans la protection de l'enfance en danger

Les fragilités qui conduisent à la mise en place de mesures de protection judiciaire civile peuvent, dans un nombre de cas réduit et non établi statistiquement de manière rigoureuse, conduire à la délinquance . À l'inverse, mais de manière tout aussi incertaine sur le plan statistique, les rapporteurs ont plusieurs fois entendu le témoignage d'acteurs de la prise en charge de mineurs délinquants faisant état du fait qu'une partie d'entre eux avait antérieurement fait l'objet de mesures de protection. Malgré le recentrage de ses compétences sur le domaine pénal, la PJJ conserve un rôle dans la détection des mineurs en danger et dans les décisions prises par les magistrats .

À partir de 1999, le ministère de la justice a choisi de retirer progressivement à la PJJ la protection judiciaire civile, compétence confiée d'abord concurremment aux départements à partir de 1983 et dont ils ont désormais la charge exclusive. Si les rapporteurs n'ont pas traité la question de l'enfance en danger, ils notent que la question de l'articulation entre les prises en charge par les éducateurs spécialisés de l'aide sociale à l'enfance, la magistrature et la PJJ est perfectible, comme le note le rapport des états généraux de la Justice remis à la Première ministre le 13 juillet dernier 62 ( * ) .

La PJJ conserve néanmoins une mission d'aide à la décision des magistrats concernant les mineurs tant en matière civile qu'en matière pénale et assure, sur le fondement de l'article 1183 du code de procédure civile, la conduite des mesures judiciaires d'investigations éducatives (MJIE) destinées à recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, sa situation familiale et sociale et les difficultés qu'il rencontre. Ces mesures représentent près de 20 % de l'activité de la PJJ à la demande des juges. Elles sont assurées à 60 % par le secteur associatif habilité.

D'une durée maximale de 5 mois, les MJIE doivent présenter les éléments de manière à ce que le juge des enfants puisse déterminer si la situation d'un mineur justifie l'intervention de la justice dans son éducation. Or cette identification des fragilités et les mesures prises pour y remédier sont parfois le premier niveau de prévention de la délinquance par la justice. Les enfants maltraités, en danger ou à protéger peuvent plus facilement être la proie de réseaux criminels. Certains peuvent devenir auteurs d'infractions.

Sur la base de leur expérience, le constat a été maintes fois fait par les juges des enfants et les éducateurs de la PJJ qu'une part importante des mineurs présentés au pénal sont ou étaient suivis en matière civile. Comme précédemment indiqué, l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille estime que 55 % des mineurs délinquants sont suivis en protection de l'enfance car eux-mêmes victimes d'une maltraitance ou d'une carence éducative familiale . L'ampleur exacte de ce phénomène n'est cependant pas étayée statistiquement 63 ( * ) .

Le suivi des dossiers par les juges des enfants qui sont appelés à traiter des affaires concernant un mineur tant au civil qu'au pénal, et le travail d'information mené par la PJJ sont, parallèlement à leur mission première de protection de l'enfance en danger, un élément de lutte contre la délinquance. Ce suivi souffre cependant du manque de moyens humains de l'institution judiciaire à tous les niveaux , manque de moyens qui conduit au retard dans la prise en compte des situations et la mise en oeuvre des mesures, empêchant de prévenir la dégradation des situations. Ces mêmes difficultés se retrouvent en matière pénale, dans ce qui constitue le coeur de l'action de la PJJ.

2. Un rôle essentiel : la prise en charge des mineurs délinquants et les mesures éducatives en matière pénale

Les près de 30 000 mesures éducatives décidées en matière pénale par le juge et mises en oeuvre chaque année par la PJJ sont le coeur de son activité et la première forme de prise en charge de la délinquance .

Ces mesures étaient nombreuses et diverses, fruit de l'évolution des prises en charge depuis l'ordonnance du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante. Elles couvraient plusieurs aspects complémentaires de la prise en charge des mineurs, la prise de conscience de l'acte avec, notamment, l'admonestation, la reprise du travail éducatif avec la remise à parents, mais aussi la mise en place d'obligations de formation et d'interdiction et la réparation de l'acte .

Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM), entré en vigueur le 30 septembre 2021, a profondément remanié les mesures éducatives pour améliorer leur lisibilité afin de renforcer « la cohérence et l'adaptabilité de l'accompagnement éducatif ». Ainsi, une mesure éducative judiciaire (MEJ) peut être complétée par des modules (insertion, scolarité, santé et placement) ainsi que des obligations et des interdictions. L'admonestation, la remise aux parents et l'avertissement solennel sont fondus en une mesure dénommée « avertissement judiciaire ». Les mesures de réparation, d'activité de jour et de placement sont reprises par les différents modules de la mesure éducative judiciaire. Celle-ci reprend également le principe du suivi éducatif de la mise sous protection judiciaire et la liberté surveillée.

S'il est trop tôt pour évaluer l'impact de cette rationalisation, les rapporteurs ont pu constater la permanence des difficultés anciennes et peut-être structurelles qui limite leur efficacité .

La première tient à la nécessité d'adapter les mesures à la réalité des territoires . Elles sont donc par nature diverses selon les neuf directions inter-régionales de la PJJ. La volonté de mettre en oeuvre des mesures proches du lieu de vie des mineurs renforce cette variété d'un ressort de tribunal à un autre, voire d'un bassin de vie à un autre. Cette mise en oeuvre dépend cependant souvent moins des besoins propres à chaque population que de l'offre publique ou élaborée par le secteur associatif habilité . Plusieurs dispositifs anciens que la PJJ souhaiterait développer, comme les familles d'accueil, souffrent au niveau national d'un manque d'offre de qualité. Au niveau des territoires, les rapporteurs ont pu constater la difficulté de mettre en oeuvre des stages ou des prises en charge éducatives en milieu ouvert, qui se heurtent parfois au manque d'éducateurs spécialisés et parfois de moyens dédiés . Le manque de ressources humaines et de moyens rend plus fragiles les dispositifs dont la pérennité n'est pas assurée, ce qui limite leur efficacité.

Ces fragilités rejoignent une difficulté pointée depuis au moins vingt ans et que de multiples textes, à commencer par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale 64 ( * ) et jusqu'au CJPM, ont tenté de surmonter sans pour le moment y parvenir : celle des délais de mise en oeuvre , qui font l'objet d'un suivi par indicateur dans le cadre de l'examen budgétaire.

Si les délais de mise en oeuvre des mesures éducatives se réduisent en moyenne, on constate d'importants écarts selon les types de mesures. Ainsi, les mesures jugées prioritaires, notamment de placement, peuvent être mises en oeuvre en l'espace de quelques jours, réduisant le délai moyen tandis que d'autres ne sont mises en place que dans un temps beaucoup plus long.

Le temps nécessaire à la mise en oeuvre des mesures éducatives résulte du nombre de dossiers dont sont chargés les éducateurs et de la difficulté d'inscrire un mineur dans les dispositifs existants en fonction du nombre de places disponibles ou suffisamment proches. Il en résulte, surtout pour les stages, un écart de plusieurs mois entre la prise de décision et sa mise en oeuvre. Ceci conduit parfois à un sentiment d'impunité ou de faiblesse de la réponse pénale .

Le rapport des États généraux de la justice, remis au Président de la République en juillet 2022, décrit l'impact grave de cette situation sur les personnels et la « souffrance éthique » « des travailleurs sociaux de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) contraints de prendre en charge tardivement les mesures éducatives ordonnées par le juge des enfants alors que la situation du mineur s'est dégradée ». Le manque d'attractivité du métier d'éducateur conduit à un recours accru à des contractuels, sous contrats précaires, parfois recrutés sur des critères faibles comme le « parcours de vie » et qui contribuent à la fragilité du suivi des mineurs .

Tout aussi ancienne est la critique du manque d'évaluation de l'efficacité des mesures éducatives, le suivi se limitant généralement à leur exécution . La PJJ souligne à juste titre que l'évaluation fait partie des missions des personnels et acteurs du secteur associatif habilité. Elle indique par ailleurs que le logiciel Parcours devrait permettre un suivi plus efficace de la prise en charge des mineurs et donc une évaluation de l'impact des mesures éducatives dont ils ont bénéficié.

Comme l'ont fait valoir aux rapporteurs de nombreux acteurs de terrain, le travail de la PJJ est par nature centré sur des individus aux parcours de vie complexes. Si une standardisation des procédures est envisageable à des fins de rationalisation, il ne peut en aucun cas y avoir de généralisation de quelques prises en charge qui seraient systématiquement ou uniformément efficaces. C'est donc d'abord une méthodologie de l'évaluation des mesures que la PJJ devrait mettre en place, en accord avec les acteurs de terrain , afin que la diversité nécessaire des solutions permette effectivement de répondre à la diversité des situations des mineurs et que des solutions inefficaces ne consomment pas des moyens humains et financiers limités. Les évaluations qui pourraient être ainsi conduites participeraient à renforcer le sens de l'action des éducateurs en faisant valoir à tous leur impact sur la vie des mineurs.

Recommandation n° 9 : mettre en place un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives dont les centres éducatifs fermés ( ministère de la justice ).

3. Le succès inégal des centres éducatifs fermés

Depuis vingt ans, la réponse donnée par les pouvoirs publics aux formes de délinquance des mineurs les plus sévères a été la création des centres éducatifs fermés , créés par la loi dite « Perben I » du 9 septembre 2002. S'y trouvent placés des groupes de 8 à 12 mineurs pour une période de six mois, renouvelable une fois. Sous tutelle de la PJJ, ces centres publics ou confiés au secteur associatif habilité réunissent à la fois un enseignement dispensé par l'éducation nationale et des activités éducatives confiées aux éducateurs de la PJJ.

En l'absence d'évaluation globale , ressort surtout la grande variété de ces centres dont certains ont été présentés aux rapporteurs comme des modèles justifiant le recours à ces dispositifs, tandis que d'autres ont été fermés du fait de graves défaillances dans la gestion des jeunes. Ici encore, tout dépend de la qualité et de la mobilisation de l'équipe en charge, qu'elle soit issue du secteur public ou du secteur associatif habilité. Les difficultés de recrutement que connaît le secteur social se trouvent accentuées par le problème d'implantation de ces centres parfois éloignés de tout bassin d'emploi, ce qui pose des problèmes pour les personnels, mais aussi pour les activités extérieures éventuelles des jeunes ainsi que pour leurs familles souhaitant leur rendre visite.

Fondamentalement, les centres éducatifs fermés peinent à surmonter la mission paradoxale qui leur est assignée . Alternative à la prison pour des mineurs déjà ancrés dans des parcours de délinquance ou, selon les régions, lieu d'accueil de fait pour une sur-proportion de mineurs en errance, les centres doivent à la fois être fermés et éducatifs. Or plusieurs représentants des forces de sécurité ont regretté le caractère insuffisamment fermé de ces centres dont certains connaissent de nombreuses fugues. À l'inverse, les syndicats des personnels de la PJJ ont, pour partie d'entre eux, considéré que le travail éducatif envers les mineurs ne peut être mené adéquatement dès lors qu'une infraction au règlement entraîne l'incarcération. Nicolas Sallée, professeur agrégé au département de sociologie de l'Université de Montréal, a décrit la manière dont les éducateurs et les personnels des centres doivent systématiquement évaluer si une infraction doit entraîner ou non l'incarcération du jeune . Ils sont de fait placés devant le choix de ne pas sanctionner une violation car ils considèrent que la sanction nuirait au parcours vers la réinsertion, ou de décider en pratique de l'incarcération.

