III. UN RETARD À RATTRAPER AU NIVEAU EUROPÉEN : UN DÉPLOIEMENT INABOUTI DU PROJET MASANTÉ@EU

A. LE DÉPLOIEMENT POUSSIF DU PROJET MASANTÉ@EU

1. La directive européenne de 2011 et le programme MaSanté@EU

· Pour faciliter la prise en charge des citoyens de pays membres en mobilité au sein de l'Union européenne, la directive de 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers prévoit notamment :

- qu'il appartient aux États membres de veiller à ce que les patients qui cherchent à bénéficier ou bénéficient de soins de santé transfrontaliers aient accès à distance à leur dossier médical ou disposent au moins d'une copie de celui-ci198(*) ;

- que les États membres désignent chacun un ou plusieurs points de contact nationaux pour les soins de santé en ligne (ou NCPeH pour « National Contact Point for eHealth »), chargés de faciliter l'échange d'informations199(*) ;

- enfin, que l'Union soutient et facilite la coopération et l'échange d'informations entre les États membres dans le cadre d'un réseau constitué sur la base du volontariat reliant les autorités nationales chargées de la santé en ligne, ce réseau ayant notamment pour objectif d'établir une liste non exhaustive de données à faire figurer dans le dossier des patients et pouvant être partagées par les professionnels de santé pour permettre la continuité des soins par-delà les frontières200(*).

· Le programme MaSanté@UE de l'Union européenne vise, en application de cette directive, à permettre, pour les citoyens européens consultant un professionnel de santé dans un autre pays membre de l'Union, l'échange de données relatives au parcours de soin des patients comprenant notamment les synthèses médicales et les prescriptions électroniques.

2. Le lent déploiement en France du programme MaSanté@EU

La France a rejoint l'action conjointe en 2021 et l'ANS été désignée comme point de contact national chargé de faciliter les échanges de données201(*).

· La mise en place, en juillet 2021 du service Sesali, doit permettre aux professionnels de santé français d'accéder en français, de manière sécurisée et normalisée, à la synthèse médicale d'un patient provenant d'un autre pays membre de l'Union européenne202(*).

· En outre, le cadre juridique du DMP a été révisé pour autoriser, en sens inverse, l'accès de professionnels de santé d'autres États membres à certaines données de patients français.

À l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, qui observait que « l'accès aux informations nécessaires aux soins contenues ou issues du DMP n'est possible aujourd'hui dans la loi que pour un professionnel de santé français habilité »203(*), la loi santé de 2019204(*) a inséré dans le code de la santé publique un nouvel article L. 1111-22 disposant que : « La collecte, l'échange ou le partage des données de santé à caractère personnel nécessaires à la prise en charge du patient à l'occasion de soins délivrés lors de sa présence sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne peuvent être réalisés au moyen du dossier médical partagé rendu accessible aux professionnels intervenant dans le cadre de ces soins, dans des conditions définies par décret. »

Pris en juillet 2021, le décret205(*) subordonne l'accès de professionnels de santé exerçant sur le territoire d'un autre État membre à la synthèse périodique206(*) établie, dans le DMP, par le médecin traitant à trois conditions cumulatives207(*) :

- l'État membre est signataire de l'accord relatif aux services d'information transfrontaliers en matière de santé numérique ;

- il a désigné un point de contact national pour la santé en ligne ;

- il garantit que les professionnels présentant des demandes d'accès sont habilités à le faire par l'autorité nationale compétente et dûment identifiés.

Le patient est informé de la demande et doit consentir expressément à cette consultation208(*).

· Interrogée par la mission d'information, la DNS a toutefois confirmé que si « la France est investie dans le projet [MaSanté@EU] au travers de Sesali », elle n'a en revanche « pas encore engagé l'ouverture [des données] pour les citoyens français voyageant à l'étranger ». Par ailleurs, elle reconnaît que « les usages sont actuellement très limités car le double déploiement en cours (géographique et par cas d'usage) n'est pas suffisamment abouti, et qu'aucune communication dédiée n'a été faite aux professionnels de santé »209(*).


* 198 Article 5 de la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

* 199 Article 6 de la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil précitée.

* 200 Article 14 de la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil précitée.

* 201 Communique « Lancement du service Sesali : MaSante@UE » de l'ANS, 26 juillet 2021.

* 202 Communique « Lancement du service Sesali : MaSante@UE » de l'ANS, 26 juillet 2021.

* 203 Rapport n° 524 (2018-2019) de M. Alain Milon, déposé le 22 mai 2019, p. 211.

* 204 Article 52 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 205 Décret n° 2021-914 du 8 juillet 2021 relatif aux dispositions propres à la prise en charge du patient à l'occasion de soins de santé délivrés dans un autre État membre de l'Union européenne.

* 206 Article R. 1111-44 du code de la santé publique.

* 207 Article R. 1111-45 du code de la santé publique.

* 208 Article R. 1111-48 du code de la santé publique.

* 209 Réponses écrites de la DNS au questionnaire transmis par la mission d'information.

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