B. LE PROJET DE RÈGLEMENT EUROPÉEN SUR LES DONNÉES DE SANTÉ

1. Le contenu du projet de règlement

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé précitée210(*), révélée par la Commission européenne au printemps 2022, vise également à renforcer l'utilisation primaire des données de santé, par la création de nouveaux services pour les patients et les professionnels de santé et par le renforcement de l'accès aux données en mobilité au sein de l'Union.

· Pour renforcer l'utilisation primaire des données de santé, la proposition de règlement prévoit notamment :

- de contraindre les États membres à mettre à disposition, dans un format européen commun d'échange de dossiers médicaux électroniques, certaines données prioritaires (dossiers de patients, prescriptions électroniques, comptes rendus d'imagerie médicale, etc.)211(*) ;

- d'introduire des exigences renforcées en matière d'interopérabilité, de sécurité et de respect de la vie privée, ainsi qu'une obligation d'autocertification des dossiers médicaux électroniques212(*) ;

- la désignation, dans chaque État, d'une autorité de santé numérique chargée de veiller, notamment, au respect des droits des patients213(*).

Les droits des patients dans le cadre de l'espace européen des données de santé

Selon la Commission européenne214(*) et en application du RGPD, l'espace européen des données de santé donnera notamment aux citoyens le droit :

- d'accéder à leurs données de santé sur support électronique immédiatement, gratuitement et dans un format facilement lisible, accessible et couramment utilisé. Pour que les personnes handicapées puissent jouir de leurs droits, l'accès aux données devra être conforme aux exigences de l'acte législatif européen sur l'accessibilité (directive (UE) 2019/882) ;

- de partager leurs données sous forme électronique avec d'autres professionnels de santé lorsqu'ils se rendent dans un autre hôpital, sans que les prestataires ou fabricants de soins de santé précédents n'y fassent obstacle ;

- d'ajouter des données à leur propre dossier médical électronique ou à celui des personnes qui leur font confiance, telles que leurs enfants ;

- de demander en ligne à ce que des données erronées les concernant soient modifiées ;

- de restreindre l'accès à leurs données de santé électroniques ou à une partie de celles-ci. Ces données pourront toutefois, moyennant des restrictions supplémentaires, être mises à disposition en cas d'urgence, lorsque la vie des personnes concernées est en jeu ;

- d'obtenir facilement des informations sur le ou les professionnels qui ont eu accès à leurs données.

Le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données ont, par ailleurs, adopté un avis commun en juillet 2022215(*) appelant, notamment, les co-législateurs européens à :

- se prononcer pour la localisation sur le territoire de l'Union européenne des données de santé entrant dans le champ du futur règlement ;

- respecter le principe de minimisation en limitant l'accès aux données de santé aux stricts besoins des professionnels intervenant dans le cadre des usages primaires.

· Visant notamment à mettre en place « une infrastructure transfrontière obligatoire permettant l'utilisation primaire des données électroniques dans l'ensemble de l'Union »216(*), la proposition de règlement européen renforce également MaSanté@EU et rend obligatoire la participation au dispositif.

La proposition de règlement prévoit, ainsi, la mise en place d'une plateforme centrale par la Commission pour faciliter l'échange de données entre les points de contact nationaux pour la santé numérique, et fait obligation aux États membres de veiller « à ce que tous les prestataires de soins de santé soient connectés à leur point de contact national pour la santé numérique et à ce que les prestataires connectés soient en mesure de procéder à un échange bidirectionnel de données de santé électroniques avec ledit point de contact national »217(*).

· Les négociations autour de la proposition de la Commission ont, jusque-là, particulièrement concerné les droits des patients.

Elles pourraient conduire à autoriser les États qui le souhaitent à permettre aux patients d'interdire l'accès à leurs données à l'ensemble des professionnels ou à ceux d'entre eux qui sont installés dans d'autres États de l'Union européenne218(*).

2. Adapter l'ENS aux nouvelles ambitions européennes

L'entrée en vigueur du nouveau règlement européen supposera des évolutions de l'ENS, tel que mis en place depuis 2022.

· L'effort devra porter, en particulier, sur le développement des échanges transfrontaliers de données.

Interrogée par la mission d'information, la DNS reconnaît ainsi que « Mon espace santé doit évoluer, par exemple pour permettre de notifier un utilisateur pour obtenir son accord lorsqu'un professionnel d'un autre pays de MaSanté@UE requiert un accès pour sa bonne prise en charge, ou d'accéder à ses données de santé produites dans les autres États membres »219(*).

· Le développement de la prescription électronique, classée par la proposition de règlement européen parmi les données prioritaires, apparaît également indispensable.

La proposition fait, notamment, obligation aux États de veiller « à ce que les pharmacies exerçant des activités sur leur territoire, y compris les pharmacies en ligne, soient autorisées à délivrer des prescriptions électroniques émises dans d'autres États membres... ». Une telle délivrance devra être notifiée à l'État membre à partir duquel la prescription a été émise par l'intermédiaire de MaSanté@UE220(*).

À ce sujet, la DNS confirme souhaiter « déployer deux nouveaux cas d'usages d'ici 2025 : l'utilisation de la e-presription française (ordonnance électronique) dans les autres pays européens et la prise en compte des e-prescriptions émises dans les autres pays par les officines françaises »221(*).

· Aussi les efforts à déployer pour parvenir à répondre aux ambitions de la proposition de règlement apparaissent-ils importants. Ils impliquent d'accélérer, en France, le déploiement de l'ENS et la mise à disposition de fonctionnalités jusque-là retardées.

La DNS reconnaît par exemple, à ce sujet, que « la mise à disposition des résumés patients français lors des soins à l'étranger ne sera réaliste qu'à partir du moment où ce document existe au niveau national, ce qui est le cas pour moins de 2 % des citoyens »222(*).

Aussi la préparation du règlement européen doit-elle encourager l'État à accélérer encore les efforts de communication, d'investissement dans les infrastructures et le développement des usages, préconisés par la mission d'information et indispensables à l'appropriation des outils par les professionnels comme par les patients.


* 210 Les dispositions de cette proposition de règlement relatives à l'utilisation secondaire des données de santé sont analysées dans la deuxième partie du présent rapport.

* 211 Articles 4 et 5 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 212 Article 17 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 213 Article 10 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 214 Communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil « Un espace européen des données de santé : exploiter le potentiel des données de santé pour les citoyens, les patients et l'innovation », 3 mai 2022.

* 215 Avis conjoint EDPB-CEPD 03/2022 sur la proposition de règlement relatif à l'espace européen des données de santé adopté le 12 juillet 2022.

* 216 Article 1er de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 217 Article 12 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 218 Contexte, « Espace européen des données de santé : les Etats membres taillent et retaillent le dispositif sur l'usage primaire », 4 mai 2023.

* 219 Réponses écrites de la DNS au questionnaire transmis par la mission d'information.

* 220 Article 12 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'espace européen des données de santé.

* 221 Réponses écrites de la DNS au questionnaire transmis par la mission d'information.

* 222 Ibid.

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