Au regard de la difficulté de leur gestion, de leur coût et du poids que les CEF représentent dans le budget de la PJJ, les rapports du Sénat, singulièrement le rapport de la mission d'information sur la réinsertion des mineurs enfermés 65 ( * ) et les rapports budgétaires de Maryse Carrère, ont appelé à rompre avec la focalisation des moyens sur ces centres au profit du financement des dispositifs de prise en charge éducative existants, dans leur diversité. En effet, si certains centres permettent à la fois d'éviter l'incarcération et de permettre la réinsertion, la concentration de moyens nécessaire à leur bon fonctionnement s'avère de plus en plus difficile à réunir et s'effectue au détriment d'autres formes de prise en charge , moins contraignantes et possiblement aussi efficaces.

Ceci implique désormais l'arrêt de la création de nouveaux centres, qui s'avère par ailleurs lent et complexe, et la réorientation des budgets alloués à ces créations.

Recommandation n° 10 : réorienter les moyens destinés à la création de nouveaux centres éducatifs fermés vers le financement de la mise en oeuvre des mesures existantes (ministère de la justice) .

B. UNE ARTICULATION À PARFAIRE AVEC LES AUTRES ACTEURS

1. Avec les magistrats

La PJJ se doit d'abord, pour l'exercice de ses missions, de faire connaître la diversité des solutions disponibles aux magistrats, parquets et juges des enfants. Cette évidence se heurte à la multiplicité des dispositifs existants, à leur évolution et à la mobilité des magistrats . Plusieurs procureurs entendus par les rapporteurs ont fait part de cette difficulté à maîtriser les dispositifs mis en oeuvre par la PJJ. Le rôle d'aide à la décision des magistrats qui incombe aux agents de protection judiciaire de la jeunesse est donc essentiel. Ici encore, ils se heurtent au manque de temps et de moyens humains, ce qui peut conduire à une certaine standardisation des solutions, voire à un moindre intérêt pour les mesures les moins visibles.

Le CJPM implique de ce point de vue une réactivité accrue de la PJJ pour la définition des mesures éducatives préalables au jugement sur la sanction. Malgré les éléments fournis par la direction centrale de la protection judiciaire de la jeunesse sur la mise en oeuvre complète d'ici la fin de l'année des nouvelles procédures, les syndicats demeurent critiques sur le manque de formation des personnels de la PJJ et des magistrats sur ces questions.

Recommandation n° 11 : attribuer une labellisation par l'Éducation nationale pour une durée minimale de deux ans à toutes les structures éducatives mises en place par la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d'un dialogue avec le Rectorat ( ministère de l'éducation nationale, ministère de la justice ).

2. Avec l'Éducation nationale

La circulaire conjointe relative au partenariat entre les ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la justice du 3 juillet 2015 66 ( * ) demande aux services de l'éducation nationale et à ceux de la PJJ « d'élaborer un travail conjoint de prise en charge scolaire et éducative plus inclusive du jeune qu'il soit ou non scolarisé ».

Or, il ressort des auditions menées que, selon les territoires, ces collaborations fonctionnent plus ou moins bien . Benoît Belvalette, directeur territorial de la protection de la jeunesse Alpes Vaucluse, a indiqué aux rapporteurs que les dispositifs de persévérance scolaire de l'éducation nationale ne parviennent pas à toucher les publics de la PJJ : « nous n'arrivons pas à orienter les jeunes de la PJJ vers ces dispositifs, par manque de moyens, d'une pédagogie non adaptée ou en raison d'enseignants dépassés ».

Les rapporteurs ont entendu d'autres propos relatant des difficultés similaires. Des juges pour enfants d'Avignon ont pour leur part regretté de ne pas disposer de correspondants territoriaux à l'éducation nationale ou encore soulignent l'absence d'un chargé de mission « justice » au sein des services déconcentrés de l'éducation nationale.

Ce constat n'est malheureusement pas nouveau. Déjà, l'étude sur les jeunes suivis par la PJJ de Marseille soulignait en 2014 que, d'une part, l'éducation nationale était « l'un des partenaires absents » dans le travail de réinsertion de ces jeunes, et d'autre part, le regret des éducateurs de la PJJ de ne pas pouvoir travailler en lien étroit avec elle. Mais bien que cette problématique soit identifiée depuis plusieurs années, la situation évolue trop lentement .

Mais les rapporteurs ont également entendu des témoignages de très bonnes relations entre la PJJ et l'éducation nationale . La présence d'un référent justice à l'éducation nationale permet ainsi de fluidifier les relations dans la prise en charge du jeune, notamment pour le passage des examens d'un jeune en centre éducatif fermé ou en détention ou encore pour désigner un établissement de rattachement dans l'objectif d'un retour dans le droit commun à moyen terme. Les propos de Abdelaziz Boubker, directeur territorial de la PJJ des Hauts-de-Seine, traduisent l'importance d'une étroite collaboration avec l'éducation nationale mais aussi les difficultés rencontrées face à une relation qui demeure fragile : « nous travaillons très bien avec les référents justice de l'éducation nationale des Hauts-de-Seine et de Seine-et-Marne. Dans le cadre d'une unité éducative d'activités de jour, nous arrivons à créer un emploi du temps partagé avec l'éducation nationale, avec comme objectif final de réintégrer ces jeunes au sein de l'éducation nationale », mais d'ajouter « cela se crée au fil de l'eau. Nous y arrivons grâce à la bonne volonté des gens. Mais l'éducation nationale reste très normative et cela devient très compliqué dès que nos jeunes sortent des cases ».

Recommandation n° 12 : renforcer les partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale, afin d'apporter une réponse à des jeunes aux parcours atypiques ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

II. FAIRE DU TEMPS DE PLACEMENT JUDICIAIRE UN TEMPS D'APPRENTISSAGE

A. DES MINEURS DÉLINQUANTS EN GRANDE MAJORITÉ DÉSCOLARISÉS

1. La construction d'un projet professionnel : clé de la sortie de la délinquance

Le rapport d'information sénatorial sur la réinsertion des mineurs enfermés 67 ( * ) de 2018 appelait, « tout en veillant à limiter l'incarcération », à « mettre à profit une éventuelle période d'enfermement pour amorcer un travail de réinsertion ». En outre, comme cela a été répété à plusieurs reprises lors des auditions, « il s'agit certes de délinquants, mais aussi d'enfants ». Les rapporteurs partagent ces deux visions. La formation des mineurs sous main de justice et la construction d'un projet professionnel sont des éléments indispensables pour lutter contre la récidive .

Les témoignages recueillis par les rapporteurs convergent vers une proportion très importante des jeunes suivis par la PJJ, déscolarisés ou en échec scolaire. Au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Nanterre, sur les 13 jeunes détenus au moment de la venue des rapporteurs, seuls 3 étaient scolarisés à leur arrivée.

À la rupture avec l'institution scolaire s'ajoutent souvent une addiction aux drogues - 90 % des jeunes pris en charge par la PJJ à Avignon sont consommateurs de stupéfiants - ainsi que des problèmes de santé mentale . À plusieurs reprises, les difficultés d'accès à des pédopsychiatres et à des psychiatres ont été soulignées.

Lors des auditions et des déplacements, les acteurs de terrain ont plusieurs fois exprimé la nécessité de « profiter de ce passage en centre éducatif fermé ou en détention pour remettre le pied à l'étrier » de ces jeunes en matière de formation et d'insertion professionnelle.

L'enjeu de la formation est primordial : les services de la PJJ des Hauts-de-Seine ont indiqué que 70 % des jeunes qu'ils suivent ne réitèrent pas s'ils ont un projet professionnel construit. Le défi à relever est important au regard du statut scolaire de ces jeunes au moment de leur prise en charge . L'étude réalisée auprès des jeunes suivis par la PJJ de Marseille en 2016 montre que 65 % d'entre eux n'ont pas de projet scolaire au moment de leur prise en charge par la PJJ.

2. Une obligation de formation dans les centres fermés et les centres de détention

Les rapporteurs rappellent que les mineurs sous main de justice - y compris ceux détenus - ont un droit à l'éducation. L'État a, envers le mineur détenu, les mêmes devoirs qu'envers les autres élèves : il est tenu de lui proposer jusqu'à 18 ans des modalités effectives de formation .

La convention entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale du 15 octobre 2019 précise que « l'enseignement ou la formation constitue l'activité essentielle du mineur incarcéré [...] . Il s'agit de l'axe structurant et prioritaire de la prise en charge du mineur délinquant ».

Ces apprentissages reposent, en fonction de l'âge du mineur et des conditions de son placement, sur un enseignement scolaire assuré par du personnel de l'éducation nationale, des activités proposées par la PJJ, mais aussi, lorsque sa situation le permet et notamment en fin de processus pour les mineurs en centre éducatif fermé, des actions de formation en lien avec des associations ou des entreprises .

En milieu carcéral, les apprentissages se font par groupe de 4 à 7 jeunes. Ces groupes « prennent en compte les profils des élèves, leurs parcours scolaires, les situations éventuelles de décrochage scolaire, la durée prévisible de détention et la motivation pour une reprise de formation initiale. L'enseignement est fondamentalement centré sur l'individualisation du parcours du jeune dans un contexte collectif » 68 ( * ) . Dans les faits, Anne Rouville-Drouche, cheffe d'établissement de la maison d'arrêt de Nanterre, a indiqué aux rapporteurs que ces groupes - qui restent les mêmes pour tous les temps de vie communs en détention - sont constitués « en fonction de la capacité des jeunes d'un même groupe à vivre ensemble ». À titre d'exemple, à la maison d'arrêt de Nanterre, un même groupe réunit un jeune ne parlant pas français, un jeune dont le niveau est proche de celui d'un élève de CE2, un troisième dont le niveau est proche de celui d'un élève de 5 ème et enfin un préparant l'épreuve de français du baccalauréat.

Un entretien individuel initial est également organisé à l'arrivée du mineur, afin d'établir un bilan pédagogique. Chaque mineur détenu doit pouvoir bénéficier de l'intervention d'un psychologue de l'éducation nationale en appui du bilan scolaire et afin de l'aider à préciser son projet de poursuite d'études ou de formation.

Enfin, les jeunes en détention bénéficient également d'un suivi par un éducateur de la PJJ du milieu ouvert , qui a pour mission de travailler le retour à des dispositifs de droit commun et à la réinsertion. En effet, comme l'ont souligné à plusieurs reprises les acteurs de la PJJ, par principe un mineur n'a pas vocation à rester en détention . L'objectif, lorsque sa situation le permet, est de lui faire quitter le plus rapidement possible ce lieu de détention et d'avoir un suivi en milieu ouvert. Cela présente également l'avantage d'un suivi sans rupture du jeune au moment de sa majorité : alors qu'en milieu carcéral, le jeune quitte le quartier des mineurs à ses 18 ans, la PJJ continue à les suivre jusqu'à ses 21 ans, en milieu ouvert.

L'organisation des apprentissages au quartier des mineurs
de la maison d'arrêt de Nanterre

Les détenus mineurs de la maison d'arrêt de Nanterre bénéficient chaque semaine de 3 heures de français et de mathématiques, ainsi que d'une heure trente d'histoire géographie, anglais, informatique et atelier de citoyenneté. À ces 12 heures de cours s'ajoute un entretien individuel hebdomadaire de 20 minutes avec l'enseignant. Selon l'équipe éducative, il s'agit, pour la plupart de ces détenus du maximum d'heures qu'ils sont capables de suivre, en raison de leur relation conflictuelle avec l'école.

L'équipe pédagogique est composée de 3 enseignants présents depuis de nombreuses années à la maison d'arrêt (13 ans, 10 ans et 18 ans) et titulaires d'une formation spécifique pour enseigner auprès des adolescents et des adultes en difficultés d'apprentissage. À l'initiative de la cheffe de l'établissement pénitentiaire, le suivi de ces enseignements a été rendu obligatoire pour tous les mineurs, avant même la mise en place de l'obligation de formation pour les 16-18 ans. Selon les témoignages recueillis, les 13 détenus mineurs ont 13 niveaux différents - et une relation avec l'institution scolaire qui leur est propre - nécessitant une approche personnalisée pour chacun d'entre eux. Un projet avec l'institut des jeunes aveugles pourrait avoir lieu l'année prochaine.

