C. RAPPROCHER LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS

1. Pour le développement de la formation continue à l'échelle infra-académique

Le rapporteur spécial considère qu'il en va de la formation continue comme de la plupart des politiques publiques, à savoir que le développement d'une offre de proximité constitue un avantage certain pour mieux s'adapter aux besoins locaux tout en réduisant les coûts de fonctionnement.

Les formations de proximité représentent un réel atout pour personnaliser l'offre, et l'adapter au contexte. La traduction des besoins concrets des territoires a par exemple été expérimentée dans des plans locaux de formation (PLF) dans l'académie de Metz-Nancy. Ce dispositif de formation, qui ne se substitue pas aux priorités nationales et académiques, a pour objectif de prendre en compte les besoins locaux des personnels, le parcours personnel et professionnel de chacun ainsi que les difficultés spécifiques des élèves du territoire. Ce nouveau dispositif a été expérimenté en 2020-2021, sous le pilotage de l'école académique, dans deux bassins d'éducation et de formation (BEF) de l'académie préfigurateurs, puis a été généralisé à l'ensemble des 17 BEF en 2021-2022. Les personnels du bassin, enseignants du premier et second degrés mais aussi les personnels non-enseignants, peuvent être impliqués à plusieurs niveaux pour participer à l'élaboration du PLF et peuvent également animer des formations. Étant donnée l'implication de différentes catégories de personnels, les plans locaux de formation semblent particulièrement adaptés pour harmoniser les pratiques des équipes inter-degrés, inter-établissements ou inter-cycles.

De bonnes pratiques peuvent être identifiées à l'intérieur d'autres académies. L'IGESR45(*) cite ainsi le cas de l'académie de Toulouse, ayant mis en places des ateliers pédagogiques interétablissements qui permettent à des enseignants du second degré de se réunir afin de travailler ensemble à la résolution de problèmes directement liés aux pratiques pédagogiques disciplinaires. Plusieurs d'entre elles mènent régulièrement des enquêtes auprès des personnels afin de faire émerger des besoins locaux, mais sans nécessairement aller jusqu'à la co-construction avec les personnels d'un plan local de formation.

La DGESCO indique notamment que les regroupements interacadémiques sont possibles et existent, notamment pour la mise en place de plans nationaux touchant un nombre important de stagiaires, pour les préparations aux concours, pour la formation de catégories de personnels à faible effectif, etc. Mais les limites sont avant tout organisationnelles et financières, du fait d'une gestion budgétaire indépendante dans chaque académie.

D'un point de vue budgétaire, rapprocher la formation des enseignants constitue un facteur de rationalisation non négligeable, notamment par la diminution des frais de déplacement. Selon les données de l'académie de Nancy, une journée de formation effectuée dans le cadre du plan local de formation coûte trois fois moins cher que la moyenne des journées de formation. Dans le détail, une formation locale est légèrement moins chère (7,21 euros) qu'une journée de formation classique (8,47 euros), mais plus de 10 fois moins chère qu'une formation dans le cadre du plan national de formation (formation des encadrants notamment).

Coût d'une journée de formation par stagiaire dans l'académie de Nancy-Metz
en 2021-2022

(en jours et en euros)

Source : commission des finances d'après l'académie de Nancy-Metz

Le rapporteur spécial considère comme particulièrement intéressante l'expérimentation nancéenne concernant la mise en place de plans locaux de formation, qui gagnerait à être étendue à d'autres académies.

Recommandation n° 8 : encourager le développement dans les académies de plans locaux de formation en associant les personnels à leur construction.

2. Recentrer la formation continue autour de l'établissement

La formation continue a longtemps été pensée en dehors de l'établissement, dans une logique purement descendante. Si les choses ont commencé à évoluer et la place de l'établissement dans l'écosystème de la formation à se renforcer, le modèle de la formation construite autour des besoins spécifiques d'un établissement est encore très largement minoritaire.

