G. ÉCHANGES ET DÉBATS AVEC LE PUBLIC

M. Xavier Brivet. - Merci pour votre intervention. Nous avons maintenant 5 à 10 minutes de débat avec des personnes qui souhaiteraient intervenir dans la salle.

M. Laurent Vastel, maire de Fontenay aux Roses (92). - Nous avons beaucoup parlé de l'impact financier, mais moins de l'impact sur la temporalité des projets. Aujourd'hui, le temps entre la décision politique et le début de la réalisation des travaux devient très important, avec le phénomène d'oubli, le phénomène d'exploitation par des gens qui ne seraient pas favorables au projet, avec d'éventuels recours. Il devient difficile de réaliser certains projets dans la limite d'un mandat, ce qui constitue une vraie problématique. Nous assistons à une forme de stérilisation de certains projets que nous savons ne pas pouvoir réaliser dans les délais impartis.

M. Xavier Brivet. - Merci pour ce témoignage. L'une des manières d'accélérer et de concilier ce temps législatif réglementaire et ce temps politique est peut-être la capacité d'adapter l'application de la norme, ce qui n'a pas été évoqué dans les témoignages entendus ce matin. Êtes-vous parvenu avec le préfet, l'architecte des bâtiments de France, la DREAL, à adapter la norme, la règle, aux spécificités de votre territoire ?

Marie-Claude Jarrot. - Cela dépend de la personnalité du préfet avec lequel nous travaillons, et de sa volonté de nous accompagner. Néanmoins, malgré une bonne volonté, il peut être difficile de démarrer les projets ou de faire en sorte que les projets soient suivis. Par exemple, il est impossible de bénéficier d'un entretien régulier des perrés, en raison des superpositions de conventions, où chacun se rejette la responsabilité. Le préfet peut intervenir pour donner son autorisation, tout en ayant conscience que toutes les procédures n'ont pas été respectées. Il faut donc avoir un préfet conciliant.

M. David Lisnard. - Notre réflexion doit aussi concerner la déconcentration des services de l'État. C'est fondamental car, aujourd'hui, le préfet ne peut pas être le juge de paix qu'il devrait être. Une norme n'a pas à être adaptée au terrain, si elle doit être modifiée, c'est qu'elle pose un problème. Nous pourrions envisager une instance d'arbitrage qui serait le préfet. Mais le préfet n'a pas autorité sur la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), et encore moins sur la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Nous le voyons avec des bassins d'ouvrages de protection des populations, soutenus par les préfets, les sous-préfets, mais refusés par la DREAL.

M. Xavier Brivet. - C'est sans doute pour cela que vous demandez au nom de l'AMF le transfert d'un pouvoir réglementaire à l'échelon local.

M. David Lisnard. - Il faudrait en effet revenir à de grandes dispositions et de grandes lois qui fixent des objectifs, avec des évaluations, des clauses de rendez-vous. La loi serait la même pour tout le monde, et sa mise en oeuvre dépendrait d'un pouvoir réglementaire qui serait transféré aux collectivités selon le type de loi et l'objectif. Cela changerait tout. Lorsque nous ne sommes pas dans l'exigence du praticien, nous ne pouvons produire que des textes déconnectés de la réalité des objectifs, comme un médecin qui ne voit jamais un malade.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci pour cette intervention qui montre la complexité des choses. Si nous identifions clairement les symptômes, nous connaissons un peu les remèdes, multiples. Ce que nous proposons aujourd'hui doit aller de pair avec une évaluation systémique de ce qu'il faut mettre en oeuvre. Nous devons élaborer des lois qui permettent des adaptations dans l'unité de la République, et non des lois qui interdisent ou obligent. Des collègues de cette délégation ont produit un remarquable travail, « A la recherche de l'État dans les territoires ». Nous avons en effet une vraie difficulté, un déficit de l'accompagnement de l'État pour aider les collectivités à mettre en oeuvre les projets. Nous pouvons ainsi évoquer le ZAN, pour lequel une grande pression s'exerce sur les maires, alors que les préfets et les sous-préfets devraient être proactifs pour venir expliquer la loi aux élus et les accompagner dans sa réalisation.

