CONCLUSION

Pour que l'indispensable choc d'offre des mobilités du quotidien devienne une réalité, le modèle économique des AOM doit être réformé en profondeur, d'une part à travers de nouvelles sources de financements structurelles destinées à couvrir les besoins en matière de fonctionnement et, d'autre part, de façon plus ponctuelle, pour accompagner les investissements à réaliser dans le cadre de cette transition.

Toutefois, avant même de se préoccuper des ressources nouvelles à affecter aux AOM, plusieurs leviers d'optimisation des coûts de production des transports du quotidien doivent être activés. Les opérateurs de transport comme les gestionnaires d'infrastructures doivent faire leur part du chemin. Dans le domaine des services ferroviaires conventionnés de voyageurs, l'ouverture à la concurrence offre des perspectives d'économies très significatives. L'aboutissement des premières procédures d'appels d'offres TER nous en ont donné un premier aperçu. Toujours en matière ferroviaire, les gains de productivité de SNCF Réseau dépendront largement de la modernisation du réseau ferroviaire, un impensé que l'État a trop longtemps remisé aux « calendes grecques » et dont les modalités de financement restent à ce jour inconnues en dépit des annonces faites par la Première ministre en février dernier.

L'optimisation des dépenses des AOM passera aussi par des aménagements visant à augmenter la vitesse de circulation des transports collectifs ainsi que par l'intégration systématique des nouvelles opportunités offertes par la révolution numérique des transports, notamment à travers le développement de la logique de « Maas ».

Les fonds publics considérables nécessaires à la transition des mobilités du quotidien doivent être employés de la façon la plus optimale, ce qui suppose d'une part de concentrer le déploiement de nouvelles offres là où les gisements de réduction d'émissions de GES sont les plus importants et, d'autre part d'opter pour les solutions économiquement les plus efficientes en raisonnant selon le principe du coût de la tonne d'émission de CO2 évitée. Ce principe conduit notamment à privilégier le développement de services de cars express pour raccorder les agglomérations à leurs zones périphériques et périurbaines.

La coopération entre AOM ainsi que leur regroupement sur des périmètres pertinents, idéalement à l'échelle du bassin de mobilité, doivent être incités, à la fois dans une logique d'efficience économique mais également dans une perspective de péréquation locale permettant d'irriguer les zones rurales en services de transports.

Alors que la loi Savary de 2016 prévoyait un système d'échanges de données susceptibles d'améliorer très sensiblement l'efficacité de la lutte contre la fraude dans les transports en commun, il n'est pas acceptable que le Gouvernement n'ait toujours pas pu faire aboutir le décret permettant d'appliquer cette disposition. Si l'administration s'est engagée à le faire sans délais, les rapporteurs s'assureront que cet engagement n'est pas une nouvelle « promesse en l'air » au détriment des AOM.

Par-delà les nécessaires économies à réaliser, il apparaît que des sources de financement existantes, qui auraient, de par leur vocation, toute légitimité à contribuer au financement des transports collectifs du quotidien ne sont actuellement fléchées, de façon peu compréhensible, que de façon extrêmement marginale vers les AOM. Il s'agit notamment du fonds vert et des certificats d'économies d'énergie (CEE). Il est indispensable que, dans les années à venir, ces deux dispositifs soient mobilisés pour contribuer aux financements des investissements liés au choc d'offre des transports en commun du quotidien.

Parce que la transition écologique est une cause nationale et que c'est lui qui s'est engagé au niveau international à atteindre des objectifs de lutte contre les changements climatiques, l'État ne peut s'exonérer de ses responsabilités. Au-delà des effets d'annonce qui ont ponctué ces dernières années, il doit ainsi réellement ériger la mobilité du quotidien en priorité nationale et la réinvestir pleinement, y compris d'un point de vue financier. Ce réengagement de l'État devra notamment passer par un allègement des remboursements des avances qu'il a accordées aux AOM en réponse aux conséquences de la crise sanitaire, par des dotations ciblées sur la mobilité en zone rurale, par la création d'un Fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par une part du produit des mises aux enchères de quotas carbone permettant de financer un accompagnement d'au moins 1 milliard d'euros en faveur du renouvellement des flottes de bus urbains, et par une prise en charge de la régénération et de la modernisation du réseau ferré dans le but de réduire drastiquement le coût des péages ferroviaires.

Le versement mobilité constitue une ressource absolument indispensable au financement de la mobilité du quotidien. Cependant, la part qu'il représente dans ce financement étant déjà élevée, toute perspective d'augmentation de ses taux plafonds devra être strictement conditionnée au développement de nouvelles offres de transports susceptibles de bénéficier aux entreprises concernées. Pour ce faire, il convient de donner aux AOM la faculté de moduler le taux de versement mobilité par zone à l'intérieur de leur territoire. Par ailleurs, et afin de corriger une lacune manifeste de la LOM et d'assurer un financement local structurel aux communautés de communes qui se sont saisies des compétences d'AOM, il apparaît nécessaire de les autoriser à lever du versement mobilité, et ce, y compris dans l'hypothèse où elles ne déploient pas de service régulier de transport public de voyageurs.

À l'heure de la transition écologique, et du nécessaire report modal vers les modes de transports moins émetteurs en CO2, les prix modérés des transports publics du quotidien en France constituent un atout qui doit être préservé pour amplifier les bénéfices attendus du choc d'offre. Intéressants, les systèmes de tarification solidaire susceptibles d'accroître le report modal parmi les ménages fragiles doivent être financés au titre de politique sociale des collectivités qui décident de les déployer.

Pour boucler les besoins de financement des AOM d'ici 2030 et concrétiser l'objectif d'un développement de l'offre de transports collectifs du quotidien d'au moins 20 % à cet horizon, de nouvelles sources de financement doivent nécessairement être mobilisées.

L'affectation d'une part d'accise sur les énergies (l'ancienne TICPE), répartie entre AOM selon un principe de péréquation, pourra ainsi se combiner avec une taxation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) avec, à terme, une perspective de substitution de la première par la seconde. Une majoration de la taxe de séjour ciblée sur les hébergements « haut de gamme » ainsi que des taxes sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transports et sur les livraisons liées au commerce en ligne permettront également de dégager de nouvelles ressources structurelles pour couvrir le besoin en fonctionnement des AOM.

En ce qui concerne les besoins d'investissements associés au choc d'offre, la création de sociétés de projets alimentées par de la fiscalité locale affectée, la mobilisation de l'épargne populaire par un grand emprunt, des dotations de l'État et de nouveaux appels à projets de l'AFIT-France ou encore des financements tirés du fond vert et des certificats d'économies d'énergie permettront de compléter les capacités d'emprunt des AOM et les subventions d'investissements de leurs membres.

Parce que sa situation est à part dans le paysage des AOM françaises, le règlement de la situation financière d'IDFM impose des mesures complémentaires qui passeront notamment par une mobilisation de la Société du Grand Paris (SGP).

Ce n'est qu'en opérant cette profonde refondation du modèle de financement des AOM que nous pourrons collectivement franchir une étape à la fois décisive dans la transition écologique de nos modes de vie et très concrète dans le quotidien de chacun.

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