À ces enseignements scolaires s'ajoutent des activités organisées par la PJJ (sport, arts du cirque, slam - en lien avec l'éducation nationale -, graphe, atelier BD dans le cadre du concours organisé conjointement par le festival de la bande dessinée d'Angoulême et la PJJ, atelier de citoyenneté et partenariat avec l'ONAC, ...). Deux éducateurs sont présents à la maison d'arrêt.

Tous les mardis matin, l'ensemble des intervenants - équipe enseignante, éducateur de la PJJ, surveillants pénitentiaires - auprès des mineurs se réunissent pour échanger sur la situation des mineurs. Ces temps d'échange, rassemblant à chaque fois les mêmes personnes, permettent de fluidifier les échanges entre les administrations.

Lorsqu'un nouveau jeune arrive en détention, il bénéficie d'un parcours « d'arrivant » pendant une semaine. Après avoir recueilli l'avis de l'ensemble des adultes l'ayant côtoyé pendant cette période (équipe enseignante, éducateurs de la PJJ, surveillants pénitenciers), il est affecté à un groupe.

Une fois par mois (hors période covid), une réunion est organisée avec les familles, permettant notamment de présenter l'ensemble des adultes présents au quotidien auprès de leurs enfants.

Il est à noter que cet établissement n'a pas été conçu initialement pour accueillir un quartier mineur. Ceux-ci sont entourés d'adultes, avec des conséquences pratiques : obstruction de portes vitrées ou d'une partie des grilles entourant leurs espaces de promenade/terrain de sport afin d'éviter tout contact.

Les professeurs nouvellement nommés, que ce soit à temps plein ou à mi-temps, doivent bénéficier d'une formation obligatoire d'adaptation à l'emploi composée de deux modules : le premier est un « module de découverte et d'acculturation au milieu pénitentiaire de cinq jours, organisé par l'école nationale d'administration pénitentiaire », le second est un « module de professionnalisation à l'emploi en milieu pénitentiaire de 52 heures », réparti en deux fois cinq jours et qui s'intègre dans la préparation du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive (Cappei) 69 ( * ) .

Les rapporteurs ne peuvent que rappeler la nécessité d'un suivi de ces formations par tout enseignant avant d'intervenir en milieu carcéral, tant l'organisation des enseignements et le profil des élèves sont spécifiques, y compris dans la situation actuelle de forte tension de recrutements à l'éducation nationale .

L'union pédagogique régionale sur l'académie de Créteil

Le dispositif d'enseignement en milieu pénitentiaire comporte trois niveaux : le niveau national avec une commission nationale de suivi de l'enseignement, co-organisée par la direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale et la direction de l'administration pénitentiaire, le niveau inter-régional avec une unité pédagogique régionale (UPR) implantée dans chaque direction inter-régionale des services pénitentiaires et enfin le niveau local (unité locale d'enseignement implantée dans chaque établissement pénitentiaire et comprenant l'ensemble des enseignants titulaires affectés par l'éducation nationale ainsi que les personnels vacataires rémunérés en heures supplémentaires effectives - HSE).

Le proviseur-directeur de l'UPR est rattaché administrativement et hiérarchiquement au ministère de l'éducation nationale. Il reçoit ses instructions conjointement des recteurs d'académie et du directeur interrégional des services pénitentiaires.

Il doit être associé systématiquement aux projets et décisions ayant des implications sur la politique de l'enseignement, notamment les projets relatifs à la prise en charge des détenus, l'aménagement des régimes de détention, mais aussi les programmes immobiliers et les conditions d'utilisation des outils numériques. Il doit être destinataire de toute information ayant une incidence sur l'enseignement en détention. L'UPR de Paris regroupe trois académies : Paris, Créteil et Versailles.

Dans les centres de l'administration pénitentiaire situés sur l'académie de Créteil, l'unité pédagogique régionale met à disposition 30 enseignants permanents (1 professeur agrégé, 4 professeurs certifiés, 4 contractuels du second degré, 3 professeurs de lycée professionnel et 18 professeurs des écoles), ainsi que 47 enseignants vacataires (4 professeurs agrégés, 18 professeurs certifiés, 2 professeurs contractuels du second degré, 12 professeurs de lycée professionnel, 2 professeurs des écoles, ainsi que 9 autres personnes ne relevant pas de ces catégories, mais appartenant à l'équipe éducative).

Lors de l'année 2020-2021, l'académie de Créteil dénombrait 124 détenus mineurs scolarisés (à la maison d'arrêt de Villepinte).

Source : convention entre le ministère de la justice et le ministère
de l'éducation nationale du 15 octobre 2019 et rectorat de Créteil

3. Des expériences intéressantes : le restaurant d'insertion et l'école numérique d'apprentissage

À Avignon, un restaurant d'insertion des jeunes, « graine de piment », vient d'ouvrir, dirigé par l'association Le Village et créé en partenariat avec la PJJ, le centre départemental enfance famille du Vaucluse et la mission locale jeunes Grand Avignon. La préparation des repas et le service sont assurés par des jeunes sans emploi ni formation ainsi que des jeunes en parcours de sortie du centre éducatif fermé d'Avignon, alors encadrés par des éducateurs de la PJJ. Le but est de remobiliser les jeunes, ainsi que de valoriser et développer leurs compétences .

Le restaurant d'insertion « graine de piment »

Ce restaurant d'insertion a ouvert en avril 2022. La cuisine et le service sont assurés par des jeunes en réinsertion, à partir de produits locaux. Le but principal n'est pas de les former à un métier, mais de recréer une accroche (le jeune se découvrant une vocation et souhaitant en faire son métier pourra être accompagné dans des formations et l'association cherche également à mettre en place des stages d'immersion chez des professionnels). La restauration permet en effet un contact avec la clientèle et d'inscrire le jeune dans la ville et dans un rythme.

Chaque jour, 7 jeunes sont mobilisés sur le restaurant - ce ne sont pas tout le temps les mêmes. Ils disposent d'un contrat allant de quelques heures jusque 24 heures hebdomadaires.

Le restaurant propose également aux clients de participer à une cagnotte solidaire afin de financer des repas pour des personnes n'ayant pas les moyens de se rendre au restaurant. Il peut notamment s'agir de la famille des jeunes qui travaillent dans le restaurant, contribuant à la valorisation de leur travail et à la construction de leur estime de soi. Enfin, l'association souhaite ouvrir une résidence d'artistes à proximité immédiate du restaurant avec un projet conjuguant art et cuisine.

Le déplacement à Avignon a également été l'occasion d'aller à la rencontre de l'école numérique des apprentissages. Cette association propose de s'appuyer sur le média audiovisuel et la radio pour aborder les apprentissages.

Ce projet, co-construit notamment avec le précédent directeur académique des services de l'éducation nationale et la direction territoriale de la PJJ, poursuit un triple objectif : réconcilier les jeunes avec les apprentissages, favoriser l'employabilité des jeunes et développer un réseau avec les entreprises du secteur pour favoriser l'insertion professionnelle.

L'école numérique des apprentissages (Avignon)

Lors de son déplacement à Avignon, les rapporteurs sont allés à la rencontre de l'équipe dirigeante de l'école numérique des apprentissages et de plusieurs jeunes. Cette association propose de s'appuyer sur le média audiovisuel et la radio pour aborder les apprentissages.

Une cinquantaine de jeunes âgés de 15 à 21 ans - décrocheurs, absentéistes, jeunes en rupture scolaire, jeunes suivis par la PJJ et l'ASE - y sont accueillis pour une période de 6 semaines environ (entre deux vacances scolaires). Les jeunes réalisent ensemble un projet collectif autour des médias.

Ils bénéficient également d'apprentissages plus scolaires, le niveau des jeunes allant du CM2 à la terminale. Selon l'équipe éducative, le niveau scolaire est très hétérogène, certains préparant un examen, alors que pour d'autres l'objectif est de renforcer leurs compétences écrites et orales en français, ainsi qu'en mathématiques. Outre des professionnels de l'audiovisuel et des acteurs du monde économique, l'équipe pédagogique est également constituée d'un professeur technique « culture et savoir de base » de la PJJ, un éducateur de la PJJ et d'une enseignante de l'éducation nationale.

Les jeunes rencontrés ont fait part de leur enthousiasme vis-à-vis des activités réalisées dans le cadre de cette association. Selon l'un des jeunes rencontrés, « avant de venir ici, je ne suis quasiment pas allé en cours pendant trois ans. Je suis là depuis quatre mois et je viens pratiquement tous les jours. En plus des apprentissages numériques, l'association m'a également accompagné et soutenu pour passer mon BAFA » . Il s'agit de redonner aux jeunes un rythme de vie, une estime de soi et les réconcilier avec l'envie d'apprendre.

Aussi, il est regrettable que le label de « persévérance scolaire » et le demi-poste d'enseignant aient été retirés pour la rentrée 2022 - sans concertation de la part des services académiques à la suite d'un changement de DASEN selon les informations transmises aux rapporteurs 70 ( * ) - à l'école numérique des apprentissages d'Avignon. Selon Fouziya Limoan, directrice de l'association « par l'image et le son » qui gère cette structure, les services départementaux de l'éducation nationale justifient cette décision par le fait que « les jeunes accueillis par la structure ne sont pas des jeunes scolaires, mais des jeunes de la PJJ », alors même qu'un certain nombre ont moins de 16 ans et relèvent de l'obligation scolaire. Cet exemple souligne la nécessité de laisser un peu de temps à ces dispositifs innovants de faire leur preuve : en effet, souvent ce sont des solutions au cas par cas qui doivent être trouvées pour réussir à remobiliser un jeune en rupture scolaire et d'insertion professionnelle depuis longtemps.

B. LEVER LES OBSTACLES À CES APPRENTISSAGES

1. Allonger le temps de scolarité

La convention signée entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale le 15 octobre 2019 souligne que « les temps hebdomadaires de scolarisation ont vocation à atteindre 12 heures en quartier mineurs et 20 heures en établissements pénitentiaires pour mineur (EPM) ». Ces temps d'enseignement demeurent inférieurs à ceux des élèves de l'éducation nationale - même si pour de nombreux détenus mineurs, en rupture scolaire, la réintégration d'un parcours classique serait dans les faits impossible et pourrait même être contre-productive . Comme l'a souligné l'équipe enseignante de Nanterre, il s'agit avant tout de « prendre plaisir à apprendre et montrer que l'acquisition de connaissances peut être le levier pour faire quelque chose ». En outre, « pour certains détenus mineurs, il est nécessaire de changer d'activités d'enseignement toutes les 10 minutes, comme avec des enfants de petite classe ».

Néanmoins, les rapporteurs s'interrogent sur la différence de traitements des jeunes en quartier pour mineurs et ceux en établissements pour mineurs. Rien ne le justifie, du point de vue du détenu.

Par ailleurs, alors que les témoignages convergent pour mettre à profit ce temps d'enfermement pour remettre le jeune en situation d'apprentissage, l'organisation des enseignements reste calée sur celle de l'éducation nationale . Ainsi, à la maison d'arrêt de Nanterre, il n'y aura pas d'enseignement en juillet et en août - pendant les vacances scolaires -, les activités organisées par la PJJ demeurent néanmoins prévues. Si celles-ci sont nécessaires et permettent l'apprentissage d'autres compétences également importantes pour la réinsertion du jeune, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas substituables à un contenu scolaire . Or, la durée médiane de séjour y est relativement courte : environ 5 mois. Pour un jeune, dont la détention inclut les vacances estivales, c'est 40 % de son temps d'enseignement scolaire qui se retrouve amputé .

À titre de comparaison, l'enseignante du centre éducatif fermé d'Avignon est présente la moitié du temps des petites vacances scolaires tout au long de l'année, ainsi qu'une partie du mois de juillet, dans le cadre d'une répartition annualisée de ses heures.

