B. LE RESSEREMENT SOCIOLOGIQUE DES ÉLUS REND NÉCESSAIRE DE NOUVELLES MESURES

Le répertoire national des élus permet de constater que :

- la part de maires de moins de 40 ans, qui était de 12,16 % en 1983, est réduite à 3 % en 2022 ;

- les femmes représentent seulement 19,8 % des maires et la strate des communes entre 5 000 et 10 000 habitants est celle où la proportion est la plus faible (16,9 %) ;

- les employés et ouvriers représentent moins de 9 % des maires, alors qu'ils représentent 45 % des actifs ;

- les maires de plus de 60 ans forment désormais la majorité absolue des maires (55 % du total après les élections de 2020, contre 49,7 % en 2014), et les retraités sont toujours prépondérants (à hauteur de 40 % des maires) alors que les employés et les ouvriers représentent moins de 9 % du total (contre 45 % des actifs).

Il convient donc de poursuivre les efforts visant à couvrir plus de profils afin d'assurer une meilleure représentativité de la société et de lever les obstacles aux candidatures des catégories de genre, d'âge ou socio-économiques sous représentées.

À ce titre, il faut noter l'évolution, notamment après les élections municipales de 2020, du positionnement de plusieurs associations d'élus comme l'AMF et l'AMRF pour recommander la mise en place du scrutin de liste pour l'élection des conseils municipaux dès les premiers habitants. Vos rapporteurs soulignent ce changement.

Voter devrait être un acte positif et il parait désormais incongru de se rendre aux urnes pour rayer des noms sur une liste. De plus le fait de constituer une liste permet de présenter un collectif, de crée une cohésion d'équipe et de bâtir le projet et le programme au moment des élections et non une fois l'élection réalisée. Il s'agit de recentrer l'élection sur un programme porté par une liste, plutôt que sur le choix personnel d'élus.

Vos rapporteurs avancent plusieurs recommandations pour faciliter l'exercice du mandant à tous les élus, quelle que soit leur situation.

Recommandation n°5 : faciliter l'exercice du mandat pour tous les élus quelle que soit leur situation avec six mesures concrètes.

Premièrement, dans la lignée de la recommandation n° 6 du « rapport flash » relatif aux indemnités des élus, qui visait à offrir la possibilité de continuer à exercer son mandat dans le cadre d'un arrêt maladie, il est recommandé de permettre la poursuite de l'exercice du mandat pendant le congé maternité/ paternité des élus, sauf avis du contraire du praticien pour le congé maternité. Cela permettrait de reconnaitre la légalité du cumul des indemnités de fonction avec les indemnités journalières versées aux femmes enceintes élues. Certaines caisses locales considèrent que la poursuite du mandat de maire durant le congé maternité, et donc la perception d'indemnités de fonction à ce titre, remettraient en cause le droit au versement des indemnités journalières. Toute ambiguïté doit être levée en la matière et le principe du cumul doit être affirmé, soulignant le dévouement dont font preuve les élus concernées.

Deuxièmement, il convient d'élargir la possibilité de prise en charge des frais de garde d'enfants à l'ensemble des activités de l'élu nécessaires à l'exercice du mandat local. En effet, ces frais de garde sont principalement engagés le soir ou le week-end : réunions publiques, séminaire de l'exécutif, réunions de préparation, etc.

Troisièmement, vos rapporteurs recommandent d'étendre la mesure prévoyant la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus pour la participation aux réunions liées au mandat en passant du seuil des communes de 3 500 habitants, au seuil des communes de 10 000 habitants. Ce point était déjà mentionné dans le rapport du groupe de travail piloté par Gérard LARCHER, Président du Sénat. En réponse aux questions des rapporteurs, la DGCL a indiqué dans sa contribution écrite que « le coût d'une telle extension serait de 518 420 € annuels et pourrait être pris en charge au titre de la DPEL ».

Quatrièmement, comme le recommandait le rapport « avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires », il convient, de réactiver les négociations bilatérales avec les États voisins de la France afin de conclure des conventions limitant les conséquences négatives19(*) de l'absence d'harmonisation entre statuts pour les élus transfrontaliers.

