C. UNE RECONSTRUCTION VOLONTARISTE MAIS ENCORE INACHEVÉE

Il ressort des auditions, déplacements et consultations organisés par la mission d'information une volonté unanime de procéder à une rapide reconstruction des bâtiments et des équipements publics dégradés lors de ces violences urbaines.

Outre les dispositions législatives issues de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 précitée et les indemnités versées par les assureurs, de nombreuses aides spécifiques ont été débloquées, aussi bien à destination des communes les plus touchées que des professionnels et des particuliers.

Lors de son discours du 26 octobre 2023 devant les maires des communes les plus touchées par les émeutes, la Première ministre, alors Elisabeth Borne, a ainsi annoncé l'engagement, par l'État, de 100 millions d'euros à destination des communes, afin de les « aider à la réparation et la reconstruction, en complément de l'indemnisation des assurances ».

Une somme supérieure à 50 millions d'euros a été engagée par les régions. La région Île-de-France a mis en place dès le 5 juillet 2023 un « fonds d'urgence » de 20 millions d'euros destiné à aider les communes ainsi que les professionnels victimes de dommages. Parmi cette somme, la région a indiqué en décembre 2023 avoir octroyé près de 12 millions d'euros d'aides financières ayant permis de financer des projets de reconstruction portés par 41 communes, dont 18 ont bénéficié d'une aide supérieure à 500 000 d'euros. La région Grand Est a quant à elle engagé 10 millions d'euros à destination des commerces et des mairies, la région Auvergne-Rhône-Alpes, 15 millions d'euros, la région Sud, 5 millions d'euros et la région Centre-Val de Loire, 1 million d'euros. Sans que le dispositif n'ait été chiffré, les régions Hauts-de-France, Normandie et Bourgogne-Franche-Comté ont également annoncé des aides à destination des artisans et des commerçants, notamment sous la forme d'avances remboursables ou de prêts à taux zéro.

Outre les régions et l'État, de nombreuses autres collectivités ont également débloqué des fonds, à l'instar de la métropole Aix-Marseille, qui s'est associée à la région Sud pour abonder de 5 millions d'euros le fonds de soutien « Solidarité commerces pillés ». De même, la métropole du Grand Paris a créé un fonds de soutien de 15 millions d'euros à destination des communes. Le département du Val d'Oise a quant à lui annoncé le versement d'une aide de 4,25 millions d'euros pour les communes du département victimes de dégradations.

Au total, hors fonds propres des communes mobilisés pour la reconstruction des bâtiments et des équipements publics, les aides publiques apparaissent supérieures à 200 millions d'euros.

Ces aides ainsi que la mobilisation des maires pour rétablir au plus vite le fonctionnement normal des services publics, en particulier des écoles, ont permis d'afficher un taux de réparation ou de reconstruction des bâtiments publics élevé compte tenu de l'ampleur des dégradations.

Lors de son discours précité du 26 octobre 2023, la Première ministre a indiqué que 60 % des bâtiments publics partiellement ou totalement détruits avaient été remis en état moins de six mois après les émeutes. Depuis lors, il n'a pas été produit par les services de l'État de nouvelles statistiques agrégées, mais les retours des communes interrogées par la mission d'information permettent d'estimer la part des bâtiments publics ayant été remis en état supérieure à 80  %. Plus précisément, l'immense majorité (approximativement 90 %) des communes interrogées par la mission d'information a indiqué ne pas avoir achevé les travaux de réhabilitation à la date du 1er mars 2024, les bâtiments restant à reconstruire se limitant cependant à une, deux ou, plus rarement, trois unités. La part de bâtiments restant à reconstruire correspond sans surprise aux bâtiments les plus dégradés qui nécessitent de lourds travaux, comme, à titre d'exemple, la pépinière d'entreprises de la commune de Saint-Fons (Rhône) ou le centre culturel Camille Claudel de Saint-Gratien (Val d'Oise) qui ont été incendiés pendant les émeutes.

Il appert donc que si la reconstruction est, plus de neuf mois après les émeutes, bien engagée, celle-ci est encore inachevée, certaines communes éprouvant notamment des difficultés à financer la reconstruction intégrale des bâtiments lourdement endommagés et ne tablant pas sur une réouverture avant, au plus tôt, fin 2025.

En outre, les formalités administratives liées à la reconstruction des bâtiments et équipements publics ont suscité un surcroît de travail pour les communes, auquel celles-ci n'ont pas nécessairement les moyens de faire face. Ainsi, le maire de Saint-Fons, Christian Duchêne, a estimé que l'aide en ingénierie de l'État serait nécessaire pour permettre aux services de la ville de mener à bien les formalités, notamment en matière de commande publique, liées à la réhabilitation des lieux détruits ou incendiés.

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