La mission d'information sénatoriale de 2018 sur les mineurs enfermés appelait déjà à trouver des solutions pragmatiques, afin d'assurer une continuité du service public de l'enseignement en prison tout en respectant le droit à congés des enseignants. Quatre ans plus tard, les rapporteurs ne peuvent que partager cette analyse .

Recommandation n° 13 : aligner le nombre d'heures d'enseignement des détenus en quartier pour mineurs sur celui des établissements pour mineurs et assurer une continuité des enseignements y compris pendant les vacances scolaires ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

2. L'importance de lieux de détention de taille modeste pour des apprentissages sereins

Il ressort des auditions la valeur ajoutée de lieux de détention pour mineurs de taille modeste. D'une part, cela permet, lors des réunions régulières de suivi des jeunes, d'avoir toujours les mêmes personnes autour de la table, fluidifiant ainsi les relations entre les différentes administrations (pénitentiaire, PJJ, éducation nationale et santé).

D'autre part, les incidents de sécurité portent moins préjudice à la tenue des activités ou des cours . Anne Rouville-Drouche, cheffe d'établissement de la maison d'arrêt de Nanterre, a expliqué aux rapporteurs, qu'« à Fleury, où sont présents 90 mineurs détenus, une bagarre entre mineurs peut entraîner une paralysie pendant toute une matinée, avec un renvoi de tous les jeunes dans leurs cellules. Les apprentissages prévus sont alors annulés ». La convention entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation d'octobre 2019 affirme certes que l'enseignement « est l'axe structurant et prioritaire de la prise en charge du mineur détenu ». Dans les faits, comme Sylvie Paré, responsable de l'unité locale d'enseignement de la maison d'arrêt de Nanterre l'a indiqué aux rapporteurs, « en détention, ce qui prime c'est la vie de la détention, la sécurité, le parloir ». La gestion de ce type d'incidents est plus facile à 18 mineurs qu'à 90.

Interrogés sur la taille critique au-delà de laquelle la gestion d'un lieu de détention pour mineurs se dégrade, notamment du point de vue des apprentissages, les acteurs de terrain ont évoqué le chiffre de 30 jeunes accueillis simultanément : « ce qui est sûr c'est qu'il n'y a aucun gros quartier pour mineurs qui fonctionne bien actuellement ».

La mise en place de lieux de détention de taille modeste a néanmoins des répercussions importantes en termes de bâtis, d'organisation et d'effectifs pour l'administration pénitentiaire et pour la PJJ.

3. Accompagner la sortie de centres fermés ou de détention

La sortie de centres fermés ou de détention est un moment sensible du parcours du jeune délinquant. D'ailleurs, dans les témoignages recueillis, il n'est pas rare qu'il y ait des incidents dans les semaines précédant ce moment.

Les rapporteurs ont relevé deux points sensibles lors de ce moment charnière. S'il existe une prise en charge relais en milieu ouvert, il n'est pas rare que le domicile du jeune soit éloigné de son lieu de placement . Les actions de préparation à la sortie et de réinsertion, en lien avec des acteurs du territoire (associations, entreprises accueillant le jeune en stage) se trouvent ainsi mises à mal.

Il en est de même pour le passage des examens et des diplômes . Comme a pu le souligner le recteur de l'académie de Créteil aux rapporteurs, les examens se passant en fin d'année, l'éducation nationale perd souvent la trace d'un mineur libéré en cours d'année qui renoncera au final à les passer, alors même qu'il les a préparés lors de sa détention. Lors du déplacement à la maison d'arrêt de Nanterre, la responsable de l'équipe éducative et la direction départementale de la police judiciaire de la jeunesse ont indiqué travailler avec les services déconcentrés de l'éducation nationale afin d'identifier un établissement de rattachement où un mineur libéré pourra passer son diplôme. Pour les mineurs détenus au moment des examens, une session dans les locaux de la prison d'arrêt est organisée.

Ce passage de diplôme est un élément essentiel pour la réinsertion du détenu, à la fois en termes de valorisation et de remobilisation, mais aussi dans la perspective d'un retour dans un processus de formation de droit commun. Dès lors, il est regrettable que cette dimension soit parfois oubliée . Tel est le cas presque caricatural d'un mineur détenu à Nanterre libéré la veille des épreuves du brevet qu'il avait préparées lors de sa détention, alors même que cette information était inscrite dans le rapport éducatif dont dispose le juge : il était trop tard pour l'inscrire pour passer ses épreuves dans un établissement de l'éducation nationale. Si la période d'emprisonnement d'un mineur délinquant doit être la plus courte possible, en l'espèce, l'intérêt du mineur aurait été de prolonger sa détention de quelques jours pour lui permettre de passer les épreuves préparées . Il est en effet peu probable qu'il fasse une nouvelle démarche d'inscription pour la session de septembre dans le cadre de son suivi en milieu ouvert.

Enfin, les rapporteurs ont également entendu les conséquences sur la remobilisation dans les apprentissages du mineur détenu et sur ses projets de réinsertion qu'entraîne une nouvelle condamnation intervenant lors de sa détention du fait d'une autre affaire l'impliquant. Sans remettre en cause le principe d'un jugement et le cas échéant d'une sanction pour chaque infraction commise, les rapporteurs espèrent que l'entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs permettra d'encadrer et de limiter ces situations , grâce aux raccourcissements des délais de jugements et le suivi par un même juge de toutes les affaires concernant un même mineur pour une meilleure cohérence des peines.

Recommandation n° 14 : mieux prendre en compte les conséquences de la libération du mineur délinquant sur son insertion, du fait de la rupture des activités d'insertion (éloignement géographique empêchant la poursuite du stage, opportunité du passage d'un examen ou diplôme) ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 21 SEPTEMBRE 2022

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M. Laurent Lafon , président de la commission de la culture . - Nos deux commissions, qui ont déjà eu l'occasion de travailler en bonne intelligence sur les incidents intervenus au Stade de France en mai dernier, se retrouvent aujourd'hui pour examiner les conclusions de nos quatre rapporteurs sur une mission conjointe de contrôle consacrée à la délinquance des mineurs. Je remercie Céline Boulay-Espéronnier qui nous a proposé il y a quelques mois de réactualiser le rapport de nos anciens collègues Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , rapporteure . - Vingt ans après le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, intitulé Délinquance des mineurs : la République en quête de respect , j'ai proposé à mes collègues d'en faire le bilan. Le sujet étant commun à nos deux commissions, nous avons joint nos efforts avec trois de mes collègues rapporteurs pour vous présenter le rapport d'aujourd'hui. Nous avons considéré que la question de la politique menée en matière de délinquance des mineurs se posait d'abord sous l'angle de la prévention, dont la lutte contre le décrochage scolaire est un axe structurant. Au demeurant, la mise en oeuvre, à compter du 1 er octobre 2021, de la réforme du code de justice pénale des mineurs, ne nous permettait pas d'évaluer celle-ci avec suffisamment de recul.

Nous avons donc focalisé nos travaux sur deux enjeux. De quelles connaissances disposons-nous sur la délinquance des mineurs ? Comment la prévention, en particulier en matière d'éducation, puis l'accompagnement vers la réinsertion, peuvent-elles contribuer à lutter contre ce phénomène ?

Après avoir entendu près de 40 personnes et nous être rendus à Bordeaux, Avignon et Nanterre, nous avons constaté que les connaissances sur le sujet continuent à faire défaut, tout comme la coordination des multiples acteurs en ce domaine.

Nous vous proposons donc quatorze recommandations structurées autour de quatre axes : renforcer la connaissance de la délinquance des mineurs ; rendre plus efficiente la lutte contre le décrochage scolaire ; lutter contre la violence scolaire ; et, enfin, mieux préparer la réinsertion du mineur délinquant et éviter la récidive par les apprentissages.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous avons tâché de dresser un tableau exhaustif de la situation, mais il nous a été très difficile de trouver des chiffres fiables. Le ministère de la Justice indique que le nombre de mineurs mis en cause est passé de 100 000 à 200 000 entre 1992 et aujourd'hui, mais le ministère de l'Intérieur ne reconnaît pas ces chiffres... Difficile dans ces conditions d'en faire usage. Nous ne disposons donc d'aucune photographie complète du phénomène. Les dernières statistiques datent de 2016, mais elles ne couvrent pas toutes les infractions et ne distinguent pas entre crimes et délits, ni entre infractions principales et secondaires. Nous n'avons donc qu'une vision partielle qui rend difficile notre exercice d'évaluation de cette politique publique. En outre, ces chiffres ne rendent pas compte de la réalité de la délinquance car le nombre de mis en cause dépend de l'activité des services et de la propension des victimes à porter plainte. Autre manque flagrant, l'absence de prise en compte du rôle des réseaux sociaux qui peuvent faciliter, voire accroître les infractions.

En proportion, la délinquance des mineurs est restée stable entre 2016 et 2019 au regard de l'ensemble de la délinquance, à 20 % de l'ensemble des faits de délinquance. Mais la typologie des infractions a évolué : elles concernent moins les biens et plus les personnes. Dans le cas de violences sexuelles sur mineurs, les mineurs eux-mêmes représentent 46 % des mis en cause alors qu'ils ne sont que 21 % en population générale. S'agissant des infractions à la législation sur les stupéfiants, les 13-17 ans représentaient 20 % des mis en cause en 2021, alors qu'ils ne sont que 6 % de la population. On assiste également à un rajeunissement de la population qui se livre à ces trafics de stupéfiants : les jeunes concernés ont plus souvent treize ans que quinze...

On constate une diminution du nombre de condamnations au profit de mesures alternatives aux poursuites, qui concernent désormais 55 % des affaires - alors que cette proportion n'est que de 40 % pour les majeurs.

Dernier élément préoccupant : le taux de récidive et de réitération dans les cinq ans dépasse les 50 %.

Nous vous proposons donc quatre recommandations : mettre en place un suivi statistique de la délinquance des mineurs sur l'ensemble de la chaîne pénale ; développer des enquêtes sociologiques sur les auteurs des faits ainsi que des suivis de cohortes ; améliorer le repérage des infractions liées au numérique et évaluer le rôle des réseaux sociaux sur les phénomènes de délinquance des mineurs ; enfin, procéder à des études plus fines de la récidive et de la réitération, prenant également en compte les mineurs ayant fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites ou de mesures éducatives, pour avoir une meilleure idée de l'efficacité du suivi judiciaire des mineurs délinquants.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - Un constat est ressorti de nos auditions : le basculement d'un jeune dans la délinquance est multifactoriel, mais l'échec scolaire en constitue souvent un élément important. Lutter contre le décrochage scolaire constitue donc un axe majeur de la prévention de la délinquance des mineurs. Bien évidemment, toutes les mesures visant, en amont, à accompagner les élèves les plus en difficulté dans l'apprentissage des fondamentaux participent à cette prévention du décrochage scolaire. Mais nous avons choisi de concentrer nos travaux sur les actions mises en place pour les élèves décrocheurs, c'est-à-dire pour ceux dont la rupture est en train de se faire ou a déjà eu lieu.

Tout d'abord, on peut constater ces dernières années une forte mobilisation de l'Éducation nationale et des acteurs de l'insertion professionnelle. Un système interministériel de suivi d'échanges et d'informations des décrocheurs scolaires a été créé en 2011. Limitée pendant longtemps à deux campagnes par an, une transmission mensuelle de la liste des décrocheurs scolaires est prévue depuis février 2022 ; mais cet outil reste largement perfectible. Des outils en faveur de la persévérance scolaire ont également été développés, en lien avec les acteurs territoriaux de l'insertion et de la formation professionnelles. Enfin, la loi pour une école de la confiance a instauré une obligation de formation pour les 16-18 ans. Selon les premières estimations, 95 000 jeunes de cette tranche d'âge, sortis de tout système de formation, sont concernés par cette obligation. Malgré ces progrès, force est de constater la nécessité de rendre plus efficiente la lutte contre le décrochage scolaire. Actuellement, quelque 89 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ou au plus le brevet.

