B. L'ENJEU ÉCOLOGIQUE : ACCÉLÉRER POUR ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE EN 2050

1. Le secteur du bâtiment : principal consommateur d'énergie

La politique publique de rénovation énergétique en France répond à un fort enjeu environnemental : le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire émet 28 % des émissions nationales de gaz à effet de serre10(*) et représente 45 % de la consommation nationale d'énergie11(*), ce qui en fait le premier secteur consommateur d'énergie devant le transport. Le secteur est donc naturellement au coeur des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne.

Au sein du secteur du bâtiment, la part du résidentiel est prépondérante : les bâtiments résidentiels représentent 64 % des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment12(*).

À l'échelle nationale, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), révisée périodiquement depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fixe des objectifs généraux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, déclinés ensuite par secteur.

L'objectif de la SNBC révisée en 2020 est ainsi d'assurer une réduction brute des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990, en vue d'atteindre une neutralité carbone en 2050, objectif fixé par la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui transcrit l'Accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015.

La SNBC décline ces objectifs pour le secteur du bâtiment : les émissions du secteur doivent être réduites de 49 % en 2030 par rapport à 2015 (soit 45 millions de tonnes eqCO2) puis une décarbonation complète du secteur est prévue à l'horizon 2050 (soit 5 millions de tonnes eqCO2). Sur la période 2022-2030, cette diminution implique une baisse annuelle de 3 à 4 millions de tonneeqCO2.

Le premier enjeu identifié dans la stratégie est la rénovation énergétique du parc existant : pour atteindre le niveau bâtiment basse consommation (BBC) en moyenne sur la totalité du parc en 2050, la feuille de route prévoit d'atteindre le chiffre de 370 000 rénovations complètes équivalentes par an d'ici 2027 puis 700 000 rénovations complètes par an à partir de 2030.

Typologie des rénovations de bâtiment

L'amélioration de la performance énergétique et environnementale d'un bâtiment regroupe plusieurs termes. La rénovation thermique est associée à l'amélioration de l'enveloppe d'un bâtiment.

La rénovation énergétique englobe à la fois la rénovation thermique, le changement de système de chauffage et l'optimisation des usages énergétiques (thermostats dits intelligents par exemple).

Enfin, l'expression rénovation environnementale prend en compte également l'empreinte carbone de l'action de rénovation en elle-même (cycle de vie des matériaux d'isolation par exemple).

Plusieurs termes sont également utilisés selon la portée de la rénovation : la rénovation globale traite l'ensemble des postes d'amélioration de l'efficacité énergétique, à l'inverse d'une rénovation par geste, qui ne traite que d'un poste. Elle peut se dérouler en une étape ou en plusieurs étapes, dans le cadre d'un parcours de rénovation.

À l'échelle européenne, les objectifs climatiques ont récemment été mis à jour : dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le « règlement européen sur le climat » du 30 juin 2021 a rehaussé les objectifs environnementaux européens : les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 55 % en 2030 par rapport à 1990, tandis que la neutralité carbone doit être atteinte en 205013(*).

Les objectifs nationaux, aussi bien généraux que sectoriels, devront être prochainement rehaussés afin de tenir compte de cette évolution européenne, alors que le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Selon le Haut Conseil pour le climat, l'objectif de réduction brute des émissions de gaz à effet de serre à l'échéance 2030 devrait ainsi passer de 40 % actuellement à 50 % pour se conformer aux obligations européennes14(*).

Au niveau du secteur du bâtiment, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a ainsi annoncé le 12 juin 202315(*) les orientations du nouveau budget carbone qui serait retenu dans la prochaine révision de la SNBC, prévue en 2024. La cible d'émission propre au secteur du bâtiment évoluera : en 2030, le secteur du bâtiment devra réduire ses émissions à 30 millions de tonnes eqCO2, contre 45 millions de tonnes dans la SNBC actuelle. La mise à jour des orientations environnementales de la France impose donc un rehaussement ambitieux des objectifs spécifiques au secteur du bâtiment.

Récapitulatif des objectifs climatiques de la France

Niveau d'objectif

2030

2050

Objectif global

Baisse de 40 % des émissions de GES brutes

Neutralité carbone
(zéro émission nette)

Objectifs pour le secteur du bâtiment

Baisse de 49 % des émissions de GES brutes par rapport à 2015

Décarbonation complète

Déclinaison opérationnelle

700 000 rénovations par an

Ensemble du parc au niveau BBC en moyenne

2. Une accélération indispensable

Force est de constater que le secteur du bâtiment n'atteint pas ces objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés au niveau national. Le secteur du bâtiment fait pourtant partie des trois secteurs qui voient leurs émissions diminuer, avec ceux de l'énergie et de l'industrie.

Cette diminution reste trop faible : alors que, au sens de la SNBC, le secteur émet 75 millions de tonnes éqCO2 par an16(*), ces émissions ont diminué de 1,9 million de tonnes éqCO2 par an pendant la période 2015 à 2018, soit près de deux fois moins que la diminution nécessaire : pour atteindre l'objectif de baisse d'émission qui serait fixé à l'horizon 2030 dans la nouvelle SNBC, les émissions devraient être réduites de 3,6 millions de tonnes eqCO2 par an17(*).

La baisse a ensuite ralenti sur la période 2019-2020 (- 0,2 million de tonnes éqCO2 par an) et, en 2021, les émissions ont augmenté de 5,5 % en raison d'un rebond lié à des facteurs conjoncturels (baisse des consommations d'énergie des bâtiments tertiaires à la suite de la crise sanitaire et hiver plus rigoureux en 2021).

Évolution des émissions du bâtiment de 2011 à 2021

Source : Haut Conseil pour le climat, 2022

Le premier facteur d'explication de cet écart entre objectifs et évolution des émissions des gaz à effet de serre est la faible montée en charge de la rénovation énergétique des bâtiments : alors que 370 000 rénovations énergétiques seraient nécessaires par an pour se conformer aux objectifs précités ; seules 50 000 à 100 000 rénovations énergétiques performantes ont été effectuées en 2021 et 2022, selon France Stratégie.


* 10 Stratégie nationale bas-carbone révisée en 2020. Cette estimation inclut les émissions liées à la production d'énergie consommée dans les bâtiments (calcul dit « Scope 2 »).

* 11 Ademe, Financer la rénovation énergétique performante des logements, 2022.

* 12 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 13 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).

* 14 Rapport 2022 du Haut Conseil pour le climat, Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions.

* 15 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 16 Cette mesure ne comprend que les émissions de gaz à effet de serre directes du bâtiment (calcul dit « Scope 1 »).

* 17 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.