B. LES PUISSANCES RÉGIONALES COMME LA TURQUIE INTERVIENNENT DE MANIÈRE CROISSANTE POUR RENFORCER LEUR INFLUENCE DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX

Parallèlement au réinvestissement des puissances globales pour renforcer leur pouvoir d'influence sur la zone, la Turquie est une puissance régionale qui entretient des liens historiques avec les pays des Balkans occidentaux. L'appartenance de la Turquie à l'OTAN a pour conséquence que le rapprochement avec la Turquie n'est pas perçu par les dirigeants des Balkans comme contradictoire avec l'intégration euroatlantique de leur pays. La Turquie conserve par ailleurs le statut de pays candidat à l'Union européenne depuis 1999 et ne se constitue dès lors pas comme un rival d'Union européenne dans les Balkans. Pour autant, la Turquie présente l'avantage de fournir aux pays des Balkans une coopération économique et une aide soumis à moins de conditions que celle de l'Union européenne, notamment en matière d'État de droit.

La présence de la Turquie dans les Balkans occidentaux est d'abord soutenue par les relations commerciales entre les deux espaces et la Turquie constituait en 2019, devant la Russie, le deuxième partenaire commercial des pays des Balkans avec 4,6% des biens échangés. Le dynamisme de ces échanges est soutenu par le fait que la Turquie a signé des accords de commerce bilatéraux avec chacun des six pays des Balkans occidentaux. Parallèlement, la Turquie est aussi impliquée dans plusieurs chantiers d'infrastructures particulièrement médiatisés dont notamment ceux des autoroutes reliant Belgrade à Sarajevo et Tirana à Pristina.

Sur le plan géographique, la Turquie est particulièrement présente dans les pays où sont concentrées les principales communautés musulmanes c'est-à-dire l'Albanie, le Kosovo et la Bosnie-Herzégovine. La Turquie déploie dans ses pays une diplomatie d'influence qui s'appuie notamment sur le financement de programme de réhabilitation du patrimoine remontant à la période ottomane, sur la diffusion de séries télévisées populaires et le sur le développement du réseau des centres culturels Yunus Emre.

Sur le plan diplomatique, le président turc R. T. Erdogan se rend régulièrement dans les Balkans occidentaux où il entretient des liens de proximités avec plusieurs dirigeants dont notamment le président serbe A. Vucic et le premier ministre albanais E. Rama. Son implication diplomatique dans les Balkans occidentaux a favorisé l'intégration au sein de l'Alliance atlantique de l'Albanie, du Monténégro et de la Macédoine du Nord. La Turquie a également joué, parallèlement à l'implication de l'Union européenne en faveur de la pacification des relations interétatiques dans les Balkans, un rôle de médiateur en accueillant en 2010 un sommet à Istanbul à l'issue duquel la Serbie et la Bosnie-Herzégovine ont signé une déclaration commune qui prévoit l'intensification des relations entre les deux pays dans le contexte de leur candidature à l'Union européenne ainsi que la reconnaissance par la Serbie de l'intégrité territoriale de la Bosnie.

Enfin sur le plan militaire, la Turquie a signé en 2012 un accord de coopération militaire avec le Kosovo qui prévoit l'approvisionnement militaire par la Turquie des forces de sécurité du Kosovo. La Turquie a également signé en 1992 un accord de coopération militaire avec l'Albanie qui prévoit notamment l'entrainement des militaires albanais par la Turquie et qui a été complété en février 2020 par un plan de coopération en matière de défense.

La présence stratégique de la Turquie dans les Balkans en par surcroît assurée par la participation importante de la Turquie aux opérations euro-atlantiques déployées dans la zone en étant le troisième contributeur de la mission EUFOR Althéa en Bosnie-Herzégovine avec 138 personnels et le quatrième contributeur de la KFOR au Kosovo avec 350 personnels.