Nous constatons un foisonnement d'acteurs dont le rôle de chacun n'est pas forcément connu : structures de retour à l'école (SRE), régions, missions locales, plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD), réseaux Formation Qualification Emploi (Foquale), associations, centres de formation des apprentis, points jeunesse... Il existe désormais également une mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) dans chaque académie, mais il n'est pas toujours évident de savoir qui fait quoi.

Par ailleurs, le partage d'informations reste perfectible. Le système de croisement des informations connaît des dysfonctionnements majeurs. L'objectif d'une transmission en temps réel fixé pour 2023 semble difficilement atteignable. Des problèmes d'interopérabilité demeurent entre l'Éducation nationale et les missions locales, chargées du respect de l'obligation de formation des 16-18 ans. Le système ne permet pas de couvrir l'ensemble des situations : les données liées au suivi des apprentis en décrochage restent ainsi à consolider.

Nous avons également constaté un manque de porosité dans la prise en charge des jeunes décrocheurs, voire une approche en silo. À de nombreuses reprises, nos interlocuteurs ont regretté une perception trop binaire par l'Éducation nationale : soit l'élève est scolarisé et relève de la compétence de l'éducation nationale, soit il ne l'est pas et il relève alors des missions locales. Or la situation est plus complexe.

La notion même de décrocheur scolaire, au sens de l'éducation nationale, interroge : le « décrocheur » doit avoir indiqué « démissionner de sa formation par une lettre signée de ses représentants légaux ». Mais dans de nombreux cas, le jeune ne vient plus en cours, sans aucune démarche formelle. Il est donc toujours considéré sous statut scolaire, empêchant une contractualisation avec la mission locale. D'où notre recommandation visant à assurer l'interopérabilité des systèmes d'information de suivi des jeunes décrocheurs, afin de permettre une prise en charge au fil de l'eau et un suivi entre les différents intervenants plus performants.

Enfin, il nous paraît essentiel de mieux prendre en charge le décrochage scolaire avant seize ans. Malgré l'obligation de scolarité jusqu'à cet âge, un certain nombre de jeunes arrête l'école bien avant. Selon les chiffres de l'Insee, 2 % des jeunes de quinze ans sont inactifs. Cela représente près de 15 500 jeunes !

Paradoxalement, l'obligation scolaire rend plus difficile la prise en charge des jeunes de moins de seize ans en rupture avec l'école. Les missions locales ne peuvent pas les accueillir avant cet âge. Quant aux parcours aménagés de formation initiale (Pafi), ils ne sont pas ouverts aux jeunes de moins de quinze ans. Nous recommandons de lever ce blocage.

Il existe des initiatives réussies qui permettent de trouver des moyens alternatifs de remobilisation et d'apprentissage. L'apprentissage par le « faire » permet d'aborder autrement des notions fondamentales et de redonner le goût d'apprendre. L'évaluation de ces dispositifs doit se faire à moyen terme. Il faut leur laisser le temps de faire leurs preuves, face à un public très difficile et en rupture scolaire depuis longtemps.

Enfin, la prévention de la délinquance passe par le déploiement d'actions complémentaires au milieu scolaire. Une prise en compte de tous les temps de l'enfant est nécessaire. Cette action sera d'autant plus efficace qu'elle s'appuiera sur un travail partenarial avec tous les acteurs de terrain. Nous avons eu un exemple intéressant de cette collaboration avec l'école des Quinze, une école de rugby de la deuxième chance qui travaille en partenariat avec les établissements scolaires qui présélectionnent des enfants en fragilité scolaire. Ces derniers sont alors accompagnés par l'association douze heures par semaine, associant temps scolaire, social et sportif. Les élèves concernés sont regroupés dans une même classe pour disposer d'un emploi du temps permettant une prise en charge en fin d'après-midi par l'association. Les responsables de l'association participent aux conseils de classe.

Depuis le 1 er janvier 2022, les services de la jeunesse et des sports sont rattachés aux services académiques. Un regard commun sur les temps de l'enfant doit désormais émerger. Nous avons eu aussi l'occasion de rencontrer les acteurs de la cité éducative du Grand Parc à Bordeaux, qui répond à cet objectif de prise en compte globale des temps de l'enfant. L'une des clés du succès d'une cité éducative est la coconstruction avec les acteurs du territoire. Pour cela, des moyens et du temps pour se connaître et élaborer ensemble un projet sont nécessaires.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , rapporteure . - J'en viens maintenant à la violence au sein des établissements scolaires. Dès 2001, le rapport du Sénat faisait apparaître que l'école n'était plus un sanctuaire.

Cette violence est en légère augmentation dans les établissements du secondaire sur les six premiers mois de l'année, par rapport aux deux années précédentes. En 2020-2021, au moins un incident grave a été déclaré dans les deux tiers des établissements du second degré. La violence scolaire se manifeste principalement par des atteintes aux personnes, qui représentent huit incidents sur dix.

L'école primaire, bien que moins sujette à la violence, n'est aujourd'hui plus épargnée. Surtout, la moitié des violences contre les enseignants sont désormais commises par des élèves. Cette violence au primaire se ressent également dans les enquêtes de victimation. Pour la première fois, une telle enquête a été menée auprès d'élèves de CM1-CM2 en 2020-2021 : quatre élèves sur dix signalent avoir été victimes de violences verbales, d'ostracisme ou de vol et 23 % ont déjà eu peur de venir à l'école à cause de la violence.

Certes, tous ces faits ne relèvent pas d'une infraction pénale. Mais ils convergent vers un sentiment général partagé dans plusieurs auditions : un rajeunissement de l'âge des délinquants.

Se pose alors la question de la prise en charge des élèves violents. Chaque année, entre 70 000 et 81 000 élèves du second degré sont exclus temporairement ou définitivement de leur établissement.

L'exclusion d'un élève de son établissement scolaire peut constituer un facteur supplémentaire de décrochage. Il ne s'agit nullement de remettre en cause cette sanction, qui s'inscrit dans une échelle graduée et constitue la réponse appropriée à certaines situations. Toutefois, l'élève exclu doit être pris en charge, d'une part pour que la sanction soit comprise, et d'autre part afin qu'elle ne participe pas à sa rupture avec sa scolarité.

Certaines collectivités territoriales, en lien avec les établissements scolaires et les associations locales, ont mis en place un programme de prise en charge de l'élève, lors de sa période d'exclusion temporaire. La réussite de ces partenariats repose sur une triple condition : une prise en charge rapide du jeune, des partenaires efficaces et la collaboration des parents. Le principe de ces dispositifs doit être généralisé pour permettre un accompagnement systématique du jeune exclu temporairement.

Je tiens à rappeler l'existence de la mesure de responsabilisation, au sein de l'Éducation nationale, qui peut, dans certains cas, représenter une alternative intéressante à l'exclusion. L'élève doit participer, en dehors des heures d'enseignement, à des activités ou à l'exécution de tâches à des fins éducatives. Par exemple, l'élève accompagne pendant plusieurs heures les agents de service dans leur travail d'entretien et de réparation - dans le cas d'une dégradation de biens -, ou encore est accueilli par le SDIS (service départemental d'incendie et de secours) s'il a déclenché sans raison un signal d'alarme. Il s'agit bien d'une sanction de l'éducation nationale, distincte de tout contexte judiciaire et notamment des travaux d'intérêt général. Elle peut permettre de faire comprendre à l'élève les conséquences de ses actes.

Deuxième défi pour l'éducation nationale : faire face à la problématique des poly-exclus. En cas d'exclusion définitive, la continuité pédagogique doit être assurée. La réaffectation de l'élève doit être la plus rapide possible, tout en s'assurant d'une perspective de nouveau départ pour l'élève : accessibilité de l'établissement, mais aussi absence de jeunes issus de bandes rivales, notamment en Île-de-France.

Il existe des dispositifs relais au sein de l'éducation nationale, qui se déclinent sous trois formes : les classes relais, les ateliers relais et les internats tremplins. Nous avons entendu des propos mitigés sur ces dispositifs, notamment les classes et les ateliers relais qui accueillent des décrocheurs scolaires. Ceux-ci ont en effet été qualifiés de « parenthèse enchantée » pour le jeune décrocheur : des classes à très petits effectifs, une pédagogie bienveillante, des enseignants spécialisés. Mais l'accueil de quelques semaines dans ces structures est insuffisant et même illusoire pour permettre de combler les lacunes d'un élève en grande difficulté scolaire. Son retour en classe « classique » est alors brutal. D'ailleurs, il n'est pas rare qu'un même élève fasse plusieurs séjours dans un dispositif relais au cours de l'année scolaire - preuve de son manque d'efficacité pour raccrocher le jeune à une scolarité classique.

Mais pour les élèves hautement perturbateurs ou poly-exclus, les internats tremplins - le troisième type de dispositifs relais - peuvent constituer une piste intéressante : l'accueil y est souvent plus long qu'en dispositif relais classique. Par ailleurs, ils permettent d'éloigner le jeune de son environnement habituel de scolarisation et de vie. Enfin, l'internat tremplin bénéficie d'un encadrement renforcé grâce à la présence d'un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Celui-ci permet d'avoir une approche différente de celle de l'éducation nationale.

La circulaire de 2019 relative au plan de lutte contre les violences scolaires fixait l'objectif de disposer d'au moins un internat tremplin par académie à l'horizon 2022. Cet objectif n'est pas atteint. Au contraire, leur nombre a été réduit de neuf à huit.

Nous proposons donc de prévoir, dans chaque académie, au moins un internat tremplin ou des places dédiées dans des internats classiques, pour une prise en charge des élèves poly-exclus. Cela implique également une augmentation du nombre d'éducateurs de la PJJ intervenant sur ces dispositifs. Je rappelle d'ailleurs que la circulaire de 2019 sur la prévention et la prise en charge de la violence scolaire fait de la PJJ un partenaire de premier plan de l'éducation nationale. Sur le terrain, l'effectivité de ces partenariats varie fortement. De manière générale, ils semblent perfectibles pour de nombreuses personnes auditionnées.

Nous recommandons donc d'instaurer une prise en charge systématique de tout élève exclu temporairement de son établissement scolaire, dans le cadre d'un partenariat associant l'établissement, les collectivités territoriales et les associations du territoire.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Le temps du placement judiciaire doit être un temps d'apprentissage. Les témoignages convergent sur le fait qu'une proportion très importante de jeunes suivis par la PJJ sont déscolarisés ou en échec scolaire. Les acteurs de terrain ont exprimé la nécessité de profiter d'un passage en centre éducatif fermé (CEF) ou en détention « pour remettre le pied à l'étrier » par la formation et l'insertion professionnelles.

L'État a, envers le mineur détenu, les mêmes devoirs qu'envers les autres élèves : il est tenu de lui proposer jusqu'à ses dix-huit ans une formation.

En milieu carcéral pour mineurs, les apprentissages se font par groupe de quatre à sept mineurs. Ils sont pris en charge, selon les activités, par un enseignant de l'éducation nationale ou un éducateur de la PJJ. Ces groupes devraient en théorie prendre en compte le profil des élèves, leur parcours scolaire, la durée prévisible de détention. Dans les faits, c'est surtout la capacité des jeunes d'un même groupe à vivre ensemble qui prime.

Nous avons rencontré, notamment en prison, des équipes d'enseignants et d'éducateurs extrêmement mobilisées, dont le travail doit être salué. Certaines portent des projets particulièrement innovants, qui se heurtent parfois à des logiques institutionnelles en décalage avec les besoins.

