LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : mettre à jour la carte de l'éducation prioritaire (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 2 : intégrer des critères propres aux difficultés de la ruralité dans la future redéfinition de la cartographie de l'éducation prioritaire (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 3 : mettre en oeuvre une véritable progressivité des moyens consacrés à la politique d'éducation prioritaire pilotée au niveau académique, en refondant l'ensemble des dispositifs existants (cités éducatives, contrats locaux d'accompagnement, territoires éducatifs ruraux, REP et REP +) en un seul continuum de moyens alloués aux établissements selon certains indicateurs socio-économiques (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 4 : en vue d'une allocation plus ciblée des moyens, passer d'une logique de réseau à une logique d'établissement pour définir les établissements du premier degré relevant de l'éducation prioritaire (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 5 : renforcer le pilotage concerté entre le ministère de l'éducation nationale, le ministère chargé de la politique de la ville, les préfectures, les collectivités territoriales et les acteurs locaux de l'insertion concernant la politique de l'éducation prioritaire, sur le modèle des cités éducatives (ministère de l'éducation nationale, ministère chargé de la politique de la ville, collectivités, préfecture).

Recommandation n° 6 : étendre la liste des postes « à profil » de l'éducation prioritaire pouvant faire l'objet d'une procédure d'affectation spécifique par les académies (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 7 : revoir les modalités de définition de la quantité d'heures libérées pour les enseignants des REP + et renforcer la participation de ces enseignants au temps de travail collectif de l'établissement (ministère de l'éducation nationale).

Recommandation n° 8 : revoir les effectifs des classes dédoublées en grande section, CP et CE1, en vue de passer le nombre maximum d'élèves de 12 à 15 élèves par classe (ministère de l'éducation nationale).

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. L'ÉDUCATION PRIORITAIRE, UNE POLITIQUE ESSENTIELLEMENT URBAINE

A. DES RÉSEAUX D'ÉDUCATION PRIORITAIRE FIGÉS DEPUIS 2015

1. Les réseaux d'éducation prioritaire, une réponse devenue permanente à un besoin de pilotage de la politique de l'éducation prioritaire

L'éducation prioritaire est une politique du gouvernement, qui répond à l'un des objectifs décrits à l'article L.111-1 du code de l'éducation. Elle a ainsi « pour but de renforcer l'encadrement des élèves dans les écoles et établissements d'enseignement situés dans des zones d'environnement social défavorisé et des zones d'habitat dispersé ». Comme l'indique la circulaire1(*) du 1er juillet 1981, l'éducation prioritaire vise à « corriger l'inégalité par le renforcement sélectif de l'action éducative dans les zones et les milieux sociaux où le taux d'échec scolaire est le plus élevé ». En ce sens, la politique de l'éducation prioritaire permet de mobiliser des moyens supplémentaires dans les établissements considérés comme les plus socialement défavorisés, en vue de diminuer les inégalités scolaires subies par les élèves de ces établissements.

La politique de l'éducation prioritaire est née en 1982, avec la création de 363 zones d'éducation prioritaire, qui étaient conçues comme provisoires. Les zones d'éducation prioritaire ont pourtant été révisées et leur nombre a été augmenté à la rentrée 1990, passant à 558 zones.

Le modèle est revu à la rentrée 2006, où le collège devient « l'unité du réseau qu'il crée avec les écoles élémentaires et maternelles d'où proviennent les élèves »2(*). La moitié environ des anciennes zones d'éducation prioritaire deviennent des réseaux « ambition réussite » (RAR), le reste des réseaux de « réussite scolaire » (RRS).

À la rentrée 2011, l'essentiel des établissements relevant de l'éducation prioritaire intègrent le programme « écoles, collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite » (programme ECLAIR). L'objectif en est de donner davantage d'autonomie aux établissements et aux réseaux, en créant un professeur coordonnateur par niveau au collège, chargé des liens avec le premier degré et les parents. Ce programme permet de développer également la notion de poste à profil, soit des postes recrutés via une procédure spécifique requérant des compétences prédéfinies.

Entre 2014 et 2015, la politique de l'éducation prioritaire est refondée grâce à la circulaire3(*) du 4 juin 2014, en redéfinissant les critères de l'appartenance des établissements au réseau de l'éducation prioritaire. Le collège demeure « tête de réseau », les écoles primaires bénéficiant de la politique d'éducation prioritaire lorsque le collège de leur réseau est éligible. Les moyens alloués ont été davantage concentrés sur les réseaux d'éducation prioritaire renforcée (REP +). Les lycées ont été supprimés du dispositif.

De plus, un référentiel pédagogique a été redéfini, en lien avec la redéfinition des objectifs de la politique d'éducation prioritaire dans le code de l'éducation (article L.111-1).

La réforme avait également pour but de renforcer le pilotage de l'éducation prioritaire, que formalise une circulaire4(*) du 3 mai 2017, avec la création d'un référent académique placé auprès du recteur, ainsi que d'un comité de pilotage. L'objectif du référent est d'accompagner les équipes de terrain, et d'assurer des formations adaptées aux besoins. Le comité de pilotage se réunit deux à trois fois dans l'année, sous la présidence du recteur. C'est l'instance qui définit les moyens alloués et qui dresse un bilan des actions engagées.

Ainsi, près de 81 % des établissements scolaires classifiés « RAR » à la rentrée 2006 étaient labellisés « réseaux d'éducation prioritaire renforcés » (REP +) en 2015. Plus de 200 collèges, qui étaient absents précédemment de la géographie de l'éducation prioritaire, bénéficient de la labellisation de 2015, tandis que 189 collèges ne profitent plus de cette politique.

La politique de l'éducation prioritaire, initialement conçue comme provisoire, est devenue un outil permanent de résorption des inégalités scolaires.

2. La carte de l'éducation prioritaire n'a pas été révisée depuis 10 ans, contrairement aux engagements pris

L'intention initiale du gouvernement en 2015 était de procéder à des évolutions de la carte de l'éducation prioritaire tous les quatre ans, afin de se rapprocher de la réalité des territoires. Déjà à la rentrée 2015, certaines académies auraient pu bénéficier de réseaux plus nombreux, comme à Amiens ou en Guadeloupe, alors que d'autres académies auraient pu supprimer des réseaux d'éducation prioritaire, comme Bordeaux ou la Corse. À la rentrée 2023, les établissements classés REP ou REP + et non localisés dans l'un des QPV défini en 2015 scolarisaient 574 622 élèves.

Toutefois, comme le note la Cour des comptes, « la refonte de la carte de l'éducation prioritaire s'est avérée délicate », mettant en jeu des équilibres locaux subtils. La carte de l'éducation prioritaire n'a pratiquement pas été revue depuis dix ans. Les dynamiques territoriales des dix dernières années ne sont donc pas prises en compte, au détriment des territoires dont la situation socio-économique s'est dégradée.

Une telle inefficience dans l'allocation des moyens consacrés à l'éducation prioritaire est particulièrement regrettable.


* 1 Circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981.

* 2 Circulaire n° 2006-058 du 30 mars 2006.

* 3 Circulaire n° 2014-077 du 4 juin 2014.

* 4 Circulaire n° 2017-090 du 3 mai 2017.

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