Il est cependant certain que les formations d'initiatives locales (FIL) représentent une part croissante des formations. D'après les données de la DGESCO, les FIL constituent environ un quart des formations dispensées au niveau national. Dans l'académie de Paris, en 2018, il existait déjà 320 FIL dans le second degré et 40 dans le premier degré46(*), malgré un succès qualifié par l'inspection générale de « mitigé ».

Pour répondre aux critiques générales exprimées à l'encontre de la formation continue, les FIL ne peuvent être une réplique au niveau de l'établissement des formations académiques, mais doivent en constituer une transposition en fonction des besoins spécifiques de l'établissement. Cela suppose l'investissement du chef d'établissement qui doit disposer d'une marge d'autonomie.

Le plus souvent, en dehors des FIL, les chefs d'établissement n'ont qu'une vision très limitée, voire inexistante sur les formations suivies par leurs enseignants, qui ne peut donc que difficilement être valorisée au niveau de l'établissement.

À l'étranger : l'objectif de « l'établissement formateur »

En Allemagne, dans le Land de Saxe, la responsabilité de la formation interne des enseignants (SCHILF) incombe au directeur de l'école concernée. Les écoles ont reçu des moyens financiers pour la mise en oeuvre de la formation continue des enseignants, qu'elles peuvent utiliser sous leur propre responsabilité et qui sont orientés vers les objectifs spécifiques du développement de leur école.

Au Danemark, le chef d'établissement et l'enseignant définissent ensemble un plan de formation prenant en compte la pertinence des ressources et leur adéquation aux besoins exprimés par ce dernier. Ce plan est pensé comme un droit à la formation continue.

En Angleterre, le chef d'établissement identifie, dans le cadre de son évaluation, les besoins en formation continue de l'enseignant de même que les actions de nature à y répondre. En fonction des ressources dont l'établissement dispose, il peut s'agir de quelques heures, plusieurs jours, parfois une reprise d'études à temps plein aboutissant à une qualification reconnue au niveau national.

Source : L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020

Le recentrage d'une partie de la formation continue autour de l'établissement et du projet d'établissement, sans exclure les échelons locaux, académiques et nationaux va selon le rapporteur spécial dans le sens d'une autonomie accrue (et souhaitable) des établissements. En outre, comme indiqué dans le paragraphe précédent, les FIL peuvent engendrer des économies non négligeables et constituer une réponse à la réticence de certains enseignants à se déplacer. Enfin, s'agissant de la gestion des remplacements, les FIL permettent d'anticiper le besoin en amont en simplifiant le pilotage au niveau de l'établissement.

Il est évident que l'intégralité de la formation continue n'a pas vocation à être réalisée sous forme d'initiative locale, du fait d'une part de la faiblesse du taux d'encadrement dans certains établissements, d'autre part de la nécessité de maintenir un pilotage académique et enfin de celle de conserver une dimension individuelle à la formation continue. L'approche locale doit être complémentaire des autres dimensions.

Le rapporteur spécial considère toutefois que la formation continue des enseignants doit continuer de se développer et représenter une proportion plus importante des formations dispensées. Les FIL doivent constituer un volet du projet d'établissement47(*). L'article R. 421-3 du code de l'éducation prévoit déjà que « le projet d'établissement assure la cohérence des différentes activités de formation initiale, d'insertion sociale et professionnelle et de formation continue des adultes dans l'établissement ». Il serait sans doute nécessaire, à défaut d'aller plus loin, de s'assurer de la pleine application de cet article.

Recommandation n° 9 : développer les formations d'initiative locale en associant davantage les chefs d'établissement à la construction des formations et en veillant à une inscription des actions de formation continue au sein du projet d'établissement.


* 45 Source : L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020.

* 46 Organisation de la formation continue des enseignants (académie de Paris). Mission d'appui aux académies, IGAENR, septembre 2018.

* 47 La réalisation d'un projet d'établissement est rendue obligatoire par la loi pour une école de la confiance. Cette obligation a été codifiée à l'article L. 401-1 du code de l'éducation.

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