Un certain nombre de freins aux apprentissages doivent être levés. Les textes fixent un objectif de 12 heures de cours pour les jeunes en quartier pour mineurs et 20 heures pour les jeunes en établissement pour mineurs : or rien ne justifie une telle différence. Surtout, l'organisation des enseignements reste trop souvent calée sur le calendrier de l'éducation nationale, avec une suspension des cours pendant les vacances scolaires. À la maison d'arrêt de Nanterre, la durée médiane de détention est d'environ cinq mois : si la détention du jeune inclut la période estivale, c'est 40 % de son temps d'enseignement potentiel qui se retrouve amputé. Une adaptation du service public de l'enseignement scolaire doit être trouvée pour tenir compte de la situation de ces élèves.

En outre, tout personnel de l'Éducation nationale intervenant en détention doit a minima suivre une formation d'adaptation à l'emploi, avant sa prise de fonction. Celle-ci comporte une découverte et une acculturation au milieu pénitentiaire. Il ne peut être fait l'économie de cette formation obligatoire pour tout enseignant, y compris vacataire, tant l'organisation des enseignements et le profil des élèves sont spécifiques en milieu carcéral.

Enfin, la sortie de détention est un moment sensible : une sortie sèche peut faciliter la récidive. Il n'est pas rare que le domicile du jeune soit éloigné de son lieu de placement. Les actions de préparation de sortie et de réinsertion, en lien avec les acteurs du territoire se trouvent ainsi mises à mal ; de même, pour le passage des examens ou diplômes. Dès lors, il est regrettable que cette dimension soit parfois oubliée. Si la période d'emprisonnement doit être la plus courte possible, l'intérêt du mineur peut nécessiter d'aménager sa sortie de détention pour lui permettre de passer les épreuves d'un examen ou de préparer au mieux sa sortie.

La prise en charge des mineurs délinquants incombe à titre principal à la PJJ. Les presque 30 000 mesures éducatives décidées en matière pénale par les juges et mises en oeuvre chaque année par la PJJ sont le coeur de son activité et la première forme de prise en charge de la délinquance. S'il est trop tôt pour évaluer l'impact de l'importante rationalisation des mesures à laquelle a procédé le code de la justice pénale des mineurs, nous avons pu constater la permanence des difficultés anciennes et peut-être structurelles qui entravent l'action de la PJJ.

La première difficulté réside dans le manque d'éducateurs spécialisés et parfois de moyens dédiés que connaissent certains territoires, comme l'Île-de-France - particulièrement la Seine-Saint-Denis - et les outre-mer. Ils conduisent à des délais de mise en oeuvre des mesures, parfois de plusieurs mois, surtout quand il s'agit de stages, qui peuvent donner le sentiment d'une réponse pénale insuffisante et conduire à une dégradation de la situation des mineurs.

Comme l'ont noté déjà les rapports du Sénat, la focalisation sur les CEF est excessive. Comme pour les adultes, ce n'est pas en multipliant les places de prison que l'on résout la question de la délinquance. Ces centres peuvent incontestablement être efficaces pour permettre une prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire, mais ils nécessitent une conjonction de facteurs de réussite - équipe, équipement, articulation avec le milieu ouvert - qui s'avère difficile à réunir.

Une attention plus grande doit être portée aux autres solutions proposées par la PJJ, plus limitées, mais parfois plus efficaces et territorialisées. La mise en place d'une méthodologie d'évaluation des résultats nous semble indispensable. Il ne s'agit pas du tout de standardiser des procédures, car nous savons que la difficulté de prise en charge de jeunes au parcours déjà complexe impose de faire de la « dentelle » pour connaître véritablement l'impact sur la récidive et l'insertion. Cette évaluation, dont les critères devront être définis avec les acteurs concernés, pourrait conduire à la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux CEF vers les nombreux dispositifs existants plus pertinents.

Enfin, malgré la qualité de son action, la PJJ souffre encore parfois de l'absence de prise en compte des solutions qu'elle propose par les magistrats et l'Éducation nationale - nous avons pu le constater lors de notre déplacement à Avignon. Il convient donc d'améliorer l'information et de mettre en place des labellisations communes PJJ-Éducation nationale pour faciliter et pérenniser le travail de la PJJ. Il faut une approche interdisciplinaire globale pour mettre tout le monde autour de la table. Nous retrouvons là le coeur de nos constats, il vaut mieux coordonner les acteurs au niveau territorial et mieux évaluer les dispositifs mis en place pour mieux prendre en charge les mineurs délinquants.

D'où six recommandations : mettre en place un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives dont les CEF ; réorienter les moyens destinés à la création de nouveaux CEF vers le financement de la mise en oeuvre des mesures existantes ; attribuer une labellisation par l'Éducation nationale pour une durée minimale de deux ans à toutes les structures éducatives mises en place par la PJJ dans le cadre d'un dialogue avec le rectorat ; renforcer les partenariats entre la PJJ et l'Éducation nationale ; aligner le nombre d'heures d'enseignement des détenus en quartier pour mineurs sur celui des établissements pour mineurs et assurer une continuité des enseignements y compris pendant les vacances scolaires ; mieux prendre en compte les conséquences de la libération du mineur délinquant sur son insertion, du fait de la rupture des activités d'insertion.

M. Lucien Stanzione . - Je tiens à féliciter les rapporteurs pour cet excellent travail. Notre groupe est très favorable à la labellisation par l'Éducation nationale pour une durée de deux ans au moins, dans un souci de pérennisation.

Les partenariats entre la PJJ et l'Éducation nationale doivent également être renforcés. Dans le Vaucluse, un projet d'école numérique des apprentissages a vu le jour à l'initiative de la PJJ. Les rapporteurs ont d'ailleurs rencontré les acteurs concernés sur place. Mais quelques semaines après votre visite, la directrice académique a décidé de retirer deux postes budgétaires affectés à ce projet, qui ne peut désormais plus fonctionner... On le voit, la coopération sur le terrain est compliquée et il n'y a aucune concertation.

Le nombre d'heures d'enseignement en établissement pénitentiaire doit être aligné sur celui des établissements scolaires. Une meilleure collaboration entre les deux ministères est indispensable, y compris sur le volet de la réinsertion du jeune.

La solution de l'enfermement ne peut être l'unique solution. Le jeune a besoin d'un projet d'insertion construit par et pour lui et évalué en continu. Ce projet doit être établi sur la base d'une autoévaluation comme cela se fait à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et dans les établissements de la Sauvegarde de l'enfance.

Les mesures éducatives doivent être évaluées et nous devons privilégier le renforcement financier des structures existantes.

Le groupe socialiste et républicain soutient les propositions formulées par les rapporteurs.

Mme Brigitte Lherbier . - Merci pour cette excellente étude.

L'amélioration de l'articulation entre l'Éducation nationale et la PJJ est nécessaire.

N'oublions pas les enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui sont victimes de leur situation : leur suivi scolaire doit être renforcé. Or, ils sont souvent déplacés d'école en école, de famille en famille. L'Éducation nationale ne devrait-elle pas porter un regard particulier sur ces enfants ? Certes, dans certains départements, des chartes existent, mais cela n'est ni systématique et ni très contraignant pour les acteurs.

Mme Nathalie Delattre . - Je salue l'excellent travail de nos quatre rapporteurs sur un sujet majeur. Je tiens également à rappeler l'immense travail réalisé à la commission des lois par notre ancienne collègue Josiane Coste, membre du groupe RDSE.

Certes, nous avons besoin d'un suivi qualitatif, mais aussi statistique. Alors que les syndicats remettent en cause l'efficacité des CEF, dénonçant un taux de récidive de 70 %, nous avons besoin de statistiques fiables pour mesurer la pertinence de ces outils.

J'attire votre attention sur le recrutement dans les CEF. Les jeunes ont besoin d'y être encadrés, or on constate une crise des vocations et un fort turnover. Ces personnels doivent devenir des référents pour les jeunes.

Dans le cadre de la mission de contrôle de la commission des lois sur les mesures liées à l'épidémie de Covid-19, nous avions fait des recommandations sur l'école en prison. À Fresnes et Draguignan, les cours ont été suspendus pendant la crise. Bien souvent, les équipes sont très motivées, mais parfois les professeurs ne sont pas là. Comment motiver ces personnels afin qu'ils assurent une continuité pédagogique ? Les jeunes en prison à Draguignan ne sont pas plus de quinze, il suffirait que l'Éducation nationale acquière quinze ordinateurs...

Enfin, n'oublions pas que l'enseignement agricole fait partie intégrante de l'Éducation nationale et sait travailler avec les publics en difficulté. La PJJ et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) devraient travailler plus étroitement avec l'enseignement agricole qui a un véritable savoir-faire et permet d'éloigner certains jeunes de leur milieu d'origine lorsque cela est préférable.

Le groupe RDSE s'associe aux recommandations de ce rapport.

Mme Marie Mercier . - Je vous félicite pour ce travail et la qualité des auditions.

Nous avons entendu le recteur de l'académie de Créteil qui nous a parlé des « cassés du collège » et rappelé qu'avant le décrochage, il fallait réfléchir d'abord à l'accrochage de ces enfants.

Nous avons également entendu Alain Bauer, qui fut percutant. Certes, il y a différents âges de minorité et de responsabilité, mais n'oublions pas que, bien souvent, ces enfants n'ont aucune référence parentale. Ils sont en situation d'exclusion sociale et familiale. Nous ne ferons pas l'économie d'un travail de fond sur l'aide à la parentalité, sans tomber dans l'angélisme.

Mme Dominique Vérien . - Je partage ce que viennent de dire Marie Mercier, sur la nécessité d'un accompagnement dès le plus jeune âge, et Brigitte Lherbier, sur l'association à ce travail des conseils départementaux, car la protection de l'enfance et de la jeunesse compte parmi leurs compétences.

Un mot en particulier sur l'un des volets de ce travail, celui des violences sexuelles : des mineurs sont victimes de telles violences, d'autres sont auteurs, certains sont à la fois auteurs et victimes. Si l'on veut éviter ce type de spirale, des thérapeutes doivent pouvoir prendre en charge les mineurs.

Dans mon département, qui est particulièrement touché par ce fléau, la PJJ a réussi à obtenir un thérapeute, mais chaque année il faut revenir à la charge : les financements ne sont pas pérennes. Or un suivi au long cours est important. Une politique publique de long terme serait donc absolument nécessaire en la matière : arrêtons avec ces financements sur un an, sans visibilité.

Mme Catherine Di Folco . - Je remercie nos collègues rapporteurs pour leur travail très intéressant et leurs propositions pragmatiques.

Je me contenterai d'une remarque : il me plaît vraiment de vous entendre appeler un chat un chat. Je m'explique : vous parlez de « mineurs délinquants », et non, comme j'ai pu l'entendre dans la bouche du Défenseur des droits de l'enfant, de « jeunes en conflit avec la loi ». Cette dernière expression dévoie les faits : un mineur, comme un adulte, d'ailleurs, ne saurait être en « conflit » ou en désaccord avec la loi car la loi ne lui a rien fait ; il doit tout simplement l'appliquer. À détourner les mots, on minore les faits et les responsabilités.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Brigitte Lherbier a raison : 55 % des mineurs délinquants seraient suivis par la protection de l'enfance, d'après les chiffres que nous a communiqué l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.

Je retiens en particulier de vos réflexions, mes chers collègues, l'importance du département. Cette importance ne nous avait pas échappé - nos auditions comme nos visites de terrain l'avaient fait apparaître -, mais nous aurions pu développer davantage cette question. Si le spectre de notre mission était large, en effet, nous avons choisi d'aborder le sujet au travers d'un prisme bien précis, celui de l'articulation entre délinquance des mineurs et décrochage scolaire. C'est ce qui explique, par exemple, que certains éléments relatifs à l'ASE ou à la structuration départementale des politiques publiques ne figurent pas dans le rapport.

