B. UN DÉMARRAGE EFFECTIF MAIS TIMIDE

1. La création de millions d'ENS, toutefois encore peu utilisés

Nombre d'ENS créés en un an

 

Le lancement du dispositif, en janvier 2022, a conduit à la création d'un très grand nombre d'ENS et, partant, de DMP. 69 millions d'assurés ont été informés, par courriel ou courrier, de la création prochaine de leur ENS. Seulement 2 % d'entre eux s'y étant opposés, plus de 65 millions d'espaces ont été créés.

Toutefois, ces masses doivent être relativisées en précisant que l'utilisation de l'outil, elle, demeure encore décevante.

D'abord, une partie seulement des services attendus ont, pour le moment, été déployés : le catalogue de services référencés n'a été lancé qu'en novembre 2022 et ne permet pas encore d'échange de données entre l'ENS et les applications autorisées, et l'agenda médical n'a pas encore été ouvert. Leur lancement est prévu pour l'année 2023.

Surtout, la prise en main de la plateforme par les patients et professionnels reste insuffisante. Un an après le lancement de l'outil, au début de l'année 2023, 11 % seulement des ENS créés avaient été activés par leurs titulaires. Si le rythme de versement de documents par les professionnels de santé augmente de manière constante et atteint désormais environ 150 millions de documents par an, soit 2,2 documents par habitant, ce nombre demeure très inférieur à la cible de 250 millions visée pour la fin d'année 2023.

Nombre de documents versés dans le DMP, par habitant, en rythme annuel

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données publiées par l'ANS

Enfin, le versement apparaît encore très inégal selon les secteurs : la biologie et l'hôpital représentent à eux seuls plus des trois quarts des documents versés, quand l'utilisation de l'outil en ville demeure décevante. Alors que la prise en main de l'outil par les professionnels demeure fortement dépendante des évolutions logicielles permettant d'automatiser le versement et de simplifier l'accès, le rythme et la date de déploiement des investissements du Ségur du numérique expliquent partiellement ces écarts.

2. Lever les obstacles persistants à la prise en main de l'outil

La plateforme et ses fonctionnalités demeurent encore méconnues de nombreux patients. L'existence d'une messagerie sécurisée, devant être privilégiée aux échanges par courriel, est par exemple fréquemment ignorée. C'est pourquoi il apparaît nécessaire d'intensifier les efforts de communication, en les faisant porter en priorité sur les usages possibles de Mon espace santé. Le déploiement prochain du carnet de santé dématérialisé des enfants, des échanges de données avec les applications référencées du catalogue comme de l'agenda de santé, devraient fournir l'occasion d'une large campagne d'information, soulignant les nouvelles fonctionnalités offertes.

La fracture numérique constitue, par ailleurs, un frein bien identifié à l'utilisation de l'outil. Si l'Agence du numérique en santé (ANS) a mis en place un réseau de dix-huit coordinateurs régionaux Mon espace santé, chargés d'animer un réseau de plusieurs centaines d'ambassadeurs bénévoles, et s'appuie sur les structures d'inclusion numérique, ces initiatives sont décrites comme insuffisantes, et inégales selon les territoires, par les associations de patients. Elles doivent faire l'objet d'une évaluation précise et être renforcées lorsque cela apparaît nécessaire.

La fracture numérique constitue un frein identifié à l'utilisation de l'outil.

Pour favoriser le versement de documents et le renseignement de l'outil par les professionnels libéraux, les incitations conventionnelles pourraient être renforcées, en veillant à les étendre à l'ensemble des professions de santé concernées.

Par ailleurs, l'utilisation de l'outil devrait être facilitée. Attendu pour 2022, le déploiement du « bouquet de services » devant permettre aux professionnels d'accéder aux outils référencés sans reconnexions ni ressaisies devrait être accéléré. La formation initiale des professionnels de santé devrait intégrer une formation aux outils numériques, et notamment à l'ENS, sans attendre 2027 et l'offre de formation continue être renforcée.

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