I. UN VOLET DE LA STRATÉGIE EUROPÉENNE POUR LES DONNÉES

Les données constituent un atout stratégique potentiel pour l'Union européenne. Leur utilisation et leur valorisation sont en effet une « composante centrale de l'économie numérique et une ressource essentielle pour assurer les transitions écologique et numérique »4(*).

Depuis l'adoption, en 2016, du règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD)5(*) puis, en 2018, du règlement sur la libre circulation des données à caractère non personnel6(*), la libre circulation des données au sein de l'UE est considérée comme une cinquième liberté auprès des quatre libertés constitutives du marché unique européen que sont la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux, consacrées par l'Acte unique européen de 1986. Mais force est de constater qu'un certain nombre de barrières limitent l'effectivité de cette libre circulation.

Pour y remédier, la Commission européenne a publié, le 19 février 2020, une stratégie européenne pour les données7(*), en vue de la mise en place et du développement d'un « espace européen des données ». Elle a annoncé à cet effet un ensemble de mesures, dont une législation sur les données pour développer l'accès aux données et permettre leur utilisation.

A. DES VOLUMES CONSIDÉRABLES DE DONNÉES SOUS-EXPLOITÉES

1. La croissance exponentielle de la production de données

Avec la multiplication des objets connectés, dans le cadre du développement de l'internet des objets (IdO - IoT), le volume de données industrielles produites connaît depuis quelques années une croissance exponentielle.

Quelques chiffres

Nombre d'objets connectés : 8 milliards en 2019 - 13,8 milliards en 2024

Volume mondial de données : 33 zettaoctets en 2018 - 175 zettaoctets en 2025

Valeur de l'internet des objets : 5 000 milliards d'euros en 2022.

Source : Commission européenne

2. Une sous-utilisation persistante

Comme l'a constaté la présidente de la Commission européenne lors de son discours sur l'état de l'Union 20208(*), en dépit de cette croissance de la production de données, la part des données industrielles non utilisées en Europe est de l'ordre 80 %.

Cette situation résulte de la combinaison de plusieurs facteurs.

a) Des obstacles techniques

Les données brutes générées par l'utilisation d'objets connectés ne peuvent être réutilisées que si elles présentent un niveau de qualité et de fiabilité suffisant. Tel n'est souvent pas le cas aujourd'hui, en raison par exemple de la médiocrité des connexions qui permettent de les recueillir ou de la fiabilité limitée de certains capteurs.

Au-delà des conditions techniques de recueil des données, le recours à des formats propriétaires par les grands opérateurs qui recueillent les données générées et l'absence de normes impératives en matière d'interopérabilité empêchent également l'utilisation de ces données.

Enfin, des analyses sont nécessaires pour identifier les objets et les données les plus pertinents. Des capacités analytiques doivent donc être développées pour traiter les volumes de données et en extraire des informations qualitatives et réellement exploitables.

b) Des pratiques anticoncurrentielles agressives

La sous-utilisation des données s'explique aussi par le fait qu'elles sont concentrées entre les mains d'un nombre réduit d'acteurs économiques, en raison de l'asymétrie dans le pouvoir de négociation entre les différentes entreprises concourant à produire des données sur une chaîne de valeur.

Des déséquilibres en termes de pouvoir de marché permettent en effet aux principaux acteurs du numérique, - ces grandes plateformes, que le droit européen qualifie dorénavant de « contrôleurs d'accès » -, de concentrer les données et d'imposer unilatéralement des conditions d'accès et d'utilisation de celles-ci aux utilisateurs d'objets connectés qui produisent ces données et aux entreprises tierces avec lesquelles elles pourraient être partagées, par exemple à des fins de réparation de l'objet connecté.

c) Une faible confiance dans le partage des données

La faible confiance des utilisateurs et des entreprises dans le partage des données constitue également un obstacle important identifié par la Commission européenne9(*).


* 4 Exposé des motifs de la proposition de règlement.

* 5 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE. Son article 1er § 3 pose que « la libre circulation des données à caractère personnel au sein de l'Union n'est ni limitée ni interdite pour des motifs liés à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel ».

* 6 Règlement (UE) 2018/1807 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018, dont l'article 1er indique qu'il « vise à assurer le libre flux de données autres que les données à caractère personnel au sein de l'Union, en établissant des règles concernant les exigences de localisation des données, la disponibilité des données pour les autorités compétentes et le portage des données pour les utilisateurs professionnels ».

* 7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions- Une stratégie européenne pour les données - COM(2020)66 final.

* 8 Discours sur l'état de l'Union 2020 « Construire le monde dans lequel nous voulons ; vivre: une union pleine de vitalité dans un monde d'une grande fragilité », 16 septembre 2020.

* 9 Étude d'impact accompagnant la proposition de règlement sur la gouvernance des données, 25 novembre 2020.