M. Bernard Fialaire , rapporteur . - L'urgence absolue est de décloisonner - nous aurions d'ailleurs très bien pu associer la commission des affaires sociales à nos travaux : l'enfant ne passe qu'une partie de son temps dans les mains de l'Éducation nationale. Il faut donc une véritable coopération entre cette dernière et les éducateurs et les associations sportives, qui relèvent plutôt des communes, les familles, les départements, la protection maternelle et infantile (PMI). Le décrochage scolaire peut commencer dès la maternelle !

Il est impératif de revoir l'articulation entre l'Éducation nationale et l'ensemble de ses « partenaires », comme l'avait d'ailleurs dit le Président de la République au moment de la campagne présidentielle. Faute d'une véritable coordination, empiler des dispositifs pleins de bonnes intentions se révélera inutile.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Dans le rapport du groupe de travail thématique « Justice de protection » des États généraux de la justice, on retrouve aussi cette demande d'un écosystème à la fois transversal et territorialisé.

M. Laurent Lafon , président de la commission de la culture . - C'est le principe même des « cités éducatives » que vous mentionnez dans le rapport.

Mme Brigitte Lherbier . - Une toute petite remarque : je suis très déçue qu'il n'y ait plus de ministre de la protection de l'enfance...

M. Hussein Bourgi . - Je voudrais verser un témoignage à ce dossier déjà excellemment traité par nos rapporteurs, celui d'un sénateur qui est aussi élu régional et siège à ce titre au conseil d'administration de lycées de l'Hérault. Au lendemain du tragique assassinat de Samuel Paty, le ministre de l'éducation nationale de l'époque, Jean-Michel Blanquer, avait théorisé ce qu'il appelait le « carré régalien », invitant la communauté éducative à ouvrir ses portes aux autres acteurs institutionnels.

J'ai pu constater avec quel volontarisme les chefs d'établissement ont sollicité la gendarmerie, la police nationale, la PJJ. En amont de la délinquance et de la commission de l'infraction, tout un travail d'éducation et de prévention peut et doit en effet être accompli.

Or, très vite, les principaux des collèges et les proviseurs des lycées se sont heurtés à l'absence de moyens humains mobilisables, aussi bien dans la gendarmerie que dans la police - je ne parle même pas de la PJJ... -, pour sensibiliser, former, informer.

Un représentant des forces de l'ordre a fini par me faire une réponse très « cash » : la priorité de la police n'est pas d'organiser des matchs de football avec des jeunes, m'a-t-il dit, mais de faire en sorte qu'il y ait du « bleu » dans la rue, comme le disait un ancien ministre de l'intérieur... Le jour où mon ministre me dira d'aller dans les collèges et dans les lycées, a-t-il ajouté, je prendrai un peu de bleu dans la rue pour le mettre dans les classes ! En attendant que ce jour arrive, voilà la réalité à laquelle sont confrontés tant les policiers et les gendarmes que les chefs d'établissement dans notre pays...

M. François-Noël Buffet , président de la commission des lois . - Je précise à toutes fins utiles que Mme Charlotte Caubel est secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance.

Mme Brigitte Lherbier . - Certes, mais nous la voyons moins que M. Taquet, son prédécesseur...

M. Jean-Pierre Sueur . - Il serait bon que nous l'auditionnions...

Les recommandations sont adoptées.

La commission de la culture et la commission des lois adoptent à l'unanimité le rapport d'information et en autorisent la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

Colonel Alexandre Malo , sous-directeur de la police judiciaire

Capitaine Magali Haudegond , section prévention partenariat, sous-direction de l'emploi des forces

Direction générale de la police nationale (DGPN)

M. Aymeric Saudubray , contrôleur général de la police nationale, sous-directeur des missions à la direction centrale de la sécurité publique

Mme Marie L'Hostis , commissaire divisionnaire, cheffe de la division des affaires judiciaires

Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI)

Mme Christine Gonzalez-Demichel , inspectrice générale de l'Insee, cheffe du service

M. Olivier Filatriau , adjoint en charge des études statistiques

Mme Valérie Carrasco , responsable des travaux relatifs aux personnes

Mme Amandine Sourd , chargée de travaux sur la traite des êtres humains

Centre de Loisirs et de la Jeunesse de la police urbaine de Strasbourg

Mme le Brigadier Jessica Fatalot , directrice

M. Laurent Maix , ancien directeur du CLJ de Strasbourg

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

M. Franck Chaulet , directeur adjoint

Mme Anne Coquet , sous-directrice des missions de protection judiciaire et d'éducation

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mme Cécile Gressier , sous-directrice de la justice pénale générale

Direction inter-régionale Île-de-France et Outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse

M. Hervé Duplenne , directeur inter-régional

Représentants des syndicats d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse

CFDT : M. Éric Achard , secrétaire fédéral, et M. Yohann Tourgis

UNS-CGT-PJJ : M. Pierre Lecorcher , co-secrétaire général CGT PJJ, et Mme Mélanie Faucher , trésorière et coordinatrice CGT PJJ

SNPES PJJ/FSU : Mme Jacqueline Francisco , éducatrice à l'UEMO Bastille, co-secrétaire nationale, Mme Sonia Ollivier , éducatrice à l'UEMO Paris Chemin-Vert, co-secrétaire nationale, et Mme Marielle Hauchecorne , éducatrice à l'UEMO de Poitiers, secrétaire régionale du SNPES-PJJ/FSU Sud-Ouest

MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

Rectorat

M. Daniel Auverlot , recteur de l'Académie de Créteil

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval , cheffe du service de l'instruction publique et de l'action pédagogique

CONFÉRENCE NATIONALE DES PROCUREURS DE LA RÉPUBLIQUE

Mme Florence Galtier , procureure de la République près le tribunal judiciaire d'Avignon

M. Rodolphe Jarry , procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dax

REPRÉSENTANTS DE LA PROFESSION D'AVOCAT

Conseil national des barreaux

M. Arnaud de Saint Rémy , président du groupe de travail sur le droit des enfants et membre de la commission Libertés & Droits de l'homme du Conseil national des barreaux

Barreau de Paris

Maître Émilie Chandler et Maître Élodie Lefebvre , avocates, antenne des mineurs

Association française des avocats de la famille et du patrimoine (AFAFP)

Maître Gilles Aubert , avocat, membre du conseil d'administration, et Maître Abdelrahim Abboub , avocat

ASSOCIATION FRANÇAISE DES MAGISTRATS DE LA JEUNESSE ET DE LA FAMILLE (AFMJF)

Mme Gisèle Delcambre , vice-présidente, tribunal pour enfants de Lille

PERSONNALITÉS QUALIFIÉES

M. Sebastian Roché , directeur de recherche au CNRS

M. Alain Bauer , professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers

Mme Catherine Blatier , professeur de psychologie à l'université Grenoble-Alpes

M. Nicolas Sallée , professeur agrégé au département de sociologie de l'université de Montréal

Mme Agnès Canayer, sénateur de la Seine-Maritime, présidente de la mission locale Le Havre Estuaire et Littoral, et de l'association régionale de missions locales

RÉGIONS DE FRANCE

M. Jean-Patrick Gille , conseiller de la région Centre-Val de Loire, 6 e vice-président délégué à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'insertion

UNION NATIONALE DES MISSIONS LOCALES (UNML)

M. Ahmed El-Khadiri , délégué général adjoint, et M. Olivier Gaillet , chargé de mission « métier et partenariat »

ÉCOLE DES XV

M. Frédéric Paquet , secrétaire général

LISTE DES DÉPLACEMENTS

MERCREDI 11 MAI 2022

Bordeaux

Ø Table ronde sur la lutte contre le décrochage scolaire au Rectorat de Bordeaux

Mme Anne Bisagni-Faure , rectrice de l'Académie de Bordeaux et rectrice de la région académique Nouvelle-Aquitaine

M. Matthieu Filoni , chef de cabinet de la rectrice

Mme Sandra Castay , conseillère de la rectrice, adjointe au délégué de région académique à l'information, l'orientation et le décrochage scolaire

Mme Émilie Dupont , coordinatrice académique mission de lutte contre le décrochage scolaire

M. Sébastien Fouchard , délégué de région académique à l'information, l'orientation et le décrochage scolaire

M. Christophe Grosjean , directeur de l'orientation du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine

M. David Magnaval , inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'information et de l'orientation de l'Inspection académique des Pyrénées-Atlantiques

M. Ahmed Messaoudi , principal du collège Chambéry de Villenave d'Ornon

M. Thierry Malewicz, proviseur du lycée général et technologique Elisée Reclus et du lycée professionnel Paul Broca à Sainte-Foy-la Grande

Mme Élisabeth Audrain-Grancien , directrice du centre d'information et d'orientation Bayonne/Saint-Jean-de-Luz

Mme Ludmila Martin , coordinatrice départementale mission lutte contre le décrochage scolaire dans le Lot-et-Garonne (micro lycée de Lomet à Agen)

Ø La réussite scolaire : le projet des cités éducatives - Exemple de la cité éducative Grand Parc de Bordeaux

Échanges au collège du Grand Parc avec les responsables du projet (associant l'éducation nationale, la ville de Bordeaux et la préfecture) :

Préfecture de la Gironde

Mme Marine Azéma , déléguée de madame la préfète

Mme Fabienne Barbon , cheffe de bureau politique de la ville

Direction des services départementaux de l'Éducation nationale de la Gironde

M. Frédéric Fabre , directeur académique adjoint

Collège du Grand Parc de Bordeaux

Mme Murielle Marius-Bertille , principale, cheffe de file de la cité éducative de Bordeaux

Mme Emmanuelle Colangeli , principale adjointe, cheffe de projet de la cité éducative de Bordeaux

M. Pavel Kabacoff , gestionnaire

Table ronde sur la cité éducative, en présence d'associations participant à ce projet

M. Abdelaziz Boubeker , directeur du centre d'animation Grand Parc

M. Nicolas Besselerre, directeur du centre d'animation Bacalan

Mme Anaïs Claverie , responsable de l'association Unisphères

M. Florian Machayekhi , fondateur directeur de l'association Ikigai

Ø Prévention de la délinquance juvénile à la caserne judaïque

Rencontre avec la Colonelle Olivia Poupot , commandante du groupement de gendarmerie départementale (GED) de la Gironde

MARDI 14 JUIN 2022

Avignon

Ø Visite du tribunal judiciaire d'Avignon

Échanges avec :

- M. Ghani Bouguerra , président

- Mme Florence Galtier , procureure de la République

- Mme Christel Benedetti , substitut du procureur

- Mme Anne Kiriakides , vice-présidente et magistrat coordonnateur du tribunal pour enfants

- Mme Sylvie Ferrier , vice-présidente du tribunal pour enfants

- Mme Sandrine Roure , vice-présidente du tribunal pour enfants

- Mme Virginie Cramesnil de Laleu , vice-présidente du tribunal pour enfants

- Mme Marie-Aude Cadieu , assistante spécialisée pour la prévention des actes de terrorisme

- M. Dorian Maurant , juriste assistant violences intrafamiliales

Ø Rencontre avec Maître Jean-Maxime Courbet , bâtonnier, Maître Anne-Sèverine Gaudet et Maître Anne-Lise Chastel-Finks , présidente et vice-présidente, de l'association « SOS avocats de l'enfant »

Ø Rencontre avec l'équipe du restaurant d'insertion « Graines de piment », ouvert en mai 2022, en compagnie de M. Ghani Bouguerra , président du tribunal judiciaire d'Avignon, de Mme Florence Galtier , procureure de la République, et de M. Benoit Belvalette , directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

Ø Visite de l'Espace numérique des apprentissages, inauguré en 2021. Échanges avec Mme Fouziya Limoan, directrice de l'association « Par l'image et le son », M. Dominique Ranc , professeur technique PJJ, M. Bérenger Fréhaut , éducateur PJJ, et Mme Salima Ouannaï , enseignante éducation nationale

Ø Visite du centre éducatif fermé (CEF) de Montfavet

Échanges avec M. Stéphane Coupard , directeur, et Mme Vanessa Brentcheness , enseignante éducation nationale

JEUDI 7 JUILLET 2022

Maison d'arrêt de Nanterre

Visite du quartier des mineurs du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine

Échanges avec :

- Mme Anne Rouville-Drouche , cheffe d'établissement ;

- Mme Sylvie Paré , responsable locale de l'enseignement (éducation nationale) ;

- M. Abdelaziz Boubker , directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse.