Nous avons besoin de préfets avec de l'autorité, qui incarnent avec force l'État.

M. Sacha Hewak, maire de Sézanne (51). - Je partage les propos entendus jusqu'à présent. Je regrette de constater le manque de bon sens dans la loi. J'ai ainsi souhaité mettre en place dans mon territoire une navette intramuros pour désenclaver certains quartiers et une autre extramuros pour que les villages environnants puissent accéder au centre-bourg. Dans le cadre de la loi NOTRe, l'intercommunalité a récupéré la compétence, mais ne souhaite pas financer les projets des communes. J'ai sollicité l'intercommunalité en demandant de quelle manière la ville de Sézanne pouvait financer intégralement son projet sans demander un euro à l'intercommunalité. Nous avons alors rencontré un vide juridique qui nous a empêchés d'agir.

Autre exemple avec des bâtiments en péril que la mairie s'engageait à racheter, à réhabiliter. J'ai interpellé à ce sujet le ministère pour savoir comment une commune pouvait récupérer un immeuble en péril sans projet derrière. J'attends toujours la réponse.

Nous multiplions la norme, les règles, mais lorsque nous cherchons des solutions pour des cas concrets, nous ne bénéficions pas de réponses.

Mme Annelaure Filippi, directrice générale des services, Grossetto-Prugna (2A). - Je suis DGS d'une commune périurbaine et néanmoins rurale au sud d'Ajaccio, et je représente aujourd'hui son maire. Je vois dans la superposition des normes la même superposition d'enrobage que nous trouvons sur nos voiries : nous superposons jusqu'à ce que l'ouvrage casse. Notre Parlement se trouve un peu dans cette situation. Je regrette que l'instance de dialogue créée par le Sénat ait été retoquée par l'Assemblée nationale. J'ai noté dans le rapport beaucoup de choses sur la formation des hauts fonctionnaires, ce qui est positif, mais je pense que nous nous éloignons des réalités du terrain. Je rejoins sur ce point Monsieur Lisnard. Nous devons intégrer les élus locaux dans les instances comme le CNEN, mais aussi les fonctionnaires territoriaux.

Mme Esther Bailleul, consultante pour les collectivités. - Je souhaiterais vous faire part d'un exemple qui illustre l'importance des services déconcentrés. La DDTM des Landes s'est ainsi dotée de deux juristes chargés d'accompagner les communes et les collectivités sur les projets de développement photovoltaïque. Plusieurs projets ont été soumis au guichet unique, qui ont permis d'obtenir des dérogations à la continuation de l'urbanisme prévue dans la loi littorale, ce qui a permis le développement de projets sur des sites dégradés. Le guichet unique a permis d'améliorer les projets en faisant en sorte qu'ils soient réversibles. Il s'agit donc d'un exemple de services déconcentrés proposant une démarche volontariste, pour amener de nouveaux projets locaux au succès.

M. Pierre Grosjean, Maire de Baugy (18). - Il est formidable de participer à une telle réunion pour quelqu'un comme moi, convaincu de la nécessité de simplifier. Néanmoins, je souhaite apporter mon témoignage concernant les relations avec les préfets. Ces derniers se rendent sur le terrain, tout comme l'architecte des bâtiments de France, mais dans leur bureau, ils ne tiennent compte que des textes, entravés par l'inertie administrative. J'ai comme exemple une architecte des bâtiments de France qui a constaté la dangerosité d'une cheminée à Bourges, sur laquelle des travaux ont été mal effectués, et qui a fini par conclure dans son bureau qu'il fallait la rétablir à l'identique.

Souhaiter que les préfets fassent preuve de bonne volonté ne suffit pas : il faut aussi parvenir à convaincre une administration rigide, qui a la charge de l'application de ces normes.

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