Cinquièmement, pour améliorer la discussion entre employeur et employé élu local, il faudrait prendre en compte le mandat dans les entretiens professionnels. À titre d'exemple, pour les salariés élus du personnel ou délégués syndicaux, l'article L. 2141-5 du code du travail prévoit qu'un accord collectif peut être mis en place pour « déterminer les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice des mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ». De tels accords pourraient exister pour les élus locaux en modifiant cet article ou l'article L. 6315-1 du même code. Ces accords pourraient par exemple faciliter la mise en place du télétravail. La mission a reçu un témoignage d'un maire s'étant vu refuser une demande de jours de télétravail alors que ses missions le permettaient et que son travail se situait à 500 km du lieu d'exercice de son mandat. Il faut rappeler que le CGCT prévoit déjà le droit pour tout salarié de bénéficier, au début de son mandat, d'un entretien individuel avec son employeur (privé ou public) portant sur les modalités pratiques d'exercice de son mandat au regard de son emploi (articles L. 2123-1, L. 3123-1 et L. 4135-1 du CGCT).

Enfin, sixièmement, sous conditions à définir (nombre maximum de personnes en visioconférence, nombre maximum de visioconférence par élu dans l'année...), il pourrait être envisagé d'autoriser la visioconférence pour les réunions et les commissions au niveau des communes et de l'intercommunalité. Ce point est aussi important à souligner pour les élus d'outre-mer. À titre d'exemple, le récent rapport de votre délégation, intitulé « encourager l'intercommunalité en Polynésie française », de Françoise GATEL et Agnès CANAYER formulait la recommandation n° 4 « doter toutes les communes et communes associées d'un système de visio-conférence et promouvoir cet usage ».

Usage de la visioconférence dans les collectivités et les EPCI

La loi engagement et proximité n° 2019-1461 établissait un régime strict de l'usage de la visioconférence au sein des collectivités20(*). L'article 170 de la loi 3DS est venu le remodeler en l'assouplissant et en l'élargissant. En effet, il est désormais possible d'organiser une réunion « en plusieurs lieux par visioconférence » au sein : des conseils départementaux et de leurs commissions permanentes, des conseils régionaux et de leurs commissions permanentes ainsi que dans les conseils communautaires ou syndicaux des EPCI. Auparavant, seuls les EPCI étaient concernés par le dispositif.

Le recours à la visioconférence n'est en revanche prévu ni pour les conseils municipaux ni pour les bureaux des EPCI. Il est également important de souligner que certaines réunions ne peuvent se tenir par visioconférence pour des questions de sincérité du scrutin et afin d'assurer le maintien d'un lien direct entre les citoyens et les élus locaux.

Par ailleurs, le Sénat a adopté le 23 novembre 2023 une proposition de loi (texte n° 437 2022-2023) d'Henri CABANEL visant à renforcer la culture citoyenne. Son article 6 crée dans le CGCT des garanties pour les étudiants élus aux conseils municipaux, départementaux ou régionaux, dans le déroulement de leurs études supérieures. Cet article crée des garanties d'aménagements dans le déroulement de leurs études supérieures pour les étudiants élus aux conseils municipaux, départementaux et régionaux. L'article précise notamment les aménagements possibles pour l'étudiant : ils peuvent porter sur l'emploi du temps, les modalités de contrôle des connaissances, la durée du cursus d'études, ou encore recourir à l'enseignement à distance et de manière générale aux technologies numériques.

La question de la reconnaissance de l'engagement des élus se pose aussi pour les 442 conseillers des Français de l'étranger qui siègent au sein de 160 conseils consulaires installés auprès des postes diplomatiques et consulaires. Leurs revendications vont, à titre d'illustration, du port de l'écharpe tricolore lors des manifestations officielles, à la définition d'un ordre protocolaire fondé sur les fonctions et qualités des conseillers des Français de l'étranger, ou encore à la prise de parole du président du conseil consulaire devant la communauté française à l'occasion de la fête nationale.


* 19 À titre d'exemple, la sénatrice Christine HERZOG, dans une question orale le 28/12/2017, soulignait déjà que « de nombreux habitants du département de la Moselle sont des travailleurs frontaliers en Allemagne ou au Luxembourg ; plusieurs centaines d'entre eux sont des élus locaux. Or les élus locaux d'un pays qui travaillent dans le pays voisin ne peuvent bénéficier ni du statut de l'élu local du pays où ils sont élus, ni du statut de l'élu local du pays où ils travaillent. ».

* 20

Pour plus de précisions, une note de la DGCL, publiée en 2022, explique le dispositif et les modalités de visioconférence introduit par la loi : https://blog.landot-avocats.net/wp-content/uploads/2023/07/Note-DGCL-visio-202207.pdf

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