* 1 Rapport de la commission d'enquête n° 340 (2001-2002) de MM. Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck, déposé le 27 juin 2002 .

* 2 Elles ne couvrent pas toutes les infractions, ni ne distinguent les crimes des délits ; enfin, il n'est pas possible de les cumuler, faute de pouvoir distinguer les infractions principales et secondaires.

* 3 Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).

* 4 « 2000 - 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022, par Asmae Marhraoui et Tedjani Tarayoun, statisticiens au service statistique ministériel de la justice.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/2000-2020-un-apercu-statistique-du-traitement-penal-des-mineurs-34506.html

* 5 Rapport de commission d'enquête n° 340 (2001-2002) de MM. Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck, déposé le 27 juin 2002 .

* 6 Les unités de compte sont hétérogènes, les concepts ne sont ni stables, ni actualisés, l'utilisation par les services est variable dans le temps, les croisements de données ne sont pas possibles.

* 7 Voir infra , « 2000 - 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022, par Asmae Marhraoui et Tedjani Tarayoun, statisticiens au service statistique ministériel de la justice.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/2000-2020-un-apercu-statistique-du-traitement-penal-des-mineurs-34506.html .

* 8 Source : réponse du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) au questionnaire des rapporteurs.

* 9 « Insécurité et délinquance en 2021 » : bilan statistique, publié le 21 janvier 2022 par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), p. 225.

https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Insecurite-et-delinquance-en-2021-bilan-statistique

* 10 « Insécurité et délinquance en 2020 » : bilan statistique, publié le 29 avril 2021 par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), p. 54.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Publications/
Hors-collection/Insecurite-et-delinquance-en-2020-bilan-statistique

* 11 Cette enquête réalisée auprès d'un échantillon de la population concerne les victimes d'infraction, y compris celles non comptabilisées par les forces de sécurité soit faute de dépôt de plainte, soit faute d'avoir été identifiées, soit en raison d'atteintes non qualifiées pénalement par la loi.

* 12 « Insécurité et délinquance en 2021 », déjà cité, p. 8.

* 13 Voir infra.

* 14 Une cohorte est, d'une manière générale, un ensemble d'individus caractérisés par un même événement (ici une mise en cause par exemple ou une condamnation) qu'une étude suit dans le temps pour en analyser l'évolution.

* 15 Pour l'ensemble du présent rapport, les rapporteurs ont retenu, sauf exception, l'année 2019 comme année de référence la plus récente. En effet, les années 2020 et 2021 ne sont pas représentatives en raison des mesures restrictives de la liberté d'aller et venir décidées par les pouvoirs publics dans le contexte de la crise sanitaire de la covid-19, qui ont mécaniquement réduit le nombre d'infractions commises et relevées sur la voie publique.

* 16 Ces données ne peuvent pas être cumulées car elles comptabilisent les infractions principales et secondaires. Dès lors, un même mineur peut être compté deux fois s'il a commis deux infractions différentes.

* 17 Ces documents sont accessibles à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites

* 18 Réponse de la direction générale de la police nationale (DGPN) au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 19 « Insécurité et délinquance en 2021 » : bilan statistique, publié le 21 janvier 2022 par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), p. 225. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Insecurite-et-delinquance-en-2021-bilan-statistique

* 20 Pour mémoire, les mis en cause de 18 à 29 ans sont les plus surreprésentés, avec 56 % des mis en cause pour seulement 14 % de la population.

* 21 Voir « Infractions à la législation sur les stupéfiants : premier état des lieux statistique », Interstats analyse n° 38, publié le 30 novembre 2021. Ce document est accessible à l'adresse suivante : https://mobile.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Infractions-a-la-legislation-sur-les-stupefiants-premier-etat-des-lieux-statistique-Interstats-Analyse-N-38

* 22 Ibidem .

* 23 Prévue par l'article L. 3421-1 du code de la santé publique.

* 24 « Document de travail n° 2 - Amendes forfaitaires délictuelles pour usage de stupéfiants : premiers éléments d'évaluation », publié le 15 mars 2022. Ce document est consultable à l'adresse suivante : Document de travail n°2 - Amendes forfaitaires délictuelles pour usage de stupéfiants: premiers éléments d'évaluation / Actualités / Interstats - Ministère de l'Intérieur (interieur.gouv.fr)

* 25 Voir supra .

* 26 Directions générales de la police et de la gendarmerie nationales (DGPN et DGGN).

* 27 Source : rapports « Insécurité et délinquance » des années 2017 à 2021, service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

* 28 « 2000 - 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022, par Asmae Marhraoui et Tedjani Tarayoun, statisticiens au service statistique ministériel de la justice.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/2000-2020-un-apercu-statistique-du-traitement-penal-des-mineurs-34506.html

* 29 Hors outre-mer.

* 30 Infostat Justice n° 186 juin 2022.

* 31 Voir supra .

* 32 Série longue transmise par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure.

* 33 Il s'établit à 169 648 affaires en 2019.

* 34 Ces mesures se sont substituées à l'engagement de poursuites à hauteur d'environ six points (les poursuites ne concernent plus que 37 % des affaires en 2019, contre 43,4 % en 2002) et surtout aux classements sans suite à hauteur de près de 15 points sur la même période (ne concernent plus que 7 % des affaires en 2019, contre 22 % en 2002).

* 35 Le nombre total de mineurs poursuivis diffère du nombre total d'affaires mineurs traitées par les parquets, une affaire pouvant concerner plusieurs mineurs.

* 36 L'exhaustivité des statistiques n'est pas assurée jusqu'en 2004, certaines décisions devaient être effacées du casier judiciaire national à la majorité des condamnés, si bien qu'une partie des condamnations n'a jamais été saisie. Les données pour 2019 sont en outre, semi-définitives.

* 37 Voir infra partie sur la protection judiciaire de la jeunesse.

* 38 Le nombre de condamnations de mineurs pour une infraction criminelle est en baisse depuis 2007 (pic à 658 condamnations en 2007 : depuis 2014, le nombre de condamnations de mineurs pour une infraction criminelle est d'environ 450 par an).

* 39 C'est-à-dire récidive et réitération.

* 40 « Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées », Infostat Justice n° 127, avril 2014, par Rémi Josnin. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/une-approche-statistique-de-la-recidive-des-personnes-condamnees-27086.html

* 41 « 2000 - 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022, par Asmae Marhraoui et Tedjani Tarayoun, statisticiens au service statistique ministériel de la justice.

Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/2000-2020-un-apercu-statistique-du-traitement-penal-des-mineurs-34506.html

* 42 « 50 ans d'études quantitatives sur les récidives enregistrées », Florence de Bruyn, Annie Kensey, Collection Travaux & Documents Direction de l'administration pénitentiaire, décembre 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Travaux_et_doc_85_50_ans_recidive.pdf

* 43 Voir deuxième partie.

* 44 Source : Bibard D., Borrelli C., Mucchielli L., Raffin V. (2016), « La délinquance des mineurs à Marseille. 500 jeunes suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse », Les Rapports de Recherche de l'ORDCS, n° 9, MMSH, Université Aix-Marseille.

* 45 Notamment dédoublement des classes de grande section au CE1 en REP et REP +, dispositif « devoirs faits », mise en place de programmes personnalisés de réussite éducative (106 133 bénéficiaires en élémentaire en 2020-2021, soit 2,5 % de l'ensemble des élèves de l'élémentaire et 31 585 collégiens bénéficiaires, soit 0,9 % des collégiens).

* 46 Art. L. 114-1 du code de l'éducation.

* 47 Baccalauréat, capacité en droit, diplôme d'accès aux études secondaires, brevet professionnel, brevet de technicien.

* 48 « Les jeunes, ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? » DARES, février 2020, n° 006.

* 49 Formation obligatoire des 16-18 ans : passer d'un droit formel à un droit réel , Sylvie Charrière et Patrick Roger, rapport au Premier ministre, janvier 2020.

* 50 Deux des jeunes accueillis par l'école numérique des apprentissages ont très fréquemment été absents de l'école depuis le CE2.

* 51 Source : État de l'école 2021, DEPP.

* 52 À titre de comparaison, les stages d'initiation en milieu professionnel sont possibles dès l'âge de 14 ans. L'élève peut y effectuer des activités et, sous surveillance, des travaux légers autorisés aux mineurs par le code du travail.

* 53 Il s'agit principalement, selon le ministère, des élèves hautement perturbateurs ou de tout élève concerné par une deuxième exclusion définitive prononcée au cours d'une même année scolaire (cf. troisième partie).

* 54 Cf. quatrième partie.

* 55 Voir notamment le rapport pour avis n° 168 de Jacques-Bernard Magner sur le projet de loi de finances pour 2022 : Jeunesse et vie associative, 2021-2022.

* 56 Article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 57 À ces chiffres d'accueil sans hébergement, s'ajoutent 1,45 million d'enfants partis en colonies de vacances et un peu plus de 132 000 dans le cadre du scoutisme.

* 58 Rapport n° 340 de MM. Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck, « Délinquance des mineurs : la République en quête de respect » , juin 2002.

* 59 Le climat scolaire ne se limite pas uniquement à la violence scolaire, même si celle-ci en est un élément central. Le partage d'un même projet par tous les adultes de l'établissement y participe également.

* 60 Cette période permet une comparaison pluriannuelle, qui n'est pas biaisée par la fermeture des établissements scolaires de mi-mars à mi-mai en 2020 du fait de la crise sanitaire.

* 61 À titre de comparaison, dans le secondaire, les incidents graves envers les personnels sont commis dans 93 % des cas par un ou plusieurs élèves.

* 62 « Rendre justice aux citoyens », rapport des États généraux de la Justice : « Le positionnement et les missions de l'aide sociale à l'enfance (ASE), tant en amont qu'en aval de l'intervention judiciaire doivent être clarifiés, tout comme la place du juge. Il y a en particulier lieu de mieux penser la transition en aval entre protection judiciaire et protection administrative. Pour faciliter cette transition, la question de la double habilitation ASE-justice des services d'AEMO et de placement est incontournable. »

* 63 Le nombre de jeunes suivis au pénal et au civil, 2 091 en 2018 soit 2,4 % des mineurs suivis au pénal par la PJJ, s'avère difficilement exploitable et ne reflète que la part des mineurs faisant l'objet simultanément de mesures des deux types.

* 64 Loi n° 2002-2.

* 65 Rapport d'information n° 726, « une adolescence entre les murs : l'enfermement dans les limites de l'éducatif, du thérapeutique et du répressif », 2017-2018.

* 66 Circulaire n° 2015-121 du 3-7-2015.

* 67 Rapport d'information n° 726, « Une adolescence entre les murs : l'enfermement dans les limites de l'éducatif, du thérapeutique et du répressif », 2017-2018.

* 68 Convention du 15 octobre 2019 entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale.

* 69 Circulaire d'orientation sur l'enseignement en milieu pénitentiaire du 9 mars 2020.

* 70 « La nouvelle directrice des services académiques n'a pas attendu la tenue du comité de pilotage. Elle a pris la décision sans concertation avec la PJJ, remettant en question ce qui était précédemment prévu, de retirer le label "dispositif de persévérance scolaire", ainsi que les moyens en termes d'enseignant. [...] Ce qui faisait la force de ce dispositif c'était l'alliance PJJ et éducation nationale », propos de Benoît Belvalette, directeur territorial de la PJJ Alpes Vaucluse.

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